La Commission suprême pour les élections
et les référendums (Supreme Commission for Elections and Referendum [SCER]) du
Yémen envisage d’avoir recours à un système d’information géographique (SIG)
pour effectuer la délimitation de ses circonscriptions, avant les élections de
2006. Puisque le Bureau central des statistiques (Central Statistics Office [CSO])
est en cours de production d’une base de données adéquate à cette fin pour le
Yémen, l’utilisation d’un SIG est possible.
Contexte
La République du Yémen possède un mode de
scrutin majoritaire uninominal (SMU) et un système législatif bicaméral composé
du Conseil de la Shura, un organe consultatif qui compte 111 membres nommés par
le président, et de la Chambre des représentants. Les 301 membres de la Chambre
des représentants sont élus dans des circonscriptions uninominales lors
d’élections à majorité simple. Les plus récentes élections parlementaires se
sont tenues en avril 2003 [1].
Selon les résultats officiels de 2003, le
parti au pouvoir, le General People’s Congress (GPC) a recueilli 58,2 %
des voix et a remporté 230 des 301 sièges (76,4 %) [2]. Outre le rapport déformé entre votes recueillis et
sièges obtenus, en examinant attentivement les résultats électoraux, on
remarque que malgré un quotient de population d'un peu plus de 60 000
personnes par circonscription, soit l’équivalent d’environ 26 700
électeurs admissibles, certaines circonscriptions comptaient plus de
50 000 électeurs [3].
À la suite des élections parlementaires de
2003, des organisations internationales et des ONG comme le National Democratic
Institute (NDI) et la Fondation internationale pour les systèmes électoraux
(IFES) recommandaient notamment de revoir les limites des circonscriptions en
tenant compte du recensement yéménite de 2004. Cet exercice est nécessaire afin
de rendre les circonscriptions conformes à la législation et à la Constitution
du Yémen, en ce qui concerne la population [4].
Le processus de délimitation de 2002
En mai et en juin 2002, en prévision des
élections parlementaires de 2003, la Commission suprême pour les élections et
les référendums (SCER) a procédé à la délimitation des 301 circonscriptions
parlementaires requises au Yémen. La Constitution (Article 63) stipule que
les circonscriptions doivent être [5] « égales en population, avec une variation
maximale de plus ou moins 5 pour cent ». [6] En outre, la
législation électorale exige que la SCER tienne compte des « considérations géographiques
et sociales » lors de la création de circonscriptions parlementaires [7].
Selon la SCER, les facteurs qui ont été
pris en considération lors de la délimitation de 2002, exception faite de la
population, incluaient les réalités géographiques agissant comme obstacles
naturels, comme les montagnes et les rivières, et les facteurs sociaux
suivants :
- les subdivisions administratives, appelées ozal, ont été respectées
par les limites des circonscriptions, dans la mesure du possible;
- les villages dont on connaît l’animosité réciproque (tha'ar) n’ont pas
été placés dans la même circonscription, autant que possible [8].
La SCER a commencé le processus de
délimitation en créant des circonscriptions locales dans chacune des 332
divisions administratives (modiriya) [9]. Le seul critère légal qui régit la délimitation des
circonscriptions électorales est que la population des circonscriptions dans un
district administratif ne doit pas s’éloigner de plus ou moins 5 % du
quotient de population pour ce district [10].
Les circonscriptions locales possèdent
habituellement deux fonctions : faire élire des représentants à chacun des
332 conseils des gouvernements locaux – il y a un conseil par division
administrative – et héberger les bureaux de vote qu’on utilise aussi pour
effectuer le compte des voix. Cependant, il semble que dans certaines divisions
administratives, les circonscriptions locales ont été réunies afin de créer un
seul bureau de vote, alors que dans d’autres, les circonscriptions locales
comptent plus d’un bureau de vote [11]. Consultez le Tableau 1 ci-dessous pour
connaître le nombre de circonscriptions locales et le nombre de bureaux de
vote, par gouvernorat.
