Le système de redistribution du Royaume-Uni est en vigueur depuis un peu plus de 50 ans et il n'a subi que de légères modifications. Au cours de ces années, il ne s'est effectué que cinq redistributions au Royaume-Uni, soit en 1947, 1954, 1969, 1983 et 1995. Quatre commissions de délimitation indépendantes sont respectivement chargées des travaux de redistribution en Angleterre, en Écosse, au pays de Galles et en Irlande du Nord. Ces redistributions se tiennent selon un calendrier déterminé, qui n'a changé que deux fois depuis 1944.
Les commissions sont composées de quatre membres nommés par les secrétaires d'État pertinents. Son président est le président de la Chambre des communes, mais il n'assiste pas aux réunions; le vice-président de la commission, un juge supérieur dans tous les cas, préside aux réunions. Des évaluateurs représentant les ministères qui fournissent des statistiques démographiques travaillent pour chacune des commissions (en Angleterre et au pays de Galles, il s'agit du registraire général et du directeur général du service cartographique de l'État). Les commissions soumettent des recommandations au Parlement. Ces recommandations peuvent être acceptées ou rejetées mais non modifiées. (Un secrétaire d'État peut modifier les recommandations avant de les transmettre au Parlement, mais cela n'est jamais arrivé).
Le système par lequel la Chambre basse du Parlement est élue a été introduit au 13e siècle et n'a connu à peu près aucun changement au cours des 600 années qui ont suivi. Chacun des comtés (shires) et des boroughs ont été invités à envoyer deux représentants, un élu parmi les propriétaires et l'autre par les bourgs affranchis. Au moment de l'incorporation de l'Écosse, du pays de Galles et de l'Irlande, il a fallu aussi élire les députés. Les changements au système ont été en grande partie apportés à trois occasions par suite de l'élargissement du droit de vote, dans des circonscriptions où seuls les hommes avaient le droit de vote : les lois de réforme de 1832, 1867 et 1885.
Avant l'avènement, en 1832, de la loi Great Reform Act, il existait des disparités majeures entre les circonscriptions électorales. Cette situation résultait en premier lieu de l'urbanisation industrielle du 19e siècle. Les trois redistributions de ce siècle ont réduit ces différences en enlevant des sièges aux petits boroughs et en les attribuant aux comtés qui se développaient rapidement. La plupart des boroughs qui comptaient deux sièges ont perdu leur statut particulier et les nouvelles circonscriptions attribuées aux comtés n'élisaient plus qu'un seul député. Au tournant du 19e siècle, la plupart des députés étaient élus dans des circonscriptions uninominales.
Au 19e siècle, les redistributions étaient entreprises par la Chambre des communes qui favorisait grandement les intérêts électoraux du gouvernement. Le système moderne n'a été introduit qu'après la Deuxième Guerre mondiale, en partie pour répondre aux demandes de redistribution remontant aux années 1930.
Recommandations du Comité Vivian
En 1942, la coalition qui formait le gouvernement pendant la guerre a établi un comité présidé par le registraire général Vivian, pour étudier divers aspects du système électoral, y compris « les principes sur lesquels tout plan de redistribution devrait être fondé ». Le Comité Vivian a identifié comme élément de base que la représentation dans une démocratie parlementaire devait être égale et comprendre des circonscriptions dont la population était égale et qui éliraient un membre chacune. Il a établi les quatre caractéristiques principales qu'il faut considérer lors d'une redistribution :
- la nécessité d'établir un quotient par circonscription, ou une moyenne du nombre d'électeurs par circonscription;
- la nécessité d'établir des limites de tolérance établissant ainsi un écart du quotient raisonnable;
- la nécessité d'établir une continuité dans les circonscriptions, et de ne proposer des changements qu'au besoin, afin que les députés puissent établir une relation à long terme avec leurs commettants;
- la nécessisté d'établir des limites de circonscriptions qui respectent les limites gouvernementales locales afin d'assurer une représentation de communautés et de faciliter l'organisation des élections (qui sont menées par des gestionnaires du gouvernement local).
Les autres recommandations portaient sur le temps qui doit s'écouler entre deux redistributions et les procédures que doivent suivre les quatre commissions indépendantes. Le Comité Vivian a offert certains conseils sur la garantie d'un nombre de députés minimal pour chaque comté. Ce sujet a été débattu pendant les cinquante années qui ont suivi.
