Le financement public est l’octroi par l’État ou le gouvernement de fonds ou d’autres ressources aux partis politiques ou aux candidats. Il est souvent stipulé que les partis et les candidats doivent avoir un accès équitable aux fonds publics, mais les règles régissant leur répartition ne sont pas toujours fixées explicitement dans la loi et lorsqu’elles le sont, on accuse souvent (à tort ou à raison) le parti ou les candidats au pouvoir de faire un usage impropre des ressources publiques. Par ailleurs, le cadre juridique peut également être conçu de manière à encourager la création et la pérennité d’un système multipartite. La surveillance continue exercée par un organisme gouvernemental combinée à un contrôle public (société civile) utilisant les compétences des OSC peuvent améliorer le suivi et la divulgation complète des financements, en transcendant les barrières politiques et conformément au souhait de transparence totale et d’équité dans le financement des campagnes.[1]
Le financement public peut être direct ou indirect, selon le mode de mise à disposition des fonds.
Il est direct s’il est remis aux partis politiques ou aux candidats sous forme d’argent – le plus souvent par virement bancaire, mais parfois par chèque ou en espèces.
Il est indirect s’il s’agit de ressources non monétaires fournies par le gouvernement aux partis ou aux candidats.
Arguments contre le financement public
Les opposants au financement public des partis ou des candidats invoquent souvent les arguments suivants :
- Le financement public déconnecte les élites politiques (direction des partis, candidats) des citoyens ordinaires (membres des partis, sympathisants, électeurs).
Lorsque les partis et les candidats n’ont plus besoin de l’argent (cotisations, dons) ni du travail bénévole de leurs membres ou sympathisants, ils risquent de moins les consulter sur les décisions ou le programme du parti.
- Le financement public est facteur de statu quo, car il maintient au pouvoir les partis et candidats en place.
Les fonds publics sont souvent accordés aux partis et candidats déjà représentés à l’assemblée législative. Cela peut désavantager les forces politiques débutantes, qui ont ainsi plus de mal à accéder au pouvoir. Toutefois, la législation peut pallier ce risque en accordant des subventions spéciales aux nouveaux partis ou candidats.
- Le financement public implique l’obligation pour les contribuables de soutenir des partis ou des candidats dont ils ne partagent pas les idées.
Beaucoup estiment que les contribuables ne devraient pas être obligés de soutenir – par l’intermédiaire du Trésor public – des partis politiques ou des candidats pour lesquels ils ne voteraient jamais. Au contraire, ils devraient pouvoir choisir s’ils souhaitent ou non financer un parti ou un candidat.
- Le versement de fonds publics aux partis ou aux candidats réduit le budget consacré aux écoles ou aux hôpitaux, au profit de riches politiciens.
Le financement public des partis et des candidats est souvent impopulaire. Les ressources publiques sont rares et utiles dans de nombreux domaines : écoles, hôpitaux, route, salaire des fonctionnaires, etc. Pour beaucoup, l’utilisation de fonds publics au profit des partis et des candidats n’est absolument pas une priorité.
- Les partis et les candidats sont à la fois ceux qui prennent la décision et qui reçoivent les fonds.
La décision d’accorder des fonds publics aux partis ou aux candidats est le plus souvent prise par l’assemblée législative (ou parfois par le gouvernement). C’est-à-dire que les partis et les candidats qui recevront l’argent sont aussi ceux qui prennent la décision.
- Les partis politiques risquent de devenir des organes étatiques plutôt que des composantes de la société civile.
Si la totalité ou une grande partie de leur financement vient de l’État plutôt que de contributions volontaires, les partis risquent de perdre leur indépendance et de devenir des organes de l’État, tout en perdant leurs liens avec la société civile.
Arguments en faveur du financement public
La majorité des pays accorde, sous une forme ou une autre, des fonds publics aux partis ou aux candidats. Aussi convaincants que soient les arguments ci-dessus, d’autres militent plutôt en faveur du financement public.
- Le financement public représente un coût naturel et nécessaire de la démocratie.
Les partis politiques et les candidats ont besoin d’argent pour faire campagne, rester en contact avec leurs électeurs, établir leur programme et payer leurs employés. Par conséquent, les pays qui veulent des partis stables ou des candidats indépendants doivent être prêts à les aider financièrement.
- Le financement public permet de réduire l’influence des dons intéressés et de combattre ainsi la corruption.
Lorsque les partis et les candidats reçoivent au moins une partie de leur financement de l’État, cela limite le risque qu’ils acceptent l’argent de donateurs intéressés, cherchant à influer sur leur politique ou leur vote à l’assemblée législative.
- Grâce au financement public, l’État peut encourager ou exiger des changements, par exemple demander au parti de présenter un certain nombre de femmes aux élections.
Les dons privés sont parfois accompagnés d’exigences concernant le comportement du parti ou du candidat. De même, l’État peut utiliser les fonds publics pour équilibrer les chances ou encourager (voire obliger) les partis à entreprendre des réformes, à organiser des élections internes ou à présenter un certain nombre de candidats issus de groupes sous-représentés (femmes, jeunes, minorités ethniques).
- Le financement public peut accroître la transparence du financement des partis et des candidats et aider ainsi à lutter contre la corruption.
Lorsque les partis et les candidats reçoivent une grande partie de leur financement de l’État, il est plus facile de les obliger à divulguer leurs recettes et dépenses. Et si leurs états financiers sont rendus publics, les électeurs peuvent décider quelles sources de financement sont acceptables et obliger les politiciens à rendre des comptes.
- Si le financement des partis et candidats vient exclusivement de sources privées, les inégalités économiques de la société peuvent se traduire par des inégalités politiques au sein du gouvernement.
Dans de nombreux pays, les appuis aux différents partis politiques et candidats s’alignent sur les clivages socioéconomiques. Par exemple, les partisans des partis travaillistes ou des partis représentant les classes défavorisées sont habituellement moins riches que ceux des autres partis. Donc, si les partis reçoivent tout leur financement de sources privées, les différences socioéconomiques de la société (habituellement acceptées) risquent d’engendrer des différences de représentation ou d’accès au pouvoir (habituellement non acceptées).
- Les partis et les candidats ont besoin d’aide pour assumer les coûts de plus en plus élevés des campagnes électorales.
La politique est une activité de plus en plus coûteuse. Les partis et les candidats, qui comptaient autrefois beaucoup sur le bénévolat pour faire du porte-à-porte, doivent aujourd’hui dépenser beaucoup d’argent pour la publicité dans les journaux, les affiches ou du temps d’antenne à la radio ou à la télévision afin de transmettre leur message aux électeurs. En outre, de nombreux partis dépensent davantage en salaires depuis quelques décennies.
- Dans les sociétés pauvres, on ne peut pas s’attendre à ce que les citoyens ordinaires consacrent beaucoup d’argent aux partis politiques.
Les citoyens qui vivent en dessous ou à la limite du seuil de pauvreté ne donneront certainement pas de fortes sommes aux partis politiques ou aux candidats. Dans les sociétés pauvres, un financement public minimum peut donc permettre l’existence d’un système multipartite sans que la population n’ait à céder ses maigres ressources.