Tout effort afin de rendre l'assistance électorale plus efficace doit affronter la question du croissant besoin de l'apport technologique dans les processus électoraux. L'accélération du développement des applications des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) disponibles lors d'élections et l'attrait que ces applications exercent sur les OGE des pays partenaires, sont des facteurs que toutes les agences de développement, les organismes d'assistance électorale et les praticiens devront prendre en compte. Les TIC ont déjà considérablement changé la façon de conduire les élections dans beaucoup de pays développés et il faut s'attendre à ce que ce procédé influencera de plus en plus les démocraties émergentes, y compris les pays sortant d'un conflit, indépendamment de leur niveau de préparation à l'introduction de telles applications. En général les applications TIC dans le processus électoral peuvent être réparties en trois grands groupes : a) communications, télécommunications, radio, réseaux et l'Internet; b) matériel hardware et logiciels pour ordinateurs, traitement de texte/tableurs, systèmes de gestion de base de données ; c) dispositifs électroniques/mécaniques spécialisés, innovations non électroniques et matériel divers.
Dans ce contexte, la question fondamentale pour tous ceux oeuvrant dans le champ de l'assistance et de la gestion électorale, n'est plus de savoir si les développements technologiques sont acceptables lors de processus électoraux, mais quel type de technologie est approprié pour un pays donné, en tenant compte de son niveau d'infrastructure et de son système électoral. Le plus grand défi est d'assurer un usage technologique durable, adapté, peu coûteux et transparent, lors d'élections se tenant après un conflit et dans des démocraties émergentes ou fragiles. Il n'existe pas de solution unique qui puisse s'appliquer partout, chaque situation requiert une solution différente. En règle générale, le niveau de mise à jour technologique apporté à un pays, devrait se mesurer, non seulement à la capacité, mais également à la confiance et à l'indépendance de son OGE, puisque c'est à travers elle que se fera l'acceptation du public qui finalement déterminera de la confiance à accorder au processus électoral.
Cependant, il existe d'autres facteurs qui influencent le processus de prise de décision dans le choix de la mise en œuvre de nouvelles solutions TIC, et ces facteurs ne sont pas toujours des plus bienvenus. Parfois ce sont des fournisseurs intéressés qui exercent une influence indue en faveur d'une solution donnée, parfois ce sont les agences de développement elles-mêmes qui désirent introduire une technologie semblable à celle en usage dans leur pays. D'autres fois, ce sont des groupes politiques appartenant au pouvoir qui voient l'usage de la technologie comme la méthode la plus moderne et la plus efficace de contrôler le processus électoral. Même si les avancées technologiques ont créé de nouvelles opportunités pour les groupes d'intérêt politiques et économiques, il n'y a pas de quoi s'effrayer de ce grand facteur de changement. Dans ce cadre, les agences de développement, les praticiens, les universitaires et les organismes d'assistance électorale ont un rôle important par l'influence qu'ils peuvent exercer sur les choix technologiques à adopter dans un processus électoral donné
En améliorant la rapidité et l'efficacité du processus électoral, la technologie peut contribuer à renforcer la crédibilité. Quant à savoir dans quelle mesure son application peut être mise au service des impératifs clé de l'OGE – légalité, neutralité, transparence, exactitude et orientation aux services – la question reste ouverte. Une trop grande importance accordée aux applications technologiques risque de disperser l'attention des OGE au détriment d'autres tâches essentielles et grever les budgets des agences de développement ou des OGE. Les coûts dérivant de défauts de systèmes, une conception et des essais insuffisants et la volonté de rentabiliser ce en quoi elles ont déjà investi, peuvent enfermer les agences de développement dans une spirale d'augmentation des coûts. Il faudra alors former en toute hâte du personnel en vue de la mise en œuvre de systèmes durables, ce qui peut s'avérer une tâche difficile dans un contexte de temps limité. Qui plus est, la technologie - ayant trait à la perception de l'intégrité du processus électoral - exercera un impact sur les électeurs et éventuellement sur la collectivité, par exemple, lorsque les appareils de vote électroniques centralisés replacent les urnes électorales locales.
