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Costa Rica : le Tribunal suprême électoral

Luis Antonio Sobrado González et Ileana Aguilar Olivares

Contexte

Le Tribunal suprême électoral (Tribunal Supremo de Elecciones, TSE) constitue l’une des principales innovations institutionnelles de la Constitution politique du Costa Rica de 1949. Face à une situation au cours de laquelle le mépris des élections avait conduit à la guerre, les électeurs ont décidé de créer un organisme électoral supérieur qui préserverait son indépendance et son professionnalisme. Le modèle costaricien d’organisation électorale a marqué un tournant dans le droit public d’Amérique latine, en ce qu’il a techniquement accordé au TSE le statut de quatrième pouvoir de l’État, au même niveau que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Cadre juridique institutionnel

L’action du TSE est prévue par les lois nationales en vigueur, selon la hiérarchie établie par la législation électorale (voir l’article 3 du Code électoral) : Constitution politique, accords internationaux en vigueur, lois électorales, règlements, directives et communiqués de presse publiés par le Tribunal, statuts des partis politiques enregistrés et autres dispositions prévues par les règlements et les statuts des partis.

Les règles non écrites, telles que la jurisprudence électorale, les principes généraux du droit, les principes du droit électoral et les coutumes, font également partie du corpus de règles applicables établi par le pouvoir judiciaire et possèdent la même valeur que les normes qu’elles interprètent (et qu’elles délimitent ou dont elles font partie). Elles s’appliquent à tous, à l’exception du TSE. Par conséquent, les modifications des critères de jurisprudence doivent s’appuyer sur un raisonnement motivé, et toutes les parties intéressées doivent en être informées en bonne et due forme.

Mission et fonctions

Conformément à son contexte philosophique, la mission du TSE consiste à organiser et arbitrer des processus électoraux transparents et fiables, capables de favoriser une coexistence démocratique et de fournir des services d’identification et de registre d’état civil aux citoyens costariciens.

À cette fin, le TSE exerce quatre fonctions principales :

  1. Administration électorale : il organise, dirige et contrôle tous les actes relatifs aux suffrages ;
  2. Registre d’état civil : il délivre les pièces d’identité et enregistre et atteste tous les événements relatifs à l’état civil (naissance, adoption, mariage, divorce, décès, naturalisation) ;
  3. Compétence juridictionnelle : rompant avec le schéma classique du monopole juridictionnel dévolu au pouvoir judiciaire, la Constitution politique de 1949 a octroyé au TSE le pouvoir de prononcer des résolutions non susceptibles de recours dans le domaine électoral ;
  4. 4. Formation à la démocratie :il promeut les valeurs démocratiques et la participation civique par l’élaboration et l’exécution de programmes de formation, ainsi que par des recherches et des publications sur des thèmes relatifs à la démocratie et aux élections s’adressant aux employés électoraux, aux partis politiques, aux étudiants et aux citoyens en général.

Structure institutionnelle

Le TSE est la plus haute autorité en matière électorale et administrative. Il dispose de 32 bureaux régionaux dans tout le pays et supervise directement plusieurs autres bureaux. Il est composé de trois juges de carrière et de trois magistrats suppléants, qui doivent remplir les mêmes critères que les juges de la Cour suprême de justice. La Cour nomme les magistrats du TSE pour six ans par le biais d’un concours ouvert au public au cours duquel les mérites professionnels et universitaires des candidats sont évalués, sans intervention des partis politiques ou du Parlement. En période électorale, le Tribunal est composé de cinq juges.

Financement

Le TSE est intégralement financé par des fonds publics. Son budget institutionnel tient compte des besoins de l’ensemble de ses activités fonctionnelles et opérationnelles. Le budget est présenté aux autorités du ministère des Finances et approuvé par le pouvoir législatif.

Responsabilité

Le cadre philosophique qui régit le TSE intègre la transparence comme une attitude tendant constamment vers la justice, l’impartialité, la vérité, l’objectivité, l’ouverture d’esprit et la responsabilité. La loi de finances attribue des fonds publics au TSE tous les ans, et tous les contrats et paiements sont soumis au contrôle et à la révision du Contrôleur général de la République (Contraloría General de la República), un organe constitutionnel auxiliaire du Parlement chargé des questions relatives à la supervision du Trésor public.

Le TSE est également membre d’un Réseau interinstitutionnel de transparence, dont l’objectif est de favoriser l’accès des citoyens aux informations relatives à l’administration des fonds publics par le biais de ses publications sur Internet.

Le TSE publie sur son site Internet tous les comptes rendus de ses sessions, son budget institutionnel, ses informations financières, le détail de ses achats et acquisitions, des informations sur les salaires versés ainsi que son rapport d’activité annuel. Ce dernier est présenté tous les ans, publiquement, aux autorités locales et aux citoyens.

Professionnalisme des agents électoraux

Depuis sa création, le TSE recrute et forme son personnel afin de garantir des élections transparentes et efficaces, respectant les normes les plus exigeantes de l’organisation électorale. En raison de la modernisation constante des processus électoraux, les employés bénéficient d’une formation continue.

Le TSE a instauré depuis longtemps un processus d’évaluation du personnel lié à un programme de perfectionnement professionnel et d’évolution de carrière, dans l’optique de développer un vivier de professionnels de l’administration électorale. La stabilité et le professionnalisme du personnel électoral constituent l’un des atouts de l’administration électorale costaricienne.

