La règle la plus couramment prescrite dans la délimitation concerne l'équilibre démographique des circonscriptions. La représentation selon la population est l'une des assises de la démocratie et dans les pays qui ont recours aux circonscriptions uninominales, cette règle se traduit par le principe de l'égalité des circonscriptions sur le plan de la population. Pour que tous les électeurs aient un vote de poids égal, il faut que les circonscriptions aient une densité de population comparable. Ainsi, un électeur qui élirait un candidat dans une circonscription qui compte deux fois plus d'électeurs qu'une autre circonscription aurait deux fois moins de poids ou d'influence que l'électeur de la circonscription moins peuplée.
Le degré d'égalité de population qui est exigé et les chiffres que l'on utilise pour déterminer l'égalité (par exemple, la population totale, seulement les citoyens, seulement les électeurs inscrits, etc.) diffèrent d'un pays à l'autre. Environ la moitié des pays qui ont recours aux circonscriptions utilisent la population totale comme base pour déterminer l'égalité entre les circonscriptions électorales. Le tiers des pays ont plutôt recours au nombre d'électeurs inscrits. Plusieurs pays européens utilisent le nombre de citoyens en tant que base pertinente dans l'établissement de l'égalité de population. Au Lesotho, on utilise la population en âge de voter tandis qu'au Bélarus, on a recours au nombre d'électeurs aux élections précédentes.
Cette exigence d'équilibre démographique varie selon les pays. Dans de nombreux pays, il n'existe pas de limite de tolérance en ce qui a trait au degré auquel les circonscriptions peuvent s'éloigner du quotient de population. Parmi les pays qui possèdent des limites précises, le spectre s’étend de « virtuellement aucun écart » (États-Unis) jusqu'à 30 % (Singapour).
Déviations du quotient de population
Minimales
Les États-Unis représentent un cas unique en ce qui concerne le respect de la doctrine de l'égalité de la population. Aucun autre pays n'exige que les écarts soient aussi faibles que ce que prescrit la norme « une personne, un vote », imposée par les tribunaux américains depuis le début des années 1960. Dans l'affaire Karcher c. Daggett de 1983, la Cour suprême des États-Unis a statué qu'il n'y a pas de niveau d’écart de population qui peut être considéré comme sans conséquences : « il n'existe pas de variations anodines qui pourraient être évitées en pratique, mais qui satisfont toutefois à la norme de l'Article I, Section II [de la Constitution américaine] sans qu’elles soient justifiées ». La Cour a ensuite rejeté une proposition de redécoupage des circonscriptions de Congrès au New Jersey, proposition dont l'écart de population total n'était que de 7 %. À la suite de cette décision, la plupart des États ont interprété le cas Karcher comme une obligation d'adopter des cartes électorales de Congrès qui respectent fidèlement l'égalité de population sur le plan mathématique, ou du moins, qui présentent les plus petits écarts de population possible. Bien que les tribunaux aient plus tard confirmé la légalité de certaines propositions de redécoupage qui présentaient un écart de population plus faible que l'écart minimal possible, aucune de ces propositions confirmées par les tribunaux ne contenait des écarts totaux de même un seul pour cent.
Moyennes
La Macédoine, pays qui possède un système électoral à scrutin de liste régional et six circonscriptions électorales, s’approche de cette norme puisque les écarts du quotient de population ne doivent pas être supérieures à 3 %. La Nouvelle-Zélande, l'Albanie et le Yémen permettent des écarts allant jusqu'à 5 % du quotient. En Australie, au Bélarus, en Italie et en Ukraine, la déviation maximale est de 10 %.
