Il est vital de protéger l’intégrité des pièces à conviction en matière d’application des lois. Si l’intégrité d’un élément est mise en doute, son utilisation au cours d’une procédure judiciaire peut être remise en cause et cela peut permettre à des coupables d’échapper à des poursuites.
Les pays dans lesquels l’État de droit est établi disposent d’un cadre de règles et de procédures qui précisent comment les pièces à conviction doivent être recueillies, utilisées et conservées. Les preuves ne sont admissibles en justice que si ces règles ont été suivies. Les accusés bénéficient de droits procéduraux qui les protègent contre toute modification des pièces à conviction visant à manipuler l’issue d’une enquête ou d’un procès.
Pour protéger l’intégrité de l’application des lois, il est important que toute personne appelée à manipuler des pièces à conviction au cours d’une enquête connaisse et respecte les règles relatives à l’admissibilité des éléments de preuve.
Saisie légale de preuves matérielles
Des procédures particulières doivent être suivies pour obtenir des preuves matérielles. L’enquêteur doit d’abord informer le suspect de ses droits. Dans la plupart des systèmes juridiques, les suspects ont le droit de ne pas s’incriminer eux-mêmes. Ils ne sont donc pas obligés de donner aux enquêteurs des informations ou des pièces à conviction qui pourraient être utilisées contre eux. Si un suspect fournit de son plein gré les documents ou les renseignements demandés alors qu’il n’y est pas obligé, les enquêteurs sont tenus de veiller à ce que le suspect signe une déclaration de renonciation à ce droit. Cette obligation permet de veiller à ce que les suspects comprennent leurs droits et à ce qu’ils ne puissent pas déclarer par la suite qu’ils en ont été privés.
Si une personne refuse de fournir des informations, les enquêteurs peuvent demander un mandat de perquisition à un juge. Ce mandat permet aux enquêteurs d’effectuer des recherches d’éléments de preuve.
Pour protéger leur intégrité, les documents rassemblés doivent généralement être répertoriés. Dans la plupart des systèmes, il est délivré un reçu officiel au propriétaire des documents. Cette personne a parfois également le droit de conserver une copie des papiers saisis.
Protection des pièces à conviction
Des procédures adaptées de manipulation et de stockage des pièces à conviction permettent de veiller à ce qu’elles ne soient pas modifiées ou perdues. Voici un exemple de procédures destinées à protéger ces pièces :
Saisie de documents électoraux
Les documents électoraux englobent les listes électorales, les demandes de bulletins d’absents, les feuilles de pointage, les protocoles de centralisation et tout autre document utilisé au cours d’une élection. Peuvent aussi s’y ajouter les dossiers administratifs de l’organisme de gestion électorale, notamment les dossiers du personnel, les fiches de pointage des employés, les registres d’utilisation des véhicules officiels, les registres des stocks dans les entrepôts et autres documents utilisés à des fins d’administration électorale.
Concernant la saisie des documents électoraux, le problème est qu’ils sont souvent nécessaires au bon déroulement des élections. Un conflit peut surgir entre la nécessité de recueillir des pièces à conviction et celle de conserver ces documents afin de mener à bien le processus électoral.
Dans d’autres cas, les tribunaux ou d’autres institutions peuvent déterminer si une allégation est suffisamment grave pour compromettre la totalité du processus électoral. La nécessité de garantir l’intégrité des opérations par le biais d’une enquête immédiate peut alors prévaloir sur les besoins immédiats liés aux élections.
Dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, les élections parlementaires de 2002 s’étaient déroulées sans incident notable, alors qu’il s’agissait des premières élections après une guerre civile relativement brève, mais violente, entre factions d’origine albanaise et macédonienne. (Ce succès était dû en grande partie à l’adoption d’un nouveau mode de scrutin, la représentation proportionnelle régionale, qui avait tendance à atténuer la rivalité politique entre des partis représentant des groupes d’ethnies différentes.) Les résultats obtenus du côté des Macédoniens de souche ayant favorisé le parti social-démocrate (SDSM), le Premier ministre, issu du parti nationaliste au pouvoir (VMRO-DPMNE), a commencé par accepter la défaite de son parti. Peu après, cependant, sous l’impulsion du ministre Ljube Boškoski [1], le ministère de l’Intérieur a lancé plusieurs enquêtes qui ont soumis les administrateurs électoraux à une pression considérable.
Des forces de police en uniforme et en civil, parfois lourdement armées, ont ainsi exigé de pénétrer dans l’imprimerie qui avait fourni les bulletins de vote pour le scrutin et de la perquisitionner. Les responsables du VMRO-DPMNE affirmaient que des bulletins supplémentaires avaient été imprimés et qu’une partie du matériel électoral avait pu être détruite. Il s’en est suivi des poursuites pénales à l’encontre des principaux responsables électoraux, dont le président de la SEC. D’autres documents électoraux ont été également exigés, parmi lesquels les comptes rendus des réunions de la SEC. Pour les observateurs internationaux, ces actions constituaient une tentative d’influencer le processus électoral par l’intimidation et un abus du pouvoir de l’État à des fins partisanes [2]. Elles ont également été décrites comme une violation du Document de Copenhague publié par l’OSCE/BIDDH en 1990 [3].
[1] Indépendamment de cela, M. Boškoski a été inculpé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie pour crimes de guerre en qualité de supérieur hiérarchique, crimes pour lesquels il a été acquitté. Il a par la suite été poursuivi et condamné pour financement illicite d’une campagne électorale, lors des élections parlementaires organisées en 2011 dans l’ex-République yougoslave de Macédoine.
[2] OSCE/BIDDH, Final Report, Parliamentary Elections, 15 September 2002, Former Yugoslav Republic of Macedonia (Varsovie, 20 novembre 2002), p. 16-18
[3] Document de la Conférence sur la dimension humaine de la CSCE (Copenhague, 29 juin 1990). En vertu du paragraphe 5.4, les États participants ont accepté d’établir « une séparation claire entre l’État et les partis politiques ; en particulier les partis politiques ne pourront se confondre avec l’État ».