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Méthodes de promotion de la démocratie au sein des partis politiques

Les méthodes de promotion de la démocratie au sein des partis politiques

Danielle Gaudet, July 12. 2016

Hallberg, le 29 avril 2008

 

Cette question a été soulevée par Tim Meisburger, membre du Réseau des experts. Pour voir son profil, veuillez cliquer sur le lien « Membres du réseau des experts » situé à gauche sur la page Espace de travail.

 

Il existe au moins deux approches pour encourager la démocratie interne des partis politiques : l’une est de nature promotionnelle et l’autre, juridique ou réglementaire. Pourrais-je avoir des exemples de pays ayant adopté la seconde approche, c’est-à-dire des mesures juridiques ou réglementaires. Y a-t-il des documents ou des publications qui examinent précisément cette question ?

 

Introduction

Exemple de réglementation constitutionnelle en matière de démocratie interne des partis

 

Constitution espagnole, article 6 :

 

« Les partis politiques expriment le pluralisme politique, ils contribuent à la formation et à la manifestation de la volonté populaire et sont un instrument fondamental de la participation politique. Ils sont créés et agissent librement dans la mesure où ils respectent la Constitution et la loi. Leur structure interne et leur fonctionnement doivent être démocratiques. »

 

On entend par démocratie interne des partis politiques le degré d’inclusion des membres du parti dans la prise de décisions et les délibérations au sein du parti, et les méthodes employées à cet égard. La démocratie interne des partis à généralement la réputation de soutenir les compétences politiques des citoyens ou de former des représentants plus compétents qui, à leur tour, assurent l’élaboration de programmes plus solides et de meilleures politiques.

 

Bien que l’on pense généralement que les partis devraient appliquer les principes qu’ils prônent, certains sceptiques soutiennent qu’une trop grande démocratisation pourrait nuire aux promesses électorales des partis et affaiblir leur pouvoir de direction interne. (Scarrow, 2005)

 

Dans de nombreux pays, le fonctionnement interne des partis est régi par la loi. Tel que le décrit l’article sur le fonctionnement interne des partis politiques de l’encyclopédie ACE, la réglementation peut comprendre, par exemple, les règles de nomination des candidats, les élections internes pour les postes de direction et la représentation des femmes et des minorités à la direction du parti. Même si la loi reconnait la nécessité de culture démocratique dans les partis politiques, Norris (2004) souligne que la démocratie interne des partis n’a pas été la priorité de la communauté internationale :

 

« Cette négligence à l’égard de la vie interne des partis politiques peut s’expliquer par le fait que selon la théorie libérale, on a longtemps reconnu les partis politiques comme des organismes privés devant avoir le droit de se faire librement concurrence sur le marché politique et de régir leurs structures et processus internes. L’on considérait alors toute législation de l’État ou toute intervention externe des organismes internationaux comme étant potentiellement nuisible, et ce en raison du fait qu’elles faussaient ou éliminaient la concurrence des partis pluralistes » (Norris 2004). [Traduction]

 

Selon Noris (2004), le processus de nomination est l’un des principaux enjeux de la démocratie interne des partis. En d’autres termes, il s’agit des personnes qui décident des citoyens pouvant se porter candidats à une élection fédérale pour un parti en particulier et de la façon dont ils sont élus. Selon l’auteur, la démocratie de ces processus dépend du degré de centralisation, c’est‑à‑dire, de l’ampleur des pouvoirs accordés aux organismes locaux, régionaux et nationaux dans le processus de nomination. Ensuite, il considère également le degré de participation : plus il y a de gens impliqués dans le processus, plus ce dernier est démocratique. Enfin, il souligne l’importance de l’étendue des possibilités dans la prise de décision, c’est-à-dire le nombre de candidats en concurrence. Pour ce qui est du processus de nomination, seulement quelques pays disposent d’une loi à ce sujet. En effet, selon la plupart des systèmes juridiques, les partis ont le droit de choisir les processus et les règlements qui leur conviennent (Norris, 2004).

 

Les points exposés ci‑dessus en matière de candidature de députés sont les même pour la nomination du chef d’un parti. Tout comme l’on considère le principe de représentation équitable comme étant essentiel à la relation entre les électeurs et le parlement, la représentation et la médiation entre les différentes sections et sous‑sections de la direction d’un parti peuvent être considérées comme une condition préalable à la démocratie.