Tableau 1 : Nombre de divisions
administratives, de circonscriptions parlementaires et locales et de bureaux de
vote, par gouvernorat
Gouvernorat
|
Nombre de divisions administratives
|
Nombre de circonscriptions parlementaires
|
Nombre de circonscriptions locales
|
Nombre de bureaux de vote
|
Ville de Sanaa
|
10
|
19
|
179
|
179
|
Aden
|
8
|
10
|
130
|
130
|
Taiz
|
23
|
39
|
494
|
488
|
Lahj
|
15
|
12
|
280
|
282
|
Ibb
|
20
|
36
|
488
|
490
|
Abyan
|
11
|
7
|
197
|
194
|
Al-Baidha’a
|
20
|
10
|
285
|
291
|
Shabwa
|
17
|
6
|
211
|
199
|
Al-Mahra
|
9
|
2
|
74
|
74
|
Hadhrmout
|
30
|
18
|
365
|
365
|
Al-Hodeida
|
26
|
34
|
515
|
515
|
Thamar
|
12
|
21
|
297
|
297
|
Sanaa
|
21
|
20
|
423
|
414
|
Al-Mahweet
|
9
|
8
|
167
|
167
|
Hajja
|
30
|
20
|
521
|
515
|
Sa’ada
|
15
|
9
|
181
|
181
|
Al-Jawf
|
12
|
5
|
160
|
160
|
Ma’areb
|
14
|
3
|
138
|
138
|
Amran
|
20
|
15
|
354
|
369
|
Al-Dhale’a
|
9
|
7
|
161
|
172
|
Total
|
332
|
301
|
5,620
|
5,620
|
Les 5620 circonscriptions locales et
bureaux de vote créés par la SCER ont alors été utilisées comme composantes de
base afin de délimiter les 301 circonscriptions parlementaires. Ces 301
circonscriptions uninominales ont été utilisées pour l’élection de
représentants au Parlement en avril 2003.
La SCER employait des cartes en papier
(cartes topographiques des divisions administratives) et des acétates pour
délimiter les circonscriptions locales et parlementaires. Les estimations de la
population des circonscriptions étaient basées sur des projections issues du
recensement de 1994. En conséquence de l’utilisation de ces techniques
manuelles, les seuls documents existants qui décrivent les limites des
circonscriptions actuelles sont les cartes en papier et les acétates qui se
trouvent au siège de la SCER. En outre, les estimations de population des
circonscriptions ne constituent que de grossières approximations des véritables
populations [12].
Une fois que les cartes provisoires des
circonscriptions sont prêtes, un travail de terrain a été effectué afin de
s’assurer que les limites des circonscriptions tenaient compte des
considérations géographiques et sociales. On a demandé aux fonctionnaires
locaux de réviser les cartes, de solliciter la participation du public et de
proposer des suggestions si les limites s’avéraient problématiques. À la suite
de ce travail de terrain, certains changements ont été apportés aux limites
provisoires des circonscriptions. Les limites finales des circonscriptions ont
été établies par la SCER à l'été 2002.
Le processus de délimitation a duré
environ trois mois et environ 60 employés de la SCER ainsi que 900
fonctionnaires sur le terrain y ont travaillé. Les coûts de la délimitation de
2002 ont été estimés par la SCER à environ 2 millions de dollars américains.
Le processus de délimitation de 2005
La SCER prévoit réviser les limites des
circonscriptions lorsque les nouvelles données de recensement seront publiées,
soit au milieu de 2005 [13]. Les élections locales doivent se tenir en septembre
2006. Conséquemment, le processus de délimitation doit être terminé d’ici la
fin de 2005, c’est-à-dire avant que l’inscription électorale pour les élections
de 2006 ne commence.
La SCER espère n’avoir qu’à apporter des
ajustements mineurs ou techniques à la délimitation des circonscriptions
effectuée en 2002 afin de la rendre conforme au critère voulant que la
population des circonscriptions ne s'éloigne pas de plus ou moins 5 % du
quotient de population. En supposant qu’elle effectue uniquement des
ajustements mineurs, la SCER a indiqué qu’elle ne prévoit pas retourner sur le
terrain pour solliciter des commentaires au sujet des limites des
circonscriptions.
Il existe au moins deux raisons de se
montrer sceptique quant au besoin de n’apporter que des ajustements mineurs à
la délimitation des circonscriptions. Premièrement, mettre en relation les
données du recensement de 2004 avec les limites des circonscriptions de 2002
est susceptible de révéler des écarts de population substantiels entre les
circonscriptions puisque la SCER a dû avoir recours aux projections peu fiables
(particulièrement aux niveaux géographiques inférieurs) du recensement de 1994
en tant que données démographiques. Deuxièmement, si le ministère des Autorités
locales révise les frontières des 332 divisions administratives existantes, au
minimum, les circonscriptions locales touchées devront elles aussi faire
l’objet d’une révision [14].
La SCER désire avoir recours à un SIG pour
son prochain processus de délimitation. Il existe une multitude de raisons qui
justifient de soutenir la SCER dans cette entreprise :
- La technologie SIG pourrait permettre d’accroître l’efficacité, la
précision et la rentabilité, du moins, à long terme, du processus de
délimitation.
