par Tova Wang [1]
I. Introduction
Il est de plus en plus généralement reconnu que des sociétés plus durables, plus démocratiques et plus paisibles ne peuvent être fondées que sur la participation entière et égale des femmes. — Michelle Bachelet, ancienne Directrice générale d’ONU Femmes, le 21 février 2013
La prémisse selon laquelle la démocratie dépend de la participation égale des femmes n’est pas nouvelle. Prendre part à des élections honnêtes est l’aspect le plus fondamental de la participation à la société démocratique.
L’enjeu d’équité entre les sexes dans les processus démocratiques a pris une plus grande importance au cours des dernières années, surtout avec l’adoption de traités internationaux demandant l’égalité des femmes, et la reconnaissance grandissante du fait que la démocratie est incomplète sans l’apport des voix des femmes. Par conséquent, le sujet de la représentation des femmes au gouvernement et surtout dans les parlements a fait couler beaucoup d’encre. L’idée des quotas de femmes est une pratique normative largement acceptée dans les nouvelles démocraties et dans les démocraties de transition. Des organisations et même certains gouvernements ont mis sur pied des programmes de promotion des candidates féminines et de renforcement des capacités de leadership auprès des femmes qui occupent des postes pour lesquels elles ont été élues ou nommées.
Il est souvent question du besoin d’accroître le pouvoir des femmes et de leur faciliter l’accès à des positions de leadership au sein de partis politiques. Dans une moindre mesure, là où les données existent, le taux de participation électorale des femmes sert d’indicateur de la participation politique des femmes, permet de déterminer les facteurs qui empêchent les femmes de voter, et mène à la formulation de recommandations servant à garantir l’accès des femmes aux boîtes de scrutin. Quelques chercheurs se sont intéressés au nombre et au pourcentage de femmes occupant des postes dans les organismes de gestion électorale ou des postes de fonctionnaires électoraux.
L’accès des femmes au processus d’inscription et leur capacité à s’inscrire à la liste électorale sont des enjeux beaucoup moins étudiés. Ajouter son nom à la liste électorale est une condition préalable au vote et à la participation électorale. Les barrières qui se posent aux femmes à cette étape sont très peu connues et très peu étudiées. Pourtant, elles ont une grande importance pour promouvoir des réformes et pour encourager les femmes à prendre part au processus. Bien que les données soient rares, de nombreux témoignages font état d’obstacles qui nuisent à l’inscription des femmes et à leur participation entière à la vie politique et sociale. Quoique ce ne soient pas tous les pays qui connaissent ce problème, à certains endroits il est assez sévère pour entraîner la diminution du nombre de femmes qui votent ou qui se présentent comme candidates aux élections, ce qui perpétue l’incapacité des femmes à prendre part à la vie publique et civique.
Dans une poignée de pays, les femmes sont encore discriminées par la loi. Certains États ne garantissent pas des droits égaux pour les femmes de façon générale que ce soit dans la loi ou dans la constitution, et un très petit nombre de pays continue de restreindre le droit de vote pour les femmes, dont l’Arabie saoudite.
En général, toutefois, la majorité des pays se sont engagés à éliminer toute discrimination à l’endroit des femmes de leurs textes de loi électorale. De plus, certains pays que l’on croirait défavorables à la participation égale des femmes dans divers domaines de la société ont signé des traités internationaux les obligeant à éliminer les discriminations contre les femmes et à leur offrir des chances de voter et de se présenter comme candidates.
Néanmoins, dans bien des pays, il existe des dispositions légales qui empêchent les femmes de s’inscrire à la liste électorale. Ces dispositions concernent surtout les documents exigés et les règles entourant la nationalité et la citoyenneté. Des barrières structurelles continuent d’entraver l’accès des femmes sans avoir d’effets sur les hommes. Elles prennent la forme de questions de logistique qu’implique le processus d’inscription, comme la prise en compte du lieu et de la période d’inscription, des contraintes financières et des documents à présenter. Certaines difficultés découlent de problèmes sociaux tels la pauvreté, l’analphabétisme et de déplacements internes causés par des conflits armés et des catastrophes naturelles.
Certains problèmes sont liés aux normes culturelles, sociales et religieuses. Dans bien des cas, les femmes apprennent à croire qu’elles ne devraient pas participer aux élections. Dans d’autres cas, et ce dans de très nombreux endroits dans le monde, les normes sociales, culturelles et religieuses obligent les femmes à jouer un rôle subordonné. Dans certaines sociétés, la culture de discrimination basée sur le genre et les rôles de genre qui dictent aux femmes de ne pas participer à la vie publique sont si fortement ancrés que les femmes sont incapables de s’inscrire à la liste électorale.
Finalement, dans certains pays, les faits démontrent clairement que la violence électorale est commise directement et surtout à l’encontre des femmes afin de les intimider et de les décourager de participer aux élections. De tels actes servent à décourager les femmes d’entreprendre les toutes premières étapes vers la participation à la vie publique. Toute violence envers les femmes, qu’elle soit commise dans le cadre des élections ou non, sert à murer les femmes dans le silence.
Cet article cherche à explorer quelques-uns de ces enjeux sous une nouvelle perspective. Le manque de données désagrégées et de recherche sur le genre complique la formulation de conclusions définitives. Néanmoins, des exemples de partout dans le monde suffisent à démontrer que nous faisons face à un énorme problème entourant la capacité des femmes à s’inscrire à la liste électorale et à identifier l’ensemble les différentes difficultés à surmonter.
Cet article débute par une analyse du droit international, des traités et des obligations qui stipulent que les États doivent s’assurer que les femmes ont accès au processus d’inscription électorale et qu’elles y sont traitées de façon égale. Ce ne sont pas tous les États qui ont ratifié tous ces documents, mais la majorité a signé certains d’entre eux. Collectivement, ces États établissent une norme internationale en matière d’égalité de genre dans toutes les sphères de la vie politique. Les différentes formes d’inscription à la liste électorale seront brièvement expliquées, puisqu’il est essentiel de comprendre les rouages du processus pour comprendre où les difficultés auxquelles font face les femmes se trouvent. Les données statistiques et l’absence de celles-ci seront aussi abordées.
L’article se tournera ensuite vers le cœur du problème, c’est-à-dire les obstacles auxquels font face les femmes quand vient le temps de s’inscrire à la liste électorale. Il sera d’abord question des barrières juridiques et structurelles qui existent à plusieurs endroits. Puis, nous aborderons le sujet des problèmes engendrés par des normes sociales, politiques de violence envers les femmes. Chaque section fournira une série d’exemples illustrant le problème décrit.
Finalement, l’article se conclura sur des études de cas à la fois brèves et exhaustives qui représentent les types de problèmes auxquels font face les femmes dans certains pays ainsi que la portée de ces problèmes. Ces études de cas comprennent le Pakistan, le Cameroun, le Népal, l’Afghanistan, la Libye, la Bolivie et le Guatemala [2].
II. Lois et conventions internationales applicables
Il existe de nombreux instruments juridiques internationaux et régionaux qui exigent que les gens soient traités de façon égale durant le scrutin et que les élections soient exemptes de discrimination basée sur le genre. La majorité des États se sont engagés à respecter au moins une de ces lois ou conventions. Certains d’entre eux ont toutefois continué à mettre en place des politiques discriminatoires ou encore des politiques qui mènent à des chances moins qu’égales de participer au processus d’inscription électorale, remettant en question la volonté des États de respecter leurs engagements internationaux.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) est la source la plus importante de droit international en matière de scrutin et d’élections, et la plupart des pays y sont parties. Plusieurs articles s’appliquent.
- Article 2 : Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
- Article 3 : Les États parties au présent Pacte s’engagent à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques énoncés dans le présent Pacte.
- Article 25 : Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables : a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ; b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ; c) D’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays.
- Article 26 : Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
L’Observation générale 28 [EC1] est le document interprétatif du comité des Nations Unies sur les droits de l’Homme au sujet de l’article 3 du Pacte. L’observation souligne que le PIDCP exige des États qu’ils prennent des mesures affirmatives pour respecter le pacte : « Les États doivent assurer aux hommes et aux femmes l’égalité dans l’exercice de tous les droits consacrés dans le Pacte. […] Les États parties doivent non seulement adopter des mesures de protection, mais aussi des mesures positives dans tous les domaines de façon à assurer la réalisation du potentiel des femmes ». Puisque l’article 25 du PIDCP oblige les États à donner le droit de vote, et comme nous le verrons plus loin, cela signifie aussi de garantir l’accès à l’inscription électorale, les États parties au pacte doivent prendre des mesures positives pour s’assurer que les femmes puissent s’inscrire à la liste électorale au même titre que les hommes, et ce, sans rencontrer d’obstacles injustifiés, qu’ils soient directs ou indirects. L’observation générale le souligne ainsi : « Les articles 2 et 3 leur font obligation de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe, pour mettre un terme aux pratiques discriminatoires qui nuisent à l’égalité dans l’exercice des droits tant dans le secteur public que dans le secteur privé. […] L’inégalité dont les femmes sont victimes partout dans le monde dans l’exercice de leurs droits est profondément ancrée dans la tradition, l’histoire et la culture, y compris les attitudes religieuses. […] Les États parties doivent faire en sorte que les attitudes traditionnelles, historiques, religieuses ou culturelles ne servent pas à justifier les violations du droit des femmes à l’égalité devant la loi et à la jouissance sur un pied d’égalité de tous les droits énoncés dans le Pacte. »
Enfin, l’Observation globale 28 aborde explicitement le vote au paragraphe 29 :
Le droit de participer à la vie publique n’est pas pleinement appliqué partout sur un pied d’égalité. Les États parties devraient veiller à ce que la loi garantisse aux femmes les droits reconnus à l’article 25 sur un pied d’égalité avec les hommes, et prendre des mesures efficaces et positives pour promouvoir et garantir la participation des femmes à la conduite des affaires publiques et leur accès aux emplois publics, y compris des mesures préférentielles opportunes. Les États parties devraient également veiller à ce que les mesures concrètes prises pour donner à toutes les personnes habilitées à voter la possibilité d’exercer ce droit ne soient pas discriminatoires en raison du sexe.
L’article 25 garantit le droit de vote, particulièrement celui des femmes, comme l’explicite l’Observation générale 25 du comité des Nations Unies sur les droits de l’homme : « Les États doivent prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que toutes les personnes qui remplissent les conditions pour être électeurs aient la possibilité d’exercer ce droit quand l’inscription des électeurs est nécessaire, elle devrait être facilitée et il ne devrait pas y avoir d’obstacle déraisonnable à l’inscription. Si des conditions de résidence sont appliquées pour l’inscription, il convient que ces conditions soient raisonnables et n’entraînent pas l’exclusion des sans-abri. Toute immixtion dans le processus d’inscription ou le scrutin ainsi que toute intimidation ou coercition des électeurs devraient être interdites par les lois pénales, et ces lois devraient être strictement appliquées. Des campagnes d’éducation et d’inscription des électeurs sont nécessaires pour garantir l’exercice effectif des droits prévus à l’article 25 par une communauté avertie ».
Mises en commun, ces clauses énoncent clairement que les États parties au PIDCP sont dans l’obligation de veiller à ce que les femmes jouissent de droits égaux en ce qui concerne l’inscription à la liste électorale, et sont contraints d’adopter des mesures positives pour éliminer tout obstacle qui pourrait empêcher les femmes de s’inscrire au vote et pour renseigner les femmes au sujet du processus d’inscription. Comme le révélera cet article, de nombreux pays qui ont signé ce traité ne répondent pas à ces exigences.
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) aborde le sujet de la discrimination de genre dans tous les domaines de la vie, y compris la participation électorale. Cette convention a elle aussi été ratifiée par un grand nombre d’États [4][EC2] .
- Article 7 Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique et publique du pays et, en particulier, leur assurent, dans des conditions d’égalité avec les hommes, le droit : a) De voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics et être éligibles à tous les organismes publiquement élus ; b) De prendre part à l’élaboration de la politique de l’État et à son exécution, occuper des emplois publics et exercer toutes les fonctions publiques à tous les échelons du gouvernement ; c) De participer aux organisations et associations non gouvernementales s’occupant de la vie publique et politique du pays.
La recommandation générale 23 du Comité sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes quant à l’article 7 de la CEDAW précise les obligations des États :
45. S’agissant du paragraphe a) de l’article 7, les mesures à mettre en œuvre et dont il faudra assurer systématiquement le suivi doivent notamment viser à : a) Faire en sorte que les femmes et les hommes occupent des emplois publics dans des proportions équilibrées ; b) Faire en sorte que les femmes comprennent la signification et l’importance du droit de vote et sachent comment l’exercer ; c) Faire en sorte de lever les obstacles à l’égalité entre les sexes, notamment ceux liés à l’analphabétisme, la langue et la pauvreté, et ceux qui s’opposent à la liberté de mouvement des femmes ; d) Aider les femmes qui se heurtent à de tels obstacles à exercer leur droit de voter et d’être éligible.