 

Finalement, afin de renforcer la démocratie interne des partis, bon nombre de pays ont intégré dans leurs lois des mesures stratégiques sous la forme de quotas. Cela signifie qu’un certain pourcentage de candidats nommés ou élus pour représenter un parti doit appartenir à un genre, à une minorité ethnique ou à un groupe particulier. Les quotas les plus courants sont les quotas de genre. Ils définissent le pourcentage minimum de candidates ou de députées dont le parti doit encourager la candidature ou la nomination comme chef.

 

Bien qu’une réglementation sur le comportement démocratique interne puisse, dans certains cas, être imposée aux partis politiques, par exemple au moyen de lois constitutionnelles ou électorales, ce sont, la plupart du temps, les lignes directrices et les règlements des partis qui déterminent l’importance de la démocratie interne. Dans la prochaine section, grâce à la contribution de nos experts électoraux, nous donnons des exemples concrets de pays qui possèdent des réglementations juridiques en matière de démocratie interne et précisions certains de ces exemples. Enfin, nous fournirons des sources d’information pertinentes et d’autres ressources utiles.

 

Résumé des réponses – Les pays ayant des dispositions juridiques prévoyant la démocratie interne des partis

Selon l’analyse comparative sur la réglementation de la démocratie au sein des partis politiques rédigée par Anika Gauja (2006), des pays tels que le Royaume‑Uni[1], les États‑Unis et l’Australie étaient réticents à imposer des réglementations externes aux organismes politiques en raison des fortes traditions libérales existantes. En Nouvelle‑Zélande, la législation impose des mesures de présélection démocratique des candidats. Cependant, il n’existe aucun document prouvant l’application de cette réglementation.

 

Alan Wall souligne que l’Allemagne constitue un exemple de réglementation sur la démocratie interne des partis. D’ailleurs, cette réglementation fut d’abord adoptée pour donner suite aux pressions de la communauté internationale et convaincre le reste du monde que le pays s’opposait à toute forme de fascisme et de totalitarisme. Ce contexte a mené à la réglementation sur la démocratie interne concernant l’enregistrement des partis, la nomination des candidats et l’élection des chefs de parti, laquelle est toujours présente aujourd’hui (Sundberg 1997, 98-99). De même, en Finlande, en raison de la peur du communisme soviétique, tous les organismes politiques étaient régis par la loi. La Constitution de 1917 a également interdit tout organisme communiste. Bien que le contexte politique finlandais actuel soit très différent, les deux élites politiques et le public ont toujours reconnu les règlements sur la nomination des candidats, l’élection des chefs de parti et les règles démocratiques internes, dont le champ d’application s’est étendu au fil du temps: elles sont actuellement régies par la Loi sur les partis politiques. Tel que le décrit l’expert Debashis Sen, en Inde, on met plutôt l’accent sur l’enregistrement des nouveaux partis. Chaque parti qui souhaite s’enregistrer officiellement doit accepter de respecter les principes de la démocratie. Il incombe également à la Commission électorale de s’assurer que la réglementation des partis renferme les dispositions adéquates pour assurer la démocratie au sein des partis politiques. En ce qui concerne l’application des règlements, Sen mentionne le cas d’un parti qui a dû changer sa constitution après avoir tenté d’élire à vie l’un de ses membres fondateurs. Des partis ont également été radiés après ne pas avoir tenu d’élections démocratiques pour des postes de direction.

 

Dans certains cas, il se peut que les règlements actuels sur la démocratie interne des partis soient inefficaces s’ils ne sont pas appliqués. L’expert Magnus Ohman a constaté cette réalité au Ghana et en Sierra Leone où les organismes d’application de la loi (la Commission électorale du Ghana et la Commission d’enregistrement des partis politiques de la Sierra Leone) ne tentaient pas d’appliquer les dispositions. Le manque de capacité des différents organismes est l’un des aspects problématiques. Le second est l’écart des partis politiques par rapport à la culture démocratique. Le Nigeria constitue un autre exemple où la démocratie interne des partis est réglementée dans la constitution, ce qui permet notamment de rendre obligatoire les courses à la direction. Cependant, puisque les « parrains » demeurent une figure de proue dans les politiques internes des partis politiques,  les procédures sont souvent ignorées. De plus, lorsque les règlements sont respectés, les parrains ont des moyens de les contourner ou de les influencer afin d’obtenir des résultats en leur faveur. (IDEA, 2005)

 

L’Espagne, le Venezuela, le Portugal et le Népal disposent également de règlements régissant la démocratie interne des partis en matière de nomination, de direction et de prise de décisions internes (Gauja, 2006). En Australie, à ce jour, seul l’État du Queensland a adopté des règlements en matière de démocratie interne des partis. La nécessité d’une plus grande transparence et d’une responsabilisation accrue au moyen des lois des partis australiens est un sujet qui a toutefois été  abordé, comme en témoignent les analyses intéressantes d’Anika Gauja (disponible ici) et de Laurie McGrath (ici).

