La présente étude de cas présente la manière dont sont établies les limites des circonscriptions électorales qui élisent des représentants à la Chambre des représentants du Parlement fédéral de l'Australie. Ce processus est connu sous le nom de « redistribution ».10
L'Acte constitutionnel de l'Australie prévoit que le nombre de députés à la Chambre des représentants élus pour chacun des États australiens soit proportionnel à la population de chaque État. Elle stipule également qu'une circonscription ne peut comprendre que le territoire d'un même État. Un processus de redistribution doit donc s'effectuer dans chaque État pour délimiter les limites des circonscriptions fédérales et dans chaque territoire représenté au Parlement.
L'idée générale sous-jacente aux dispositions actuelles qui régissent le processus de redistribution et que l'on retrouve dans la loi de 1918, intitulée « Commonwealth Electoral Act », et qui ont presque toutes été révisées en 1984, veut que la légitimité du processus puisse être garantie en prenant en considération les facteurs suivant.
Fréquence des exercices de redistributions Les redistributions doivent s'effectuer aussi souvent qu'il le faut pour restreindre les mauvaises répartitions, c'est-à-dire l'inégalité des populations électorales des circonscription à l'intérieur d'un État ou d'un territoire. Cette fréquence est prévue par la loi et ne peut être utilisée pour favoriser des intérêts politiques.
Compostion des organismes chargés des travaux de redistribution Des organismes neutres et apolitiques sont chargés des travaux de redistribution.
Participation du public La population a accès au processus de redistribution : les idées des individus et des groupes intéressés seront considérées.
Critères régissant la délimitation Les organismes chargés des redistributions sont assujettis à des critères bien définis et raisonnable qui sont largement acceptés dans le milieu politique.
Mise en vigueur automatique des redistributions Les résultats d'une redistribution ne sont pas soumis à l'approbation du Parlement ni à celle des politiciens.
Chacune de ces considérations est maintenant étudiée en détails.
Fréquence des redistributions
Les travaux de redistribution des circonscriptions d'un État ou d'un territoire ne peuvent être entrepris qu'en trois circonstances, à savoir :
- lorsque le nombre de députés à la Chambre des représentants dans un État ou territoire change environ deux ans avant la tenue d'une élection générale;
- lorsque la répartition des sièges atteint un déséquilibre persistant par rapport à la population, dans un État ou un territoire;
- lorsqu'il s'est écoulé une période de sept ans depuis la dernière redistribution dans un État ou un territoire.
De ces trois circonstances qui peuvent donner lieu à une redistribution, les changements dans les droits de représentation ont été le plus souvent invoqués et on été la cause de la plupart des redistributions initiées depuis 1984. Aucune redistribution n'a été le résultat d'une mauvaise répartition des sièges.
Les règles qui régissent la fréquence des redistributions sont fondées sur des critères objectifs et ne laissent au gouvernement aucune discrétion sur les moment le moment où doit s'effectuer une redistribution. Les règles dictent également la période de temps qui peut s'écouler entre les redistributions, ce qui a pour résultat de réduire les chances d'une mauvaise répartition des sièges.
Composition des organismes chargés des redistributions
En Australie une redistribution s'effectue en deux phases principales. Au cours de la première phase des propositions sont formulées; les oppositions aux propositions sont traitées et les décisions finales prises au cours de la deuxième. Des organismes différents, quoique partageant certains de leurs membres, participent aux deux phases.
Le comité de redistribution de l'État qui formule des propositions est constitué comme suit :
- le commissaire électorale, un membre nommé en vertu de la Commonwealth Electoral Act de 1918, un président administratif et un des trois membres de la Commission électorale australienne;
- le directeur général australien des élections de l'État, un fonctionnaire nommé en vertu de la Commonwealth Electoral Act de 1918 et qui administre la structure de la Commission électorale australienne dans l'État;
- l'arpenteur général du gouvernement de l'État (si l'État n'a pas d'arpenteur général, une personne nommée par le ministre d'État qui remplit ce rôle);
- le vérificateur général du gouvernement de l'État.
La deuxième phase du processus de redistribution débute après la publication des propositions. Ces propositions sont prises en considération et la Commission électorale élargie prend la décision finale. Cet organisme comprend le comité de redistribution pour l'État ou le territoire et les deux membres de la Commission électorale australienne qui n'étaient pas membre de comité de redistribution; il s'agit donc du président de la commission et la personne qui n'a pas été nommé par le système judiciaire.
En Australie, les principaux partis politiques s'entendent sur le fait que la composition du comité de redistribution et de la Commission électorale élargie est adéquate pour leur permettre d'agir de manière indépendante et neutre.
Participation du public
La population a maintes occasions de participer au processus de redistribution. La Commission électorale élargie doit tenir des séances publiques pour entendre les oppositions à moins que l'objet d'une opposition ait déjà été entendu ou qu'elle est de nature frivole ou vexatoire. La personne ou l'organisation qui a présenté l'opposition peut présenter une soumission à la séance publique.
La Commission électorale élargie peut aussi inviter des témoins à comparaître. Elle n'est pas tenue par la loi de la preuve, et général jouit de la latitude nécessaire pour décider de la façon qu'elle entend conduire les séances. La plupart du temps les séances se tiennent dans la capitale de l'État, mais il est arrivé par le passé que la commission électorale élargie choisisse de tenir une telle séance dans une autre ville, surtout si cela facilitait l'examen d'une limite controversée.
