La définition d’appartenance à un parti politique varie considérablement d’un pays à l’autre. Dans certains pays, un électeur qui déclare appuyer un parti lorsqu’il s’inscrit pour voter est automatiquement considéré comme un membre de ce parti. Dans d’autres pays, il faut prendre la décision de se joindre au parti et le soutenir financièrement en payant sa cotisation pour en devenir membre. Différents modes d’adhésion indirecte, par exemple par le truchement de syndicats affiliés, peuvent aussi être considérés comme des formes d’appartenance à un parti.
Les partis qui comptent un grand nombre de membres bien organisés ont des avantages notables lors des campagnes électorales, en particulier pour ce qui est de tâches comme la publicité, la collecte d’information volontaire et la mobilisation de porte-à-porte, ainsi que la
sensibilisation moderne à travers des SMS, Twister, Facebook et d'autres
plateformes directement accessibles aux électeurs.
Il existe une tendance générale à la diminution du nombre de membres des partis politiques. Dans les nouvelles démocraties, les partis ne sont souvent pas fondés sur la participation de membres comme l’étaient autrefois les partis d’Europe occidentale. Partout dans le monde, la professionnalisation croissante des campagnes électorales, la dépendance à l’égard des deniers publics et la domination des médias semblent mener à des effectifs de membres réduits.
Il y a aussi lieu
de constater que l'activisme politique à travers de l'adhésion à un parti
politique est en déclin, alors que la participation politique directe à travers
des médias sociaux, des blogs et des communautés d'intérêt commun en ligne est
à la hausse.[1]
Il s’est par ailleurs révélé très difficile de comparer les nombres de membres des partis politiques. Les chiffres officiels établis par les partis peuvent ne pas être fiables : les partis peuvent exagérer leur appui ou la tenue de livres par l’administration centrale peut simplement être inefficace ou irrégulière. Souvent, les partis politiques ne sont pas obligés de tenir des dossiers publics.
Une façon d’analyser le rôle des membres d’un parti politique consiste à établir une distinction entre les différents genres d’organisations de partis selon le rôle qu’ils attribuent – ou non – à leurs membres.
Classification des organisations de partis
La classification des partis politiques d’après leur structure qui est la mieux connue et la plus souvent citée est celle établie par Maurice Duverger (1954)[2]. Elle a défini trois grands genres de partis; un quatrième a été ajouté plus récemment par d’autres spécialistes.
Les partis de cadres sont considérés comme la forme de parti la plus ancienne et la plus traditionnelle. Ils constituent des associations assez vagues de législateurs, dans lesquelles les membres en général jouent un rôle minimal et qui sont dotées d’une structure organisationnelle formelle. Ces organisations se fondent essentiellement sur des élites politiques et des groupes de dirigeants habituellement créés au sein du Parlement.
Dans les partis dits de milice, l’adhésion au parti peut être étendue, mais les membres n’influent aucunement sur les décisions des dirigeants ni sur le processus d’élaboration des politiques. Ils n’exercent pas non plus de pouvoir réel au sein du parti pour ce qui est, par exemple, d’exiger des comptes des dirigeants ou de les destituer, au besoin. Les partis de milice sont dominés par une structure de commandement descendante assortie d’un solide mécanisme de contrôle. Les partisans sont recrutés à la manière militaire, et le parti conserve son pouvoir grâce au contrôle qu’il exerce sur l’armée et sur la bureaucratie civile. Les dirigeants du parti ont souvent recours au favoritisme, à la corruption et à l’intimidation pour encourager leurs sympathisants locaux et exercer un contrôle sur la population en général.
Par contraste, les partis de masse peuvent s’appuyer sur un grand nombre de membres et, par conséquent, leur attribuer un rôle plus considérable. Le partage d’une idéologie commune et l’adhésion solide aux buts du parti sont les motifs dominants qui incitent les membres à participer à ses travaux. Les partis dits « d’intégration sociale » ont prévu une très forte participation de leurs membres à leurs activités, comme des activités culturelles, principalement par leur appartenance à des organisations connexes. Certains partis de masse ont des organisations extraparlementaires affiliées, comme des syndicats, par l’intermédiaire desquelles ils obtiennent des adhésions de groupe.
L’importance croissante du financement public des partis politiques et, en conséquence, leur dépendance de plus en plus grande à l’égard de l’État en tant que fournisseur de services ont suscité un débat au sujet d’un quatrième genre de parti appelé « parti-cartel », ou parti électoral professionnel. Ce genre de parti voit son assise de membres diminuer, et il tend à perdre contact avec ceux-ci ainsi qu’avec l’électorat. Il ne compte pas sur des militants volontaires ni sur ses membres pour diffuser ses messages politiques. Il assure entièrement cette fonction par les moyens de communication de masse. Les politiciens sont devenus des professionnels et ils se concentrent sur le gouvernement et la scène parlementaire plutôt que sur la société civile.
Conséquences d’un effectif de membres faible ou en diminution
L’adhésion aux partis est particulièrement faible dans de nombreuses démocraties nouvelles, et elle a baissé considérablement au cours des quelque 20 dernières années dans de nombreuses démocraties établies. Ce fait suscite des préoccupations pour diverses raisons :
- il limite les possibilités de participation politique des citoyens;
- il élargit le fossé entre les politiciens professionnels et l’électorat;
- il isole le public des partis et de tous leurs services en matière d’éducation des électeurs, d’activités sociales, et autres activités de sensibilisation;
- il diminue la responsabilisation des dirigeants envers les partisans;
- il réduit la légitimité des dirigeants des partis et des décisions politiques en général;
- il amoindrit la participation de la population aux processus politiques et au fonctionnement des partis dans la société ainsi que sa connaissance de ces processus et de ce fonctionnement;
- il fait que l’on comprend mal les processus politiques complexes;
- il renforce la centralisation des partis et il accroît le pouvoir de leurs dirigeants en raison du contrôle réduit exercé par leurs membres.
Par contre, il est moins clair que la diminution des effectifs des partis s’accompagne d’une tendance parallèle à la baisse du militantisme. Il est possible que les membres restant actifs dans les partis le fassent en raison d’un plus grand engagement idéologique. De plus, l'impact d'un déclin du nombre d'adhérents au sein de la structure des partis demeure difficile à déterminer. Il n’existe aucune corrélation générale entre la diminution du nombre de membres et l’accroissement de la centralisation du pouvoir.
[2]
Duverger, Maurice. Political Parties: Their Organization and Activity
in the Modern State. London, Methuen (New York, Wiley, 1954).