- La technologie SIG pourrait aider la SCER à satisfaire aux normes
constitutionnelles et légales en ce qui a trait à la délimitation, comme
l’équité du nombre d'électeurs et le respect de considérations
géographiques et sociales.
- La technologie SIG pourrait améliorer la transparence du processus de
délimitation en permettant de produire facilement des cartes et des
rapports qui pourraient être utilisés par les parties intéressées afin
d’évaluer et de commenter les propositions de redécoupage.
- Les SIG offrent la possibilité d'en arriver à une proposition de
redécoupage juste, c'est-à-dire qui priorise les critères de délimitation
établis tels que l'égalité du poids des votes et la prise en considération
des facteurs géographiques et sociaux, aux dépens d’autres, moins
importants, comme les conséquences politiques potentielles du plan.
- Les SIG peuvent se révéler utiles pour l'administration des
élections : par exemple, les SIG peuvent être utilisés pour assigner
les électeurs inscrits au bon bureau de vote.
Le recours au SIG pour délimiter les circonscriptions au Yémen
La SCER a recouru à des techniques
manuelles, à savoir, des cartes de papier, des acétates, des feutres colorés et
des calculatrices pour effectuer la délimitation de 2002. Bien que le processus
de délimitation ait été terminé dans les délais, un grand nombre de personnes
ont dû travailler afin d’y arriver. De plus, peu d’information avait été
produite au sujet des circonscriptions, et encore moins avait été mise à la
disposition des parties intéressées, c’est-à-dire les députés, les partis
politiques, les ONG et les électeurs intéressés.
Le recours à la technologie SIG
augmenterait le volume des données mobilisables par la SCER. Cela permettrait à
la SCER de :
- créer des propositions de redécoupage beaucoup plus rapidement :
une proposition serait créée interactivement en assignant des territoires
à des circonscriptions, morceau par morceau, et en observant immédiatement
ces résultats sur un écran d’ordinateur;
- produire des cartes de la proposition de redécoupage à l’écran et sur
papier, au besoin, au fur et à mesure que des morceaux de territoires
seraient assignés, et bien sûr, une fois que la proposition serait
terminée;
- générer des rapports statistiques résumant la proposition de
délimitation aux fins d’évaluation.
Mettre sur pied une base de données Si la technologie SIG est utilisée pour
délimiter les circonscriptions, une base de données doit être créée. Cette base
de données doit inclure, au minimum, des informations démographiques, à savoir
les données de recensement ou d’inscription électorale, et les fichiers
numériques des cartes associées aux unités géographiques pour lesquelles la
population a été recensée. Comme la donnée sur laquelle se base la Constitution
yéménite en ce qui a trait à l’égalité de la taille des circonscriptions est la
population totale, et non pas le nombre d’électeurs ou d’électeurs enregistrés,
les données de recensement et les cartes des zones recensées devront être
incluses dans la base de données utilisée pour effectuer la délimitation.
L’obstacle le plus fréquent à l’utilisation
d’un SIG aux fins de délimitation est l’absence de cartes numérisées pour les
unités géographiques. Heureusement, cela ne sera pas un problème au Yémen. Le Bureau
central des statistiques (CSO) est actuellement à numériser les données
géographiques utilisées pour le recensement jusqu’aux plus petites unités pour
lesquelles des données seront recueillies, soit les secteurs de recensement. Si
la SCER souhaite recourir aux secteurs de recensement en tant que composantes
de base pour créer les circonscriptions, les cartes numériques et les données
démographiques qui s’y rattachent seront vraisemblablement rendues disponibles
par le CSO afin que la SCER les utilise. En plus des cartes des secteurs de
recensement, d'autres cartes pourraient être utiles lors du processus de
délimitation au Yémen, par exemple : des limites administratives, telles
que les gouvernorats, les divisions et les subdivisions administratives, des
caractéristiques physiques majeures, comme les chaînes de montagnes et les
rivières, et des limites des circonscriptions existantes.
Certaines des divisions administratives
ont été incorporées à la base de données du CSO, par exemple, les limites des
gouvernorats et des divisions administratives qui en font partie [15]. De plus, certaines caractéristiques physiques seront
incluses dans la base de données du CSO.
