Irena Hadžiabdić
La signature de l’Accord-cadre général pour la paix (ou Accords de Dayton) en 1995 a mis fin à la guerre qui ravageait le pays depuis 1992 et créé la Bosnie-Herzégovine, un État complexe composé de deux entités : la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, qui comporte dix cantons, et la République serbe de Bosnie (Republika Srpska). Doté d’une administration locale autonome, le district de Brčko jouit quant à lui d’un statut spécial. Par ailleurs, le Bureau du Haut Représentant, chef de file de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine, jouit de pouvoirs importants.
L’annexe 4 des Accords de Dayton (qui contient la Constitution de la Bosnie-Herzégovine) reconnaît les Bosniaques, les Croates et les Serbes comme des « peuples constitutifs (avec d’autres) », ces derniers étant les citoyens qui ne se définissent pas par leur nationalité. L’annexe 3 fournit à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) le cadre de la préparation, du suivi et de l’administration des premières élections depuis la fin de la guerre.
En Bosnie-Herzégovine, l’OSCE a administré au total six élections entre 1996 et 2000 et créé par la même occasion les institutions suivantes : Commission électorale provisoire (CEP), Sous-commission d’appel électoral (EASC), Commission d’experts des médias (MEC) et bureaux locaux de l’OSCE sur le territoire national. Des commissions électorales municipales ont été mises en place dans les municipalités.
La CEP a adopté des règles et règlements qui ont façonné le processus électoral, depuis l’inscription électorale jusqu’à la mise en œuvre des résultats. La Bosnie-Herzégovine a fini par adopter une loi électorale en 2001. La Commission électorale centrale de Bosnie-Herzégovine, un organisme indépendant qui rend des comptes à l’Assemblée parlementaire du pays, est responsable de l’administration électorale.
L’annexe 3 des Accords de Dayton, ainsi que les règles et les règlements de la CEP, sont les précurseurs de la législation électorale actuellement en vigueur. La loi électorale de la Bosnie-Herzégovine adoptée en 2011 a constitué une grande réussite. Elle est le fruit des efforts de la communauté internationale, de négociations entre les partis politiques et de la patience des citoyens bosniens.
Le système électoral de la Bosnie-Herzégovine est défini par certaines dispositions de la Constitution nationale et des constitutions des échelons inférieurs du gouvernement ainsi que par la loi électorale et treize autres lois au niveau de l’État et de ses entités constitutives.
Certaines dispositions des constitutions cantonales et des statuts des municipalités peuvent également être considérées comme faisant partie du système électoral national. Les principaux textes régissant la législation électorale sont les suivants :
Immédiatement après l’adoption de la loi électorale de la Bosnie-Herzégovine, la première commission électorale, autrement dit le sommet de la pyramide de l’administration électorale, a été créée en novembre 2001. Un secrétaire général a été nommé et une partie du personnel de l’OSCE doté d’une grande expérience de l’administration électorale a formé le noyau du tout nouveau secrétariat.
La Commission électorale de la Bosnie-Herzégovine (aujourd’hui baptisée Commission électorale centrale de la Bosnie-Herzégovine, CEC) compte sept membres. Jusqu’en 2006, certains d’entre eux étaient issus de la communauté internationale. Les commissions électorales, la commission du district de Brčko et les commissions électorales municipales constituent les échelons inférieurs successifs de l’administration électorale. Au bas de la pyramide se trouvent les comités des bureaux de vote nommés pour chaque élection sur proposition des partis politiques.
La composition des commissions électorales municipales doit être multiethnique, correspondre à la structure nationale des circonscriptions pour lesquelles elles ont été créées (sur la base du recensement de 1991, le dernier en date) et respecter la parité hommes-femmes.
L’importance et l’ampleur de ses compétences font de la CEC un modèle unique en son genre. En sus de ses responsabilités électorales, elle est autorisée à appliquer la loi sur les conflits d’intérêts (au niveau de l’État, dans la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et dans le district de Brčko) ainsi que la loi sur le financement des partis politiques. Conformément à la loi sur le Conseil des ministres, elle évalue également, à partir des informations communiquées, si les candidats aux postes de chef du gouvernement, de ministre et de ministre suppléant satisfont aux critères de nomination. Enfin, conformément à la loi sur l’Agence pour la prévention de la corruption et la coordination de la lutte contre la corruption, elle contrôle les candidats aux postes de directeur et de directeur adjoint de cet organisme.
Les principales tâches électorales de la CEC sont les suivantes : adoption de règlements relatifs à l’application de la loi électorale, responsabilité relative à l’exactitude des données, mise à jour et intégrité totale de la liste électorale centrale, vérification de l’éligibilité des candidats, vérification des listes de candidats, choix du contenu et de la forme des bulletins de vote, calcul, vérification et promulgation des résultats électoraux à tous les niveaux, coordination, suivi et réglementation de la légalité du travail effectué par l’ensemble des commissions électorales et comités de bureaux de vote, remise de certificats aux élus, gestion des statistiques électorales, éducation et information des électeurs.
