Après la Deuxième Guerre mondiale, la nouvelle République fédérale d'Allemagne a adopté un système électoral mixte avec compensation et des circonscriptions uninominales. Sous ce système, les Allemands votent deux fois : le premier vote, appelé Erststimme , est pour l'élection d'un député pour la circonscription et le deuxième, appelé Zweitstimme, pour l'élection d'un parti politique. Le deuxième vote, plus important que le premier, détermine la formation partisane du Bundestag.
Actuellement (treizième période électorale), le Bundestag est composé de 668 députés : 325 élus directement en tant que représentants de circonscriptions et 326 élus à partir de listes de partis et 16 représentants pour les sièges excédentaires Ueberhangmandate. Ces sièges résultent du fait que des partis gagnent plus de circonscriptions que le pourcentage des votes obtenu le justifierait. Plusieurs raisons militent en faveur de ces sièges excédentaires, la principale étant la mauvaise répartition des sièges due à l'absence d'une redistribution des sièges qui refléterait les mouvements de population.
Procédures de redécoupage
Au début du mandat de chaque parlement, le président de l'Allemagne, conformément à l'article 3 de la Loi électorale de l'Allemagne, nomme une Commission des circonscriptions électorales (CCE) permanente (Wahlkreiskommission). Cette commission est chargée de faire rapport sur les changements démographiques et l'évolution des circonscriptions électorales, et de présenter des recommandations pour répondre à ces changements. Le président du Bureau fédéral de la statistique est habituellement choisi pour présider la commission. De plus, un juge de la Cour fédérale administrative et cinq autres membres, habituellement cadres supérieurs de l'État, sont choisis pour siéger à la Commission. La CCE doit adhérer à cinq règles dans ses travaux de redécoupage, notamment :
- les limites des États doivent être respectées;
- la population d'une circonscription électorale ne devrait pas s'éloigner plus de 25 % en plus ou en moins du chiffre de la population moyenne de toutes les circonscriptions : si l'écart est de plus ou moins 33 %, un redécoupage s'impose;
- le nombre de circonscriptions assigné à chaque État doit être proportionnel à sa population;
- une circonscription électorale doit former une entité cohérente;
- les limites des communautés, comtés et villes indépendantes doivent être respectées.
La Commission doit achever son rapport et le présenter au ministère de l'Intérieur dans un délai de 15 mois. Le rapport de la Commission contient le nombre d'habitants de chaque circonscription électorale et des recommandations pour l'allocation des sièges et les changements de limites. La CCE présente plusieurs propositions de redistriburion offrant ainsi au Parlement plus d'une option s'il décide de procéder à un redécoupage des circonscriptions.
Participation des autres institutions
La CCE rédige son rapport avec l'apport d'autres institutions. Des représentants du ministère de l'Intérieur assistent à ses réunions. La Commission communique avec les employés gouvernementaux chargés des procédures électorales dans tous les États. De plus, chaque État a l'occasion de faire valoir ses idées sur les recommandations de la Commision.
Le rôle du Parlement
Le Parlement décide de procéder ou non à une redistribution et des plans qu'il faut adopter. Après avoir pris connaissance et discuté du rapport de la CCE, le Parlement vote sur ses recommandations. Sauf si les écarts de population sont supérieurs à 33 %, le Parlement n'est tenu d'accepter aucune des recommandations de la CCE. De fait, le Parlement a souvent décidé en faveur du statu quo. Bien qu'il y ait eu des changements aux limites à l'intérieur de certains États, la dernière répartition des sièges en Allemagne de l'Ouest a eu lieu en 1980.
Historique du redécoupage en Allemagne
La CCE présente des recommandations relativement au redécoupage à environ tous les quatre ans. Voici l'action qu'a prise le Parlement sur les recommandations de la CCE :
- le premier rapport de la CCE, en 1958 : le Parlement n'a donné aucune suite;
- le rapport de 1962 : le Parlement a accepté les recommandations;
- les rapports de 1966 et de 1970 : le Parlement s'est limité à quelques changements seulement;
- le rapport de 1973 : la CCE a recommandé une redistribution des sièges aux États, ce qui a été rejeté par le Parlement mais celui-ci a accepté le redécoupage à l'intérieur des limites des États, en partie seulement;
- le rapport de 1978 : une partie des recommandations de la CCE ont été acceptées;
- le rapport de 1982 : la CCE n'a fait aucune recommandation d'importance car le Parlement était dissout; deux changements ont été apportés à cause d'un écart de population de plus de 33 %;
- le rapport de 1988 : les chiffres du recensement n'étant pas disponibles, des changements mineurs seulement ont été recommandés;
- le rapport de 1992 : les recommandations de la CCE n'ont pas été acceptées, sauf pour des changements de limites requis à cause de l'écart de plus de 33 % et un redécoupage majeur à Berlin;
- le rapport actuel : les États avancent qu'il ne faudrait pas modifier les circonscriptions puisqu'un redécoupage majeur sera entrepris en l'an 2002 (voir ci-après).