Le Programme d’action de Beijing, une déclaration internationale promue par les Nations Unies et adoptée par 189 pays, consacre une section aux femmes qui occupent des postes de pouvoir et de prise de décisions, laquelle stipule qu’une gestion et une administration transparentes et responsables et un développement durable dans tous les domaines ne seront possibles que si les femmes ont plus de pouvoir d’action et plus d’autonomie et si elles jouissent d’une meilleure situation sociale, économique et politique.
L’article 1 de la Convention sur les droits politiques de la femme stipule que « Les femmes auront, dans des conditions d’égalité avec les hommes, le droit de vote dans toutes les élections, sans aucune discrimination ».
Maints accords régionaux interdisent la discrimination basée sur le genre et/ou exigent l’égalité durant le scrutin. Par exemple, l’article 28 de la Charte démocratique interaméricaine stipule que « Les États encouragent la participation pleine et égale de la femme aux structures politiques dans leurs pays respectifs, en tant qu’élément essentiel à la promotion et la pratique de la culture démocratique ». La charte arabe des droits de l’homme interdit la discrimination basée sur le genre dans la jouissance de tous les droits garantis par la charte. L’article 9 [EC3] du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique prévoit que « Les États entreprennent des actions positives pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d’autres mesures de nature à garantir que : a) les femmes participent à toutes les élections sans aucune discrimination ». L’article 18 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples stipule que « L’État a le devoir de veiller à l’élimination de toute discrimination contre la femme ». Dans la région de l’OSCE, le document de la réunion de Moscou de 1991 stipule que « Les États participants reconnaissent qu’une égalité entière et véritable entre hommes et femmes est un élément fondamental d’une société juste et démocratique basée sur l’État de droit. Ils reconnaissent que le plein épanouissement de la société et le bien-être de tous ses membres exigent que les hommes et les femmes aient les mêmes possibilités de participer pleinement et sur un pied d’égalité à la vie de ces sociétés. Dans ce contexte, ils… encourageront et faciliteront l’égalité des chances pour les femmes de participer pleinement à l’activité politique et à la vie publique sous tous leurs aspects, ainsi qu’au processus de prise de décisions et à la coopération internationale en général ». Le Protocole de la SADC sur le genre et le développement demande aussi aux États de prendre des mesures qui garantissent l’égalité des genres dans la participation politique.
III. Le b.a.-ba des systèmes d’inscription électorale
Pratiquement tous les pays obligent leurs électeurs à s’inscrire à la liste électorale avant de pouvoir voter. La façon dont les noms sont ajoutés ou supprimés des listes et dont les coordonnées y sont modifiées varie d’une liste à l’autre. Pour les fins du présent rapport, les principales différences entre les systèmes sont 1) que certaines listes sont mises à jour continuellement et que les citoyens ou le gouvernement peut inscrire ou mettre à jour l’information relative à l’inscription en tout temps, alors que dans d’autres pays, cela se fait que dans une période de temps limitée, et 2) que certains systèmes d’inscription sont « passifs », alors que d’autre sont « actifs » — dans le premier cas, c’est le gouvernement sortant qui doit veiller à ce que les citoyens soient bien inscrits à la liste électorale, alors que dans le second, ce sont les citoyens qui doivent prendre des mesures positives pour s’inscrire à la liste électorale et s’assurer de l’exactitude de ses coordonnées. De nombreux avantages et désavantages pour ces systèmes peuvent être identifiés. Toutefois, [7] cet article se penchera sur les contraintes associées aux systèmes à liste périodique et aux systèmes qui demandent que les citoyens prennent des mesures positives pour s’inscrire, contraintes qui ont un impact disproportionné sur les femmes.
Il est aussi bon de noter que dans tous les systèmes d’inscription qui demandent que les électeurs prennent des mesures positives pour s’inscrire, ceux qui souhaitent participer aux élections doivent être capables de prouver leur identité. Ils doivent aussi prouver leur citoyenneté et leur âge, tandis que les fonctionnaires doivent vérifier que l’électeur n’est pas déjà inscrit au registre. Les moyens auxquels les électeurs ont droit pour prouver leur identité durant l’inscription et durant le scrutin varient. De nombreux pays excluent des groupes d’électeurs du processus électoral en raison d’exigences d’identifications trop strictes ou trop mal gérées. Ce problème affecte les hommes et les femmes, mais comme nous le verrons bientôt, il arrive que les conséquences touchent démesurément les femmes, et ce dans beaucoup de contextes.
IV. Données disponibles sur les écarts d’inscription par genre
Il existe très peu de données sur les taux d’inscription électorale selon le genre, en dépit de ce qu’exigent pourtant de nombreux documents internationaux. Les données sur le taux de participation électorale en fonction du genre sont plus généralement disponibles et pourraient substituer les données insuffisantes sur les taux d’inscription, mais même ces statistiques sont souvent limitées et difficilement accessibles. [9] À une époque où l’égalité de genre et l’intégration sont vues comme des objectifs majeurs des réformes démocratiques et deviennent les objets centraux des missions d’observation électorale, il est crucial qu’autant que possible, les organismes de gestion électorale collectent et diffusent des données sur le genre et les élections. Il est impossible de savoir où sont les problèmes et comment les résoudre sans ces informations de base.
En raison de ce manque d’information, les preuves avancées dans ce rapport sont en grande partie « anecdotiques ». Cependant, les études se penchant sur certains pays dressent un portrait clair des barrières qui se dressent devant les femmes lors de l’inscription au vote, et montrent bien comment ces barrières fomentent un déficit démocratique dans ces pays.
Les organisations internationales et citoyennes qui travaillent sur les réformes électorales auraient avantage à faire de l’acquisition de données électorales un élément clé de leurs missions, et il existe en effet des raisons de penser que c’est déjà le cas. Au cours des deux dernières années, les organismes de gestion électorale au Pakistan et en Afghanistan on fait la collecte de données relatives au genre et à l’inscription électorale, et ont commencé à prendre des mesures positives afin d’accroître le nombre de femmes qui s’inscrivent aux élections, ce qui montre que recueillir des données et les diffuser pour faire connaître un problème peut mener à des actions visant à le régler. [10]
Soulignons que bon nombre des traités mentionnés précédemment, que de nombreux pays se sont engagés à respecter, exigent que ce genre de données soit compilé. Par exemple, l’Observation générale 28 du PIDCP stipule que « Les États parties doivent fournir des renseignements sur le rôle joué effectivement par les femmes, afin que le Comité puisse déterminer quelles mesures, outre des dispositions purement législatives, ont été prises ou devraient être prises pour donner effet à ces obligations, pour évaluer les progrès accomplis et les difficultés rencontrées et connaître les mesures prises pour les surmonter ». La recommandation générale n° 23 de la CEDAW prévoit que : « Lorsqu’ils rendent compte de l’application de l’article 7, les États parties devraient… (d) Fournir des données statistiques ventilées par sexe indiquant la proportion de femmes exerçant effectivement ces droits ». La recommandation générale n° 9 (huitième session, 1989[EC4] ) stipule que :
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes,
Considérant que des données statistiques sont absolument nécessaires pour comprendre la situation réelle des femmes dans chacun des États parties à la Convention,
Ayant constaté qu’un bon nombre des États parties qui présentent leur rapport à l’examen du Comité ne fournissent pas de données statistiques,
Recommande que les États parties n’épargnent aucun effort pour veiller à ce que les services statistiques nationaux chargés de planifier les recensements nationaux et autres enquêtes sociales et économiques formulent leurs questionnaires de telle façon que les données puissent être ventilées par sexe, tant en ce qui concerne les chiffres absolus que les pourcentages, de façon que les utilisateurs intéressés puissent facilement obtenir des renseignements sur la situation des femmes dans le secteur particulier qui les concerne.
La Commission interaméricaine note que « plusieurs pays affirment manquer de données statistiques électorales ventilées par sexes… De plus, les difficultés pour obtenir des données électorales et/ou des données ventilées par sexe ont été documentées [dans plusieurs pays]… Par conséquent, la Commission[EC5] presse les États d’implanter des mesures visant à améliorer l’accès à l’information électorale et à recueillir les données statistiques ventilées par sexe ». [11]
Prochaine section : Obstacles majeurs à l’inscription des femmes à travers le monde >>
[1] L’auteure souhaite remercier chaleureusement les personnes suivantes pour leur appui et leur contribution à ce rapport : Susan Markham, Caroline Hubbard, Avery Davis-Roberts, Lauren Kunis, Meghan Doherty, Ashley Barr, and Vladimir Pran.
[2] Les exemples et les études de cas présentées concernent des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. L’omission d’exemples européens, postsoviétiques et nord-américains est évidente, et s’explique surtout par le type de système d’inscription des électeurs plutôt que par une moindre discrimination dans ces sociétés. Précisément, dans bon nombre de ces pays, le processus d’inscription électorale est « passif », c’est-à-dire que les citoyens y sont automatiquement inscrits par le gouvernement sans que les citoyens aient à prendre d’action positive. Ce système élimine une gamme d’obstacles, non seulement pour les femmes, mais pour la population entière, bien qu’il mène aussi à des problèmes particuliers, qui dépassent le cadre de ce rapport.
[3] Voir http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CCPR/Pages/CCPRIndex.aspx and http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/TreatyBodyExternal/Treaty.aspx?Treaty=CCPR&Lang=en
[4] http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/CEDAW/Pages/CEDAWIndex.aspx, http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/TreatyBodyExternal/Treaty.aspx?Treaty=CEDAW&Lang=en
[5] Voir http://www.unwomen.org/en/how-we-work/intergovernmental-support/world-conferences-on-women
[6] Cette convention a 47 signataires et 122 parties.
Voir http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVI-1&chapter=16&lang=en.
[7] Voir http://aceproject.org/ace-en/topics/vr/onePage.
[8] Pour des renseignements complets sur le sujet, voir Tova Wang, “Focus on Voter Identification,” le projet ACE, décembre 2012 au http://aceproject.org/ace-en/focus/voter-identification.
[9] Voir http://www.idea.int/vt/survey/by_gender.cfm.
[10] Voir par exemple http://www.iec.org.af/2012-05-29-07-06-38/gender-mainstreaming.
[11] La Commission interaméricaine des droits de l’homme, The Road To Substantive Democracy : Women’s Political Participation In The Americas, 18 avril 2011, p. 49. (en anglais)
Obstacles majeurs à l’inscription des femmes à travers le monde
I. Obstacles structurels
a. Le manque ou l’absence de documentation
Comme mentionné précédemment, ne pas avoir la documentation nécessaire afin de s’inscrire à la liste électorale est un problème vécu par de nombreux groupes, dont les groupes défavorisés et les minorités ethniques. C’est aussi un problème qui touche particulièrement les femmes.
Dans bien des pays, on doit posséder une carte nationale d’identité afin de s’inscrire et voter. Or, un grand nombre de femmes ne possèdent pas ces cartes. Le document d’identité de base qui est exigé pour l’obtention de formulaire d’identification à présenter pour s’inscrire est le certificat de naissance, ce que peu de femmes possèdent. De plus, on doit habituellement fournir une preuve documentaire de résidence pour s’inscrire au vote, un autre document que beaucoup de femmes n’ont pas. Ce manque de documents est en grande partie causé par l’isolation sociale et l’exclusion de la vie en dehors du foyer dont sont victimes les femmes dans certains pays, ainsi que par la maltraitance infligée par les hommes.
Selon le Coordonnateur résident des Nations Unies et le Représentant résident du Programme des Nations Unies pour le Développement en Égypte, « on estime qu’en Égypte, cinq millions de femmes sont sans carte d’identité. Dans certaines régions, jusqu’à 80 % des femmes ne possèdent pas de carte d’identité ». ONU Femmes et PNUD, en collaboration avec le gouvernement égyptien, « délivre deux millions de cartes d’identité nationales aux Égyptiennes avec l’aide d’agents d’inscription itinérants se rendant dans les régions marginalisées où ces femmes vivent et en visitant les écoles pour inscrire les filles qui peuvent obtenir leur carte d’identité à l’âge de 16 ans ». [12]
Des études et des sondages ont montré qu’un grand écart de participation existe entre les hommes et les femmes au Guatemala. Cela est attribuable aux difficultés qu’ont les femmes pour obtenir le document d’identité — la cedula — requis pour s’inscrire au scrutin. [13] Autant au Guatemala qu’en Bolivie, il a été prouvé que cela était un problème qui affecte particulièrement les femmes autochtones. La Banque interaméricaine de développement (BID) estime que 10 % des Guatémaltèques n’ont pas de pièce d’identité, pas même de certificat de naissance, alors que 40 % des Guatémaltèques autochtones sont sans papiers. Certaines analyses concluent que ce taux pourrait s’élever à 50 % dans les régions rurales, surtout en ce qui concerne les femmes. [14]
Dans le même ordre d’idées, le National Democratic Institute a découvert que le taux très bas d’inscription et de participation aux élections de 2010 au Burkina Faso étaient causées en grande partie par le fait que des milliers de femmes ne pouvaient pas fournir les documents nécessaires durant le processus d’inscription.