La Loi sur la redistribution de 1944 et celle de 1958
La première Loi sur la Chambre des communes (Répartition des sièges), qui est entrée en vigueur en 1944, adoptait plusieurs recommandations du Comité Vivian. La loi établissait la limite de tolérance à plus ou moins 25 % du quotient électoral. Elle maintenait la représentation de l'Écosse, du pays de Galles et de l'Irlande du Nord à ce qu'elle était en 1944 et indiquait le nombre maximal souhaitable de députés pour la Grande-Bretagne; elle suggérait ainsi un nombre maximal pour l'Angleterre La révision initiale des circonscriptions parlementaires, complétée en 1947, était fondée sur cette loi.
Avant la fin de la révision, les commissaires ont toutefois prétendu qu'ils ne pouvaient en même temps respecter la tolérance de 25 % et les délimitations des gouvernements locaux. Le premier critère a apparemment eu préséance sur le deuxième puisqu'il était cité le premier dans les règles en annexe à la Loi. Le Parlement a cependant déterminé que l'exigence organique voulant qu'une communauté soit représentée aurait préséance sur les exigences mathématiques voulant que la population comprise dans chaque circonscription soit égale. Ils ont donc abrogé la règle de dérogation et l'ont remplacée par une règle voulant que la population comprise dans chaque circonscription corresponde « d'aussi près qu'il est raisonnablement possible » au quotient électoral. Cette nouvelle règle a été placée après la règle sur les limites des gouvernements locaux et jugée subsidiaire à cette dernière règle.
En 1954, les commissions présentaient les rapports de leurs premières révisions périodiques de toutes les circonscriptions. La loi de 1944 stipulait que ces revues devaient se faire à tous les cinq à sept ans. Les députés et les organisations politiques en ont été consternés puisque cela signifiait que les circonscriptions allaient être changées considérablement tôt après leur création, contrairement aux recommandations du Comité Vivian qui visaient à assurer une continuité. Le gouvernement a donc modifié la Loi sur la redistribution en 1958, rallongeant la période entre ces révisions de 10 à 15 ans (depuis 1992, elles doivent se faire à intervalles entre huit et douze ans).
La loi a subséquemment été modifiée pour prendre en considération les changements majeurs des gouvernements locaux dans les années 1970 et elle a été consolidée en 1985 dans la Parliamentary Constituencies Act. Les principes de base des redistributions n'ont cependant pas changé.
Règles actuelles de redistribution
Pour une liste complète des règles actuelles qui régissent la redistribution, voir election laws or constitutional provisions listing redistricting criteria for selected countries. Ci-après, un sommaire de ces règles :
- un nombre de sièges minimal garanti pour l'Écosse (71) et le pays de Galles (35), un nombre maximal et minimal pour l'Irlande du Nord (16-18), et un nombre total de sièges pour la Grande-Bretagne (c.-à-d. l'Angleterre, l'Écosse et le pays de Galles) qui ne devrait pas excéder par beaucoup 613 sièges;
- une exigence que, « dans la mesure où c'est raisonnablement possible », les délimitations des circonscriptions ne chevaucheront pas les limites des gouvernements locaux principaux; cette exigence est cependant moins sévère en Écosse, et encore moins en Irlande du Nord;
- une exigence que la population comprise dans chaque circonscription corresponde d'aussi près que c'est raisonnablement possible au quotient électoral, compte tenu de la règle précédente (les commissions peuvent déroger à la règle précédente pour éviter les disparités entre circonscriptions avoisinantes);
- les commissions peuvent déroger de l'application stricte des deux règles précédentes s'il est souhaitable de le faire pour tenir compte des considérations géographiques spéciales, y compris plus particulièrement l'étendue, la forme et l'accessibilité d'une circonscription en particulier;
- la prise en considération des inconvénients qui peuvent être causés et les attaches locales qui peuvent être brisées, si la commission ne tient compte que du principe des circonscriptions égales.
Deux règles en particulier accordent beaucoup de souplesse aux commissions :
- la commission peut ne pas tenir compte de l'exigence voulant qu'elle ne peut créer des circonscriptions dont les limites chevauchent les limites des gouvernements locaux désignés, si cela devenait nécessaire pour éviter des disparités importantes entre les circonscriptions;
- l'invocation de la clause qui prévoit des «considérations d'ordre géographique spéciales » (par exemple, l'étendue, la forme et l'accessibilité) pour ne pas tenir compte des limites d'un gouvernement local et pour créer des circonscriptions inégales.