La CEC compte sept membres : deux représentants de chacun des peuples constitutifs (bosniaque, croate et serbe) et un représentant des autres citoyens. Ils sont choisis par le Parlement dans une liste de candidats constituée par une commission parlementaire spéciale après exécution du processus public d’annonce de postes à pourvoir, et nommés pour un mandat de sept ans renouvelable. Chacun d’entre eux en assume la présidence à tour de rôle pendant 21 mois. La République serbe de Bosnie a été dotée d’une commission, contrairement à la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine.
Les commissions électorales municipales comptent trois, cinq ou sept membres selon le nombre d’électeurs inscrits sur la liste électorale centrale. Elles sont constituées ou révoquées par le conseil municipal après approbation de la CEC, sur la base d’une annonce publique de poste à pourvoir.
Composés de trois à cinq membres, les comités de bureaux de vote sont mis en place pour chaque élection, sur proposition des partis politiques.
Le secrétariat de la CEC emploie plus de 70 agents permanents, majoritairement des fonctionnaires, qui assurent l’appui logistique et administratif.
Les fonds alloués à la CEC sont prévus par les obligations internationales et dans le budget des institutions bosniennes. Ceux destinés aux commissions des échelons inférieurs sont prélevés sur les budgets de la République serbe de Bosnie, de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, des cantons et des municipalités.
La loi électorale de la Bosnie-Herzégovine dispose que la CEC gère de manière indépendante les fonds destinés à l’exercice de ses compétences et à l’administration des élections dans les limites de l’enveloppe budgétaire approuvée. Toutefois, le versement tardif des fonds a fragilisé plusieurs fois l’administration électorale. Ainsi, le non-respect à plusieurs reprises de la date limite légale du versement des fonds nécessaires aux élections, à savoir 15 jours après l’annonce du scrutin, a mis en danger leur organisation (par exemple, Travnik en août 2011 et Novi Grad Sarajevo en mars 2012).
En complément des fonds budgétaires, la CEC a financé l’amélioration des élections à l’aide de fonds de donateurs tels qu’USAID, le Conseil de l’Europe, l’OSCE, IDEA international et certaines ambassades situées à Sarajevo. De nouvelles technologies électorales ont été introduites, telles que la synthèse électronique des résultats, l’évaluation du risque encouru par le processus électoral et la mise en place d’un système d’information électoral intégré. Au fil du temps, la CEC a réussir à obtenir des fonds sur le budget des institutions de Bosnie-Herzégovine pour améliorer le processus électoral.
Le rapport annuel sur l’application des lois relevant de la compétence de la CEC est soumis à l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine. Il contient des conclusions et de nombreuses recommandations en rapport avec l’amélioration des élections et des lois connexes. Tous les rapports annuels et recommandations antérieurs de la CEC ont été présentés au Parlement et ont servi de point de départ aux différents débats sur les amendements et les addenda à apporter aux lois relevant de sa compétence.
En outre, le Bureau d’audit de l’État contrôle périodiquement les activités de gestion de la CEC. À ce jour, celle-ci se voit décerner tous les ans une évaluation positive au titre du respect du processus d’appels d’offres ainsi que des procédures d’achat et de paiement, un fait rare pour une institution publique de Bosnie-Herzégovine.
La protection des droits électoraux est assurée par les commissions électorales et la division des appels de la Cour de Bosnie-Herzégovine. Les électeurs dont les droits (tels que définis dans la loi électorale) ont été bafoués peuvent saisir la commission électorale dans les 48 heures suivant les faits. Les commissions électorales municipales sont des organes de première instance chargés de statuer sur les demandes relatives aux infractions aux règles de conduite commises lors des campagnes électorales, sauf si les faits relèvent de la compétence de la CEC, c’est-à-dire dans les cas suivants : entrave à l’exercice du métier de journaliste, discours incitant à la violence ou à la haine, déclaration mensongère pour le compte d’un candidat, violation du silence électoral ou utilisation de moyens de communication nationaux ou internationaux pour influencer les électeurs.
L’action de la CEC en matière d’appels et de demandes peut être jugée parfaitement réglementaire et légale. Sur tous les appels portés devant la Cour de Bosnie-Herzégovine en sa qualité de juridiction de deuxième instance, 97 % des décisions en rapport avec les élections générales de 2010 ont été entérinées.
Conformément à la loi électorale, la CEC élabore chaque année un plan et un programme de formation à l’administration électorale à l’intention des agents élus et nommés ainsi que des candidats. La formation planifiée est habituellement menée à son terme, bien que le manque de fonds empêche parfois de mettre totalement en œuvre certains segments.
En années électorales, les membres des commissions électorales municipales participent à la formation normale. Ceux des commissions électorales des municipalités où se déroule l’élection anticipée du maire doivent faire de même.
Le personnel du secrétariat de la CEC prend part à un programme de formation visant à maintenir un niveau élevé de professionnalisme chez les fonctionnaires et les employés ainsi qu’à des séminaires organisés par l’Agence du service public de la Bosnie-Herzégovine.
