La plupart des partis politiques des sociétés démocratiques cherchent à faire participer leurs membres en leur donnant un rôle dans le processus de sélection de leurs dirigeants locaux et nationaux ainsi que des candidats à divers postes électifs. On traitera ici uniquement du choix interne des chefs des partis. Pour de l’information sur le choix des candidats au sein des partis politiques, voir l’article intitulé « Sélection des candidats au sein des partis politiques ».
La question du choix des chefs des partis comporte trois dimensions importantes. La première est le degré de centralisation, c’est-à-dire le niveau – local, régional, ou national – qui contrôle la sélection des candidats. La deuxième est la participation, c’est-à-dire qui, des membres ordinaires ou de la haute direction, contrôle le processus au niveau où la décision est prise. La troisième est la médiation, c’est-à-dire le mécanisme grâce auquel les intérêts organisés au sein du parti peuvent acquérir de l’influence.[1]
Centralisation
Dans un système extrêmement centralisé, l’instance nationale d’un parti déciderait du choix de son chef sans aucune participation des sections locales. On trouverait à l’autre extrême un système dans lequel les sections représentant l’échelon le plus local du parti choisiraient son chef, et peut-être aussi les représentants aux organes de direction nationaux, sans l’approbation ni la participation du niveau national. Comme dans nombre d’autres domaines, la pratique se situe habituellement quelque part entre les deux extrêmes.
Dans la plupart des partis, les processus de sélection locaux concernent principalement les candidats locaux aux élections générales, tandis que le chef national est choisi à l’échelle nationale. Dans les deux cas, le parti doit réaliser un équilibre difficile entre les stratégies du niveau national et les sensibilités locales, tout en tenant compte du rôle général du parti dans les processus éléctoraux à tous les niveaux.
Participation
Un cas de participation extrêmement faible serait celui où le chef du parti choisirait son équipe de direction à lui seul. Il y aurait à l’autre extrême le cas où les membres ordinaires du parti prendraient cette décision avec une participation limitée ou inexistante des dirigeants en place.
Les partis de différents pays ont opté pour divers degrés de participation de leurs membres au processus de sélection, depuis les élections primaires organisées par le parti jusqu’aux élections indirectes où les sections du parti désignent des délégués à un congrès national.
Médiation
La médiation consiste à reconnaître et à concilier les intérêts distincts dans un parti politique et ses organisations. La plupart des partis politiques se composent d’ailes, sous-unités ou groupes spéciaux divers qui cherchent constamment à influencer la direction du parti et, par conséquent, le processus de sélection de ses dirigeants. Une médiation poussée des différents intérêts mènerait à une représentation et une participation équitables de tous les groupes distincts au choix du chef et, en conséquence, au comité de direction.
Mécanismes de sélection des dirigeants des partis [2]
Il faut réaliser un équilibre entre la centralisation, la participation et la médiation dans les processus de sélection des dirigeants des partis. Certains partis mettent plus d’accent sur l’une de ces idées, tandis que d’autres cherchent à toutes les inclure; le résultat final dépend de la culture politique, de l’idéologie du parti et de ses traditions organisationnelles. Certains partis appliquent en outre des quotas internes pour diversifier la représentation au sein de leur organe de direction national.
Les mécanismes suivants servent souvent à la sélection des dirigeants des partis.
- La décision appartient uniquement aux membres du caucus parlementaire du parti. C’est donc un petit nombre de personnes qui décident qui sera le prochain chef du parti. Cela manifeste un haut degré de centralisation et de faibles niveaux de participation et de médiation.
- Selon une autre méthode, le chef du parti est élu par un collège électoral, qui se compose d’un nombre limité de personnes comprenant par exemple le caucus parlementaire, les représentants des associations de circonscription et les représentants de tout syndicat ou regroupement d’entreprises affiliés. Chacun de ces groupes détient habituellement une part égale des votes nécessaires pour élire le chef du parti. Ce mécanisme reflète un compromis et le souci de concilier des intérêts différents.
- Certains partis laissent le choix à des congrès publics très larges, plutôt qu’au seul parti (méthode également appelée vote direct ou élection ouverte). Ce mécanisme présente une certaine similitude avec les élections primaires américaines visant le choix des candidats aux élections. Il met l’accent sur la participation.
- Une autre méthode allie une participation limitée et une vaste médiation des intérêts (en particulier ceux liés à la décentralisation); c’est le suffrage indirect (Carty et Blake, 1999). Le vote peut être limité aux membres du parti ou du Parlement, et il peut s’assortir de droits à payer. On assure une médiation équitable des votes en les pondérant à l’aide des résultats du vote des associations de circonscription ou des résultats obtenus dans les régions afin d’assurer la représentation des intérêts régionaux dans le choix des dirigeants du parti.
- La dernière méthode peut être appelée sélection structurée, car le vote est universel pour quiconque veut y participer, mais les résultats sont fortement structurés par la médiation – c’est-à-dire que différents intérêts ont plus de poids que d’autres. Cela signifie que le résultat de l’élection à la direction du parti sera modifié après coup de telle manière que, par exemple, les votes des sections régionales, des ailes féminines et autres sous-unités se verront attribuer plus d’influence que d’autres.
Conséquences des différentes méthodes de sélection
La méthode de sélection employée par les partis politiques influe sur le genre de dirigeants qu’ils élisent.
La sélection par les seuls membres du caucus parlementaire du parti tend à mener à l’élection d’un chef issu du cercle parlementaire, qui possède habituellement une longue expérience du Parlement.
Lorsque la médiation domine le processus, les sections organisées et les organisations auxiliaires du parti jouent un plus grand rôle, et les négociations entre elles peuvent être plus claires que dans des luttes internes entre les intérêts des membres. Dans la meilleure hypothèse, ce processus assure la légitimité des chefs ainsi choisis au sein de leur parti, mais il peut aussi laisser aux membres en général peu ou point d’influence sur la décision.
Les méthodes qui mettent l’accent sur la décentralisation font manifestement pencher la balance du côté des candidats des États ou des régions et offrent aux personnes de l’extérieur des secteurs traditionnels la possibilité d’être choisies.
Les processus de sélection ouverts [3] comportant un haut degré de participation des membres ordinaires du parti tendent à mener à l’élection du candidat le plus populaire et le mieux connu, souvent indépendamment du degré d'expérience des candidats dans le travail législatif et du parti. Vu que la direction du parti n’a aucune influence sur le processus de sélection (comme c’est le cas dans la médiation des intérêts), même une personne relativement novice au Parlement ou qui ne possède aucune expérience dans un poste électif peut être élue chef de son parti.
L’ouverture des mécanismes internes de sélection des dirigeants des partis à une participation plus générale ou à une plus grande démocratisation a aussi entraîné des conséquences non intentionnelles, comme l’émergence de batailles internes entre des groupes et groupuscules d’un parti, ou même le phénomène où un candidat présente sa candidature à la direction du parti sans engagement envers le parti, mais uniquement pour promouvoir une cause qu’il veut voir débattue publiquement.
En général, les partis politiques partout dans le monde tendent à vouloir une vaste participation au choix de leurs chefs, mais les décisions varient quant à la façon de réaliser un équilibre entre les différents intérêts liés aux diverses régions, à des dossiers précis et à la participation.
[3] Voir: Swart, Brian. Behind
Closed Doors or Open Selection Process:
Party
preference and voter trust in candidate selection (Indiana University, October 2008). http://www.indiana.edu/~econdept/workshops/Fall_2008_Papers/Swart_Proposal.pdf