En 1982, certaines décisions de la Commission de l'Angleterre ont été contestées en cour au motif que la Commission avait créé des circonscriptions dont la population s'éloignait plus que nécessaire du quotient électoral. Cette réclamation a été rejetée sur la base que la commission présente ses recommandations au Parlement, et que les cours de justice ne peuvent questionner la souveraineté de la commission que dans des circonstances très spéciales, comme par exemple si elle a agi clairement de façon déraisonnable. La cour a cependant interprété les règles comme donnant préséance à la clause ajoutée en 1958 et qui prévoit des « changements minimaux ».
Étapes du processus des commissions
Chaque commission doit procéder de la façon suivante :
1. La commission décide quand entreprendre une revue périodique et
annonce son intention de le faire. Les quatre commissions ne sont pas tenues d'agir en même temps, mais elles le font. Il faut normalement plus de temps en Angleterre pour terminer les travaux de redistribution.
2. Chaque commission calcule son quotient électoral en utilisant la formule de 1986 : le nombre d'électeurs inscrits le jour de « qualification » (lorsque la révision a été publiquement annoncée) est divisé par le nombre de sièges existants.
3. En Angleterre, en Écosse et au pays de Galles, les commissions
déterminent le nombre de sièges auquel chacune des unités gouvernementales locales a droit en théorie, en divisant les circonscriptions par le quotient électoral. (Cette procédure n'existe pas en Irlande du Nord parce que les unités gouvernementales locales ne sont pas identifiées dans la loi.)
4. Si les droits théoriques des circonscriptions mènent à la création de circonscriptions très vastes ou très petites relativement au quotient, deux unités gouvernementales locales contiguës peuvent être fusionnées pour atteindre une plus grande égalité (cette situation s'est rarement présentée).
5. Le personnel de la commission prépare un certain nombre de plans pour les circonscriptions de chacune des unités gouvernementales locales. Les quartiers électoraux du gouvernement local sont utilisés comme composantes. Cette approche n'est pas imposée par la loi mais elle est devenue le modus operandi, sauf en Irlande du Nord.
6. La commission évalue les plans et décide de celui qu'elle va présenter à la consultation populaire comme étant sa recommandation provisoire.
7. Après les consultations populaires (voir ci-après), la commission évalue les renseignements additionnels et les avis fournis par le commissaire adjoint qui a tenu les enquêtes publiques, et décide si elle doit modifier ou confirmer ses recommandations provisoires. Si elle maintient ses recommandations initiales, celles-ci forment en fait les recommandations finales. Elles sont publiées et font partie du rapport final au Parlement. Si la commission décide de changer ses recommandations provisoires, en tout ou en partie (y compris un nom proposé de circonscription), les changements sont publiés et une autre ronde de consultation populaire est initiée.
8. Lorsque toutes les recommandations sont finales, les rapports sont
soumis au Parlement par l'entremise du secrétaire d'État approprié.
La commission doit recommander un nom pour chaque circonscription (ce qui peut éveiller des préoccupations locales) et identifier chacune comme étant un borough ou un comté. Les candidats peuvent dépenser plus d'argent pour faire campagne dans les comtés (ruraux) que dans les boroughs (urbains).
Le processus de consultation populaire
La consultation populaire a été introduite dans le processus de redistribution au 19e siècle, mais elle n'a été formalisée que par son introduction dans la Loi sur la redistribution de 1944. La loi de 1958 mentionnait les circonstances dans lesquelles une enquête locale devient obligatoire. Les étapes de la consultation populaire sont comme suit :
1. La commission publie ses recommandations provisoires pour une unité
gouvernementale locale dans un ou plus d'un journal qui circulent dans la région et envoie des avis à tous les députés, partis politiques et gouvernements locaux touchés, leur donnant les détails des recommandations et leur indiquant où ils peuvent consulter les cartes qui démontrent les circonscriptions proposées. Les représentations peuvent être faites dans le mois qui suit la publication.
2. Si au moins 100 électeurs locaux ou une autorité locale ont présenté des oppositions avant la date de fermeture, il faut alors tenir une enquête publique. Cette enquête est présidée par un commissaire adjoint spécial. Cette personne est inévitablement apolitique. En Angleterre, elle ne doit avoir aucune connaissance détaillée de la région qui lui est assignée.
3. Avant l'enquête, un document est produit résumant les représentations reçues ainsi qu'une liste complète de ceux qui ont fait des représentations et l'objet de leur présentation.