Outre son personnel régulier, le TSE engage des employés électoraux temporaires pour effectuer certaines tâches administratives (assistants électoraux et Conseil national des délégués [Cuerpo Nacional de Delegados]). Pour qu’ils puissent exercer leurs fonctions, le TSE les forme dans tous les domaines concernant le processus électoral, la réglementation en vigueur et la logistique électorale.

Rapports avec les médias

Le Code électoral réglemente les instituts de sondage et la diffusion de la propagande électorale dans les médias de masse, ce qui confère au TSE un certain contrôle dans ce domaine.

  • Seuls les entreprises et les médias de masse préalablement inscrits auprès du TSE peuvent fournir des services de propagande électorale. Ils doivent garantir l’égalité de traitement de tous les partis politiques participant au processus électoral. Les instituts de sondage et d’enquête doivent également s’inscrire auprès du TSE.
  • Toute publicité est interdite en période de Noël (du 16 décembre au 1er janvier) et dans les trois jours précédant le jour du scrutin.
  • La publication ou la diffusion de sondages et d’enquêtes concernant le processus électoral sont interdites pendant les trois jours précédant le jour du scrutin. Le directeur d’une organisation de média de masse enfreignant cette règle est passible de sanctions pécuniaires.

Concernant les processus de référendum, la réglementation prévoit que les médias de masse informent chaque semaine le TSE des spots publicitaires négociés par les participants à l’élection et des personnes responsables de la publication. Ils doivent également faire état de la tarification applicable et de ses éventuelles modifications.

Il est important de souligner que le TSE n’a aucun contrôle sur le contenu de la propagande électorale. Par conséquent, les personnes qui seraient offensées par leur contenu doivent s’adresser à l’instance judiciaire compétente.

Il est également important de noter qu’en vertu d’une disposition de la loi n° 1758 dite « loi sur la radio », lorsque des élections ont été convoquées, le TSE bénéficie chaque semaine d’un temps d’antenne gratuit de 30 minutes sur les stations de radio et chaînes de télévision commerciales pour prodiguer des conseils sur des thèmes culturels et civiques.

Rapports avec les autres institutions

La Constitution politique de 1949 confère au TSE le rang d’organe constitutionnel financièrement et fonctionnellement indépendant des trois autres pouvoirs de l’État. Par conséquent, ses relations avec les autres institutions d’État sont celles d’un quatrième pouvoir.

Le TSE peut former des alliances avec des institutions nationales et internationales partageant des objectifs institutionnels apparentés. Il compte parmi ses principaux collaborateurs au Costa Rica le ministère de l’Éducation, l’Institut national des femmes (Instituto Nacional de las Mujeres), les universités publiques, le système judiciaire et le Contrôleur général de la République (Contraloría General de la República). Au niveau international, il est en relation avec IDEA international, le PNUD, l’OEA, la Fondation Konrad Adenauer et l’Institut interaméricain des droits de l’homme (IIDH), pour ne citer qu’eux.

Le TSE est également membre de l’Association des organismes électoraux d’Amérique centrale et des Caraïbes (Asociación de Organismos Electorales de Centroamérica y del Caribe, protocole de Tikal) et de l’Union interaméricaine des organismes électoraux (Unión interamericana de Organismos Electorales, UNIORE), deux institutions qui favorisent l’échange d’informations et la coopération entre leurs membres.

Gestion des nouvelles technologies

Le TSE dispose d’une Direction générale de stratégie technologique (Dirección General de Estrategia Tecnológica), chargée de promouvoir et d’élaborer d’ambitieux projets informatiques afin d’améliorer les processus et les services électoraux assurés par l’institution. Les principaux projets en cours visent notamment à automatiser les processus de la Direction générale du registre d’état civil (Dirección General del Registro Civil), à mettre en place un système d’information géographique électoral et à renforcer le système de délivrance des pièces d’identité.

Gestion de la réforme électorale

En vertu de la Constitution, le TSE doit être consulté avant toute adoption par le Parlement d’une loi relative à des questions électorales. Si une décision parlementaire va à l’encontre des souhaits du TSE, ou si celui-ci n’est pas consulté, la loi électorale ne pourra être adoptée qu’avec le soutien des deux tiers au moins des membres du Parlement. La Constitution prévoit en outre que le Parlement ne peut adopter aucune loi liée aux élections sans l’accord du TSE pendant les six mois qui précèdent et les trois mois qui suivent une élection populaire.

Le Code électoral actuellement en vigueur est le fruit d’une proposition présentée par le TSE au Parlement. La proposition de loi a connu de nombreux retards et modifications pendant deux mandats législatifs ; toutefois, un consensus politique a fini par approuver le nouveau code en 2009. Il constitue un net progrès pour le système électoral costaricien, avec l’inclusion d’un vaste chapitre consacré à la justice électorale, la réglementation de la démocratisation interne des partis politiques, l’instauration de la parité et de l’obligation de parvenir à l’égalité des sexes, l’amélioration des mécanismes de contrôle du financement des partis, la création du registre électoral et de l’Institut de formation et d’études sur la démocratie (Instituto de Formación y Estudios en Democracia, IFED) au sein du TSE ainsi que l’autorisation du vote à distance à compter de l’élection de 2014.


Bibliographie

Code électoral 2009, Ley n. 8765 ,, República de Costa Rica 

IDEA international, Experiencias de reforma política y electoral en Colombia, Costa Rica y México desde la perspectiva comparada latinoamericana [Perspectives latino-américaines comparées sur les expériences de réforme électorale et politique en Colombie, au Costa Rica et au Mexique], Stockholm : IDEA international, 2009

Tribunal Supremo de Elecciones, Informe de Labores 2011 [Rapport d’activité 2011], San José : TSE, 2012