Après avoir tenu autant de séances publiques que nécessaire, la Commission électorale élargie doit formuler une autre proposition de redistribution. Elle doit alors déterminer, si selon elle, la redistribution proposée est Ç considérablement différente é de celle formulée par le comité de redistribution et annoncer sa décision. Si cette deuxième proposition n'est pas considérablement différente de celle du comité de redistribution, il n'existe aucune disposition pour la présentation d'autres oppositions. En pratique la redistribution proposée est reflétée dans la décision finale prise par la Commission électorale élargie. Si la redistribution proposée est jugée considérablement différente, les individus ou organisations qui avaient déjà fait des suggestions ou apportée des commentaires ou logé des oppositions peuvent le faire encore et une autre séance publique ou série de séances publiques doivent être tenues.
Ces changements au processus ont fait en sorte que le processus de redistribution est plus transparent qu'il ne l'était auparavant. Les comités de redistribution et les Commission électorales élargies ont eu tendance à expliquer leur propositions et à donner certains détails des suggestions, commentaires et oppositions reçues. Ceux qui ont apportée des suggestions, commentaires ou objections ont mieux compris que par le passé pourquoi les positions qu'ils revendiquaient n'étaient pas retenues. Les intervenants aux séances prévues pour entendre les oppositions ont ainsi eu la chance d'expliquer leur soumissions afin que la Commission électorale élargie puisse profiter de leurs opinions et qu'eux-mêmes sachent qu'ils ont été entendus adéquatement. Comme résultat, les arguments sur la substance d'une redistribution sont débattus au cours de processus de redistribution, ce qui évite qu'ils nourrissent par la suite des doutes sur la légitimité du processus.
Il vaut la peine de souligner que nonobstant les dispositions qui permettent la participation du public, le processus de redistribution peut s'effectuer relativement rapidement.
Règles pour délimiter les circonscriptions
Le Commonwelth Electoral Act de 1918 énonce très clairement les règles que les comités de redistribution et les Commissions électorales élargies doivent respecter lorsqu'ils fixent les limites des circonscriptions, à savoir :
(a) le nombre de circonscription d'un État ou d'un territoire doit être égale au nombre de sièges qui lui sont réservés à la Chambre des représentants selon la plus récente attribution;
(b) le quotient d'un État ou d'un territoire est déterminé en divisant le nombre d'électeurs en date de la période établie pour déposer des commentaires par le nombre de représentants auxquels il a droit à la Chambre des représentants. On ne peut proposer une circonscription dont le chiffre de population s'éloigne du quotient par plus de 10 %;
(c) conformément aux règles (a) et (b) le comité de redistribution ou la Commission électorale élargie doit, dans la mesure du possible, tenter de délimiter les circonscriptions de manière à ce que le nombre d'électeurs inscrits dans chaque circonscription ne soit pas, trois ans et demi après l'entrée en vigueur de la redistribution, inférieur à 98 % ou supérieur à 102 % de la moyenne de taux d'inscriptions pour l'État ou le territoire;
(d) conformément aux règles (a), (b) et (c), chaque proposition doit tenir compte des critères suivants :
(i) les communautés d'intérêt au sein de chaque division, y compris les intérêts économiques, sociaux et régionaux;
(ii) les moyens de communication et de transport au sein de la division proposée;
(iii) les caractéristiques physiques et les régions de la division proposée;
(iv) les délimitations des circonscriptions existantes.
Ces critères sont en bonne partie numériques et jusqu'à un certain point objectifs. L'importance relative des principaux critères est clairement définie dans la loi; les organismes chargés de la redistribution jouissent de bien peu de discrétion.
Il faut noter que ces organismes ne sont pas tenus de prendre en considération les conséquences partisanes de la redistribution et de fait elles ne l'ont pas fait.
Entrée en vigueur automatique des redistributions
En vertu des dipositions actuelles, la décision de la Commission électorale élargie est finale et les politiciens n'ont aucun droit de veto. Elle n'est pas assujettie à un examen judiciaire, sauf sur quelques points constitutionnels.
Conclusion
Le processus actuel met beaucoup plus d'emphase sur la légitimité des processus que sur les résultats. On croit généralement que si les mécanismes qui mènent à une redistribution spécifique sont acceptables, que la redistribution elle-même sera bien acceptée, même par les intervenants du processus électoral qui pourraient en être désavantagés. L'histoire des dix plus récentes années semblent confirmer ce point de vue.
Les redistributions fédérales ont cessé d'être l'objet de conflits politiques. L'apporche australienne est bien différente de celle adoptée par les États-Unis. Aux États-Unis, le concept d'un fonctionnaire publique apolitique ne jouit pas d'une très grande crédibilité, et les redistributions ont eu tendance à s'effectuer sur une base trop souvent partisane. La légitimité des redistributions aux États-Unis a donc été analysée beaucoup plus pour ses résultats que pour ses processus.
De plus, les dispositions statuaires qui régissent les redistributrions sont rédigées avec précision, en détails et il y a peu de place pour la discrétion dans leur mise en ?uvre. Certains y verront un désavantage; mais un argument contraire peut être apporté, c'est-à-dire que les dispositions actuelles représentent un consensus politique et communautaire atteint après les pénibles efforts de 14 ans passés. Des résultats particuliers résultent de l'application de principes de fond plutôt que de considérations circonstancielles. Ces facteurs ont certainement renforcé l'acceptation du processus par la communauté.