Toutefois, procéder à l’ajout des limites
des circonscriptions existantes dans la base de données de délimitation sera
l'un des plus grands défis que devra relever la SCER. Les limites des
circonscriptions locales actuelles peuvent être incorporées à la base de
données de la CSO soit en assignant des secteurs électoraux entiers à des
circonscriptions locales de manière à ce que le résultat constitue une bonne
approximation des vraies limites des circonscriptions locales actuelles, soit
en dessinant les limites des circonscriptions locales précisément en
divisant les données de recensement des secteurs électoraux à l’aide de
logiciels et en estimant la population des différentes parties des secteurs
électoraux ainsi divisés [16]. D’un côté, la deuxième approche demande plus de
temps que la première et ne permettra d’obtenir que des estimations de la
population de chacune des circonscriptions. D’un autre côté, seule la deuxième
approche mènera à une délimitation exacte des limites des circonscriptions parlementaires
actuelles.
Délimiter les nouvelles circonscriptions Lorsque la base de données de
délimitation sera prête et qu'elle contiendra la délimitation des
circonscriptions actuelles effectuée par l'une des approches décrites plus tôt,
une nouvelle proposition de délimitation pourra être effectuée. Cela se fait en
déplaçant les unités géographiques, soit les secteurs de recensement, d'une
circonscription à l'autre jusqu'à ce que toutes les circonscriptions de la
proposition satisfassent aux critères de redécoupage préétablis. La technologie
SIG accélèrerait considérablement ce processus en calculant la répartition de
la population en temps réel chaque fois qu’une nouvelle assignation de
territoire serait faite et en affichant sur l’écran d’ordinateur les résultats
de ce calcul en même temps que la carte des nouvelles circonscriptions.
Évaluer les propositions de redécoupage Si la SCER a recours au SIG pour
délimiter les circonscriptions, le logiciel simplifiera la production de cartes
et de rapports qui pourront alors être utilisés afin de déterminer la conformité
de la proposition aux critères comme :
- l'égalité du poids des votes;
- les considérations géographiques comme les barrières naturelles que
forment les montagnes, les rivières et les autres caractéristiques
physiques.
- le respect des unités gouvernementales et des divisions
administratives existantes, ainsi que des subdivisions administratives, si
elles ont été numérisées.
L’utilisation d’un logiciel de SIG pour
créer une proposition de redécoupage facilite la production d’un rapport
statistique listant la population de chacune des circonscriptions, ainsi que
l’écart en pourcentage du quotient de population de ces circonscriptions. La
technologie SIG permet aussi la superposition de cartes présentant les limites
des divisions administratives et les caractéristiques physiques comme les
chaînes de montagnes et les cours d’eau sur la carte des circonscriptions. Ces
rapports et ces cartes pourraient servir d’outils à la SCER afin d’évaluer
toute proposition de redécoupage des circonscriptions. De plus, si la SCER
rendait publics ces rapports et ces cartes, les parties intéressées pourraient
elles aussi évaluer la proposition de redécoupage des circonscriptions.
Avantages et inconvénients reliés à
l’utilisation d’un SIG
L’utilisation d’un SIG offre plusieurs avantages dont il a été question plus
tôt. Cependant, l’utilisation d’un SIG présente aussi des inconvénients. Il est
donc important de prendre en considération autant les avantages que les
inconvénients d’un SIG avant de décider d'y avoir recours pour la délimitation.
La liste ci-dessous présente certains des principaux avantages et inconvénients
associés aux SIG :
Avantages des SIG
- La technologie SIG pourrait optimiser l’efficacité, la justesse et la
rentabilité du processus de délimitation.
- La technologie SIG pourrait aider la SCER à satisfaire aux normes
constitutionnelles et légales en ce qui a trait à la délimitation, comme
l’équité du nombre d'électeurs et le respect de considérations
géographiques et sociales.
- La technologie SIG pourrait améliorer la transparence du processus de
délimitation en permettant de facilement produire des cartes et des
rapports qui pourraient être utilisés par les parties intéressées afin
d’évaluer et de commenter la proposition de redécoupage.
- Les SIG offrent la possibilité d'en arriver à une proposition de
redécoupage juste, c'est-à-dire qui priorise les critères de délimitation
établis comme l'égalité du poids des votes, par l’intermédiaire d’outils
d’évaluation inclus dans la plupart des suites de SIG.
- Les SIG pourraient se révéler utiles pour l'administration des
élections : par exemple, les SIG peuvent être utilisés pour assigner
les électeurs inscrits au bon bureau de vote.
Inconvénients des SIG
- Les coûts associés à l’acquisition des SIG et des outils nécessaires à
leur bon fonctionnement pourraient être prohibitifs.