Lors des dernières élections au Burkina Faso — les élections présidentielles de 2010 — la complexité et la confusion entourant l’inscription électorale ont entraîné une très faible inscription des électeurs. Seuls trois millions des six millions d’électeurs burkinabés admissibles se sont inscrits, et parmi eux, seul 1,7 million s’est présenté aux bureaux de vote. Les femmes en particulier ont fait face à de grands obstacles : en effet, les citoyens devaient obtenir un certificat de naissance pour pouvoir s’inscrire à la liste électorale.
Pour obtenir un certificat de naissance, les citoyens devaient être accompagnés de deux témoins, comme leur mère ou une sage-femme, pour attester que leur naissance a eu lieu au pays. Toutefois, bien des femmes quittent leur village de naissance après le mariage, et y retourner pour trouver des témoins est une tâche décourageante. Le Burkina Faso est l’un des pays les plus pauvres du monde, et partir de son village pour une journée complète peut coûter à une femme plus que ce qu’elle peut se permettre. [15]
Selon la Présidente de la Coalition nationale des femmes du Zimbabwe, l’un des documents requis pour l’inscription à la liste électorale des élections de 2013 était une preuve de résidence. Or, « il est bien connu que bien des Zimbabwéennes ne sont pas propriétaires ou le sont sans que la terre soit enregistrée à leur nom. Ce faisant, elles ont de la difficulté à s’inscrire. Le jour du vote, certaines femmes ne pouvaient pas même trouver leur nom sur la liste électorale ». [16] Les propriétés, les baux et les services publics sont enregistrés au nom des hommes, lesquels sont considérés les chefs de famille et sont généralement responsables de payer les factures, alors que les femmes achètent la nourriture, les vêtements et s’occupent des tâches ménagères. Par conséquent, les femmes n’ont aucun moyen de prouver leur résidence.
Des études ont aussi révélé qu’obtenir des documents d’identification peut être problématique pour les femmes au Zimbabwe. « Les procédures pour obtenir ces documents sont, dans l’ensemble, difficiles pour les individus qui tentent de faire l’acquisition de ces documents pour la première fois, mais pour ceux qui souhaitent remplacer des documents perdus, volés ou endommagés, ces difficultés sont encore plus grandes, surtout pour les femmes. » [17] À l’aide de groupes de réflexion, une organisation a découvert que « les procédures administratives entourant l’obtention de document d’identité sont perçues comme un obstacle par la majorité des femmes. Les femmes ont observé que le Bureau du registraire général a ses propres règles et exigences, et que celles-ci varient d’un endroit à l’autre, entraînant la confusion des femmes qui ne savent pas exactement ce qu’elles doivent fournir pour obtenir des documents d’identité. » [18]
Au Liban, les documents requis pour l’inscription sont ouvertement discriminatoires. Les femmes doivent présenter une preuve documentaire qu’elles ont complété leur éducation primaire, ce qui n’est pas demandé aux hommes.
L’identification et le voile
Dans certains pays musulmans, demander une pièce d’identité avec photo pose des problèmes aux femmes qui n’ont pas le droit d’être photographiées en portant le voile. Comme décrit plus en détail ci-dessous, cette exigence s’est révélée un obstacle majeur à l’inscription des femmes au Cameroun. Dans le cas du Yémen, l’ancien membre du parlement britannique et expert des élections à l’international Michael Meadowcraft souligne que :
[D] urant les premières élections suivant la réunification du pays, l’inscription électorale a été réalisée à l’aide de cartes électorales avec photo. Les femmes devaient retirer leur voile pour être photographiées. Une copie de la photo était apposée à la carte électorale que conservait l’électeur, et une copie était conservée dans le registre de l’autorité électorale. Le taux d’inscription électorale chez les femmes s’est révélé très faible : je crois me souvenir qu’il atteignait environ 14 %. Il a été déterminé que ce faible taux était causé par la copie conservée par l’autorité électorale. Aux élections suivantes, la règle a été modifiée et seule une photo était exigée, et elle était conservée par l’électrice. Je me souviens qu’à la suite de ce changement, le taux d’inscription a grimpé à 35 % — encore faible, mais beaucoup mieux qu’avant. Il y avait des bureaux de vote réservés aux femmes, et à ces endroits les femmes ont accepté de retirer leur voile pour que l’on vérifie leur identité.
Au Kenya en 2012, les leaders religieux défendaient le droit des femmes de se faire photographier en retrait pour ne pas avoir à retirer leur voile en public [21]. L’enjeu du voile a aussi créé des problèmes en Ouganda. « En vue des élections générales de 2006, […] les femmes se sont opposées à la demande de retirer leur voile pour se soumettre au nouveau système de reconnaissance faciale et digitale, introduit plus tôt en 2005. » [22]
La réticence à se faire photographier et l’inconfort des hommes devant la prise de photo de leur femme et de leurs filles ont aussi été des obstacles à l’inscription électorale des femmes en Afghanistan.
b. Systèmes passifs
Les systèmes passifs, au moyen desquels les gouvernements, et plus souvent un ministère de l’intérieur, dressent la liste électorale en se basant sur le registre civil ou sur d’autres bases de données contenant de l’information sur les citoyens, sont généralement moins problématiques. Cependant, même dans les systèmes passifs il est possible de faire des erreurs. Surtout, les femmes mariées qui ont changé leur nom et leur adresse peuvent se voir accidentellement privées de leur droit de vote si leur dossier n’est pas mis à jour ou si elles n’ont pas informé les autorités compétentes de ces changements. Ce genre de problème survient aussi aux États-Unis, qui n’a pas un système passif : parfois, les noms de femmes sur la liste électorale ne correspondent pas à ceux inscrits sur les pièces d’identité qu’elles doivent présenter dans certains États. [24]
Au Zimbabwe, la General Laws Amendment Act permet au bureau du registraire général de changer le nom de famille des femmes mariées pour le remplacer par celui de leur mari sans les en avertir, ou sans avoir leur autorisation, les privant potentiellement de leur droit de vote. Auparavant, bon nombre de femmes s’apercevaient du problème seulement lorsque le nom figurant sur leurs pièces d’identité ne correspondait pas à celui inscrit à la liste électorale, moment auquel il était probablement trop tard pour corriger l’erreur.
Le Liban fonctionne aussi avec un système passif. Cependant, le lieu d’inscription des femmes mariées est automatiquement le même que celui de leur mari. Cela peut être problématique lorsque la femme ne vit plus dans le domicile conjugal.
c. Points d’inscription isolés et heures d’ouverture limitées
Dans le cas des systèmes d’inscription où les citoyens doivent eux-mêmes se présenter à un bureau d’inscription et présenter les documents requis pour s’inscrire, le lieu d’inscription et les heures d’ouverture déterminent si les citoyens ont des chances justes de s’inscrire au vote. La distance séparant les électeurs des bureaux d’inscription, surtout dans les zones rurales, et de courtes périodes d’ouverture présentent une difficulté particulière pour les femmes en raison de leur rôle dans la société. Par exemple, dans la plupart des pays, les femmes sont encore les pourvoyeuses principales de soins des enfants, et, dans bien des cas, des aînés de la famille. Leur capacité de se rendre au bureau d’inscription est souvent limitée par ces responsabilités, surtout lorsque ceux-ci sont éloignés et que leurs heures d’ouverture ne correspondent pas aux horaires des femmes. Les femmes s’inquièteront aussi de leur sécurité lors de longs trajets. De plus, il se peut qu’aucun moyen de transport ne soit disponible au moment où elles en ont besoin. Le visage de la pauvreté étant souvent féminin, les femmes ont rarement les moyens financiers de voyager sur de longues distances. Certaines femmes dans certains pays ne peuvent pas marcher jusqu’aux bureaux d’inscription. Par conséquent, le choix des lieux et des horaires des activités d’inscription par les autorités électorales peut avoir un rôle décisif dans la participation des femmes.
La Banque interaméricaine de développement souligne qu’au Guatemala, le faible revenu ne permet pas aux électeurs d’assumer les coûts indirects de l’inscription, comme le transport (voyager d’un village vers le centre administratif de la municipalité), la perte d’heures de travail. Cela s’ajoute aux coûts liés à la documentation nécessaire (la carte de quartier ou les frais associés à l’obtention du certificat de naissance lorsque ce n’a pas été fait à temps), puisque les bureaux du registre civil sont situés dans les villes qui servent aussi de centre administratif aux municipalités.
En Colombie, le registre national a révélé qu’en date de juillet 2012, 1,4 million de citoyens avaient fait la demande d’une carte d’identité, mais ne l’avaient toujours pas récupérée. En effet, bien que le gouvernement ait mis en place des unités mobiles d’inscription électorale, les gens doivent tout de même parcourir de grandes distances pour se procurer les pièces d’identité requises. Dans certaines régions, le seul moyen de se rendre dans les centres administratifs est par bateau, ce qui est à la fois compliqué et dispendieux pour de nombreuses personnes. Finalement, il peut être dangereux de voyager en raison de conflits en cours dans certaines régions.
Dans certains villages d’Uganda, les centres d’inscription électorale sont situés trop loin pour que les femmes puissent s’y rendre à pied. Un membre de l’OGE d’Uganda a noté que « les femmes ne supportent pas les longues files qui caractérisent l’inscription électorale dans la plupart des pays africains. Dans la majorité des cas, les bureaux d’inscription n’ont qu’une petite quantité d’ensembles d’inscription, et le temps alloué à l’inscription est court ». Un autre interlocuteur en Uganda explique : « la plupart des femmes sont trop pauvres pour payer les frais de transport jusqu’aux centres d’inscription. Elles sont déjà prises par les besoins de la maison et de leur famille et perçoivent cette dépense comme du gaspillage de leurs rares ressources ». Le même phénomène se produit en République démocratique du Congo, et dans certaines parties du Kenya. Selon un interlocuteur, « les responsabilités domestiques empêchent les femmes de faire la file pour s’inscrire : elles doivent s’occuper des enfants, des terres à labourer et un élevage duquel s’occuper ». Le manque de sécurité dans les transports qui mène aux bureaux d’inscription est aussi un problème. Un autre interlocuteur kenyan explique que « certains centres d’inscription sont situés très loin et les femmes ont de la difficulté à se déplacer sur de si longues distances. De plus, les infrastructures de transports peuvent décourager certaines femmes puisqu’elles devront peut-être traverser plusieurs rivières avant d’arriver à leur centre d’inscription. Les femmes ne se sentent pas en sécurité lorsqu’elles voyagent sur plusieurs kilomètres, en plus de faire face aux difficultés décrites plus haut ».
II. Contraintes socioéconomiques
Surtout lorsque comparées aux hommes, les femmes manquent de ressources pour surmonter les obstacles liés au temps et aux distances. Toutefois, d’autres problèmes sociaux ont des conséquences sur la capacité des femmes à s’inscrire au vote. L’un de ces problèmes est le manque d’éducation et le haut taux d’analphabétisme. Les gens qui ont reçu peu d’éducation et/ou qui sont incapables de lire ou d’écrire sont, dans bien des pays, majoritairement des femmes. Souvent, celles-ci ne sont pas au courant du processus d’inscription électorale et ne sont pas en mesure de remplir les formulaires requis. Dans bien des cas aussi, les femmes qui n’ont pas reçu d’éducation ou qui sont analphabètes ne connaissent pas leurs droits en matière de vote, n’ont pas accès à l’information relative aux candidats et aux enjeux électoraux, ne comprennent pas le système politique ou encore la façon dont les élections et les politiques publiques affectent leur vie. Souvent, les campagnes d’éducation civique qui se penchent sur l’inscription électorale ne prennent pas en considération les bas taux d’alphabétisme ou ne s’adressent pas suffisamment aux groupes plus défavorisés.
L’écart de scolarisation entre les filles et les garçons et entre les femmes et les hommes est sans contredit immense, au niveau global et surtout dans les régions en développement.
Malgré les progrès réalisés au cours des dernières années, les filles souffrent toujours d’un désavantage majeur et se voient exclues des systèmes d’éducation tout au long de leur vie. On estime que 31 millions de filles d’âge primaire et 34 millions de filles en âge d’étudier au niveau secondaire n’ont pas été inscrites à l’école en 2011. Les pays d’Afrique subsaharienne comptent les plus faibles taux d’égalité entre les sexes en la matière : seuls deux des 35 pays atteignent la parité. En République centrafricaine, au Niger, au Tchad et au Malawi, moins de 1 fille sur 200 va à l’université. De plus, des estimations récentes indiquent que seulement 62 pays sur 168 atteindront la parité dans l’éducation secondaire d’ici 2015. [34]
Dans le même ordre d’idée, selon l’ONU, deux tiers des 774 millions de personnes analphabètes sur la planète sont des femmes.
Figure 1 Pourcentage des filles les plus pauvres âgées de 7 à 16 ans n’ayant jamais été inscrites à l’école et moyenne d’années d’éducation reçues par les filles les plus pauvres âgées de 17 à 22 ans
Le lien entre le manque d’éducation, l’alphabétisme et la capacité de s’inscrire à la liste électorale est évident dans de nombreux pays. La Human Rights Watch souligne que le manque d’accès à l’information et les faibles taux d’alphabétisme sont des facteurs qui contribuent au faible taux d’inscription en Libye [36]. Il en va de même au Mali.
