Les critères faisant mention de l'équité pour les partis politiques et les groupes minoritaires d'un pays se concentrent sur l'issue des élections plutôt que sur le processus de délimitation lui-même. Les systèmes électoraux qui reposent entièrement sur des circonscriptions uninominales ne peuvent cependant garantir une représentation proportionnelle même minimale pour les partis politiques minoritaires ou pour des groupes minoritaires de la population, soient-ils ethniques, raciaux ou religieux. Des dispositions législatives spéciales sont alors requises pour qu'une circonscription uninominale représente adéquatement des minorités. Les systèmes électoraux mixtes, du fait qu'ils combinent les circonscriptions à siège unique avec un scrutin de liste, n'ont pas à faire appel à des clauses spéciales afin de garantir une représentation aux minorités.
Les pays qui ont recours aux circonscriptions à siège unique n'adoptent habituellement pas de critères de délimitation ayant trait à l'équité portant sur l'issue des élections, soit parce que l'équité ne peut être garantie ou parce que le nombre de sièges réservés au scrutin de liste est jugé adéquat pour atteindre ce but. Les pays qui procèdent à la délimitation se fient plutôt à des critères de délimitation qui par eux-mêmes peuvent assurer un processus équitable et impartial.
Difficulté d'assurer l'équité aux minorités
Délimiter des circonscriptions uninominales en vue d'atteindre une représentation proportionnelle des partis politiques ou des groupes minoritaires est une tâche pratiquement impossible. Les circonscriptions uninominales engendrent inévitablement une sous-représentation des minorités et des partis minoritaires en regard du nombre de sièges attribués, à moins que ces minorités ne soient regroupées sur un territoire géographiquement circonscrit de telle sorte que la délimitation crée un nombre de circonscriptions pour ce territoire.
Les partis minoritaires et les groupes minoritaires de la population concentrés en un territoire et qui sont en nombre suffisant pour contrôler la majorité des votes dans un nombre de circonscriptions donné, peuvent espérer atteindre une représentation plus proportionnelle. Cela vaut pour des partis tels que le Bloc Québécois au Canada. La plupart des partis et des groupes minoritaires cependant, ne réussissent pas à atteindre une représentation proportionnelle avec des circonscriptions uninominales. En réalité, sans clauses spéciales visant à rétablir une représentation des minorités, les groupes minoritaires demeurent fortement sous-représentés. Pour de plus amples discussions sur les dispositions législatives se rapportant à la représentation des minorités en général, sans égard à la délimitation, voir Groupes minoritaires.
Certains des pays qui délimitent des circonscriptions ont recours à des dispositions législatives pour assurer la représentation de minorités raciales, ethniques ou religieuses au sein de la législature. Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande en sont des exemples.
La représentation des minorités aux États-Unis
Aux États-Unis, l'importance des minorités raciales et ethniques, de même que la tradition de discrimination envers certains groupes minoritaires, ont donné lieu à la promulgation de normes d'équité en ce qui a trait à la délimitation. La loi électorale de 1965 et son amendement de 1982 reconnaissent qu'une délimitation qui aurait comme résultat de diluer le vote minoritaire en morcelant la communauté minoritaire pourrait être invalidée. Les groupes protégés (les Noirs et les Hispaniques, entre autres) doivent répondre à trois conditions pour être reconnus comme tels :
- le groupe doit être suffisamment important et compact pour former une majorité dans une circonscription uninominale;
- le groupe doit être politiquement cohérent (ses membres doivent partager des intérêts politiques);
- le groupe doit pouvoir démontrer que la majorité de la population vote en bloc contre les candidats préférés de la communauté minoritaire et que ses candidats perdent habituellement les élections.
Si un groupe minoritaire satisfait à ces trois conditions, le découpage électoral devra faire en sorte que ces électeurs minoritaires deviennent majoritaires dans une ou plusieurs circonscriptions. La communauté minoritaire doit faire la preuve qu'elle satisfait aux conditions devant la cour. En fait, dans une série de jugements rendus récemment, la Cour suprême des États-Unis estime que les juridictions qui ont créé à dessein des circonscriptions pour des minorités sans y être tenues - c'est-à-dire sans l'assentiment préalable de la cour - doivent redécouper ces circonscriptions sans tenir compte des groupes minoritaires. Pour d'autres renseignements sur ce sujet, voir États-Unis : Minorités ethniques et circonscr.
La Loi électorale américaine garantit un minimum d'équité raciale et ethnique.
Minimum parce que seules les communautés minoritaires reconnues aux termes des conditions énumérées plus haut ont la chance de devenir majoritaires dans certaines circonscriptions et d'élire le candidat de leur choix. Les Noirs et les Hispaniques sont loin d'avoir atteint une représentation proportionnelle au Congrès américain. La communauté minoritaire en Nouvelle-Zélande est mieux représentée à la législature parce qu'elle dispose de clauses plus efficaces.
La représentation des minorités en Nouvelle-Zélande
La disposition ayant trait à la représentation de la population aborigène néozélandaise d'ascendance maorie est une caractéristique unique du système électoral de Nouvelle-Zélande. En plus des 60 circonscriptions législatives générales, la Commission de représentation a créé cinq circonscriptions maories lors de la dernière délimitation en Nouvelle-Zélande. Ces circonscriptions maories sont définies selon des critères géographiques et chevauchent les circonscriptions générales. Pour voter dans les circonscriptions maories, plutôt que dans une circonscription générale, un électeur maori doit être inscrit au registre maori. L'inscription est optionnelle; les Maoris peuvent choisir de s'inscrire ou non. Grâce à cette caractéristique électorale, les Maoris ont pu être représentés dans une juste proportion lors de la dernière élection de 1996. Voir l'étude de cas sur la Nouvelle-Zélande (Redistribution électorale en Nouvelle-Zélande) pour une description plus détaillée de cette disposition.
Conclusion
Les pays qui délimitent des circonscriptions uninominales ne peuvent garantir une représentation proportionnelle de leurs partis ou de leurs groupes minoritaires à moins de recourir à des dispositions spéciales ou à des sièges additionnels d'après un scrutin de liste. Cependant, on peut adopter des critères de délimitation visant à assurer une délimitation équitable et impartiale. Si cela ne produit pas à coup sûr une représentation proportionnelle au moins minimale des minorités, on a à tout le moins la garantie que tout biais serait involontaire.
Les pays marqués par de profondes divisions raciales, ethniques ou religieuses optent généralement pour une forme ou une autre de représentation proportionnelle et ne se fient pas aux circonscriptions uninominales pour élire leurs représentants. è moins que le groupe minoritaire ne soit concentré sur un territoire donné ou que des dispositions spéciales visant la représentation des minorités ne soient adoptées, le résultat d'une élection dans un système à circonscriptions uninominales bénéficiera à certains groupes au détriment d'autres groupes. Dans les pays fortement divisés, ceci peut conduire à une instabilité politique plutôt qu'au renforcement et à la stabilisation des gouvernements.