- Il pourrait être difficile de trouver et de former du personnel
qualifié pour utiliser le SIG, ce qui a d’importantes implications, non
seulement en ce qui concerne l’installation du système, mais également
pour sa maintenance.
- La mauvaise gestion d’un SIG pourrait rendre le processus de
délimitation moins efficace, moins valide et moins rapide que le recours
aux techniques manuelles, du moins, à court terme.
- L’utilisation incorrecte d’un SIG pourrait permettre aux utilisateurs
de manipuler le processus de délimitation, et par conséquent, le résultat
électoral.
Les coûts reliés aux SIG : Matériel
informatique, logiciels et personnel Les coûts liés à l’utilisation d’un SIG pour la délimitation
varient considérablement selon la disponibilité des cartes numériques et des
données démographiques correspondantes. Si des données et des cartes numériques
du pays en entier sont disponibles, comme c’est le cas au Yémen, les coûts
associés à l’adoption d’un SIG seront considérablement réduits. En fait, c’est
uniquement parce que le CSO est à mettre sur pied une base de données adéquate
que la SCER peut envisager d’avoir recours à la technologie SIG pour le
prochain exercice de délimitation.
La SCER doit tout de même faire
l’acquisition du matériel informatique et des logiciels requis, en plus de
former du personnel qualifié pour faire fonctionner le SIG. Tout cela sera
certainement coûteux. La SCER devrait prévoir des dépenses allant de
150 000 à 200 000 dollars américains pour l’achat du matériel
informatique, des logiciels et de leurs licences, et pour la formation du
personnel [17].
Potentielle mauvaise gestion des SIG Il existe toujours une possibilité que la
technologie SIG soit mal gérée, ce qui a pour effet de désorganiser, de
retarder et de rendre inefficace le processus de délimitation. S'assurer
d’effectuer une planification détaillée, de prévoir une formation adéquate et
d’allouer le temps et les ressources nécessaires à la réussite de
l'implantation d'un SIG au processus de délimitation sont des étapes primordiales.
Usage impropre des SIG Non seulement un SIG peut-il être mal
géré, il peut également être employé à mauvais escient : La technologie
SIG pourrait, du moins, en théorie, rendre la vie facile au parti au pouvoir
qui voudrait manipuler les limites des circonscriptions afin de garder le
contrôle du Parlement, même lorsque la majorité des électeurs ne l’appuierait
plus. Par exemple, aux États-Unis, le corps législatif responsable du
redécoupage des circonscriptions inclut souvent les données politiques, à
savoir les résultats électoraux, dans la base de données de délimitation de
sorte que les implications politiques des circonscriptions proposées puissent
être prises en compte lors du processus de redécoupage des circonscriptions [18].
Cependant, selon la loi, les
considérations politiques ne font pas partie des facteurs dont la SCER doit
tenir compte lors de la délimitation des circonscriptions. De plus, l’ajout de
données politiques dans la base de données SIG au Yémen serait très difficile
puisque les unités pour lesquelles des données politiques sont disponibles,
c’est-à-dire les bureaux de vote associés aux circonscriptions locales, ne sont
pas les mêmes unités géographiques que celles qui seraient utilisées pour la
délimitation étant donné que ce sont les secteurs de recensement qui seront
employés pour délimiter les circonscriptions. Toutefois, afin de s’assurer que
l’incorporation de données politiques n’est pas envisagée, la législation
électorale pourrait être révisée pour qu’elle interdise expressément
l'utilisation de données politiques lors de la délimitation. Le Yémen ne serait
pas le premier à agir ainsi. En effet, de nombreux pays ont formellement
défendu les autorités de tenir compte des données politiques dans le processus
de délimitation des circonscriptions [19].
L’Article 159 de la Constitution du Yémen
définit la SCER comme un organisme « neutre et indépendant ». Un SIG
aiderait la SCER à démontrer qu’elle a effectué la délimitation des
circonscriptions de manière non partisane, pourvu que la SCER :
- ait rendu publics les cartes et les rapports statistiques générés par
le SIG et qui sont associés à la proposition de délimitation;
- ait mis en place un processus d’audiences publiques dans le but de
permettre aux parties intéressées de commenter la proposition de
délimitation; et
- ait tenu compte des commentaires des parties intéressées lors de la
révision de la proposition de délimitation afin de produire la carte
électorale finale et ait publié les raisons expliquant les modifications
apportées à la proposition provisoire.
