Comme les circonscriptions
uninominales doivent le plus souvent être relativement égales en population,
elles ne reflètent que rarement les communautés d'intérêts telles que
circonscrites à l'intérieur des limites administratives. La représentation
politique n'est pas pour autant étrangère à la notion de
« communauté » dans les pays où l'on trouve des circonscriptions
uninominales.
Nombre de pays qui
recourent à des circonscriptions uninominales continuent de mettre l'accent sur
l'importance de créer des circonscriptions qui correspondent d'aussi près que
possible aux communautés existantes que l’on définit comme entités
administratives ou comme communautés d'intérêts. La raison évoquée pour retenir
le facteur des communautés dans la délimitation réside dans le fait que les
circonscriptions sont plus qu'un simple regroupement arbitraire d'individus.
Les circonscriptions doivent, autant que possible, représenter des unités
cohérentes et soudées par des intérêts communs liés à la représentation. Cela
facilitera le travail du représentant élu qui consiste à faire valoir les
intérêts de sa circonscription.
Définition de « communauté d'intérêts »
La « communauté
d'intérêts » est rarement définie par une loi, mais on entend généralement
par là un groupe de personnes qui partagent les mêmes intérêts et les mêmes
valeurs. Ces valeurs peuvent être le résultat d'une histoire ou d'une culture
commune, d'une ascendance ethnique commune, ou de toute autre expérience
partagée par des électeurs à la base de laquelle on retrouve des intérêts
communs.
Le périmètre d'une
communauté d'intérêts peut correspondre à des limites administratives, mais ce
n'est pas toujours le cas. Par exemple, une rivière peut représenter une
frontière entre deux divisions administratives, mais l'ensemble de la vallée
peut réunir une communauté d'intérêts unique. Dans ce cas, une circonscription
électorale délimitée selon la frontière naturelle diviserait une communauté
d'intérêts.
En général, on peut classer
les critères définissant les communautés d'intérêts en trois catégories :
1) ceux liés à des frontières géographiques ou administratives; 2) ceux liés à
des intérêts ou à des caractéristiques communes; 3) ceux liés à des modèles
d'interaction. Les critères ayant trait aux limites administratives ou
géographiques sont traités dans la section Critères géographiques encadrant
la délimitation de circonscriptions électorales.
Parmi les critères
portant sur des intérêts ou des caractéristiques communes, mentionnons :
- des racines raciales ou ethniques;
- une histoire ou une culture;
- une religion ou une langue;
- un statut socioéconomique.
Parmi les critères
portant sur les modèles d'interaction, on retrouve:
- les moyens de transport;
- les liens économiques;
- les réseaux de communication (différents
marchés médiatiques).
Dans la plupart des
pays, la législation électorale ne précise pas quelles communautés d'intérêts
sont pertinentes à la délimitation; on demande simplement aux responsables de
la délimitation de tenir compte des « communautés d'intérêts ». La
législation électorale allemande stipule que les circonscriptions doivent
former des zones géographiques « cohérentes ». Les législations
électorales du Népal, du Pakistan et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée enjoignent
aux responsables de la délimitation de considérer « les communautés et la
diversité des intérêts » ou « l'homogénéité et l'hétérogénéité de la
communauté ». La législation électorale australienne est plus précise que
d'autres puisqu'elle stipule que le comité de redistribution doit tenir dûment
compte des « communautés d'intérêts propres à une circonscription
électorale proposée, y inclus les intérêts économiques, sociaux et
régionaux ».
Une poignée de pays
offrent des explications encore plus précises en ce qui a trait aux communautés
d'intérêts qui sont les plus pertinentes au processus de délimitation des
circonscriptions. Par exemple, en Hongrie, les responsables de la délimitation
doivent prendre en considération les particularités ethniques, religieuses,
historiques et les autres caractéristiques locales lors de la création de
circonscriptions électorales. Le Panama et l'Ukraine exigent également que les
populations minoritaires soient considérées : en Ukraine, on doit tenir
compte de la « densité des populations minoritaires nationales » et
au Panama, on doit prendre en considération les « concentrations des
populations autochtones ». Cependant, sans dispositions spécifiquement
conçues pour promouvoir la représentation des minorités dans la législation
électorale, les critères exigeant la « juste considération » des
populations minoritaires n'auront probablement pas d'effets importants au
chapitre de l'accession au pouvoir de représentants issus de minorités.
Conclusion
Les critères de
délimitation sont inévitablement contradictoires. On peut tenter de résoudre
l'antagonisme entre ces critères en déterminant celui qui est le plus important
dans chacun des cas. Les audiences publiques sont une composante essentielle de
ce processus. Par exemple, une carte électorale définie à partir des
communautés ethniques peut l'emporter sur une autre fondée sur les limites
administratives, si le public s'entend pour dire que le critère des communautés
ethniques est plus important que celui de la concordance avec les limites
administratives.