Grâce aux avancées technologiques réalisées au tournant du siècle dernier, il est désormais possible d’implanter des technologies avancées dans le cadre des élections et l’intérêt à cet égard est croissant. L’impact quotidien déjà considérable des technologies sur la gestion électorale est en constante progression, et ce, que la technologie serve à la création de documents, au traitement et la gestion des données, à permettre le développement de nouveaux systèmes d’information plus puissants pour la gestion électorale, à créer et gérer des listes électorales, au vote lui-même, au compte des votes, à donner un meilleur accès du public aux informations archivées et aux rapports, à créer des outils puissants pour rendre la délimitation des circonscriptions plus efficace et efficiente ou encore à établir de nouveaux moyens plus conviviaux de partager des informations entre professionnels, pour ne nommer que quelques exemples.
À ce sujet, la réglementation est à la traîne des avancées technologiques. Une réglementation adéquate devrait permettre l’implantation réfléchie de technologies dans les processus électoraux, allant des systèmes de bases de données pour l’inscription électorale, le vote électronique, les systèmes d’identification biométriques, la numérisation et les systèmes d’information géographique (SIG). Cependant, rien ne représente aussi bien le potentiel et les défis de l’implantation des technologies dans les élections que le vote et le compte électronique, et bien que cette section ne vise pas à examiner toutes les facettes du débat, il s’agit d’un bon exemple de la relation qui unit la technologie et le cadre juridique.
D’une part, le vote et le compte électronique ont le potentiel d’améliorer la rapidité du processus et l’accès des électeurs tout en réduisant potentiellement le nombre d’erreurs humaines et les coûts. D’autre part, la question des attentes du public se pose également dans ce monde où les technologies se banalisent de plus en plus. Les plus fervents soutiennent que les nouvelles technologies pourraient même faire augmenter la participation des électeurs. Cependant, surtout dans un environnement non contrôlé à l’extérieur d’un bureau de vote, ces innovations s’exposent à des risques potentiels tels que la dégradation de la transparence, la capacité d’observation et d’audit, ainsi qu’à l’augmentation potentielle de la fraude, de la manipulation, de la vente de votes, de l’intimidation et de la perte de la confidentialité. Bien sûr, beaucoup peut être fait pour gérer le risque et de nombreux pays emploient d’ailleurs désormais des technologies de vote électronique, par exemple, des machines de vote avec dépouillement électronique, des équipements de balayage électronique des bulletins de vote, les réseaux Internet et de téléphonie mobile, etc.[i] Cependant, on peut raisonnablement reconnaître que « ce genre de technologies pose des défis en ce qui concerne la transparence et la capacité de rendre des comptes du processus électoral et peut influencer les perceptions sur la sécurité du vote et avoir un effet négatif sur la confiance des électeurs. »[ii]
Toutefois, lorsqu’il est question d’une chose aussi importante que les élections, ce qui n’est pas négociable est que « les normes d’évaluation des élections pour lesquelles l’on se sert de bulletins de vote traditionnels s’appliquent de la même manière au vote électronique. Ainsi, tous les électeurs admissibles devraient avoir le droit de voter, le secret du vote devrait être garanti et les résultats calculés par vote électronique devraient correctement refléter l’intention de l’électeur. »[iii] Le recours à la technologie ne devrait pas mettre en péril la confiance des citoyens envers les élections.
Une bonne réglementation devrait encourager l’utilisation de la technologie, laquelle entraîne une réduction des coûts la plupart du temps. Cependant, l’utilisation de la technologie ne devrait pas affecter la sécurité des élections et la confiance que les citoyens y portent en raison de la vulnérabilité de certains systèmes électroniques en particulier. La confidentialité et la liberté du vote doivent être protégées par-dessus tout. Pour ces raisons, bien que le cadre juridique doive être suffisamment flexible pour tirer profit au maximum des technologies disponibles, là où la mise en œuvre de ces technologies risque d’avoir un effet sur les principes fondamentaux des élections, « on peut encadrer cette grande flexibilité en exigeant que des approbations soient obtenues avant qu’elles soient mises en application. »[iv] Au minimum, cela permettrait d’effectuer un examen attentif, de débattre du sujet et de finalement pouvoir prendre des décisions muries qui feront avancer la question.
[i] OSCE, Election Observation Handbook, p. 67.
[iii] Commission européenne, Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, p. 85.
[iv] International IDEA, International Electoral Standards, p. 72.