Conclusion
La technologie SIG représente un bon moyen
d’accroître l’efficacité, la précision et la rentabilité du processus de
délimitation qui sera effectué en 2005 par la SCER. Le recours à un SIG
permettra de maximiser les chances de la délimitation des circonscriptions de
satisfaire aux normes constitutionnelles et légales de délimitation, comme
l’équité du nombre d'électeurs et le respect de considérations géographiques et
sociales. En outre, cette technologie pourrait se révéler utile afin
d'améliorer la transparence du processus de délimitation. Par contre, la mesure
dans laquelle la technologie SIG peut démocratiser le processus de délimitation
dépend de la quantité d’informations que la SCER est prête à partager avec les
parties intéressées et de son ouverture à la participation du public lors du
processus de délimitation.
Si un SIG est utilisé pour procéder à la
délimitation de 2005, des plans de mise en œuvre doivent être élaborés au plus
vite. Les Annexes exposent les grandes lignes des étapes qui devraient être
entreprises afin d’implanter un SIG et proposent un calendrier provisoire.
Cependant, il existe au moins deux obstacles potentiels au bon déroulement du
processus :
1) Si le ministère des Autorités locales
révise les 332 divisions administratives sur lesquelles se basent les
circonscriptions locales et que ce processus n’est pas terminé d’ici le milieu
de 2005, il sera impossible de respecter l’échéancier prévu pour la délimitation.
De plus, si les limites des divisions administratives devaient changer de
manière importante, le processus de délimitation prendrait plus de temps
puisque la SCER, plutôt que de simplement avoir à modifier les limites des
circonscriptions locales existantes, devrait finalement repartir de zéro.
2) Le Bureau central des statistiques doit
être à la fois prêt et capable de publier les cartes numériques des secteurs de
recensement d'ici avril 2005, ainsi que les données démographiques correspondantes
d'ici juillet 2005, faute de quoi il serait difficile, voire impossible, de
respecter l’échéancier. Il est important de noter que le CSO considère
essentiel d’obtenir les mises à jour des logiciels Oracle et ESRI ArcView qu'il
utilise actuellement afin de respecter son échéancier. Autrement, la date de
publication pourrait être retardée de plusieurs mois.
Recommandations
- La SCER devrait être soutenue dans ses efforts pour avoir recours à la
technologie SIG pour le prochain exercice de délimitation. L’utilisation
d’un SIG, conjointement avec la base de données que le Bureau central des
statistiques est en train d’élaborer, donne l’occasion à la SCER
d’améliorer l’efficacité et la précision de son processus de délimitation
des circonscriptions. Par conséquent, le processus a toutes les chances de
mener à une délimitation des circonscriptions qui satisfait aux normes
constitutionnelles et légales en ce qui a trait à la délimitation, comme
l’équité du nombre d'électeurs et le respect de considérations géographiques
et sociales.
- La SCER devrait être encouragée à utiliser la technologie SIG afin
d'en arriver à un processus de délimitation dont la transparence sera
maximisée. La SCER devrait publier les cartes et les rapports statistiques
associés aux propositions de délimitation et devrait tenir des audiences
publiques afin de recueillir des commentaires au sujet de ces
propositions. Le processus devrait être encadré de sorte à permettre
uniquement les commentaires au sujet des critères de délimitation établis
tels que l’équité du nombre d'électeurs et le respect de considérations
géographiques et sociales.
- Il serait important d’étudier la possibilité d'étoffer la législation
électorale en ce qui a trait à la délimitation des circonscriptions. En
particulier, il devrait être stipulé que le redécoupage doit être effectué
sur une base régulière et doit se baser sur les données démographiques des
recensements décennaux et des dénombrements. D'autres ajouts à la
législation électorale pourraient être faits, par exemple, l'interdiction
formelle d’importer des données politiques partisanes dans la base de
données de délimitation et l’obligation pour la SCER de tenir compte des
commentaires des parties intéressées au sujet des limites provisoires
avant de procéder à la délimitation finale.
