Pour élaborer un registre civil, la première étape consiste à évaluer la qualité de l’information provenant d’autres sources. Dans certains cas, les sources de données existantes sont tout à fait acceptables et on peut se concentrer sur le transfert des données à l’autorité électorale.
Le rôle de l’administration locale
Les administrations locales sont souvent responsables de la tenue du registre civil, et notamment de l’inscription des naissances. Lorsque même une telle information de base n’est pas disponible, le gouvernement doit entreprendre de recueillir les données nécessaires. Cette opération ressemble à celle qui est requise pour établir une liste permanente ou une liste périodique.
Avec le registre civil et la liste permanente – mais non la liste périodique –, l’information recueillie forme la base de la liste (voir: Planification logistique -liste permanente), et il s’agit ensuite de vérifier l’exactitude des données et de les actualiser régulièrement. Quant au registre civil, il peut être utilisé à diverses fins, comme tenir à jour les données démographiques de base, assurer le suivi des services de soutien du gouvernement ou des dossiers d’impôt et identifier les personnes qui atteignent l’âge du service militaire. Les données de base recueillies à ces fins peuvent être aussi utilisées à des fins électorales. Contrairement au registre civil, la liste permanente est axée uniquement
sur des données électorales et ne sert qu’à des fins électorales.
L’inscription au registre, clé de la participation à la vie civique
En tout temps, le registre civil peut fournir une liste électorale valide. L’inscription est normalement obligatoire pour le registre civil, mais habituellement volontaire pour la liste électorale permanente ou périodique. Comme le registre civil sert à plusieurs fins, une personne qui n’y est pas inscrite ne peut pas voter et se trouve exclue de nombreux aspects de la vie civile. Selon M. Felipe Gonzalez Roura de la Cour électorale nationale d’Argentine, l’exclusion du registre civil entraîne une perte radicale de droits :
Mis à part des motivations purement civiques relatives à l’exercice du droit de vote et à l’obligation du service militaire, quiconque omet de respecter cette obligation n’a pas de documents d’identité à jour, ce qui équivaut en quelque sorte à un décès civique. Cette personne ne peut travailler légalement, voter ou effectuer presque n’importe quelle autre activité. Elle ne peut ni quitter le pays, ni s’inscrire à un établissement d’enseignement ni percevoir des prestations sociales, et ainsi de suite1.
Ainsi, tant par sa portée que par son rôle essentiel dans la vie publique, le registre civil revêt une importance qui va bien au‑delà de la liste électorale. En Suède, chaque résident doit être inscrit au registre de population, d’où on tire la liste électorale. Le nom de toute personne habilitée à voter apparaît dans la liste électorale même si cette personne préfère ne pas y figurer.
La responsabilité de l’État ou du citoyen
Quand on crée un registre civil, il faut tenir compte du rôle central de ce registre dans la vie publique. Parce qu’il est habituellement obligatoire que les citoyens s’y inscrivent, l’État doit prendre les devants pour faciliter l’établissement et la tenue du registre. Pour ce faire, il doit avoir une infrastructure opérationnelle capable de recueillir les données et de les tenir à jour. Il n’est pas indispensable d’avoir un matériel informatique de pointe : certains pays comptant des dizaines de millions d’habitants réussissent à tenir un registre civil avec de simples fiches cartonnées. Cependant, l’informatique facilite grandement la gestion de ce type de données.
Même si l’État ou d'autres services publics compétents assument la responsabilité de tenir le registre civil à jour, les citoyens sont souvent obligés de les informer sur les modifications à leurs données personnelles. Par exemple, en Afrique du Sud, les citoyens sont obligés de déclarer les naissances dans un délai de 30 jours au Ministère de la l'Intérieur qui est l'autorité chargée du registre civil. Ceci est un autre élément distinctif du registre civil.
En outre, l’inscription à une liste périodique ou permanente peut n’être valide que pour un certain temps. Avec une liste périodique, tous les électeurs doivent s’inscrire à chaque élection, qu’ils aient voté ou non à un scrutin antérieur. Même avec une liste permanente, de nombreux pays exigent que les électeurs inscrits renouvellent leur carte d’identité d’électeur ou se réinscrivent après un certain temps. Avec le registre civil, par contre, l’inscription d’un citoyen n’expire jamais sans raison expresse.
Le numéro d’identification du citoyen
Qu’il soit vu comme une simple liste utilisée à des fins multiples ou comme un ensemble de bases de données partagées à des fins multiples, le registre civil a une caractéristique essentielle : il dépend du partage de l’information entre organismes ou ministères gouvernementaux, ou entre divisions d’un même organisme. Pour faciliter le partage des données, il faut un outil qui fasse le lien entre les bases de données ou les unités administratives. Cet outil est le numéro d’identité du citoyen.
Pratiquement tous les systèmes qui utilisent des registres civils assignent à chaque citoyen un numéro unique pour la vie, soit au moment de l’enregistrement de la naissance, soit au moment de l’enregistrement en tant qu’adulte (habituellement entre 16 et 21 ans). Ce numéro constitue le lien entre les différentes bases de données qui alimentent le registre. Les dossiers uniques d’identification peuvent être stockés dans un ordinateur central, et sont tous liés au numéro d’identité. Cela élimine la nécessité d’émettre des cartes d’identité de l’électeur juste avant une élection, ce qui permet d’importantes économies.
L’autorité électorale dans un système de registre civil
Dans un système à registre civil, l’autorité électorale peut exercer ses fonctions de diverses manières. Si la démocratie est bien enracinée, l’autorité électorale peut être arrimée à un ministère comme celui de l’impôt, mais normalement à titre d’unité administrative distincte. Si la démocratie est moins solide, il est clairement contre-indiqué de donner à la branche exécutive du gouvernement le contrôle de l’administration électorale. L’essentiel est de savoir où l’autorité électorale doit être située afin de pouvoir assurer une vérification indépendante de la validité des données utilisées pour l’inscription des électeurs. La réponse varie d’un contexte à l’autre.
NOTE
1. Felipe Gonzalez Roura, « The Electoral Register of Argentina », dans The Electoral Registers, communication présentée à la deuxième conférence de l’Association des institutions électorales de l’Amérique centrale et des Antilles, Saint-Domingue, République dominicaine, 23 au 26 novembre 1987.