4. Lors de l'enquête locale, le commissaire adjoint invite tous ceux qui ont présenté des représentations par écrit à faire des soumissions orales et il peut leur poser des questions. Les personnes qui font des représentations ont aussi le droit de contre-interroger les autres intervenants. Certains de ceux qui s'opposent aux recommandations provisoires (surtout les partis politiques) peuvent présenter des plans de rechange pour une ou plus d'une circonscription. On ne peut discuter de sujets politiques, mais les partis politiques et leurs représentants (y compris les gouvernements locaux) sont invariablement dominants. Ils invoquent les critères présents dans les règles, plus particulièrement ceux qui concernent les communautés d'intérêts et les inconvénients qu'auront à subir les électeurs, pour influencer le commissaire adjoint afin qu'il recommande à la commission de créer des circonscriptions qui servent leurs intérêts politiques.
5. Le commissaire adjoint prépare un rapport qui résume l'opinion locale sur les recommandations provisoires, selon ce qui s'est lu et, plus particulièrement, de ce qui a été entendu, et les visites sur place lorsqu'il y a lieu. Ce rapport fait également rapport des contre-propositions présentées lors de l'enquête, présente une évaluation des preuves et des recommandations à l'effet que la commission devrait ou non apporter des changements à ces propositions provisoires.
Ce processus peut se répéter si la commission publie des recommandations révisées après qu'elle a recu un rapport du commissaire adjoint. La tenue d'une autre enquête est cependant rare car les commissions n'accepteront pas de reconsidérer des questions qui ont déjà été abordées dans des procédures antérieures. (Deux fois seulement y a-t-il eu une deuxième enquête locale, lors de la plus récente révision qui comptait 83 premières enquêtes.)
Les commissions peuvent également tenir des révisions intérimaires pour prendre en considération des changements majeurs apportés à un gouvernement local ou si la population change substantiellement. Il n'y a eu qu'une seule révision intérimaire d'importance. En 1990, la commission de l'Angleterre a recommandé l'ajout d'une circonscription pour la nouvelle ville de Milton Keynes qui se développait rapidement.
Les problèmes causés par le processus de révision
Le processus de révision peut prendre beaucoup de temps. La dernière révision en Angleterre a duré quatre ans; l'achèvement des travaux dans le comté de Devon a pris 1028 jours. Mais le plus important est que les règles sont ambiguës et leurs normes subjectives (comme par exemple « d'aussi près que c'est raisonnablement possible »). Il n'existe aucune indication sur l'importance relative des divers critères.
Les règles et les procédures créent certains problèmes, notamment :
- la garantie d'un nombre minimal de sièges pour trois des quatre pays mène à une sur-représentation par rapport à la représentation de l'Angleterre, dont la population croît rapidement;
- la méthode de calcul du quotient électoral donne naissance à certaines distorsions dans l'augmentation du nombre de sièges. Ceci est dû aux circonscriptions dont la population s'éloigne considérablement du quotient électoral (à cause de considérations géographiques spéciales) et qui font partie du dénominateur; l'attribution des sièges est ainsi augmentée;
- l'allocation de droits théoriques aux régions gouvernementales locales tend également à gonfler le nombre de sièges. Ceci est dû au rajustement lorsque le résultat donne une fraction supérieure à 0,50, le nombre de sièges étant arrondi au nombre qui suit (vers le haut et non vers le bas);
- les commissions n'accordent pas tous le même poids aux divers critères. Par exemple, lors de sa quatrième révision, la commission de l'Écosse décidait de ne pas créer de sièges additionnels (après que le Parlement eut exprimé son désir de ne voir aucune augmentation dans le nombre de ses députés), alors que la commission du pays de Galles créait deux sièges additionnels, même si le pays était considérablement sur-représenté;
- une commission (plus particulièrement la commission de l'Angleterre, dont la tâche est la plus volumineuse) peut accorder différents poids à certains critères selon les différentes régions, laissant ainsi une impression d'incohérence;
- il est avantageux d'utiliser le nombre d'électeurs inscrits plutôt que la population totale, car les électeurs sont recensés tous les ans. Cela signifie cependant que de deux à trois millions de personnes ne sont pas incluses dans le calcul. Les commissions ne peuvent en tenir compte lorsqu'ils attribuent les sièges, ce qui désavantage les régions où le taux d'inscription n'est pas élevé (surtout les centres-villes), non plus qu'ils ne peuvent considérer les projections de croissance de population;
- le système d'enquête locale permet aux partis politiques d'utiliser divers critères pour faire pression en faveur de leurs intérêts politiques sans étaler leurs vraies raisons au grand jour. Ils présentent souvent des arguments fallacieux. La force du plaidoyer peut convaincre, plutôt que les mérites de la cause.