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République des Seychelles : mise en place d’une nouvelle Commission électorale

Marie-Thérèse Purvis

Contexte

Les Seychelles sont devenues une république indépendante en 1976, sous la direction d’une coalition gouvernementale nouvellement élue regroupant les deux principaux partis politiques de l’époque. Un an plus tard, ce gouvernement était renversé par un coup d’État mené par le Parti populaire uni seychellois, qui a établi une Constitution à parti unique en 1979. L’Assemblée nationale a été dissoute, puis remplacée par une Assemblée du peuple à parti unique, dont les membres ont été sélectionnés lors d’une élection générale la même année. D’autres élections générales (présidentielle et législative) à parti unique ont eu lieu en 1987 et 1991.

Le pays est revenu à une démocratie multipartite au début des années 1990, avec l’adoption par référendum d’une nouvelle Constitution en 1993. Ce changement a nécessité la nomination d’un commissaire électoral indépendant chargé d’établir et de tenir à jour les listes électorales, de délimiter les circonscriptions, de superviser les campagnes électorales, d’organiser les élections et d’enregistrer les partis politiques. Selon la nouvelle Constitution, les élections présidentielles et législatives ont lieu tous les cinq ans, sur la base du suffrage universel.

Les appels aux réformes électorales suite aux élections générales de 2007 et 2011 ont donné lieu à un sixième amendement à la Constitution de 1993, qui a remplacé le poste de commissaire électoral par une Commission électorale (CE) en 2011. L’une des missions de la CE était de recommander des réformes électorales visant à renforcer la démocratie.

Cadre législatif

Outre les dispositions constitutionnelles qui sont à l’origine de la CE et précisent les modalités des élections présidentielles et législatives, deux autres lois fondamentales définissent le cadre juridique électoral aux Seychelles. La loi électorale de 1995 régit l’inscription des électeurs, l’organisation des élections présidentielles et législatives, ainsi que les modalités de référendum. La loi sur les partis politiques (enregistrement et réglementation) de 1991 attribue à la CE la fonction de responsable du registre des partis politiques, au titre de laquelle elle doit tenir à jour ce registre, allouer des fonds publics aux partis et rendre compte de ses activités à l’Assemblée nationale. La section 3 de la loi sur l’ordre public de 1959 traite du contrôle des rassemblements publics, y compris des conventions et des réunions publiques des partis politiques. Les autres réglementations découlant de la loi électorale sont notamment le règlement sur le comité électoral consultatif de 2010 et le règlement électoral de 2006, qui traitent des questions de signalétique et de l’utilisation des véhicules gouvernementaux dans le cadre des activités électorales.

Structure institutionnelle

La CE est composée de cinq membres (une femme et quatre hommes) qui sont des professionnels indépendants et qui ne défendent les intérêts d’aucun parti politique ou gouvernement. Ils sont nommés pour une durée de sept ans renouvelables.

La Commission des nominations constitutionnelles (Constitutional Appointments Authority, CAA) a diffusé les postes vacants, conformément à l’article 115a de la Constitution, puis a adressé des recommandations au président de la République, qui a nommé les cinq membres, dont un président. Ce dernier est le seul membre à plein temps de la Commission. Il dirige le secrétariat de la CE, qui compte quatre autres membres permanents. D’autres agents électoraux sont recrutés de manière temporaire en période électorale ou à des fins spécifiques telles que l’inscription des électeurs.

Le système électoral des Seychelles étant de taille réduite, la Commission est chargée à la fois des décisions politiques liées au processus électoral et de la supervision de sa mise en œuvre. Elle est indépendante de tout ministère ou service gouvernemental. Elle agit de manière autonome et gère son propre budget, pour lequel elle est redevable uniquement devant le ministère des Finances et le contrôleur général. Chaque année, la Commission rend compte à l’Assemblée nationale de la conduite de toutes les élections dont elle est responsable et du financement public des partis politiques.