Selon une étude de l’IFES menée au Pakistan, l’analphabétisme empêche les femmes d’avoir conscience que des élections ont cours. Surtout, les femmes ignorent l’importance d’exercer leur droit de vote puisqu’elles sont préoccupées par leurs tâches domestiques, leurs responsabilités familiales et leurs activités génératrices de revenus.
Deux tiers des Pakistanaises en âge de travailler, ce qui correspond à 40 millions, sont analphabètes. Dans son rapport sur l’égalité entre les hommes et les femmes, le Forum mondial économique a placé le Pakistan près du dernier rang, tout juste avant le Yémen.
Selon un rapport rédigé par le US Institute for Peace, « les femmes courent davantage le risque d’être exclues du processus électoral que les hommes, parce que […] en tant que groupe, elles ont un taux d’alphabétisme beaucoup plus faible, sont moins informées du processus électoral et ont un accès restreint aux lieux publics où se tiennent les élections, ce qui a un effet sur leur capacité à se déplacer et à se présenter aux bureaux d’inscription et aux bureaux de scrutin ». [39]
Au Guatemala, 23 % des femmes n’ont pas reçu d’éducation, 33 % ne savent ni lire ni écrire, et 77 % des femmes vivant en zone rurale sont analphabètes. En Bolivie, 17 % des femmes ne reçoivent pas d’éducation, comparativement à seulement 5 % des hommes. Parmi les femmes vivant en zone rurale, 34 % n’ont pas d’éducation, comparativement à 11 % des hommes.
Un autre enjeu important selon les Nations Unies est la majorité écrasante de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont des femmes et des enfants [40]. En tant que personnes déplacées internes (PDI), ces femmes possèdent rarement de pièces d’identité ou d’adresse permanente, toutes requises pour s’inscrire à la liste électorale. Dans certains pays, des programmes sont mis sur pied pour promouvoir le droit de vote des PDI, mais la capacité pour mettre en œuvre ces programmes est souvent insuffisante. Dans certains pays, les PID n’ont pas le droit de vote.
III. Obstacles culturels, sociaux et politiques
Les coutumes religieuses, les interprétations conservatrices des lois religieuses [41], les normes culturelles traditionnelles et les sociétés imprégnées de discrimination sexuelle et de rôles genrés posent formellement et informellement les plus grandes barrières à l’inscription électorale des femmes, à leur droit de vote et, du fait même, à leur participation à la vie politique [42].
Le Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, un organe créé par la CEDAW, décrit le problème ainsi :
Invariablement, les femmes se sont vu assigner les tâches relevant du domaine privé ou familial, liées à la reproduction et à l’éducation des enfants et, dans toutes les sociétés, ces tâches ont été considérées comme inférieures. À l’inverse, les activités publiques, qui sont variées, respectées et honorées ne relèvent pas du domaine privé ou familial. Les hommes ont toujours dominé la vie publique et exercé le pouvoir afin de tenir les femmes à l’écart de la sphère publique et dans un état de subordination en les reléguant au domaine privé.
… Malgré le rôle central joué par les femmes au niveau de la famille et de la société et leur contribution au développement, elles ont été exclues de la vie politique et du processus de prise de décisions qui déterminent pourtant leur mode de vie quotidien et l’avenir des sociétés
… Dans tous les pays, le cadre culturel de valeurs et de croyances religieuses, l’absence de services et la non-participation des hommes aux tâches ménagères et aux soins et à l’éducation des enfants sont les facteurs qui ont le plus empêché les femmes de participer à la vie publique. Dans tous les pays, les traditions culturelles et les convictions religieuses ont contribué à limiter les femmes à des activités d’ordre privé et à les empêcher de participer activement à la vie publique [43].
Un rapport du groupe de travail sur l’enjeu de la discrimination à l’égard des femmes autant dans la législation que dans la pratique fait une observation similaire.
La discrimination à l’égard des femmes dans les sphères publique et politique est liée à la discrimination que vivent les femmes dans d’autres sphères de leur vie, puisque les droits de l’homme sont indivisibles. Les barrières structurelles et systémiques dans la société, à l’instar des rôles de genre et les stéréotypes de genres négatifs, limitent les femmes… En plus de leurs responsabilités de pourvoyeuses de soins, la participation des femmes dans les sphères politique et publique peut être grandement entravée par la culture patriarcale qui ne considère pas les femmes comme socialement aptes à se lancer en politique. [44]
Ces barrières existent dans toutes les régions du monde. La Commission interaméricaine des droits de l’homme observe que
parmi les principales raisons qui causent et qui perpétuent l’inégalité entre les hommes et les femmes en matière de participation politique est la pérennité « d’un ordre patriarcal de genre qui entretient la division sexuelle du travail, ce qui contraint les femmes à la sphère privée et les hommes, à la sphère publique ». Les organisations de la société civile ont fait part à la commission du fait que l’exercice du droit de participation des femmes est contraint et limité par une culture politique qui refuse de partager avec elles le pouvoir politique accaparé par les hommes et qui pénètre la joute politique, les structures et les procédures des groupes politiques, et le comportement de l’électorat. [45]
Ce genre de barrières est beaucoup plus difficile à briser que celles qui sont structurelles ou même que celles de nature socioéconomique. C’est une chose de réclamer des centres d’inscription électorale plus nombreux et mieux situés, ou même que les organismes de gestion électorale prennent des mesures pour que les femmes qui n’ont pas autant de compétences en littératie reçoivent quand même l’information dont elles ont besoin. Les normes religieuses et culturelles sont une tout autre histoire. Elles sont tellement ancrées dans certaines cultures et dans l’esprit des femmes elles-mêmes, la bataille pour changer les mentalités, autant chez les hommes que chez les femmes, s’annonce ardue. Il s’agit d’un effort qui doit être déployé, cependant, en même temps que d’autres efforts, si l’on souhaite atteindre une réelle parité hommes-femmes dans la sphère politique, y compris dans les taux d’inscription et de participation électorale des femmes.
Les questions entourant la religion sont souvent délicates. Pour les femmes qui croient ou à qui on a dit que leur doctrine religieuse leur interdit de prendre les mesures nécessaires pour s’inscrire à la liste électorale, il est difficile de se libérer de ce conditionnement. Dans certains États du golfe Persique, jusqu’à tout récemment les femmes n’avaient pas le droit de vote, et dans certains de ces pays ce droit est encore aujourd’hui fortement restreint. Les traités internationaux semblent toutefois laisser un peu de latitude en ce qui concerne les droits démocratiques et l’égalité devant la loi, bien que de nombreux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord aient émis des réserves sur certaines dispositions de la CEDAW. [46]
En partie, l’interdiction de l’inscription et de la participation des femmes a pour origine la culture tribale, qui peut être difficile à braver. Parfois, les femmes elles-mêmes ont été si fortement socialisées qu’il leur est difficile de penser ou de se comporter différemment. Dans une publication de 2005 à propos du Yémen, International IDEA signalait que malgré une amélioration des taux de participation des femmes, la hargne générale envers cette participation « a été entérinée par la tribu, par son système de valeur et sa perception négative des femmes » [47]. Comme nous confiait un interlocuteur kenyan, « dans certaines sociétés africaines, le rôle de choisir ou d’élire un leader était réservé aux hommes. Ce rôle a trouvé un statut de tradition dans les sociétés africaines contemporaines, et il est difficile de s’en débarrasser. La société s’attend que les femmes restent à la maison, et lorsque certaines d’entre elles trouvent leur chemin jusqu’aux centres d’inscription, c’est souvent à la demande de leur mari qui leur indique où s’inscrire et surtout pour qui voter » [48]. Au Mali, le National Democratic Institute a découvert que le faible taux de participation des femmes dans la prise de décisions politiques s’explique en partie par l’organisation de la société traditionnelle. La femme porte le poids des traditions et des coutumes, lesquelles veulent que la politique soit une affaire d’hommes. Ce faisant, la communauté, y compris les femmes et surtout les maris, est réticente à laisser les femmes pénétrer cette sphère de la vie [49].
Les barrières empêchant les femmes de sortir de la maison, que ce soit pour des raisons religieuses ou culturelles, est l’un des plus grands problèmes en ce qui concerne la capacité des femmes à aller s’inscrire à la liste électorale. Il est très commun que les pères, les maris et les codes sociaux dans leur ensemble posent des limites sévères aux mouvements des femmes dans les espaces publics. Par exemple, la moitié des femmes yéménites sondées par la SWMENA (Status of Women in The Middle East and North Africa) « déclarent qu’on leur interdit complètement de quitter la maison sans permission (46 %) et 15 % disent qu’on les empêche dans une certaine mesure de sortir de la maison » [50]. Dans les zones rurales du Pakistan, bon nombre de femmes n’obtiennent pas leurs pièces d’identité parce qu’elles ne peuvent pas sortir de leur maison sans être accompagnées d’un homme [51].
Une étude de IFES révèle que les femmes en Libye sont 22 % moins susceptibles d’avoir voté aux plus récentes élections, et que
Les femmes vivant en Libye sont relativement limitées dans leur liberté de mouvement et d’expression : au moins une répondante sur cinq déclarait avoir peu ou pas de liberté de s’associer aux candidats de leur choix (24 %), de se déplacer dans des espaces publics sans crainte ou sans se sentir oppressée (29 %), et d’exprimer leurs opinions sur des enjeux cruciaux en compagnie de leur famille, de leurs voisins et de leurs amis (34 %). Il est préoccupant de constater que 57 % des femmes disent qu’on leur interdit complètement (37 %) ou dans une certaine mesure (20 %) de quitter la maison sans permission. Cela illustre l’ampleur des difficultés auxquelles font face les femmes en Libye qui sont limitées à la maison dans leurs activités quotidiennes. Cela pourrait expliquer en partie leur faible niveau d’engagement civique, surtout lorsque ces activités demandent qu’elles quittent leur maison. [52]
Malgré l’amélioration de la situation notée lors des élections libyennes de 2012, la Human Rights Watch a observé que
La participation des femmes en politique était restreinte non seulement par des mesures légales, mais aussi et surtout par des obstacles et des pressions sociales et culturelles. Historiquement, les femmes libyennes ont eu très peu d’occasions d’occuper des positions de leadership et de prise de décision politique. De façon générale, la politique était réservée aux hommes, et bien des familles décourageaient la participation des femmes à la vie publique afin de « protéger l’honneur, la dignité et la nubilité », selon des défenseurs des droits des femmes. [53]
Limiter l’interaction des femmes avec les hommes peut aussi être problématique. Par exemple, au Pakistan, le fait que les officiers d’état civil ne soient que des hommes a probablement contribué au faible taux d’inscription des femmes. Dans bien des régions, les femmes risquent de ne pas ouvrir la porte à un inconnu sans la présence de leur mari ou leur père. Quand l’inscription se fait par porte-à-porte, les normes culturelles interdisent aux hommes de donner à des hommes qu’ils ne connaissent pas le nom des femmes qui font partie de leur famille, ce qui a aussi contribué au faible taux d’inscription des électrices. Bon nombre d’États ont tenté de résoudre ce problème en embauchant des femmes aux postes d’officiers d’état civil, mais cela s’est avéré un défi de taille, surtout en contexte de pénurie d’employés. [54]
Dans de nombreuses régions d’Amérique latine, il semble qu’une culture du machisme, à la fois persistante et déclinante, dissuade les femmes de s’inscrire au vote. L’UNICEF prend pour exemple la Bolivie, où « une culture de la misogynie perdure : les femmes se voient conférer un rôle subordonné, traditionnel et dépendant » [55]. Plus précisément, selon un autre rapport, « dans la démocratie du peuple aymara, le peuple autochtone le plus populeux de Bolivie, seuls les hommes prennent part aux débats publics. La participation à l’assemblée communale — parlakipawi —, l’autorité suprême et le cœur de la vie communautaire, est interdite aux femmes. Être élu à cette assemblée est un privilège réservé aux hommes mariés, propriétaires terriens et chefs de famille » [56]. Un groupe de travail du National Democratic Institute a permis aux femmes de s’exprimer au sujet du machisme et des barrières qu’il pose à la participation électorale des femmes en Bolivie.
On retrouve les mêmes problématiques en Asie. « En Asie du Sud, le patriarcat, l’isolement et le contrôle qu’exerce la famille sur les activités des hommes et des femmes font en sorte que la majorité des femmes ne connaissent pas leurs droits et n’ont pas les moyens de les exercer. »[58]
La violence envers les femmes exercée à l’échelle du pays, de la communauté ou de la maison, et lorsque reliée aux élections dans le pays, dissuade les femmes de s’inscrire à la liste électorale. Elle crée un climat d’intimidation et inspire un sentiment de peur et d’infériorité chez les femmes qui seraient portées à se lancer en politique. « En plus de la violence, la menace de violence risque d’empêcher les femmes de s’engager en politique. Les conséquences psychologiques de cette crainte peuvent restreindre la participation des femmes. » [59] La recommandation générale n° 19 indique que toutes les formes de violence envers les femmes prohibent leur participation politique.
