Au tournant du nouveau millénaire, les organismes d'assistance électorale et les bailleurs de fonds ont renforcé leur collaboration et entrepris une analyse plus approfondie de l'impact de leur assistance électorale dans des pays se trouvant dans des contextes post-conflictuels, transitionnels et d'émergences de démocraties, à la lumière de leur développement démocratique et économique à long terme. Le PNUD, en particulier, présenta une étude se portant sur dix ans d'expérience en assistance électorale, de 1990 à 2000, considérée comme la première évaluation complète faite dans le champ de l'assistance électorale. Le résultat de l'étude révéla que les élections étaient trop souvent traitées comme des évènements isolés. L'aide électorale ne se reliait pas à d'autres aspects de la gouvernance démocratique tels que constitutionnalisation ou la création de systèmes politiques et électoraux, en dépit du fait que l'assistance électorale offrait un point de départ idéal pour l'assistance des pays partenaires dans leurs efforts vers une gouvernance démocratique. La conclusion de l'étude du PNUD était claire; les relations entre les systèmes électoraux et les systèmes des partis politiques, ainsi que la nécessité d'inclure les bailleurs de fonds dans le dialogue, n'étaient pas suffisamment compris ou n'étaient pas pris en compte lors de la planification de l'organisation de l'assistance électorale. Ce qui pour la première fois pointait la responsabilité de la communauté internationale. Le PNUD a complété son bilan de 10 ans d'expérience par des analyses plus spécifiques, pendant qu'un certain nombre d'autres agences de coopération au développement telles que le Department for International Development (DFID), du Royaume-Uni, l'Agence suédoise d'aide au Développement International (ASDI) entreprenaient des études critiques similaires sur les soutiens ponctuels aux processus électoraux, en soulignant la nécessité de placer plus clairement l'assistance électorale dans le cadre d'efforts plus larges de démocratie et de gouvernance.
Malgré la prise de conscience grandissante de la nécessité de s'éloigner de l'approche basée sur l'aide à l'évènement, la dure réalité de la politique étrangère s'est révélée un obstacle dans la planification de projets d'assistance à long terme. Dans certains cas, le soutien à des élections ou des référendums hâtifs, organisés après un changement inattendu de régime ou à la résolution d'un long conflit, n'était pas forcément compatible avec une planification effective et réaliste, ni avec l'exécution complète d'un processus électoral transparent, sans le déploiement d'une présence internationale. Dans d'autres cas, une dichotomie fondamentale persistait dans l'approche de beaucoup d'agences de développement (et en conséquence, dans la formulation des programmes d'assistance) entre, d'une part, le désir d'investir dans le développement des capacités et les impératifs politiques permettant d'atteindre les meilleurs résultats dans les délais les plus courts, d'autre part.
Le postulat de beaucoup d'agences de développement était que “la démocratisation se déploie tout au long d'une série de séquences”[1] , et que le modèle institutionnel mis en place avec l'assistance technique internationale pourrait ne pas correspondre aux besoins des nouveaux dirigeants des pays partenaires. Entre deux élections, beaucoup de pays en voie de développement ont abandonné la voie démocratique mise en place précédemment pour réformer leur système politique et électoral. Ces changements étaient parfois le résultat d'un véritable processus de développement démocratique dans les pays partenaires; d'autres fois, ils avaient été imposés par les nouveaux dirigeants dans l'intention de consolider leur emprise sur le pouvoir. Dans les deux cas, on a sous-estimé les incidences techniques et financières que ce type de réformes a eues sur l'organisation de nouvelles élections. De là, le retard dans le processus de demandes d'assistance à la communauté internationale, demandes qui auraient du se faire à un niveau politique afin de maintenir les pays partenaires sur la "voie démocratique". Dans ces situations, les politiques internationales ont pu involontairement, servir les intérêts politiques nationaux plutôt que, principalement apporter assistance aux pays partenaires, en vue de l'amélioration des systèmes et des processus électoraux, dans le cadre de la progression de la gouvernance démocratique.
Malgré la croissante prise de conscience de la limite de son efficacité, on a continué à prodiguer ce type d'assistance et l'approche basée sur l'évènement a souvent rendu inutiles les efforts des fonctionnaires d'agences de développement ayant dispensé des cours de stratégie. Les réformes électorales devinrent par conséquent une arme à double tranchant: d'une part on les préconisait afin de permettre au pays partenaire de suivre son propre développement démocratique, d'autre part, on les craignait à cause de l'imprévisible quantité d'assistance technique et financière qu'elles généraient ainsi que de la croissante préoccupation concernant la durée des processus électoraux.
Les missions d'observation internationales indépendantes jouèrent un rôle important en permettant aux organes d'assistance électorale de passer de l'approche basée sur l'évènement à une approche plus cyclique. Les évaluations et les rapports, présentés par des missions d'observations des élections furent un outil précieux qui permirent de mieux identifier les forces et les faiblesses du processus électoral dans un pays donné ainsi que leurs procédés de réforme. En vérité, l'observation électorale depuis le nouveau millénaire avait déjà considérablement évolué depuis ce qu'on a appelé les missions cachet-tampon du début des années 1990, vers une entreprise plus exigeante et plus complexe, due spécialement à l’instigation de la Communauté européenne, du Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l'Homme de l'OSCE (OSCE-BiDDH) et des fondations indépendantes comme le Carter Center.
Des missions d'observation, organisées par les acteurs susmentionnés, sont présentement déployées à la suite de missions d'évaluation ponctuelles, mettant en pratique une méthodologie précise et qui a fait ses preuves, accompagnée d'un code de conduite accepté au niveau interne et basé sur le modèle de la Déclaration de principe pour l'Observation Internationale d'Élections. Une observation non-partisane, menée par des organisations d'observation internationales et nationales, peut largement contribuer à l'amélioration de l'intégrité des processus d'élection, prévenir des irrégularités ou des fraudes et restaurer la confiance du public dans le processus électoral, en amortissant, en période pré-électorale, le potentiel de conflits à caractère électoral et, - plus important - en fournissant des recommandations fondées, afin d'améliorer le processus de réforme démocratique. Il existe aujourd'hui une tendance croissante pour les organisations d'observation nationales et internationales à contrôler le second tout d'élections et les législatives et les présidentielles qui suivent. En outre, des missions d'observation sont déployées lors d'élections locales et des référendums dans le but de promouvoir des élections authentiques, peu coûteuses et transparentes. Ceci comporte le renforcement d'institutions démocratiques, le respect des droits de l'homme et des règles juridiques; aussi bien que les bénéfices provenant des programmes de coopération au développement. Cependant, bien que les missions d'observation fassent l'objet de rapports détaillés mettant en évidence les forces et les faiblesses des processus électoraux, ils ont rarement été utilisés dans le but de définir et de structurer de nouveaux programmes de soutien électoral. Ce phénomène est souvent dû à un manque de compréhension, de la part des responsables de missions d'observation, des mécanismes de coopération au développement et de leurs implications pour les complexités des structures de l'administration électorale des pays partenaires.
[1] Thomas Carothers, “The End of the Transition Paradigm”, Journal of Democracy, Volume 13, N.1, January 2002.