Pouvoirs et fonctions

Comme le prévoient la Constitution, la loi électorale et la loi sur les partis politiques, la CE est chargée de s’assurer que toutes les personnes éligibles sont en mesure d’exercer leur droit à se présenter aux élections et que tous les électeurs ont accès au système électoral :

  • en tenant le registre national des électeurs ;
  • en informant les électeurs sur le système électoral et les élections ;
  • en tenant un registre des partis politiques ;
  • en assurant l’enregistrement des candidats aux élections ;
  • en supervisant la conduite des campagnes électorales ;
  • en gérant l’accès aux médias publics aux fins de campagne ;
  • en examinant et en ajustant les circonscriptions ;
  • en formant le personnel électoral ;
  • en conduisant les élections présidentielles, les élections législatives et les référendums conformément au cadre juridique ;
  • en rendant compte de l’administration des élections et des référendums à l’Assemblée nationale ;
  • en formulant régulièrement des recommandations de réforme au gouvernement.

Financement

La Commission est financée par des fonds publics. Chaque année, le président soumet un budget au ministère des Finances, selon la même procédure que les autres ministères ou services gouvernementaux. Tous les coûts escomptés sont normalement couverts. Les budgets pour les élections sont préparés séparément et toutes les dépenses électorales sont couvertes par le Fonds consolidé du revenu.

Responsabilité

La CE est pleinement redevable de l’utilisation des fonds publics devant le ministère des Finances. Ses comptes sont également vérifiés par le contrôleur général. En tant que responsable du registre des partis politiques, la Commission rend également compte chaque année à l’Assemblée nationale du financement public des partis politiques et de toutes les élections organisées. Elle peut être poursuivie en justice par tout individu ou parti politique se prétendant lésé.

Professionnalisation

Les membres de la Commission et le personnel du secrétariat participent à des programmes de formation régionaux et in-ternationaux ainsi qu’à d’autres activités de formation professionnelle. Ces activités sont souvent le fruit de contacts avec des organisations régionales et internationales actives dans les domaines de la gestion électorale et de la promotion de la démocratie. Les membres de la CE participent également à des missions d’observation électorale dans la région et ailleurs.

Certaines formations destinées au personnel temporaire chargé de l’administration électorale sont menées en période électorale. Cependant, la CE ne dispose toujours pas d’un programme de formation professionnelle coordonné pour l’ensemble de ses membres et de son personnel.

Rapports avec les médias et les autres institutions et agences

La loi électorale régit l’accès aux médias publics aux fins de campagne et la Commission s’assure que tous les candidats et partis bénéficient du même temps d’antenne sur la radio et la télévision nationales. Elle n’exerce cependant aucun contrôle sur les opportunités de campagne via les médias privés, bien que les partis politiques et les candidats acceptent généralement de suivre un code de conduite électoral volontaire. La CE collabore avec la Commission des médias, une organisation relativement récente qui élabore actuellement un code de déontologie applicable aux médias locaux. À l’époque du système de parti unique, les médias étaient totalement contrôlés par le gouvernement. Cet héritage ne disparaît que progressivement.

La CE travaille en étroite collaboration avec différents ministères et services gouvernementaux, notamment les services des statistiques, de l’état civil, de l’immigration, mais également des technologies de l’information et de la communication. Il est relativement facile pour la Commission de communiquer avec les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sur les questions liées aux élections et à la réforme électorale, si elle le juge nécessaire.

La CE fait partie du Forum des commissions électorales des pays de la SADC (Electoral Commissions Forum of SADC countries, ECF-SADC) et ses membres participent activement aux programmes de formation professionnelle qu’il organise. Elle entretient des rapports étroits avec le Secrétariat du Commonwealth et a accueilli des observateurs issus de ces organisations ainsi que de groupes locaux.

Nouvelles technologies

Un registre électronique des électeurs est mis à jour chaque année. La CE envisage de créer des cartes d’identification biométriques et d’utiliser des lecteurs de codes-barres et les bases de données SIG existantes pour recenser les électeurs, ce qui améliorerait grandement la précision des listes électorales.