Annexes
Étapes suggérées pour l'implantation d'un SIG
et la délimitation des circonscriptions locales
|
Calendrier
proposé
|
Étape de planification
|
De septembre à décembre 2004
|
- Évaluation
des besoins en ce qui concerne le matériel informatique, les logiciels
et la formation du personnel
|
|
- Préparation
du budget et du calendrier
|
|
|
|
Étape d’acquisition et de formation
|
De janvier à mars 2005
|
- Achat
du matériel informatique et des logiciels nécessaires
|
|
- Formation
du personnel pour l’utilisation du SIG et embauche potentielle
d'employés supplémentaires
|
|
|
|
Étape d’élaboration de la base de données
|
|
- Phase
I : obtention des cartes numériques des secteurs de recensement du Bureau
central des statistiques
|
Avril 2005
|
- Phase
II : numérisation des limites des circonscriptions locales
actuelles en ayant recours aux secteurs de recensement
|
D’avril à juin 2005
|
- Phase
III : obtention des données démographiques associées aux secteurs
de recensement du Bureau central des statistiques
|
Juillet 2005
|
|
|
Étape de l'élaboration d'une carte des circonscriptions provisoire
|
D’août à septembre 2005
|
- Modification
des limites des circonscriptions actuelles afin de créer une carte
provisoire qui satisfait aux critères préétablis
|
|
- Impression
de cartes en papier et production de rapports statistiques pour la carte
provisoire
|
|
|
|
Étape des audiences publiques
|
Octobre 2005
|
- Préparation
du calendrier des audiences publiques (lieux et dates)
|
|
- Diffusion
des cartes provisoires et des rapports statistiques
|
|
- Tenue
des audiences publiques afin de recueillir des commentaires
|
|
|
|
Étape de l'élaboration d'une carte des circonscriptions finale
|
De novembre à décembre 2005
|
- Modification
de la carte provisoire selon les commentaires recueillis lors des
audiences publiques
|
|
- Création
d’une carte des circonscriptions finale
|
|
- Rédaction
d’un rapport incluant cartes et statistiques
|
|
Notes :
[1] Les élections de 2003 étaient les troisièmes
élections parlementaires depuis l’unification du Yémen en 1990. Les élections
parlementaires précédentes ont été tenues en 1993 et en 1997.
[2] Le General People’s Congress (GPC) possède 240
sièges, soit 79,7 % au total, puisque dix des candidats indépendants qui
se sont présentés et ont été élus en 2003 se sont plus tard joints au GPC.
[3] Voir « Évaluation post électorale de
l’IFES : élections parlementaires du 27 avril 2003 au Yémen »,
préparé par l’antenne de l’IFES au Yémen. Les chiffres obtenus ultérieurement
de la Commission suprême pour les élections et les référendums (Supreme
Commission for Elections and Referendum [SCER]) montraient que dix
circonscriptions comptaient entre 40 000 et 50 000 électeurs, que
sept en comptaient entre 50 000 et 60 000 et qu'une en comptait
70 109. Le plus bas nombre d’électeurs inscrits dans une circonscription
était de 9980. L’estimation officielle de la population en 2002 effectuée par
la SCER et se basant sur des projections réalisées à partir du recensement de
1994 était de 18 192 000. Le quotient de population était donc de
60 439 (18 192 000 ÷ 301). Le nombre moyen d'électeurs
admissibles par circonscription aurait dû être beaucoup plus petit : selon
l’UNICEF, le pourcentage de la population âgée de 18 ans et plus était
d’environ 44 % en 2002. Le nombre d'électeurs admissibles par
circonscription était donc d’environ 26 700. L’UNICEF rapporte que
55,8 % de la population yéménite avait moins de 18 ans en 2002, ce qui
signifie que beaucoup moins que 44,2 % de la population totale aurait dû
pouvoir voter, en supposant que des non-citoyens sont aussi inclus dans les données
démographiques. Par contre, l’UNICEF estime que le Yémen avait une population
de 19 315 000 en 2002. Si cette estimation est plus juste que celle
utilisée par la SCER, le nombre d’électeurs admissibles par circonscription
pourrait être de 28 400, ce qui serait tout de même très loin du nombre
d'électeurs inscrits dans certaines circonscriptions.
[4] Voir « Élections parlementaires du 27 avril
2003 au Yémen : rapport final » préparé par le National Democratic
Institute of International Affairs et « Évaluation post électorale de
l’IFES : élections parlementaires du 27 avril 2003 au Yémen »,
préparé par l’antenne de l’IFES au Yémen.
[5] Selon l’Article 24 de la loi sur les élections
générales et les référendums (2001), la responsabilité de déterminer les
limites des circonscriptions électorales parlementaires et locales revient à la
Commission suprême pour les élections et les référendums (Supreme Commission
for Elections and Referendum [SCER]).
[6] La Constitution stipule que c’est la population
totale et non pas, par exemple, la population en âge de voter ou le nombre
d’électeurs inscrits, qui doit servir au calcul de l’égalité du poids des
votes.
