Lignes directrices du PNUD en matière de prévention de la violence électorale
Les lignes directrices du PNUD en matière de prévention de la violence électorale
Danielle Gaudet, 2016 Julio 20 15:51
Facilitator – Stine Larserud, le 13 juin 2007 à 09 h 20
Question initiale
Timothy Sisk et moi rédigeons présentement un travail pour le Oslo Governance Centre (OGC) du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement). Ce travail, dédié aux employés des bureaux du PNUD, consiste à rédiger des lignes directrices afin de mieux comprendre les liens entre la violence électorale et la gouvernance; les conséquences de la violence électorale sur la gouvernance et le développement; et la nécessité d’une plus grande appréciation de la façon dont les programmes d’aide électorale internationale peuvent être améliorés de manière à gérer et à prévenir les conflits futurs.
Nous nous intéressons particulièrement aux études de cas ou aux descriptions (histoires) de programmes et d’interventions très efficaces. Nous vous invitons à nous faire par de vos réflexions, leçons, pratiques, idées et littératures sur les questions suivantes :
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Comment peut-on mieux anticiper la violence reliée aux élections et mettre en place des programmes de prévention de conflits afin d’atténuer leur apparition et d’endiguer leur escalade?
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Quels types d’intervention les acteurs internes et externes peuvent-ils mener pour atténuer la violence reliée aux élections et ainsi renforcer les mesures atténuant les conflits dans le cadre des processus électoraux et accroître leur capacité à renforcer la légitimité et à améliorer l’efficacité de la gouvernance?
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Comment les organismes d’appui électoral peuvent-ils permettre « d’adopter des conditions politiques, sociales et économiques sous-jacentes dans une société qui engendre et alimente la violence », et de développer une approche de gestion axée sur les processus menant à la consolidation de la paix, à l’édification de la nation, au développement et au soutien démocratique, une approche qui favorisera la prévention des conflits tel que le préconisent certains spécialistes.
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Quels types d’approches permettant d’évaluer les processus électoraux antérieurs aideront à transformer l’apport positif en nouvelles initiatives?
Résumé des réponses
Distinguer les différents types de violence électorale
Comme la plupart des experts qui ont contribué à la réponse l’ont souligné, la violence constitue l’une des plus grandes menaces aux élections libres et démocratiques, particulièrement pour les démocraties naissantes et émergentes. Toutefois, Ilona Tip signale également que les élections sont de nature contradictoire puisqu’elles constituent une lutte de pouvoir. Pourtant, tel qu’il est mentionné dans le Zoom sur les élections et la sécurité, « L'émergence de la violence électorale ne résulte pas d'un processus que l’on suit, mais bien du refus de se conformer aux règles encadrant le processus. » [Traduction]
Avant d’élaborer des stratégies pour atténuer la violence électorale, il faut d’abord faire la distinction entre les différents types de violence. Carl Dundas établit une distinction entre la violence manifestée par des acteurs qui perturbent les élections, car ils ne veulent pas qu’elles aient lieu, et la violence engendrée par la rivalité entre les partis et les candidats se présentant aux élections.
Dans le cas où le premier type de violence se produit, les forces de sécurité nationale peuvent se mobiliser et cibler les obstructionnistes. Le Dr Noor Mohammed attire l’attention sur le type de conflit où certains partis ne s’entendent pas sur la pertinence ou le moment opportun de tenir des élections. Pour ce genre de conflit, il suggère aussi de recourir à la force d’une part et à l’éducation civique de l’autre. Quant à Ilona Tip, elle considère que les perturbations actives du processus électoral par des candidats concurrents et le refus de participer aux élections ont été causées soit par la peur des dirigeants de perdre le pouvoir, soit par la nature des négociations antérieures, lesquelles étaient perçues comme étant biaisées, par exemple en raison de mesures comme la délimitation des circonscriptions.
Le second type de violence que mentionne Dundas, la violence engendrée par la rivalité entre les candidats, peut être contrôlé par d’autres mesures telles que des codes de conduites pour les partis politiques, accompagnés de sanctions sévères contre la violence électorale; d’intenses programmes d’éducation civique sur les campagnes électorales et le scrutin; ainsi que des activités et des programmes spéciaux visant à préparer les partis et les candidats à un échec électoral. En outre, les organisations communautaires et les citoyens peuvent aider à prévenir les deux types de violence et devraient assumer un rôle de premier plan dans l’élaboration de stratégies et de programmes de prévention de la violence électorale. De même, les organismes de gestion électorale jouent un rôle dans l’établissement de structures pour tous les intervenants qui participent aux élections, particulièrement pour les partis politiques et les organisations de sociétés civiles, lesquelles peuvent également servir de plateforme de discussions sur des mesures préventives. Le tout doit se dérouler dans le cadre d’un système transparent. En fournissant des exemples spécifiques de l’Afrique du Sud et de la Zambie, Ilona Tip énonce également la nécessité que les codes de conduite soient réglementés et signés par les partis et les autres intervenants clés puisqu’ils ont le pouvoir de servir de mécanismes de gestion des conflits.