IFES a mené une étude approfondie des différentes formes de violence électorale envers les femmes et de leur impact sur la participation politique des femmes. Cette étude est très poussée et est une excellente source pour nourrir la discussion sur le sujet. L’auteure rapporte :
La majorité des femmes, et des hommes, peu importe le pays, ne se présenteront jamais aux élections et ne deviendront jamais les leaders de mouvements politiques. Toutefois, les femmes ont une grande influence politique en tant que citoyennes, électrices, journalistes, aidantes, éducatrices et une myriade d’autres rôles. C’est par l’entremise de ces rôles politiques que les femmes sont la cible de violence électorale de genre. Des actes violents qui ciblent les électeurs ou la population en général servent à dissuader les électeurs de voter, de s’inscrire au vote ou de participer aux rassemblements ou à d’autres événements politiques. Dans certains cas, ces attaques ciblent ouvertement les femmes… [60]
Par l’analyse de données provenant de différents pays et s’étalant sur plusieurs années, Bardall a découvert que « lorsqu’il est question de violence électorale, les électrices sont la deuxième catégorie de femmes la plus souvent ciblée (c.-à-d. 22 % de toutes les victimes de sexe féminin). Ces femmes ont été attaquées alors qu’elles se trouvaient dans des centres de vote, pendant qu’elles s’inscrivaient ou lorsqu’elles prenaient part à d’autres activités civiques. Les électrices courent quatre fois plus le risque d’être victimes de violence électorale que les hommes (les électeurs représentent 6 % du nombre total de victimes masculines). » [61] De surcroit, les rhétoriques politiques intimidantes peuvent mener à la perte du droit de vote des femmes, tout comme la violence sexuelle et politique pour des raisons politiques peut prendre place à l’intérieur et à l’extérieur du foyer. [62]
Les abus sexuels motivés par des raisons électorales peuvent prendre la forme de viol politique, un outil pour terroriser et intimider, de viol conjugal, un outil de répression, de harcèlement sexuel, d’agression et d’abus dans le but de contrôler, d’intimider, d’humilier et de priver la victime de ses droits civiques. On estime que les abus sexuels commis par des acteurs publics sont largement sous-dénoncés, tandis que les abus commis dans la sphère privée et motivés par des raisons politiques sont toujours presque entièrement ignorés par les approches de recherche. La violence physique motivée par l’acquisition de contrôle social aux niveaux communautaire et familial, ainsi que la violence domestique motivée par des raisons politiques, sont toutes deux de puissants outils de contrôle et influencent le comportement politique des femmes, lequel demeure lui aussi très peu documenté.
Bardall cite des exemples précis de violence électorale dirigée envers les femmes qui ont pour but de les dissuader de s’inscrire, de voter ou de s’engager en politique, dont « la répression armée dont a été la cible un rassemblement électoral à Conakry (Guinée) en 2008, durant laquelle un nombre record de femmes ont été violées. » [64]
Dans une moindre mesure durant les élections de 2013, la violence exercée envers les Zimbabwéennes en particulier avait pour but de les dissuader de voter. Durant les dernières années, les Zimbabwéennes ont été nombreuses à déclarer ne pas se sentir en sécurité et d’avoir été victimes de violence en période électorale, surtout en 2008 alors que presque deux femmes sur trois disaient avoir vécu de la violence liée aux élections [65].
Ce phénomène s’est aussi révélé être un obstacle de taille en Bolivie. « À l’heure actuelle, en Bolivie, le harcèlement et la violence que vivent les femmes qui sont actives en politique est le principal frein à la participation politique des femmes » (Open Democracy, 2010). » [66]
Il est impossible de fournir des données précises sur les liens qui existent entre la violence de genre perpétrée en public et en privé et les taux d’inscription électorale. Toutefois, le climat de peur et d’intimidation ainsi que les menaces réelles ont sans aucun doute une influence sur la décision des femmes d’entreprendre le processus d’inscription électorale, la première et la plus élémentaire des étapes de la participation politique.
Finalement, beaucoup de femmes ont appris à croire qu’elles ne devraient pas participer aux élections, que la sphère publique appartient aux hommes, n’ont pas confiance en leur capacité à prendre des décisions et, en conséquence, ne s’inscrivent pas à la liste électorale. Il s’agit là d’une tendance inquiétante. Lorsque nous avons interrogé le Réseau des experts ACE à savoir quels facteurs contribuaient à l’écart dans l’inscription électorale des hommes et des femmes, il a été saisissant de constater le nombre de répondants pour qui le système de croyances des femmes et leur manque de confiance en elles étaient en cause dans leur pays. Si des experts et des administrateurs électoraux de nombreux pays ont donné leur avis, il semble que ces explications étaient partagées par les répondants parlant du Burundi. De plus, bon nombre de femmes en viennent à croire que même si elles s’inscrivent à la liste électorale et votent, elles ne feront pas la différence. Il s’agit là d’un cynisme qui est partagé par les hommes, mais qui est exacerbé dans le cas des femmes, dont la vie est parfois plus encadrée et dont les droits sont, à bien des égards, réprimés [67].
IV. Efforts actuels et la marche à suivre
Il faut noter que dans de beaucoup pays, les femmes s’inscrivent en nombres égaux ou supérieurs aux hommes, et que certains pays ont fait ou sont en train de réaliser de considérables progrès à cet égard. Dans l’avenir, le principal défi sera de recueillir des données suffisantes et de mener des analyses afin de savoir comment ces pays ont réussi à atteindre de tels niveaux d’inscription et de participation.
Prenons pour exemple le progrès réalisé dans de nombreux pays en Amérique latine. La Commission interaméricaine des droits de l’homme indique que
Selon les données provenant de sources étatiques et non étatiques, dans plusieurs pays de la région, les électrices — c’est-à-dire de femmes inscrites sur la liste électorale — occupent une plus grande part des électeurs inscrits que les hommes. La participation électorale a aussi été plus élevée du chez les femmes que chez les hommes. Selon les données étatiques, en Équateur, 52,23 % des femmes ont voté en 2007, comparativement à 48,24 % des hommes. Au Salvador, lors des élections de 2004, 53,45 % des femmes ont exercé leur droit de vote, alors que seuls 46,55 % des hommes ont fait de même. Au Honduras, c’est près de 52 % des électrices qui ont fait entendre leur voix en 2005, et au Mexique, entre 2004 et 2008, plus de femmes se sont inscrites à la liste électorale que d’hommes. […] Au Guatemala, le taux de croissance d’inscription électorale des femmes était le double de celui des hommes. [68]
Les efforts ont aussi été récompensés en Inde, où « plus de femmes que d’hommes ont voté aux dernières élections tenues dans les États du Pendjab, de l’Uttar Pradesh, du Manipur, de l’Uttarakhand et de Goa. La Commission électorale de l’Inde a pris plusieurs mesures pour arriver à ce résultat, comme distribuer des bulletins de vote et offrir de l’assistance aux électeurs qui votaient pour la première fois. Ces mesures ont permis de minimiser la violence et ainsi de gagner la confiance d’un plus grand nombre d’électrices lors des élections législatives de cinq États en 2012. » [69]
Les organismes de gestion électorale, la société civile et les organisations internationales travaillent partout sur la planète afin d’améliorer les taux d’inscription électorale des femmes. Il existe certains cas de réussite. Par exemple, le National Democratic Institute et des programmes de l’ONU, qui cherchent à éduquer les femmes à propos du processus d’inscription électorale et à les aider à obtenir les documents d’identification requis, sont quelques-unes des initiatives en place dans de nombreux pays, et semblent avoir réussi dans une certaine mesure à accomplir leur mission. Toutefois, aucune analyse sérieuse ne semble avoir été menée afin de déterminer de bonnes pratiques qui prennent en compte une grande variété de contextes et d’environnements. Il s’agit d’un vide en recherche et d’éléments manquants pour mieux travailler en vue d’accroître la participation électorale des femmes.
Le processus d’inscription électorale utilisé en Afghanistan pourrait être un cas d’étude intéressant. La commission électorale, appuyée d’aide internationale, prend des mesures importantes pour augmenter le nombre de femmes inscrites au vote et pour combler l’écart entre les taux d’inscription des hommes et des femmes.
En date de la mi-octobre, le nombre d’électeurs inscrits, comme publié sur le site Web de la commission électorale, s’élevait à 1 282 880 hommes et 696 998 femmes. En novembre, la Commission électorale indépendante (IEC) a annoncé que quelques jours avant la fin de la période d’inscription, environ 2,7 millions de personnes s’étaient inscrites à la liste électorale, dont 1 million était des femmes [70]. Il existe encore clairement une grande disparité entre les genres. Le processus a débuté en mai et doit se terminer bientôt, mais dans certaines régions, le programme se poursuivra jusqu’au 22 mars 2014 [71].
Les femmes afghanes, en plus d’être confrontées à bon nombre des mêmes problèmes que ceux des femmes étudiées ailleurs, font aussi face à une insécurité extrême. Les activités des talibans et la violence que connaît tout le pays limitent la capacité de la population à participer à la vie publique. En raison des normes culturelles, on refuse de faire confiance aux femmes dans l’exercice de leur droit d’obtenir une carte d’électeur. De plus, leur famille restreint leur capacité à se déplacer librement. Les femmes s’inquiètent quant à elles d’avoir affaire à des hommes dans les centres d’inscription, et par-dessus tout d’avoir à se faire photographier. Comme c’est le cas dans la population en général, il existe un cynisme chez les femmes comme quoi leur participation n’aura pas d’influence sur les enjeux qui les concernent. [72]
La commission a vanté les mesures qu’elle prend pour surmonter ces difficultés. L’IEC a créé une unité entièrement dédiée au genre, et une stratégie élaborée précisément autour du genre en vue des prochaines élections et surtout en vue de l’inscription électorale. Le site Web de l’IEC décrit le programme comme suit :
En vue des élections, l’IEC a entrepris un nombre de stratégies pour encourager les électrices à s’inscrire, ainsi que pour accroître le nombre d’employées aux quartiers généraux de l’IEC et d’agentes d’inscription dans les bureaux locaux. L’IEC continuera à s’impliquer aux côtés de leaders d’influence, dont les mollahs et les réseaux de femmes, afin de sensibiliser la population à l’importance de la participation électorale des femmes. En entrant en contact avec le public, non seulement l’IEC met au point des messages destinés aux femmes, mais s’assure aussi que le genre est pris en considération dans toutes les annonces, promouvant ainsi une approche en éducation civique qui prend en compte les besoins des femmes. Par le fait même, l’IEC souhaite promouvoir l’inclusion et la transparence dans les processus électoraux, et protéger le droit fondamental qu’est celui de voter pour toutes les électrices admissibles.
Dans le même ordre d’idée, en ce qui concerne la dotation en personnel de l’IEC, des efforts sont déployés afin que les femmes aient un rôle actif dans la structure administrative électorale. Dans ces rôles, les femmes peuvent être responsables de la formation des employées, de l’éducation civique des femmes, de l’inscription des électrices et de la gestion des bureaux de vote. Un exemple qui illustre le besoin de se pencher précisément sur les questions de genre dans le processus électoral est le fait que l’IEC a fourni aux électrices différentes options pour remédier au problème de la photo. Même si l’IEC n’oblige pas les femmes à être photographiées pour obtenir leur carte d’électrice, elle souligne qu’elle encourage tout de même les femmes à ajouter une photo à leur carte lorsque cela est possible afin de réduire les risques de fraude. [73]
L’IEC souhaite diffuser largement un dépliant informatif à l’intention des femmes. Afin d’informer un plus grand nombre de femmes sur le droit de vote et sur le processus d’inscription, des messages d’intérêt public au sujet des femmes et du droit de vote ont été diffusés à la télévision et à la radio par l’agence gouvernementale de relations publiques. De plus, l’IEC tente de mettre sur pied des centres d’inscription dotés de bureaux d’inscription pour femmes administrés par des femmes [74], quoique jusqu’à maintenant il semble difficile de recruter un nombre suffisant de femmes dans certaines régions. L’IEC a ouvert 385 centres d’inscription et vise en ouvrir 399 au total partout au pays. Selon des communiqués de presse, l’IEC déploie aussi des unités d’inscription mobiles afin qu’un plus grand nombre de femmes puissent s’inscrire.
L’IEC, un organisme sous-financé qui aurait peut-être dû mettre en œuvre ces programmes plus tôt pour en maximiser leurs effets, déploie tout de même des efforts qui valent la peine d’être étudiés pour déterminer la valeur relative des futures activités en Afghanistan et ailleurs.
