Comme dans le cas des normes internationales, la conception et la réforme juridique ainsi que la mise en œuvre d’un système électoral ne peuvent ignorer le contexte ou la réalité culturelle, économique, juridique, sociale et politique. L’application et l’interprétation des régimes constitutionnels, juridiques et réglementaires doivent tenir compte du contexte. Cela est vrai, que le système soit supranational ou régional (l’Union européenne ou le Parlement d’Amérique centrale), national, infranational, départemental, municipal, cantonal, autonome ou autre.
Il n’y a pas de modèle électoral unique ou parfait, mais il existe plutôt différents systèmes électoraux que l’on peut utiliser pour satisfaire aux objectifs établis par la population et les acteurs politiques à un moment et à un endroit donnés. Un système est adéquat s’il convient au niveau de développement démocratique de la communauté dans laquelle il est mis en application ou s’il a la capacité de faciliter la transition démocratique ou la consolidation de la démocratie de cette communauté.
Les systèmes peuvent générer certains résultats, par exemple, faciliter la formation de gouvernements majoritaires ou, inversement, refléter d’une manière fiable et proportionnelle l’existence de différents groupes politiques. Cependant, il est vrai que d’autres facteurs qui ne sont pas forcément des éléments électoraux de nature technique sont ceux qui sont susceptibles de mener à des majorités artificielles ou circonstancielles. Les facteurs qui ont le pouvoir d’exercer une influence sont notamment la taille du corps législatif, les rapports de force entre les divers partis politiques et la construction de coalitions et d’alliances qui en résulte, la distribution géographique de l’électorat, les ententes ou les pactes électoraux, etc.
Un modèle démocratique inclusif et représentatif qui est politiquement viable et doté de hautes normes de légitimité doit prendre en considération les attentes et les idéologies politiques de chacun des acteurs politiques (citoyens, partis politiques, organisations citoyennes, groupes de pression, etc.) et s’y adapter, tout cela sans tenir compte de la convergence et de la proximité ou même de la complète polarisation des positions sur certains sujets de leurs programmes politiques. Les systèmes électoraux sont le produit d’ententes politiques. Ils représentent l’ensemble des intérêts des groupes politiques. Ces intérêts ne devraient pas être ignorés par les autorités juridiques sauf lorsqu’ils s’opposent à l’existence même de processus électoraux libres et justes.
Le choix d’un modèle électoral (scrutin direct ou indirect), son développement (système majoritaire, proportionnel, mixte ou segmenté) et ses caractéristiques ou combinaisons d’éléments (majorité simple, absolue ou qualifiée; représentation proportionnelle partielle ou complète; ou possédant une clause de gouvernabilité) doivent se fonder sur l’unanimité ou le consensus. Cependant, ni l’accord de la majorité ni le consensus large ne devraient nuire au droit des minorités d’être représentés ou d’avoir voix au chapitre dans les affaires du gouvernement, que cela se passe dans les parlements, les congrès ou les assemblées législatives, exécutives ou les organes administratifs (conseils municipaux ou locaux).
Afin d’empêcher que les systèmes électoraux deviennent des entités théoriques, inefficaces ou inopérantes, il faut tenir compte des ententes politiques, du contexte social et des éléments circonstanciels et c’est pourquoi il en sera question de manière détaillée plus tard. Cependant, ces aspects ne peuvent remplacer ou rejeter les principes qui forment les processus électoraux justes et libres : le droit de la personne au vote actif et passif; la tenue régulière d’élections véritables; le vote universel, secret et égal; le respect des droits de la personne; la neutralité de l’administration électorale à l’égard d’autres organismes de l’État et acteurs politiques; et la surveillance juridictionnelle de l’application de la législation électorale.