D’ailleurs, le Dr Noor Mohammed présente un autre aspect de la violence électorale : la période du cycle électoral durant laquelle la violence survient, c’est-à-dire avant, durant ou après la période électorale. Les conflits qui ont lieu au début de la période électorale sont souvent liés aux processus d’inscription des électeurs et au fait qu’ils sont perçus comme étant biaisés et inéquitables. Un processus d’inscription des électeurs transparent et une éducation civique pourraient atténuer ces conflits. Le Dr Mohammed suggère également l’inscription obligatoire, plutôt que facultative, puisque lorsqu’elle est facultative, des électeurs admissibles pourraient se voir empêcher de s’inscrire, ce qui pourrait alors intensifier les situations de conflit. En outre, il affirme que l’on devrait accorder une attention particulière à la délimitation des circonscriptions et à l’emplacement des bureaux de vote, de sorte que l’on réponde aux besoins des électeurs dans les régions rurales et éloignées. Il affirme aussi que si les électeurs sont rattachés à des bureaux de vote en particulier et que des allégations de fraude surviennent pendant ou après les élections, les mêmes électeurs pourraient aller voter de nouveau au même bureau.
En se penchant sur des enjeux postélectoraux, Michael Meadowcroft préfère rendre les résultats des élections publics en plus d’inviter les représentants des partis politiques à signer les feuilles de résultats. Selon lui, une copie de ces résultats signée et affichée pourrait être essentielle pour dissuader les dirigeants des partis de nier les résultats. Quant à Tip, elle croit que la légitimité et l’impartialité des organismes de gestion électorale, des organismes de surveillance, des tribunaux et des organismes de résolution de conflits sont d’autres éléments déclencheurs de violence. Le Dr Mohammed suggère de promouvoir la transparence et de mettre de l’avant diverses initiatives pour accroître la confiance de différents intervenants : les candidats, les partis politiques, les sociétés civiles, les groupes de surveillance électorale, etc. Un mécanisme de résolution de conflit efficace est également de mise.
En outre, Ilona Tip souligne l’importance de prendre en compte le contexte politique et historique des élections, de sorte que l’on pourrait anticiper certains enjeux et les régler de façon proactive. En effet, dans de nombreux cas, la violence liée aux élections est contextuelle et peut être anticipée, notamment dans les pays qui ont connu de longues expériences de conflits et de violence armée ou dans les pays où les tensions et les conflits font partie intégrante du climat politique, et ce parfois en raison de différends qui n’ont pas été réglés lors d’élections antérieures. Elle souligne également d’autres éléments déclencheurs possibles de violence électorale tels que la législation restrictive, les médias d’État disponible aux partis, les allégations de fraude et de scrutins truqués ainsi que le harcèlent des électeurs par la police et les forces armées.
Les programmes et stratégies visant à prévenir la violence électorale
Afin de réduire la violence électorale, Therese Laanela suggère trois stratégies ou programmes à mettre en œuvre sur tous les niveaux, c’est-à-dire sur l’échelle nationale ainsi que dans tous les bureaux de vote. Plus précisément, elle insiste sur l’importance des responsables électoraux dans les circonscriptions, qui peuvent se déplacer pour régler des problèmes le jour du scrutin et qui savent mieux que quiconque ce qui peut arriver sur le terrain avant, après ou pendant les élections.
Ces trois aspects, qui pourraient être intégrés aux lignes directrices contre la violence électorale comprennent :
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Des programmes de formation : la formation du personnel des bureaux de vote devrait être plus interactive (activités de rôles, création de scénarios) afin d’accroître la capacité du personnel à gérer efficacement les plaintes le jour du scrutin avant qu’elles ne dégénèrent en conflits;
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Un dialogue entre les intervenants : un dialogue entre les partis politiques, les organismes de gestion électorale, les organismes des droits de la personne, les forces de la sécurité, etc. pour conclure un accord sur les règles du jeu, mais aussi pour élaborer un engagement et des relations (échange d’informations, réunions régulières, planification des mesures d’urgence). Les efforts de dialogue, qu’ils soient centralisés ou non, sont essentiels, car ils assurent la résolution de conflits dans les circonscriptions et le respect des codes de conduite par tous les acteurs.
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Des processus de plaintes efficaces et crédibles : Des plaintes non résolues représentent l’un des principaux éléments déclencheurs de la violence électorale, en particulier, par exemple en ce qui concerne l’enregistrement des partis. Ainsi, les mécanismes employés pour les gérer doivent être efficaces.