Conclusion
De toute évidence, des femmes partout dans le monde font face à de nombreux obstacles lorsque vient le temps de s’inscrire au vote. Par conséquent, elles se trouvent privées de toute participation publique et politique avant même d’atteindre l’étape du scrutin. Ce n’est pas un problème dans tous les pays, mais les données qualitatives et quantitatives suffisent pour montrer que dans certains endroits, il s’agit d’un point névralgique auquel la communauté internationale, les gouvernements, les organismes de gestion électorale et la société civile doivent être attentifs. Certaines des barrières culturelles et religieuses semblent difficiles à briser, dans certains pays les organismes de gestion électorale tentent tout de même de trouver des solutions en accommodant les femmes qui ont des moyens de participation restreints. Dans bien des régions du monde, c’est de documentation dont les femmes ont besoin. Il s’agit là d’un problème qu’il faut régler, puisqu’il ne se limite pas qu’aux femmes ni à l’inscription électorale et au scrutin. Certains pays commencent à prendre des mesures pour résoudre ces problèmes, ce qui est prometteur, mais encore insuffisant.
La première étape afin de trouver les bonnes solutions est de récolter davantage de données. À tout le moins, les militants, les analystes et les législateurs ont besoin de données ventilées sur l’inscription électorale afin de savoir où le problème est le plus grave. De plus, il existe un besoin criant en matière d’analyse des programmes visant l’accroissement de la participation des femmes dans le processus d’inscription électorale afin de déterminer quels sont les meilleurs programmes, les meilleures stratégies, et les meilleures circonstances dans lesquelles ils peuvent être reproduits.
La question d’intégration des politiques d’égalité hommes-femmes autant dans l’analyse que dans l’observation des élections et dans d’autres domaines politiques a reçu beaucoup d’attention au cours des dernières années. Toutefois, quand ces discussions ont lieu, le processus d’inscription électorale est souvent laissé de côté. Si nous souhaitons réellement atteindre l’égalité hommes-femmes en politique ainsi que dans d’autres sphères de la vie, l’inscription électorale est un aspect de la participation à la vie publique qui demandera plus d’attention et plus d’action.
[12] Anita Nirody, “Women Must Play Active Political Role,” Girl’s Rights Gazette, Plan EU, 11 octobre 2013, p. 6. Sarah El-Rashidi, “New campaign aims to provide marginalised women with national IDs,” Ahram Online, 12 mars 2012.
[13] NDI, Barriers to Electoral Participation in Guatemala, 2007, p. 30, pp 87–88.
[14] Maria del Carmen Tamargo, El Subregistro de Nacimientos: El Análisis de las Variables de Género y Etnia en Guatemala, IADB, 2008, p. 5, disponible au www.iadb.org/document.cfm?id=1963765.
[15] En partenariat avec le gouvernement et la société civile, le NDI a été en mesure de lancer une champagne de 15 jours qui a mené à l’obtention de documentation par 16 000 femmes. NDI, “Burkina Faso Campaign Brings 16,000 Women Closer to Voter Registration”, 19 octobre 2012 au http://www.ndi.org/burkina-faso-birth-certificates.
[16] Susan Tolmay, Women Rights Organisations Strategize for Democracy in Zimbabwe, Association for Women’s Rights in Development, 4 octobre 2013.
[17] Rumbidzai Dube Identity, Citizenship, and the Registrar General: The Politicking of Identity in Zimbabwe, RAU, juillet 2012, p. 5.
[18] Ibid, p. 7.
[19] Megan Alexandra Dersnah, Women in Political and Public Life, Global Report for the Working Group on the issue of discrimination against women in law and in practice, p. 38.
[20] http://aceproject.org/electoral-advice/archive/questions/replies/419301685#322053306.
[21] Brian Otieno, “Let Muslim women wear headgear, plead Imams,” The Star, 23 novembre 2012.
[22] Idd Kaahwa
[23] Obaid Ali and Ali M. Latifi, “A Slow Start: Afghan Voter Registration in Urban Centers First,” Afghanistan Analysts Network, 8 juin 2013.
[24] Voir par exemple Jean Ann Esselink, “Republicans Find a New Way to Disenfranchise Women Voters,” The New Civil Rights Movement, 17 octobre 2013.
[25] Tamargo, El Subregistro de Nacimientos, 2008, p. 20.
[26] República de Colômbia, Registraduría Nacional del Estado Civil de Colombia. “Hay un millón y medio de cédulas de ciudadanía listas para ser reclamadas por sus titulares en todas las Registradurías del país,” Boletín : Nuestra Huella Digital, édition no. 219, 9 juillet 2012, disponible au http://www.registraduria.gov.co/Boletin-- — Semanal--‐Edicion--‐219--‐del--‐9.html#reclamardes.
[27] IDD KAAHWA
[28] Cypriano Ogwang
[29] Jacqueline Mwebesa Atuheirwe
[30] Ngondo Ndjondo Abbel
[31] Agnes Obutu Marete
[32] Kwamboka Mogaka Florence
[33] Recommandation générale n° 23 de la CEDAW (16e session, 1997), article 7 (vie politique et publique), paragraphe 20 (a).
[34] http://www.unicef.org/education/bege_70640.html.
[35] UNESCO, Education for All Global Monitoring Report Fact Sheet, octobre 2013.
[36] Human Rights Watch, A Revolution for All: Women’s Rights in the New Libya, 27 mai 2013, P.12.
[37]ATELIER DE FORMATION EN GENRE DES ORGANES DE GESTION DES ELECTIONS AU MALI, NDI et UN Femmes, Me Djourté Fatoumata Dembélé, Directrice de la Maison de la, Femme, Rive Droite, NDI Workshop, Bamako, 14 septembre 2013.
[38] Palash Ghosh, “Pakistani Women in Politics, Slow Progress, Mighty Obstacles,” International Business Times, 28 septembre 2013, au http://www.ibtimes.com/pakistani-women-politics-slow-progress-mighty-obstacles-1412134.
[39] Scott Worden and Nina Sudhakar, Learning from Women’s Success in the 2010 Afghan Elections, United States Institute for Peace, juin 2012, p. 6.
[40] http://www.ohchr.org/EN/Issues/IDPersons/Pages/Issues.aspx
[41] Il existe une littérature complexe et approfondie sur le sujet de la compatibilité de l’islam et de l’égalité entre les genres qui dépasse le cadre de ce rapport.
[42] En plus d’être souvent abordé dans la littérature sur la participation des femmes en politique, ce thème a aussi été soulevé à de maintes reprises par des membres du Réseau des experts ACE. Voir http://aceproject.org/electoral-advice/ace-workspace/questions/open-questions/277728362/ (en anglais seulement).
[43] Recommandation générale n° 23 de la CEDAW (16e session, 1997), article 7 (vie politique et publique)
[44] Megan Alexandra Dersnah, Women in Political and Public Life, Global Report for the Working Group on the issue of discrimination against women in law and in practice, p. 3 et p. 6 au www.ohchr.org/Documents/Issues/Women/WG/…/WG_Global.docx.
[45] The Road To Substantive Democracy: Women’s Political Participation In The Americas, Inter-American Commission On Human Rights, 18 avril 2011, p. 40.
[46] Voir UNICEF, “Regional Overview for the Middle East and North Africa: MENA Gender Equality Profile Status of Girls and Women in the Middle East and North Africa,” 2011.
[47] International IDEA, Building Democracy in Yemen: Women’s Political Participation, Political Party Life and Democratic Elections, 2005, p. 26.
[48] Kwamboka Mogaka Florence
[49] ATELIER DE FORMATION EN GENRE DES ORGANES DE GESTION DES ELECTIONS AU MALI, NDI et UN Femmes, Me Djourté Fatoumata Dembélé, Directrice de la Maison de la, Femme, Rive Droite, NDI Workshop, Bamako, 14 septembre 2013.
[50] Gabrielle Bardall, Breaking the Mold: Understanding Gender and Electoral Violence, décembre 2011, p. 18.
[51] IFES, avec l’appui du Ministère fédéral des Affaires étrangères d’Allemagne, Survey Assessing Barriers to Women Obtaining Computerized National Identity Cards (CNICs), février 2013, disponible au :
http://aceproject.org/electoral-advice/ace-workspace/questions/open-questions/277728362/962062828/
IFES-PK-Survey-Assessing-Barriers-to-Women.pdf
[52] Jessica Huber, IFES’ Survey on the Status of Women in Libya, IFES, 18 septembre 2013, p. 8.
[53] Human Rights Watch, A Revolution for All: Women’s Rights in the New Libya, 27 mai 2013, p. 15.
[54] Voir par exemple la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, “Afghanistan: IEC kicks off second phase of voter Registration,” 28 juillet 2013.
http://unama.unmissions.org/Default.aspx?tabid=12254&ctl=Details&mid=15756&ItemID=37107
& language=en-US
[55] UNICEF, The Situation of Women in Bolivia, http://www.unicef.org/bolivia/children_1538.htm
[56] Jimena Costa Benavides, PAPER PRESENTED AT INTERNATIONAL IDEA WORKSHOP, The Implementation of Quotas: Latin American Experiences, Lima, Pérou, 23–24 février 2003.
[57] NDI, Barriers to Electoral Participation in Guatemala, 2007, p. 20.
[58] SK Priya, Study Related to Discrimination Against Women in Law and in Practice in Political and Public Life, Including During Times of Political Transitions, in Asia, Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique, 21 octobre 2012, p. 28.
[59] Megan Alexandra Dersnah, Women in Political and Public Life, Rapport global du Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique, p.8.
[60] Gabrielle Bardall, Breaking the Mold: Understanding Gender and Electoral Violence, IFES, 2011, p. 15.
[61] Ibid., p. 16.
[62] Ibid., p.p. 18–19.
[63] Ibid., p. 20.
[64] Ibid., p. 15.
[65] A P Reeler, Zimbabwe women and their participation in elections, Research & Advocacy Unit [RAU], 2010, p. 3.
[66] Gabrielle Bardall, Breaking the Mold: Understanding Gender and Electoral Violence, IFES, 2011, p. 12.
[67] http://aceproject.org/electoral-advice/ace-workspace/questions/open-questions/277728362.
[68] Commission interaméricaine sur les droits de l’homme, The Road To Substantive Democracy : Women’s Political Participation In The Americas, 18 avril 2011, p. 44.
[69] SK Priya, Study Related to Discrimination Against Women in Law and in Practice in Political and Public Life, Including During Times of Political Transitions, in Asia, Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique, 21 octobre 2012, p. 16.
[70] “Officials: Few Afghans registered for 2014 vote,” Associated Press, 6 novembre 2013 au http://bostonherald.com/news_opinion/international/asia/2013/11/
officials_few_afghans_registered_for_2014_vote
[71] Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, “In first visit to Afghanistan, UN official urges safeguarding of advances made for women,” 8 octobre 2013.
[72] Entrevue avec Obaid Ali, Afghanistan Analyst Network, 11 novembre 2013.
[73] http://www.iec.org.af/2012-05-29-07-06-38/gender-mainstreaming
[74] Ibid.
[75] http://www.wadsam.com/
iec-to-deploy-mobile-registration-team-to-make-afghan-voting-process-more-inclusive-232/ IEC to deploy mobile registration team to make Afghan voting process more inclusive, Wadsam, 25 septembre 2013.
Dans l’actualité en novembre 2013 : l’inscription électorale en Afghanistan
L’inscription électorale des femmes prend du retard
La Commission électorale indépendante (IEC) d’Afghanistan, qui avait fait de la participation électorale des femmes une priorité lors des élections de 2013, a eu de la difficulté à fournir des cartes d’électeur aux femmes afghanes, surtout dans la province de Helmand, qui est reconnue pour ses valeurs traditionnelles strictes et pour son manque de femmes employées aux centres d’inscription.
L’inscription électorale dans les villages s’est terminée lundi dernier et une nouvelle phase du processus d’inscription débute pour l’IEC : ceux qui souhaitent obtenir leur carte d’électeur devront se rendre à leur bureau provincial respectif, situé dans la capitale de leur province.
Plus de trois millions d’Afghans se sont inscrits à l’échelle mondiale, mais les autorités ont exprimé leur insatisfaction devant le nombre de femmes afghanes ayant reçu une carte d’électeur au moment d’enclencher la dernière étape de l’inscription.
Selon les représentants de la commission pour la province de Helmand, seulement 30 % des électeurs inscrits dans la province sont des femmes.
Le bureau de l’IEC à Helmand ainsi que le bureau principal à Kaboul ont refusé de fournir le nombre précis de résidents inscrits à la liste électorale ainsi que le nombre de femmes qui possèdent une carte d’électeur. Les deux bureaux ont toutefois admis qu’ils avaient fait face à de nombreuses difficultés au cours du processus d’inscription dans la province.
« Le taux d’inscription des femmes dans la province de Helmand est faible, et nous en sommes préoccupés », confiait à TOLOnews le directeur de l’IEC de Helmand, Qudratolla Naqshbandi.
Ce dernier a avancé que les valeurs traditionnelles qui interdisent aux femmes de s’impliquer dans la sphère publique empêchent les femmes de la province de Helmand de s’inscrire à la liste électorale. Il a aussi affirmé que le manque de femmes employées au sein de l’IEC, lesquelles offriraient leurs services aux électrices, se révèle être un problème majeur.
