Le droit à l’éligibilité est « clairement établi dans le droit international. Cela étant dit, ce droit est sujet à des restrictions raisonnables. » [i] Quant au cadre juridique, il doit « s’assurer que l’on garantit à tous les citoyens admissibles le droit au vote universel et équitable ainsi que le droit à l’éligibilité sans discrimination aucune. » [ii] Cependant, il est essentiel de comprendre ce que signifie le mot « admissible » dans ce contexte, car bien que le droit international et les cadres juridiques garantissent le respect de ces droits inviolables, il demeure possible de poser des limites raisonnables en ce qui concerne l’éligibilité, comme cela est le cas pour l’admissibilité au droit de vote. L’inverse est également vrai; il demeure inacceptable de poser des limites discriminatoires et déraisonnables à des droits de la personne aussi fondamentaux.
La non-exclusion constitue un principe clé lorsqu’il est question de l’éligibilité et du choix des candidats. Lorsqu’on ne respecte pas le principe de non-exclusion, on ne limite pas uniquement les droits de ceux qui désirent se présenter aux élections, mais aussi le choix offert aux électeurs. [iii]
Les exigences d’éligibilité des candidats ne sont pas toujours les mêmes que les exigences d’admissibilité des électeurs. Bien que le droit de se présenter aux élections ait évolué parallèlement avec le droit de vote, il existe certaines différences qui rendent ce droit sujet à davantage de restrictions que le droit de vote. Par conséquent, les électeurs admissibles au vote ne sont pas toujours éligibles, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas nécessairement se présenter aux élections. De même, ceux qui désirent se présenter aux élections comme candidats ne réussissent pas forcément à faire partie des candidats nommés définitivement.
Comme point de départ, on peut affirmer que d’après les principes démocratiques, le critère d’éligibilité pour les candidats inclut au minimum les critères qui s’appliquent à l’admissibilité de l’électeur: la citoyenneté, l’âge adulte et la pleine possession des droits civiques et politiques. Toute autre exigence à l’éligibilité doit être mentionnée explicitement dans la Constitution ou dans la législation et doit être justifiée par des principes constitutionnels qui permettent la limitation de certains droits fondamentaux pour certaines catégories de citoyens.
La plupart des systèmes établissent des exigences précises de candidature ou certaines restrictions, et ce, pour diverses raisons:
- Dans certains cas, le but est d’assurer la neutralité des gens occupant des postes clés dans le processus électoral en stipulant des situations incompatibles avec l’éligibilité, par exemple, pour le roi, les juges, les membres des forces armées.
- Dans d’autres cas, on établit des exigences particulières afin de prioriser un âge plus élevé que celui requis pour voter.
- Dans d’autres cas, on vise à s’assurer que les candidats participent à la vie de la communauté en exigeant par exemple qu’ils aient effectué leur service militaire, qu’ils aient la citoyenneté du pays en question ou qu’ils résident depuis un certain temps dans la circonscription en question.
- Dans d’autres cas, on exclut pour les mêmes raisons les personnes reconnues coupables de crimes graves ou de certaines infractions.
- Dans d’autres cas, les limitations visent à protéger les intérêts de la communauté, en prévoyant la disqualification des candidats dont les relations économiques avec les entités publiques pourraient mener à des conflits d’intérêts.
- Certaines limitations trouvent leurs racines dans l’histoire sociopolitique de chacun des pays: c’est notamment le cas de l’exclusion des prédicateurs de certaines religions qui exercent de l’influence dans certains pays.
- Il existe d’autres exigences formelles, telles que la nécessité de s’inscrire auprès des autorités électorales avant une certaine date butoir.
- En outre, on peut exiger des candidats qu’ils aient atteint un certain niveau d’études ou qu’ils exercent certaines professions.
Finalement, dans les systèmes où les partis politiques ont le monopole du choix des candidats, ces derniers doivent être nommés par un parti politique. Les limitations déraisonnables et discriminatoires par rapport au droit à l’éligibilité sont toutefois inadmissibles. Par exemple, on ne peut faire preuve de discrimination envers un citoyen admissible « en se fondant sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’appartenance à une minorité nationale, la propriété, la naissance ou d’autres états. » [iv] Il est de l’avis du Conseil des droits de l’homme (CDH), dans l’affaire Bwalya c. Zambie, que les systèmes électoraux à partis uniques sont aussi à ajouter à la liste des restrictions déraisonnables. [v]
[i] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, p. 8.
[ii] International IDEA, International Electoral Standards, p. 33.
[iii] Patrick Merloe, Promoting Legal Frameworks for Democratic
Elections, p. 12.
[iv] International IDEA, International Electoral Standards, p. 34.
[v] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, p. 31.