Rapport de la CCE pour le treizième mandat du Bundestag
La Commission de revue établie en 1995 a suggéré des changements importants relativement au redécoupage des circonscriptions. Ces changements sont justifiés pour quatre raisons.
1. Dans les plus anciens États, le nombre de circonscriptions n'a pas changé depuis 1980; dans les États plus récents, il n'a pas changé depuis 1990. Après l'unification, les anciennes circonscriptions sont demeurées les mêmes alors que 13 nouvelles circonscriptions sont venues s'ajouter à Berlin-Est et 67 dans les cinq nouveaux États. Le Parlement a rejeté les recommandations en vue d'un rajustement en 1983, 1987 et 1990. Il a également rejeté les recommandations de la CCE qui visaient l'Allemagne unifiée en 1994. Le Parlement a tout simplement réagi aux recommandations de la CCE lorsque l'écart de population a dépassé les 33 % et qu'il y était forcé par la loi.
2. L'élection nationale de 1994 a résulté en 16 sièges excédentaires (ueberhangmandat) au parlement. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation, mais la raison principale demeure la mauvaise répartition des circonscriptions électorales amenée par les changements importants dans la population de plusieurs États.
3. À compter du 31 décembre 1994, la population de trois circonscriptions s'écartait par plus de 33 % de la moyenne. Plusieurs autres atteindront cette limite bientôt et d'autres changements sont anticipés dans la population.
4. La réforme des comtés entreprise avant 1994 dans les nouveaux États démontre la nécessité de modifier les circonscriptions électorales.
Toutefois, en juin 1995, le Bundestag a décidé de réduire la législature par une centaine de sièges à compter du quinzième mandat, qui devrait normalement débuter en 2002. Une commission de réforme a été mise sur pied pour préparer cet exercice. Cette commission a acquiescé aux demandes des députés des divers partis voulant que ni l'électorat, ni les partis, ni les candidats n'aient à composer avec des changements majeurs de circonscriptions en 1998 alors qu'un redécoupage complet sera effectué en 2002. Elle a donc choisi de ne changer que les circonscriptions qui excèdent la limite de 33 %. La plupart des gouvernements des États ont accepté cette proposition. Le redécoupage ne portera que sur les changements rendus nécessaires à cause d'écarts extrêmes.
La CCE a maintenu la nécessité d'un redécoupage. Au treizième mandat, 16 sièges excédentaires ont résulté de l'inégalité des populations des circonscriptions. è moins que les populations des circonscriptions législatives soient égalisées, les résultats des élections continueront à être faussés à cause du nombre inégal de députés. La CCE a calculé la grosseur des circonscriptions actuelles et présenté ses prévisions sur ce que devrait être la répartition des circonscriptions par État. Elle a conclu que les directives qu'elle doit suivre l'obligent à procéder à une redistribution majeure. Toutefois, étant donné la position du comité de réforme et les arguments de plusieurs des gouvernements des États et des partis politiques, la CCE a présenté un certain nombre de plans possibles. Elle a recommandé que les États de Berlin, de Hesse et de la Basse Saxe reçoivent un siège additionnel chacun, que Bade-Wurtemberg en reçoive deux et que la Bavière en reçoive trois. Hambourg, Rhénanie du Nord-Westphalie, Sarland et les cinq nouveaux États devraient perdre un siège chacun.
Conclusion
En Allemagne, la loi impose plus ou moins le redécoupage. Certaines conditions forcent des changements et la marge de manoeuvre politique est limitée. La CCE est un organisme indépendant et elle doit se conformer à une série de règles lorsqu'elle présente des recommandations en vue d'un redécoupage, laissant peu de place au « gerrymandering ». Les gouvernements des États, plus particulièrement s'ils risquent de perdre un siège, et les députés n'apprécient toutefois pas particulièrement les changements dans les limites des circonscriptions. Le Parlement n'accepte donc généralement que les changements statutaires et dans la mesure du possible préfère garder le statu quo. En 2002, un redécoupage majeur est inévitable. La population de chaque circonscritpion sera probablement égalisée et il en résultera probablement une réduction du nombre de sièges.