« Malheureusement, les valeurs traditionnelles et le manque d’employées à la Commission électorale ont été des facteurs décisifs dans le faible taux d’inscription électorale des femmes. »
Des services d’inscription demeureront disponibles partout au pays jusqu’à la semaine précédant les élections du 5 avril. Toutefois, ces services ne seront disponibles que dans les capitales provinciales.
Les activistes de la société civile et les autorités gouvernementales ont appelé les femmes à exercer leur droit de vote et à s’inscrire pour les élections du printemps. Cependant, la dernière période d’inscription étant sur le point de commencer, le temps presse.
Source : http://www.tolonews.com/en/afghanistan/12581-female-voter-registration-lags-in-helmand
Des millions d’électeurs inscrits en vue des élections afghanes
Selon la mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (UNAMA), dans le cadre d’une campagne nationale d’inscription, plus de trois millions de personnes se sont inscrites sur la liste électorale en prévision des élections de l’année prochaine. Les élections présidentielles et celles des conseils provinciaux auront lieu le 5 avril. L’UNAMA a précisé que la campagne d’inscription de la Commission électorale indépendante a permis de joindre davantage d’électeurs.
Toujours selon la mission des Nations Unies, environ 30 % des 3 007 668 électeurs qui se sont inscrits durant la campagne étaient des femmes.
La campagne de l’IEC visait les nouveaux électeurs, les Afghans qui avaient été déplacés ou qui étaient de retour au pays, ainsi que ceux qui avaient perdu leur carte d’électeur depuis les élections précédentes.
Des élections dirigées et administrées par les Afghans sont cruciales pour la transition politique du pays. L’UNAMA réitère l’importance de la participation populaire afin de garantir des élections transparentes, crédibles et inclusives », déclarait la mission dans un communiqué.
L’année prochaine, pour la première fois dans l’histoire afghane, un gouvernement élu passera le pouvoir à un autre.
Selon l’IEC, en date d’octobre, 26 candidats, dont une femme, se présentaient aux élections présidentielles. Dans le cas des élections des conseils provinciaux, ce sont 3000 candidatures, dont celles de 323 femmes, qui ont été reçues en vue des prochaines élections.
L’IEC a ajouté que le nom des candidats est confidentiel.
Source : http://www.upi.com/Top_News/Special/2013/11/13/Millions-of-voters-registered-for-Afghan-elections/
UPI-69171384366020/#ixzz2kdHnAcAa
Pakistan
Les élections de 2013 étaient particulièrement spéciales pour les femmes en raison de la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par le Pakistan en 2010. De ce fait, les élections de 2013 étaient les premières lors desquelles le pays devait se soumettre à ses obligations. Le Pakistan a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1996. La constitution pakistanaise interdit aussi la discrimination de genre et garantit la participation entière des femmes dans toutes les sphères de la vie nationale sur l’État (article 34). Ce faisant, les engagements juridiques du Pakistan dans ce domaine sont clairs.
Entre les élections de 2009 et celles de 2013, le Pakistan s’est clairement amélioré. Il reste toutefois un grand écart entre le nombre d’hommes et de femmes inscrits à la liste électorale, et les taux d’inscription sont généralement bas. Au moment de la rédaction de cet article, l’ONU estimait que la population du Pakistan comprenait 88,5 millions de femmes et 91,4 millions d’hommes (179,9 millions au total). [1] De nombreuses études, dont celle de l’organisme Gender Concerns International, ont montré que
… les femmes représentaient 43,6 % des électeurs inscrits lors des élections générales de 2013 : 37,6 millions de femmes à travers le pays étaient inscrites à la liste électorale, comparativement à 48,6 millions d’hommes. Le pourcentage d’électrices était le plus faible dans les régions tribales (les FATA en anglais), où seulement 34,4 % des électeurs inscrits étaient des femmes (0,59 million de femmes), comparativement à 1,1 million d’hommes. Le plus haut taux d’inscription était à Islamabad, où 46 % des électeurs étaient des femmes. Les taux d’inscription des femmes dans chaque province étaient les suivants : 42,6 % dans le Baloutchistan, 42,9 % dans le Khyber Pakhtunkhwa, 43,8 % dans le Pendjab et 44,7 % dans le Sindh. [2]
Inscription électorale par province et par genre [3]
|
Province/Région
|
Électeurs
|
Électrices
|
Nombre total d’électeurs
|
|
Balochistan
|
1 915 388
|
1 421 271
|
3 336 659
|
|
FATA
|
1 142 234
|
596 079
|
1 738 313
|
|
Région fédérale
|
337 900
|
288 064
|
625 964
|
|
Khyber Pakhtunkhwa
|
7 008 533
|
5 257 624
|
12 266 157
|
|
Pendjab
|
27 697 701
|
21 561 633
|
49 259 334
|
|
Sindh
|
10 490 631
|
8 472 744
|
18 963 375
|
|
Total
|
48 592 387
|
37 597 415
|
86 189 802
|
La principale cause de cette disparité est le fait que les femmes ne possédaient pas la carte d’identité requise — un frein majeur à l’inscription, comme répété à plusieurs occasions dans ce rapport. Afin de voter, les Pakistanais doivent d’abord s’inscrire auprès de l’autorité responsable de la base de données nationale, appelée NADRA et de l’inscription pour obtenir une carte d’identité nationale informatisée. Un rapport publié par IFES montre que malgré les efforts importants réalisés par la commission électorale et par la société civile pour augmenter le taux d’inscription des femmes, parce que la liste électorale était compilée sur la base de l’information tirée cartes d’identité informatisées, le processus a laissé de côté environ 20 % des Pakistanaises admissibles au vote.
Au niveau national, 90 % des hommes affirment avoir obtenu une carte d’identité informatisée, comparativement à 79 % des femmes. C’est au Khyber Pakhtunkhwa qu’on retrouve la plus grande différence entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’obtention d’une carte d’identité informatisée : presque tous les hommes (97 %) affirment avoir obtenu une carte d’identité, alors que seulement 81 % des femmes en disent autant. Dans le Pendjab, 91 % des hommes disent avoir obtenu leur carte d’identité, comparativement à 76 % des femmes [5]. Selon la NADRA, 92 millions de cartes d’identité informatisées ont été délivrées en prévision de l’élection, mais seulement 40 millions de cartes ont été remises à des femmes.
Selon IFES, il existe au Pakistan un manque de sensibilisation parmi les femmes au sujet des processus électoraux, dont l’inscription. L’analphabétisme, comme discuté longuement dans ce rapport, est aussi un frein important à l’inscription des femmes au Pakistan, surtout pour les femmes qui vivent en zone rurale. Ces femmes sont, dans certains cas, incapables de remplir les formulaires requis [7]. Deux tiers des femmes en âge de travailler seraient analphabètes [8].
Le cas du Pakistan rappelle plusieurs autres des thèmes abordés précédemment. Dans les régions rurales du Pakistan, bien des femmes ne reçoivent pas leur carte d’identité informatisée parce qu’elles sont incapables de quitter leur maison sans être accompagnées d’un homme. Leurs déplacements à l’extérieur de la maison sont restreints. Dans certains cas, « les officiers de l’état civil affirment que des chefs de famille, en répondant à la porte, omettent parfois de déclarer l’existence de leur femme, de leurs filles ou de leurs sœurs. Parfois même, ils refusent que celles-ci soient inscrites. Les raisons qui motivent ce refus peuvent varier : ces hommes peuvent être convaincus que les femmes devraient s’abstenir de participer à la vie politique, ou peuvent vouloir éviter que leur famille figure sur les dossiers gouvernementaux et ainsi être à l’abri de toute ingérence gouvernementale ». De plus, « le fait que seuls des hommes soient embauchés au poste d’officier de l’état civil a probablement joué un rôle dans le faible taux d’inscription des femmes puisque dans bien des régions, celles-ci risquent de ne pas même ouvrir la porte à un inconnu sans qu’un homme de leur famille soit présent ». [9] Les normes culturelles et les systèmes de croyances ont empêché les femmes de s’inscrire à la liste électorale.
Le Pakistan connaît aussi le problème de définition des rôles de genre. Là-bas, l’idée comme quoi les femmes appartiennent à la sphère privée et les hommes à la sphère publique est très fortement ancrée, surtout dans certaines régions. Cela est particulièrement vrai dans les zones tribales, où les écarts de genre sont encore plus marqués. Dans des régions comme FATA, les femmes sont généralement privées de participer à la vie publique en raison de leur haut taux d’analphabétisme, des responsabilités familiales, des barrières culturelles et de l’idée selon laquelle la politique est réservée aux hommes. Dans les FATA, la mobilité des femmes est strictement contrôlée.
On estime aussi qu’un nombre important de personnes déplacées internes (PDI) auraient été exclues du processus d’inscription électorale, et comme il a été question précédemment, les femmes sont surreprésentées parmi les populations de PDI.
Il faut reconnaître les importants efforts déployés par le gouvernement afin qu’autant de Pakistanais que possible soient en mesure d’obtenir leurs pièces d’identité et de s’inscrire en vue des élections de 2013. Le gouvernement a aussi tenté de faciliter l’inscription électorale des femmes en particulier. Par exemple, les vendredis, les membres du personnel de onze centres d’inscription gérés par l’autorité d’inscription nationale n’étaient que des femmes. Non seulement aucune femme ne siège à la commission électorale, les officiers la commission électorale du Pakistan, c’est-à-dire les directeurs et les commissaires provinciaux, sont tous des hommes. De plus, la commission a déclaré que moins de deux pour cent des membres de son personnel, de ses directeurs régionaux du scrutin, de ses directeurs du scrutin et de ses directeurs adjoints du scrutin sont des femmes.
Cameroun
Le Cameroun fournit des exemples pertinents des problèmes auxquels font les femmes dans certaines régions du monde où les restrictions religieuses les empêchent d’être photographiées.
Le Cameroun, comme bien d’autres pays d’Afrique et d’ailleurs, est en voie d’instituer un système biométrique d’inscription des électeurs. Certains s’inquiètent que ce système empêche les femmes de s’inscrire, surtout « dans le nord du pays, majoritairement musulman, où les pratiques culturelles comme le port du voile risquent d’empêcher les femmes de se faire photographier » [12].
Selon des communiqués de presse, « pour s’inscrire en vue des élections parlementaires et de celles des conseils locaux de février 2013, les citoyens devaient présenter leur carte d’identité nationale et une photo. Les citoyens ne pouvaient porter ni chapeau, ni lunettes ou voile sur la photo pour éviter que leur identité biométrique soit faussée. Dans certaines parties du pays, les femmes n’ont pas le droit de retirer leur voile en public » [13].
La commission électorale a tenté de remédier au problème en photographiant les femmes à l’intérieur de leur maison, leur permettant ainsi de retirer leur voile à l’abri du regard des hommes, mais cette solution n’a pas permis de régler le problème puisque les femmes devaient aussi se faire photographier pour obtenir une carte d’identité nationale. La commission a organisé une campagne d’éducation visant à sensibiliser les maris à l’importance d’autoriser leur femme à obtenir une carte d’identité nationale [15].
Népal
Le Népal est un autre pays où les femmes possèdent rarement les documents requis et font face à une discrimination flagrante lorsqu’elles tentent de les obtenir.
Le Carter Center (TCC) a largement étudié le système d’inscription des électeurs au cours de la dernière année et s’est aussi penché sur les problèmes qui touchent les femmes. En février 2013 [16], le TCC indiquait que les Népalaises connaissent des taux d’inscription considérablement plus faibles que ceux des hommes.
Le problème est assez facile à cerner : le ministère des affaires de l’intérieur demande qu’une femme mariée soit accompagnée de son mari ou de son beau-père pour appuyer sa demande de délivrance de son certificat de citoyenneté. « Dans certains cas, lors d’un divorce, d’une séparation ou du décès du mari, ou même pour des raisons culturelles, il peut être difficile d’obtenir ce document. Les exigences du ministère placent la femme mariée à un rang inférieur, puisque les hommes mariés peuvent obtenir leur certificat de citoyenneté avec l’appui de leurs propres parents. » [17] Les certificats de citoyenneté sont requis pour s’inscrire à la liste électorale.
Un autre obstacle est l’un de ceux décrits en détail précédemment : la distance qui sépare les centres d’inscription aux citoyens, ainsi que le temps et les ressources nécessaires pour parcourir cette distance.
En octobre 2013, le TCC a publié des rapports faisant le suivi sur ces enjeux [18]. Il a trouvé que le ministère des affaires intérieures avait suivi l’une des recommandations faites par le TCC dans l’un de ses rapports précédents, laquelle visait à ce qu’un plus grand nombre de personnes et un plus grand nombre de femmes en particulier aient les certificats de citoyenneté requis pour s’inscrire au vote. D’abord, 364 équipes mobiles souvent accompagnées d’officiers d’état civil ont été déployées dans des zones éloignées pour distribuer des certificats de citoyenneté et pour offrir d’autres services gouvernementaux. Ensuite, le ministère, de concert avec la commission électorale, a déployé 472 équipes mobiles dans tous les 75 districts du Népal pour inscrire les électeurs [19].