[7] L’Article 24 (a) de la loi sur les élections
générales stipule que les circonscriptions doivent « être basées sur le
principe de l’égalité de la population et prendre en considération des facteurs
sociaux et géographiques. » (traduction libre)
[8] Bien que les ozal ne soient pas nécessairement
unis par des liens tribaux ou claniques, si une ozla était unie d’une telle
manière, la SCER a essayé de la garder intacte en ne la divisant pas entre
plusieurs circonscriptions.
[9] Les 20 gouvernorats du Yémen sont divisés en 332
divisions administratives. Selon la loi sur les autorités locales adoptée en
2000, le nombre de circonscriptions locales par division administrative doit
varier entre 18 et 30, selon la population totale de la division
administrative :
population de la division administrative
|
nombre de circonscriptions locales
|
35 000 ou moins
|
18
|
de 35 000 à 75 000
|
20
|
De 75 000 à 150 000
|
26
|
150 000 ou plus
|
30
|
Cependant, il semble que dans de nombreux
cas le nombre de circonscriptions allouées aux divisions administratives est
beaucoup plus petit que l'exigence minimale de 18 circonscriptions : si la
totalité des 332 divisions administratives avait comporté ne serait-ce que le
nombre minimal de circonscriptions locales, soit 18, au moins 5976
circonscriptions locales auraient été créées. Pourtant, il n’existe
actuellement que 5620 circonscriptions locales.
[10] L’Article 24 (b) de la loi sur les élections
générales stipule que la variation de population ne doit pas être plus grande
que plus ou moins 5 pour cent.
[11] Le nombre de bureaux de vote est moins élevé que
le nombre de circonscriptions locales dans les gouvernorats de Taiz, Abyan,
Shabwa, Sanaa et Hajja et à l’inverse, le nombre de bureaux de vote est plus
élevé que le nombre de circonscriptions locales dans Lahj, Ibb, Al-Baidha’a, Amran
et Al-Dhale’a.
[12] Les estimations de la population des
circonscriptions doivent souvent être basées sur les projections issues du
recensement de 1994 au niveau local, soit le niveau des villages. Ces
projections sont particulièrement susceptibles d’être peu fiables,
particulièrement étant donné le manque de données disponibles au sujet des
déplacements de population.
[13] Un recensement est effectué tous les dix ans au
Yémen. Le dernier recensement a été mené en 1994 et le prochain est prévu pour
décembre 2004. Le Bureau central des statistiques (CSO) prévoit de publier les
données du recensement au milieu de 2005, en supposant qu’il parvienne à
obtenir les mises à jour des logiciels ESRI ArcView et Oracle.
[14] Les informations au sujet de la potentielle
révision des limites administratives, c’est-à-dire le nombre de divisions
susceptibles d’être touchées et le calendrier du projet, n’étaient pas
disponibles au moment où ce rapport a été préparé. La SCER devrait garder à
l’esprit que la révision des limites des districts administratifs pourrait
avoir des répercussions sur le processus de délimitation.
[15] Cependant, d’autres limites, par exemple les
limites des subdivisions administratives, devraient être numérisées si elles
doivent faire partie de la base de données de délimitation.
[16] Les limites des secteurs de recensement risquent
fort de ne pas coïncider avec les limites des circonscriptions locales actuelles
puisqu’il n’a pas été question des limites des circonscriptions électorales locales
lorsque le CSO a établi les secteurs de recensement.
[17] Si la SCER travaille conjointement avec le CSO
pour payer les coûts des logiciels SIG et de la formation du personnel, le coût
global sera probablement plus élevé, entre autres parce que les licences des
logiciels seront plus coûteuses, mais le coût final, ainsi que les avantages
additionnés seront partagés entre les deux organismes. De plus, la
collaboration avec le CSO amènera probablement d’autres avantages. Au minimum,
cette coopération permettra sûrement à la SCER d’avoir accès à l’expertise que
le CSO a déjà développée.
[18] Aux États-Unis, les propositions de redécoupage
de la plupart des États sont effectuées par le pouvoir législatif, malgré le
très évident conflit d’intérêts. En outre, l’incorporation de données
politiques dans la base de données de délimitation et même carrément la
manipulation des limites des circonscriptions à des fins partisanes constituent
des pratiques qui ont été jugées légales par les tribunaux des États-Unis.
[19] Par exemple, il est défendu aux organismes
responsables de la délimitation des circonscriptions au Royaume-Uni
(Angleterre, Irlande du Nord, Écosse et Pays de Galles), au Canada et en
Australie de tenir compte des facteurs politiques lors de l'élaboration d'une
proposition de délimitation.