Des conférences et d’autres événements similaires menés en coopération avec le secteur non gouvernemental de la Bosnie-Herzégovine contribuent également au développement professionnel des agents électoraux. L’Association des administrateurs électoraux de la Bosnie-Herzégovine (AEOBIH) constitue le partenaire majeur en la matière. Fruit d’un projet commun, un code de conduite à l’intention des membres des comités de bureaux de vote et de leurs suppléants a été adopté en 2011. Les tâches, les difficultés et les perspectives de l’administration électorale sont également analysées lors de conférences conjointes organisées après chaque élection.
Des moyens formels reconnus tels qu’Internet, les conférences de presse, déclarations et communiqués de presse font connaître les activités de la CEC et assurent la liberté d’accès aux informations. Les médias n’ont encore jamais saisi les tribunaux contre la CEC pour des problèmes d’accès aux informations. Conformément à la loi électorale nationale, la Commission a adopté des règles concernant la mention des candidats dans les médias entre l’annonce des élections et le jour du scrutin. La règle de base est une mention équitable et égale de tous les candidats. L’Agence de régulation des communications de Bosnie-Herzégovine, qui contrôle le respect des règles par les médias électroniques, n’a constaté aucune violation grave à ce jour. Le Conseil de la presse de Bosnie-Herzégovine suit la presse écrite et les médias en ligne et joue le rôle de médiateur entre les lecteurs et ces médias.
La CEC a noué de nombreux contacts avec les délégations d’autres pays en vue d’un partage des expériences concernant les dernières tendances en matière d’élaboration de systèmes électoraux. Elle a également mis en place d’excellentes relations de coopération avec le secteur non gouvernemental en Bosnie-Herzégovine et en Europe.
La coopération avec les organismes et les ministères nationaux chargés de la gestion des archives officielles du processus électoral, mais aussi avec des partenaires internationaux, représente une part importante des activités de la CEC.
Afin de renforcer ses compétences conférées par la loi, la CEC aurait besoin d’un appui renforcé tant sur le plan financier que sur celui du renforcement des capacités de ses ressources humaines.
Depuis 2011, la CEC s’efforce d’améliorer son travail et d’introduire de nouvelles technologies dans le processus. L’une des principales étapes à cet égard a été le passage à l’inscription passive des électeurs en 2006 et le lancement d’un système d’information électoral intégré (IEIS). La CEC doit poursuivre le développement de sa structure informatique, clore la troisième et dernière phase du projet IEIS et s’assurer que les institutions bosniennes prévoient dans leur budget les fonds nécessaires à sa maintenance.
Afin d’exercer son droit à soumettre des recommandations adéquates à l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine, la CEC participe à des groupes de travail parlementaires intersectoriels consacrés à la modification des lois relevant de sa compétence. Elle est donc en mesure de contribuer à l’amélioration de la législation électorale, mais la décision finale incombe au Parlement. Par conséquent, tout dépend de la volonté des partis politiques et de l’atteinte d’un éventuel consensus entre eux.
Au fil de son développement, la CEC a réalisé des progrès notables dans plusieurs domaines : développement professionnel de son personnel, formation des commissions électorales des niveaux inférieurs, amélioration de l’éducation et de l’information des électeurs (notamment expatriés et catégories spéciales telles que nouveaux électeurs, femmes et électeurs présentant des besoins spéciaux), préparation dans les délais des textes administratifs, réforme du processus d’inscription électorale et mise en œuvre des nouvelles technologies. La transformation réussie de cette institution internationale en institution nationale constitue un exemple pour toute la région.
Néanmoins, certaines contraintes entravent son action. Comme la loi électorale ne fixe pas de sanctions pour le non-respect des délais relatifs à la mise en place du gouvernement, la CEC se voit contrainte de préparer de nouvelles élections alors même que toutes les obligations de la précédente n’ont pas été remplies.
Il convient par ailleurs de prêter davantage attention au financement des élections en cas d’insuffisance des moyens financiers des commissions électorales municipales. Il convient donc de définir des moyens d’assurer le versement de fonds afin que les élections puissent se dérouler sans heurts.
Bibliographie
COMMISSION ÉLECTORALE CENTRALE DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE,Report on Implementation of the Laws under Jurisdiction of the BiH CEC for 2004-2011 [Rapport sur l’application des lois relevant de la compétence de la CEC de la Bosnie-Herzégovine entre 2004 et 2011], disponible sur : http://www.izbori.ba
Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine, Accords de paix de Dayton, USAID
Loi électorale de la Bosnie-Herzégovine
Loi sur l’élection, la révocation, le rappel et le remplacement des maires dans la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine
Loi électorale de la République serbe de Bosnie
Loi électorale du district de Brčko
Loi sur les conflits d’intérêts dans les institutions gouvernementales de Bosnie-Herzégovine
Loi sur les conflits d’intérêts dans les institutions gouvernementales du district de Brčko
Loi sur le conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine
Loi sur le financement des partis politiques