De plus, Ilona Tip met l’accent sur l’importance des mécanismes de règlement des différends électoraux efficaces et mentionne des cas tels que l’Afrique du Sud, où des tribunaux électoraux permanents spéciaux ont été mis en place pour examiner les décisions de la Commission électorale indépendante. Les audiences sont tenues à mesure que les questions électorales surviennent. La Cour vise donc à remédier au besoin d’une justice électorale rapide.
Aleida Ferreyra , quant à elle, fait valoir les excellents programmes pour contrer la violence et gérer les élections au Guyana , où le Social Cohesion Program, créé dans le cadre de l’assistance électorale, comprend de nombreux domaines et intervenants dans la prévention de la violence électorale tels que l’aide aux partis politiques, les organismes de gestion électorale, la commission des relations ethniques, la police, etc.
Tip met la lumière sur les comités de liaison des partis politiques introduits dans différents endroits tels qu’en Afrique du Sud ou sur différents plans (local à national) afin de minimiser les conflits électoraux. Pour ce faire, ces comités offrent la chance aux partis politiques de se lier à la commission sur les processus électoraux. Ils servent de forums consultatifs qui encouragent et promeuvent la transparence et la responsabilisation du travail des organismes de gestion électorale. En discutant des enjeux concernant les autres partis, de la législation électorale et d’autres sujets controversés, ces forums servent à résoudre les conflits avant que les partis n’aient recours à la violence.
Un autre modèle, développé par EISA et la Commission électorale indépendante de l’Afrique du Sud, établit un Comité de gestion des conflits, dans lequel les médiateurs, provenant de communautés respectives, sont sélectionnés par les intervenants: il peut s’agir de chefs religieux, d’avocats, de personnes qui appartiennent à différentes ethnies ou groupes religieux; de jeunes; de femmes; de membres de la société civile ou d’universitaires. Les médiateurs sont présentés aux partis politiques, lesquels les acceptent et les forment pour contrer la violence électorale sur tous les plans et à tout moment pendant élections
Le modèle de gestion des conflits a été utilisé dans différents endroits comme en Afrique du Sud en 1999, en République démocratique du Congo (RDC) en 1996, au Lesotho en 2002 et en Zambie en 2006. Ce modèle a été si fructueux dans le cas de la RDC que le pays a eu recours à ces médiateurs qualifiés pour résoudre des conflits communautaires, y compris les conflits internes, les différends territoriaux et d’autres problèmes communautaires.
De plus, Debashis Sen mentionne différentes méthodologies basées sur le cas de l’Inde, notamment des endroits à risque, où l’on marque les zones qui ont un historique de violence et l’on déploie des forces de sécurité dans ces zones; un échéancier électoral divisé par étapes si les forces de sécurité adéquates ne sont pas disponibles; une observation intensive de la part des observateurs indépendants de sorte que chaque bureau de vote soit vérifié au moins une fois le jour du scrutin; une reprise automatique du vote si la violence se produit; l’application de la loi, et ce des semaines avant le scrutin, au moyen de défilés militaires, du regroupement des criminels et de l’exécution de mandats d’arrestation.
De nombreux organismes ont déjà élaboré des outils et des méthodologies spécifiques pour surveiller et éliminer la violence électorale. Tihana Blanc mentionne la méthodologie Election Violence Education and Resolution (EVER) de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) qui recensent les incidents de violence électorale tout au long du processus électoral. Ces incidents sont décortiqués en éléments spécifiques tels que les motifs, les victimes, les auteurs, les interventions et les répercussions de la violence. À la suite d’une analyse approfondie, des tendances sont observées et des résultats sont présentés aux commissions électorales, aux organismes gouvernementaux, aux forces de sécurité et aux autres intervenants pertinents, qui doivent élaborer des interventions afin de prévenir et d’atténuer davantage la violence électorale. Une partie de la méthodologie est reliée à la surveillance et à la publication des interventions. La méthodologie EVER a été appliquée dans plusieurs cas tels qu’au Ghana, au Guyana en 2006 et au Kirghizistan en 2004. Cependant, comme Blanc le souligne, pour qu’EVER réussisse, de nombreux critères doivent être respectés.
Comme bon nombre d’experts le soulignent, il serait bénéfique pour tout programme dont le but est de prévenir la violence électorale de cibler l’ensemble du cycle électoral.
L’introduction d’une variété de mesures peu avant le jour du scrutin n’est jamais ou presque jamais suffisante. Bien que la violence électorale ne soit pas tolérée par aucun des experts, Michael Meadowcroft se questionne sur son effet réel sur les résultats des scrutins, surtout dans les cas où le taux de violence est faible.
Je tiens à remercier les membres suivants pour leur contribution à cette réponse :
Autres sources
ACE Focus on Elections and Security
IFES Elections Today (2004): Focus on Elections During Conflict