« Le ministère des affaires intérieures a informé le TCC qu’au total, 603 094 certificats de citoyenneté avaient été délivrés au cours des deux phases, et que ce sont les femmes qui ont bénéficié le plus du service (365 410 femmes et 237 684 hommes). » Le TCC s’était montré critique à l’endroit du programme, pointant du doigt le fait que certaines personnes devaient se déplacer sur de longues distances pour se rendre aux centres d’inscription mobiles, et, comme nous l’avons vu précédemment, cela s’avère un obstacle encore plus grand pour les femmes. « Par exemple, dans le village de Gorkha (comité de développement villageois de Simjung), les observateurs du TCC ont remarqué que certains citoyens avaient voyagé pendant quatre heures pour se rendre au point d’inscription. » [20]
Le TCC s’est intéressé de nouveau au fait que les femmes doivent avoir l’appui de leur mari ou de leur beau-père pour faire une demande de délivrance de leur certificat de citoyenneté. « Bien que ces instructions soient toujours en vigueur, le ministère des affaires intérieures a informé le TCC que des instructions avaient été communiquées aux bureaux de districts en janvier 2013 permettant aux femmes de demander leur certificat de citoyenneté en utilisant le certificat de citoyenneté de leur père comme document d’appui ». Cette mesure s’est révélée inutile, puisque d’autres problèmes ont persisté. Par exemple, « les femmes qui choisissent d’utiliser le certificat de citoyenneté de leur père comme document d’appui pourraient perdre le droit d’hériter de leur mari (s’ils ne possèdent pas de certificat de mariage), ce qui pourrait compliquer l’obtention de certificats de citoyenneté pour les enfants. Pour cette raison, les femmes sont réticentes à employer cette méthode ». [21]
Au Népal, les rôles de genre entraînent la discrimination envers les femmes et ont un impact sur leur capacité à s’inscrire au vote. Selon le rapport du Népal rendu au comité de la CEDAW, « les relations de genre au Népal sont toujours définies par un système de valeurs patriarcales qui perpétue l’assujettissement des femmes. Nombreuses sont celles qui ne remettent pas en question ce système et, dans une certaine mesure, croient que les hommes ont le droit de contrôler leur vie et leur corps ». [22]
Guatemala
Au Guatemala, un très grand nombre de femmes vivent sans papiers, surtout des femmes autochtones, pauvres et vivant dans des régions rurales. Cette information provient de sondages, dont un réalisé par Gallup au Guatemala, mais aucune donnée précise n’est disponible.
Cette absence de données s’explique par le fort taux d’analphabétisme des femmes dans le pays. Au Guatemala, 36 % des femmes sont analphabètes, et ce taux s’élève à 51 % chez les femmes autochtones. « Seules 17 filles sur 100 terminent leur éducation primaire, et dans les régions rurales, 66 % des filles quittent l’école avant avoir complété la troisième année. » [23]
De plus, « le patriarcat et l’exclusion sont toujours à la base de la société, au sein de laquelle les valeurs sont mesurées selon des standards socioculturels machistes et racistes qui entraînent l’exclusion des femmes de la participation politique » [24].
Un rapport du National Democratic Institute sur les barrières à la participation électorale au Guatemala révèle que les femmes se confrontent à de nombreux obstacles dans ce pays en particulier [25]. D’abord, l’étude a confirmé qu’il existait un large écart de participation entre les hommes et les femmes, que ce soit au sein de la population autochtone que la population ladina [26], mais de façon bien plus marquée chez la population autochtone [27].
Sans surprise, le rapport souligne que le manque de documents d’identité « est clairement la raison mentionnée le plus souvent pour expliquer la non-participation des répondants ladinos et autochtones aux élections » [28]. Les femmes rencontrent un problème particulier : leur faible taux de participation à la vie civique en générale entre en corrélation directe avec leur faible taux d’inscription électorale [29].
Sans se contenter de mener des études statistiques, le National Democratic Institute a aussi eu recours à des groupes de réflexion. Leurs conclusions sont les suivantes :
Écart de participation entre les hommes et les femmes
Principaux problèmes trouvés :
- Difficultés à obtenir une carte d’identité (cedula)
- Manque de ressources financières
- Problèmes culturels
- Discrimination
- Éducation
- Langue
Principales causes de ces problèmes
- Les coûts associés à l’obtention d’une carte d’identité, qui sont un frein, surtout pour les femmes, puisqu’elles sont souvent dépendantes financièrement de leur mari et des hommes de leur famille.
- Le manque d’éducation, qui est encore plus grave chez les femmes.
- L’absence de documentation chez les femmes pour des raisons institutionnelles, idiomatiques et culturelles.
- Le machisme, qui est un facteur culturel. Les hommes ne semblent pas trouver qu’il soit nécessaire d’inscrire leurs filles au registre civil au moment de leur naissance, et lorsque vient le temps d’obtenir leur carte d’identité ou de participer à des activités civiques ou communautaires, elles n’y sont pas autorisées. C’est un système patriarcal et raciste.
- Les barrières linguistiques, qui sont plus grandes chez les femmes autochtones puisque bon nombre d’entre elles ne parlent pas espagnol. La citation suivante illustre cette idée : « Les femmes n’ont besoin que de leur langue maternelle puisqu’elles sont toujours à la maison aux soins des enfants ».
- Les participants ont affirmé que, ce faisant, les femmes autochtones ne sont pas informées de leurs droits et de leurs obligations.
- Le peu d’attention institutionnelle que reçoivent les femmes. Le gouvernement est le reflet d’une société machiste. Les politiques et les approches actuelles sont insuffisantes.
La Commission interaméricaine des droits de l’homme appuie ces conclusions. La Commission a trouvé qu’« en plus des stéréotypes et de la discrimination qui ont été des obstacles à la participation des femmes, d’autres barrières plus pragmatiques ont aussi empêché les femmes de voter, comme le manque de documents d’identification… De tous les électeurs inscrits, environ 57 % sont des hommes et 43 % sont des femmes. Les rapports indiquent qu’environ 30 % des femmes admissibles au vote ne sont pas inscrites, surtout dans les communautés autochtones et rurales. » [30]
Bolivie
Comme au Guatemala, un grand nombre de Boliviennes, surtout des femmes autochtones, pauvres et vivant dans des zones rurales, sont sans papiers. Comme l’a signalé la Commission interaméricaine des droits de l’homme, il existe « une double discrimination à l’endroit des femmes autochtones et rurales qui sont incapables d’obtenir leurs documents d’identité et qui se voient de facto dans l’impossibilité de former ou de se joindre à un parti politique et de participer de façon individuelle aux élections ». La Commission interaméricaine des droits de l’homme rapporte qu’un « grand nombre de femmes, surtout des femmes autochtones habitant des zones rurales, les femmes plus âgées et celles atteintes d’un handicap ne possèdent pas de documents d’identité et ne peuvent donc pas exercer leurs droits politiques » [31].
De plus, comme c’est le cas dans tant de pays, le problème d’analphabétisme et le manque d’éducation entrent en jeu. « En Bolivie, le taux d’analphabétisme chez les femmes est de 19,35 %, tandis que chez les hommes, ce taux est de 6,94 %. Dans les régions rurales, l’analphabétisme chez les femmes s’élève à 37,91 %, alors que ce taux se situe à 14,42 % chez les hommes. » [32]
Les barrières culturelles typiques existent aussi en Bolivie, où, malgré les progrès accomplis, un éthos de discrimination de genre subsiste. Selon l’UNICEF, en Bolivie perdure une culture traditionnelle misogyne au sein de laquelle les femmes ont un rôle subalterne, traditionnel et subordonné qui se limite à assurer la reproduction et à subvenir aux besoins de la famille [33]. Ces rôles sont encore plus ancrés dans les communautés autochtones. Prenons cet exemple : « [dans] la démocratie du peuple aymara, le plus populeux des peuples autochtones de Bolivie, seuls les hommes peuvent participer aux débats publics, appelés assemblées communales ou parlakipawi. Celle-ci est la plus haute autorité et se trouve au centre de la vie communautaire, et la participation des femmes y est interdite. Être élu à cette assemblée est un privilège réservé aux hommes mariés, propriétaires terriens et chefs de famille » [34].
Afghanistan
Deux nouveaux articles au sujet de l’inscription électorale en Afghanistan et plus particulièrement l’inscription électorale des femmes dans la province de l’Helmand ont été publiés et sont disponibles ici (en anglais seulement).
[1] NDI, ANFREL, THE 2013 NATIONAL AND PROVINCIAL ASSEMBLY ELECTIONS IN PAKISTAN, Election Observation Mission Final Report, 2013, p. 20.
[2] Gender Concerns International, GENDER ELECTION MONITORING MISSION PAKISTAN, General National Assembly Election, 11 May 2013, p. 21.
[3]NDI, ANFREL, THE 2013 NATIONAL AND PROVINCIAL ASSEMBLY ELECTIONS IN PAKISTAN, Election Observation Mission Final Report, 2013, p. 20.
[4] IFES, “Using a Gender Lens to Examine Pakistan’s Historic Election,” 20 juin 2013.
[5] IFES, SURVEY ASSESSING BARRIERS TO WOMEN OBTAINING COMPUTERIZED NATIONAL IDENTITY CARDS (CNICs), février 2013, p. 11.
[6] DRI, Women’s Participation in the Upcoming 2013 Election, Pakistan’s International Law Commitments under CEDAW, mars 2013, p. 6
[7] “Most Women in Rural Areas Still Without CNICs,” Dawn.com, février 23, 2013.
[8] Palash Ghosh, “Pakistani Women in Politics: Slow Progress, Mighty Obstacles,” International Business Times, 28 septembre 2013. http://www.ibtimes.com/pakistani-women-politics-slow-progress-mighty-obstacles-1412134
[9] Asia Foundation, “Why are 10 Million Women Missing from Pakistan’s Electoral Rolls?”, In Asia, 4 avril 2012.
[10] Dr Syed Hussain Shaheed Soherwordi, “Females and FATA,” The Express Tribune with the International Herald Tribune, 5 mai 2013.
[11] NDI, ANFREL, THE 2013 NATIONAL AND PROVINCIAL ASSEMBLY ELECTIONS IN PAKISTAN, Election Observation Mission Final Report, 2013, p. 52.
[12] Ngala Killian Chimtom, “Cameroon: Keeping the Veil On Women’s Electoral Participation,” 7 novembre 2012 au http://allafrica.com/stories/201211080409.html?viewall=1
[13] Ibid.
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] The Carter Center, Fifth Interim Statement on the Election Commission of Nepal’s “Voter Register with Photograph” Program, 28 février 2013.
[17] The Carter Center, Fifth Interim Statement on the Election Commission of Nepal’s “Voter Register with Photograph” Program, 28 février 2013, p. 15.
[18] The Carter Center, Sixth Interim Statement on the Election Commission of Nepal’s Voter Register with Photograph Program, 1er octobre 2013.
[19] The Carter Center, Sixth Interim Statement on the Election Commission of Nepal’s Voter Register with Photograph Program, 1er octobre 2013, p. 15.
[20] Ibid.
[21] Ibid.
[22] Nepal’s Implementation Status of the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women (CEDAW), Independent Report prepared by the National Women’s Commissionof Nepal to supplement the Combined 4th and 5th Periodic Report Submitted to the CEDAW Committee by the Government of Nepal, 26 juin 2011, p.3.
[23] International IDEA, 2002, Women in Parliament, Stockholm (http://www.idea.int). Ninth Montenegro, “El desafío de la participación política de la mujer en Guatemala,” dans International IDEA Mujeres en el Parlamento. Más allá de los números, Stockholm, Sweden, 2002, p. 1.
[24] Ibid., p. 3.
[25] NDI, Barriers to Electoral Participation in Guatemala, 2007
[26] Ibid., p. 20.
[27] Ibid., p. 22.
[28] Ibid., p. 30.
[29] Ibid., p. 49.
[30] OEA/Ser. L/V/II.118, Doc. 5 rev. 1, 29 December 2003, JUSTICE AND SOCIAL INCLUSION: THE CHALLENGES OF DEMOCRACY IN GUATEMALA, http://www.cidh.org/countryrep/Guatemala2003eng/TOC.htm
[31] ORGANIZATION OF AMERICAN STATES IACHR OEA/Ser. L/V/II. Doc. 34, Access to Justice and Social Inclusion: The Road Towards Strengthening Democracy in Bolivia, 28 juin 2007.
[32] UNICEF, The Situation of Women in Bolivia http://www.unicef.org/bolivia/children_1538.htm
[33] UNICEF, The Situation of Women in Bolivia http://www.unicef.org/bolivia/children_1538.htm
[34] Jimena Costa Benavides, Women’s Political Participation in Bolivia: Progress and Obstacles, PAPER PRESENTED AT INTERNATIONAL IDEA WORKSHOP: The Implementation of Quotas: Latin American Experiences, Lima, Pérou, 23–24 février 2003, p. 9.