La norme de population en Australie est toutefois plus complexe que la simple limite de 10 % : la législation électorale australienne exige également que les circonscriptions électorales ne s'écartent pas de plus de 3,5 % du quotient, trois ans et demi après la date de fin prévue de la redistribution. Ce critère a été élaboré afin d'atteindre l'égalité de population à mi-chemin au cours du cycle de délimitation australien de sept ans et d'éviter les importantes disparités à la fin du cycle. Pour atteindre cet objectif, la Commission de délimitation australienne doit avoir recours aux projections de population ainsi qu'aux données démographiques actuelles. L’intérêt marqué de l'Australie pour l'égalité de population est relativement récent. Le phénomène des circonscriptions rurales beaucoup plus petites, sur le plan de la population, que les circonscriptions urbaines était chose courante en Australie, il y a 30 ans. Pour plus de détails concernant les méthodes australiennes de délimitation, voir La redistribution fédérale en Australie.
Importantes
En Arménie, en Allemagne et au République tchèque, on permet des écarts de population d'un maximum de 15 %. En Allemagne, les circonscriptions électorales proposées ne peuvent pas s'écarter de plus de 15 % du quotient et les circonscriptions existantes qui s'éloignent de plus de 25 % doivent faire l'objet d'un redécoupage. Le Zimbabwe et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont établi la déviation maximale à 20 %. Au Canada, les commissions indépendantes chargées de la délimitation des circonscriptions électorales fédérales tolèrent des écarts pouvant aller jusqu'à 25 % du quotient de la province. Toutefois, depuis 1986, les commissions ont été autorisées à excéder la limite de 25 % lors de « circonstances exceptionnelles ». Cette disposition a été utilisée pour créer 5 des 295 sièges à la Chambre des communes du Canada en 1987, 2 des 301 sièges en 1996 et 2 des 308 sièges en 2003. En 2003, une circonscription en Ontario était 43,7 % sous la moyenne provinciale et une circonscription de Terre-Neuve était de 61,9 % sous la moyenne provinciale. Pour plus d'informations au sujet de la redistribution au Canada, consultez l'étude de cas du Canada, « Représentation au Parlement canadien ». Au Royaume-Uni, on tolère des écarts encore plus grands. La norme a d’abord été fixée à 25 % en 1944. Elle a toutefois été abrogée seulement deux ans plus tard. La règle actuelle exige cependant que les circonscriptions s'écartent « au maximum de plus ou moins 5 % du quotient du Royaume-Uni », mais cette règle doit être appliquée en tenant compte d'autres facteurs comme les limites locales et les considérations géographiques particulières. Les dispositions concernant les communautés naturelles ont incité les commissions anglaises de délimitation à désigner l'île de Wight et ses 95 000 électeurs comme étant une seule circonscription, alors que le respect des limites locales londoniennes a fait en sorte que la circonscription de Surbiton ne comporte que 48 000 électeurs. La dernière redistribution a vu l'île de Wight recevoir une nouvelle circonscription, les deux circonscriptions étant de 56 000 et de 55 000 électeurs respectivement. Pareillement, reconnaissant les difficultés de transport des insulaires, les commissaires en Écosse ont permis aux Hébrides (22 000 habitants en 2011) et à Orkney et Shetland (34 000 habitants en 2011) d'avoir leur propre représentant.
Conclusion
Le degré de respect pour l’équilibre démographique coïncide avec l'importance accordée à l'égalité politique de l'électeur. Ainsi, aux États-Unis, où l’on est fermement engagé dans le respect des droits individuels, les règles d’écart en ce qui concerne la population sont, de tous les pays ayant recours aux circonscriptions uninominales, les plus strictes. D'autres pays, tout en reconnaissant l'importance de l'équilibre démographique entre les circonscriptions, ont plutôt choisi de contrebalancer ce facteur avec d'autres critères de délimitation jugés tout aussi valables. Au Royaume-Uni, le respect des limites administratives locales a préséance sur l'égalité des circonscriptions. Dans de nombreux pays africains, le besoin de garder intactes dans une seule circonscription les diverses tribus peut prendre le pas sur le critère d'égalité de population. Chaque pays doit déterminer quels seront les écarts de population tolérés entre les circonscriptions sans nuire à d'autres objectifs de délimitation.