En partant d'une perspective de la mise en œuvre, les meilleures pratiques, concernant le quand et le comment introduire et mettre en œuvre les innovations technologiques dans un processus électoral donné, et comment éviter le piège du fournisseur intéressé, peuvent se consulter dans l'Encyclopédie ACE sous le thème "Élections et Technologie”, dans le chapitre 3.7 du Guide Méthodologique de la CE pour l'Assistance Électorale, ainsi que dans les chapitres 3 et 6 du Guide de la Mise en œuvre de l'Assistance Électorale du PNUD. Ce dernier offre également de vastes perspectives pour les agences de développement sur les potentialités d'assistance que les changements technologiques peuvent opérer dans le pays partenaire. Une bonne compréhension du cycle électoral permet d'identifier le moment où les meilleures conditions sont réunies pour que l'OGE d'un pays partenaire puisse s'engager dans une stratégie d'investissement technologique. Il est toutefois utile de remarquer que ces conditions peuvent très bien ne pas correspondre au classique engagement financier planifié par les agences de développement, juste avant une élection.
La mise en service d'un encadrement technologique efficace ne peut se faire sans une sérieuse évaluation du degré de connaissances en informatique et de l'infrastructure déjà existante dans le pays partenaire. Cependant, des problèmes longtemps débattus sur la factibilité et sur la pérennité technique et financière à long terme peuvent être résolus grâce à des appels d'offres ouverts et transparents (comprenant les tests pilotes et de validation), et grâce à une formation et à des mesures de construction des capacités faisant partie du service. Un débat passionnant reste toutefois ouvert sur le choix entre l'introduction d'un niveau de technologie correspondant aux capacités existantes du pays partenaire et la pertinence de l'introduction d'une capacité technologique accrue pouvant être utile au pays partenaire au-delà des besoins immédiats de l'évènement électoral. Ce débat est particulièrement ravivé par les aspects cruciaux du processus électoral comme l'inscription de l'électeur, les opérations de vote, le dépouillement des votes et le stockage des résultats. Cependant, il existe des domaines bien moins conflictuels, comme communications et logistiques, votants et éducation civique et même formation, où la technologie peut être introduite plus en douceur en tant qu'outil d'amélioration de l'efficacité et de la livraison du produit et cela, sans participation du pouvoir législatif.
Toutes les considérations ci-dessus sur le bon usage et la pertinence de la technologie concernent spécialement un secteur faisant l'objet d'un intérêt grandissant et aux importantes implications financières : l'introduction des caractéristiques biométriques dans des segments spécifiques du processus électoral : inscription de l'électeur et opérations de vote. Plus spécifiquement, la notion de Système automatique d'identification des empreintes digitales (AFIS) se réfère à des applications de logiciels capables d'établir l'identité d'une personne par les empreintes digitales, grâce à des opérations biométriques. Les normes de l'AFIS font depuis peu partie de plusieurs processus d'inscriptions de l'électeur. Dans certains cas, ces normes ont été adoptées et insérées dans les dispositions légales régissant l'inscription de l'électeur. Les systèmes AFIS sont de plus en plus reconnus comme la solution définitive contre l'usurpation d'identité, pratique illégale qui permet de voter plusieurs fois. Ces systèmes sont spécialement appréciés dans les pays qui sortent d'un conflit et dans les démocraties émergentes ne possédant pas ou presque pas de formes d'identification par les registres d'état civil - comme par exemple la République démocratique du Congo, le Togo, la Guinée Conakry, l'Angola, le Nigeria, le Mozambique et le Pakistan - et font l'objet d'études dans un très grand nombre de pays en voie de développement.
Jusqu'à présent, la dimension socioculturelle, dans l'introduction des applications technologiques lors de processus électoraux, a souvent été négligée. Souvent les lourds investissements technologiques ne sont pas accompagnés d'activités corollaires comme l'instauration d'un climat de confiance qui rendrait possible l'explication aux parties prenantes et à l'électorat, le sens et la fonction, ainsi que les mécanismes de contrôle de sécurité, qui accompagnent toute mise en place d'un encadrement technologique. L'instauration d'un climat de défiance représente parfois le problème le plus difficile à résoudre lors du passage d'un système à un autre et peut générer une dangereuse perte de crédibilité dans l'institution électorale. On risque de vouloir trop, trop vite, des innovations technologiques – une meilleure sécurité, la transparence et l'efficacité – et l'attente du public peut s'avérer irréaliste.
Le Guide de la Mise en œuvre de l'Assistance Électorale du PNUD traite les questions, mises en évidences ci-dessus, suggère des recommandations pratiques sur la façon dont les organismes d'assistance électorale et les fonctionnaires électoraux peuvent engager un débat entre les fournisseurs et les parties prenantes concernant le choix des produits les plus appropriés et l'établissement éventuel de synergies, avec actes d'état civil et activités de recensement au meilleur prix - à travers des procédures transparentes d'approvisionnement, qui permettent de résister à la vente forcée et n'obligent pas, par manque de temps, à recourir aux “options les moins mauvaises”.