Gestion de la réforme électorale

La CE a été chargée de mener des réformes électorales, en particulier d’examiner la législation en vigueur régissant les questions électorales et de formuler des recommandations au gouvernement. Ce processus a débuté en octobre 2011 avec la création d’un forum de réforme électorale comprenant des représentants de la société civile et de tous les partis politiques enregistrés, et avec l’adoption d’une feuille de route consensuelle visant à orienter ses actions. Il a été décidé qu’en règle générale, les décisions du forum seraient prises par consensus. La CE a recueilli les opinions des électeurs par le biais d’une série de réunions publiques régionales et d’autres voies de communication directe. Les délibérations du forum sur la réforme électorale étaient ouvertes au public et de nombreuses questions ont également été reprises par les médias locaux.

Après avoir examiné l’ensemble de la législation relative aux élections, en 2012, la CE a soumis au président une première série de recommandations sur la section 3 de la loi sur l’ordre public. Les recommandations concernant les autres lois ont été transmises au gouvernement en 2013. Celles-ci avaient pour objectif principal de renforcer le processus démocratique régissant les élections aux Seychelles.

Les principaux axes de réforme proposés sont les suivants :

  • promulgation de nouvelles lois permettant aux citoyens d’exercer leur droit à se rassembler pacifiquement dans les espaces publics sans autorisation préalable de la police ;
  • organisation d’élections dans les 90 jours suivant la démission ou le décès d’un président ;
  • institutionnalisation d’un recensement régulier des électeurs afin de garantir la précision constante des listes électorales ;
  • simplification des procédures de nomination des candidats aux élections ;
  • encadrement et contrôle du financement des campagnes ;
  • obligation de divulguer les sources de financement des campagnes ;
  • simplification des procédures d’enregistrement des partis politiques ;
  • examen des critères de soutien financier aux partis politiques et divulgation publique du financement des partis politiques.

En chargeant la CE nouvellement nommée de mener ces réformes, le gouvernement s’est, d’une certaine manière, engagé à les mettre en œuvre. Pour se concrétiser, les recommandations portant sur des modifications de la loi doivent cependant être validées par l’Assemblée nationale. Le soutien du gouvernement reste cependant un élément crucial de ce processus. La Commission est également en mesure de jouer un rôle de plaidoyer relativement fort dans le processus de réforme.

Égalité des sexes

La CE défend le respect du principe d’égalité des sexes dans l’ensemble de ses principes, procédures et activités. Pourtant, bien que la majorité des agents électoraux soient des femmes et que les femmes représentent la majorité des électeurs dans la plupart des groupes d’âge, leur participation sur la scène politique nationale (notamment en tant que parlementaires, responsables gouvernementales ou responsables de partis politiques) reste relativement faible par rapport à celle des hommes. Les femmes sont moins nombreuses à siéger aux comités exécutifs des partis politiques et les partis nomment généralement plus de candidats que de candidates. L’argument qui est souvent mis en avant est que « les meilleurs candidats » sont sélectionnés quoi qu’il en soit. Cependant, l’hypothèse sous-jacente indéfendable est que, dans la mesure où la majorité des membres des comités et des candidats sont des hommes, ceux-ci sont inévitablement les meilleurs candidats.

Il est clair que la CE doit davantage intégrer l’égalité des sexes dans ses activités d’éducation des électeurs et ses programmes de proximité ainsi que dans ses pratiques générales.

Défis et opportunités

La taille réduite du pays (qui compte environ 60 000 électeurs sur un nombre total de 88 000 habitants) a l’avantage de faciliter l’accès, de raccourcir les distances hiérarchiques entre la population et ses représentants élus, et d’offrir de meilleures possibilités de changement. Cependant, la nature fortement dispersée de l’archipel, la gouvernance démocratique émergente et l’engagement pour l’instant limité des citoyens débouchent sur une situation unique et présentent des défis spécifiques pour la nouvelle CE. Le processus consultatif récent concernant la réforme électorale a renforcé la position de la Commission en tant qu’organisme indépendant et l’a aidée à gagner la confiance de l’ensemble des parties prenantes. Pour réussir à concrétiser les changements qui devraient contribuer à consolider la démocratie par le biais du processus électoral, la Commission devra s’appuyer sur ces forces au cours des cinq prochaines années de son mandat.