 

Les quotas de genre obligatoires tel que ceux appliqués au Venezuela et au Népal, sont également imposés en Belgique, en France et dans de nombreux pays d’Amérique latine. Les quotas de minorités ethniques sont encore plus exceptionnels et ne s’appliquent habituellement qu’aux communautés autochtones et aux minorités nationales de longue date plutôt qu’aux immigrants. (Norris, 2004)

 

Sources

 

Constitution espagnole. Disponible ici.

 

Gauja, Anika. Enforcing democracy? Towards a regulatory regime for the implementation of intra-party democracy, Democratic Audit of Australia, Document de discussion 14/06 Disponible ici.  

 

International IDEA. 2005. Nigeria: Country Report Based on Research and Dialogue with Political Parties, Stockholm, IDEA. Disponible ici.

 

Norris, Pippa. 2004. Building political parties: Reforming legal regulations and internal rules, Stockholm, IDEA. Disponible ici.  

 

Scarrow, Susan. 2005. Implementing Intra-Party Democracy, Political Parties and Democracy in Theoretical Perspectives Series, Washington, NDI. Disponible ici.

 

Sundberg, Jan. 1997. « Compulsory Party Democracy: Finland as a Deviant Case in Scandinavia », Party Politics, volume 1, p. 97-117.

 

Ressources connexes

Lectures suggérées

 

EISA. 2008, Promoting Intra-Party Democracy in Lesotho: Training Manual, Johannesburg, EISA. Disponible ici.

 

EISA. 2008. Political Parties Programme Handbook, chapitre 3, Johannesburg, EISA. Disponible ici.

 

Janda, Kenneth. 2005. Adopting Party Law, Political Parties and Democracy in Theoretical Perspectives Series, Washington, NDI. Disponible ici.

 

McGrath, Laurie. Law Reform and Political Party Registration, Australian Electoral Commission, Article de recherche, Queensland. Disponible ici.

 

National democracy institute (NDI), 2008, Minimum Standards for the Democratic Functioning of Political Parties, Washington, NDI. Disponible ici.

 

Netherlands Institute for Multipary Democracy (NIMD). 2004. A Framework for Democratic Party-Building, Hague, NIMD. Disponible ici.

 

Reilly, Benjamin et Per Nordlund (éd.). 2008. Political Parties in Conflict-Prone Societies: Regulation, Engineering and Democratic Development, New York, United Nations University Press. Disponible ici.

 

Saif, Ahmed Abdulkareem. Yemeni party law: A comparative perspective. Disponible ici.

 

Suri, K.C. (éd.). 2007. Political Parties in South Asia: The Challenge of Change, chapitre 5, Stockholm, IDEA. Disponible ici.

 

Réglementation de démocratie interne des partis

 

État du Queensland, Australie : Réglementation électorale, disponible ici.

 

Belgique : Loi électorale, disponible ici. Des renseignements supplémentaires sur les quotas de genre en Belgique sont disponibles ici.

 

Finlande : Loi sur les partis politiques, disponible ici.

 

France : Des renseignements supplémentaires sur les quotas de genre obligatoires en France sont disponible ici.

 

Allemagne : Loi sur les partis politiques, disponible ici.

 

Népal : Constitution provisoire de 2007, articles 141 et 142, disponible ici. Des renseignements supplémentaires sur les quotas de genre au Népal est disponible ici.

 

Nigeria : Constitution du Nigeria, sections 221-229, disponible ici.

 

Portugal : Loi qui régit les partis politiques, Article 5, disponible ici.

 

Espagne : La constitution espagnole, disponible ici.

 

Venezuela : Loi sur les partis politiques (en espagnol), disponible ici.

 

Cette réponse collective a été rédigée en collaboration avec Maija Karjalainen

 

Nous remercions les membres suivants pour leur contribution à cette réponse :

 

Marija Babic

 

Laurie McGrath

 

Tim Meisburger

 

Magnus Ohman

 

Debashis Sen

 

Alan Wall

 

Sam van der Staak

 

 

 

 

 



[1] Page disponible en anglais seulement. C’est le cas pour la plupart des hyperliens.

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