L’« observation électorale » est un terme fréquemment utilisé et dans ce contexte, il est utile d’amorcer cette section en proposant une définition de travail tirée de la Déclaration de principes pour l’observation internationale d’élections de 2005 de l’ONU dans laquelle on dit que:
Par observation internationale d’élections, on entend: la collecte systématique, exacte et exhaustive d’informations relatives à la législation, aux institutions et aux mécanismes régissant la tenue d’élections et aux autres facteurs relatifs au processus électoral général; l’analyse professionnelle et impartiale de ces informations et l’élaboration de conclusions concernant la nature du mécanisme électoral répondant aux plus hautes exigences d’exactitude de l’information et d’impartialité de l’analyse. [i]
Dans les systèmes démocratiques établis, on considère que les processus électoraux sont conformes aux principes fondamentaux et que la mise sur pied de systèmes d’observation et de contrôle supplémentaire n’est pas nécessaire. Ainsi, la combinaison des organismes de gestion électorale, du personnel de scrutin, des représentants des partis politiques, de la possibilité de contester la procédure devant une autorité indépendante et de la liberté de la presse est vue comme suffisante pour garantir la transparence électorale. Dans ce genre d’environnements, il n’y a pas de réels besoins pour l’observation du processus électoral par des organisations internationales et nationales politiquement neutres, à l’exception de missions d’ampleur modeste pour faire la démonstration de la transparence électorale, par exemple, au profit de visiteurs d’autres pays. En revanche, l’observation électorale apparaît comme extrêmement utile en période de transition démocratique. Sous cet angle, il est possible d’établir une division qualitative entre les évènements électoraux en se basant sur la nécessité ou non de l’observation nationale ou internationale.
L’observation électorale peut même prendre la forme d’observation nationale et d’observation internationale. L’observation électorale varie également selon la durée de l’opération: l’observation de courte durée se concentre la plupart du temps sur le jour de l’élection et implique un grand nombre d’observateurs, alors que l’observation de longue durée exige habituellement, bien avant les élections, une équipe d’experts réduite afin d’observer les phases de préparation et de campagne, de même que celles du vote, du compte des votes et de la diffusion des résultats.
Les deux types d’observation électorale jouent un rôle important en ce qui a trait à l’amélioration de la transparence et de la crédibilité des élections et de l’acceptation des résultats et peuvent contribuer à prévenir, gérer ou transformer les conflits électoraux. [ii] Par conséquent, « le cadre juridique doit permettre aux observateurs nationaux et étrangers, aux représentants des médias, aux partis politiques et aux candidats de garantir la transparence de tous les processus électoraux. La transparence du processus électoral est une norme minimale qu’il est nécessaire de respecter pour garantir le caractère démocratique des élections.» [iii]
Le droit international demeure très discret en ce qui concerne les droits des observateurs [iv] mais l’efficacité de l’observation électorale peut être optimisée par un cadre juridique qui va au-delà de la simple reconnaissance de son existence. Il serait utile que le cadre juridique parle des droits des observateurs d’accomplir leur mandat avec la liberté de mouvement nécessaire, de l’étude de documents, de la participation à des rencontres, de l’observation de toutes les étapes et des recours disponibles lorsque les observateurs se plaignent d’interférence. Cela étant dit, il serait utile de spécifier ce qu’un observateur ne peut pas faire, par exemple, s’immiscer dans les procédures électorales ou agir de manière partisane. Idéalement, « le cadre juridique devrait trouver un équilibre entre, d’un côté, le droit des observateurs et, de l’autre, l’administration ordonnée des processus électoraux.» [v]
Au-delà du cadre juridique, il existe aussi des attentes quant à la manière dont les observateurs devraient se conduire. Les principes généraux suivants fournissent quelques balises: l’observation électorale doit reconnaître et respecter la souveraineté du pays hôte, demeurer neutre et non partisane, exhaustive, transparente, précise et professionnelle. [vi] En 2005, les normes guidant la conduite des missions d’observation électorale internationale ont été créées par l’intermédiaire de la Déclaration de principes pour l’observation internationale d’élections et du Code de conduite qui l’accompagne.
Malgré le fait que «l’observation électorale internationale n’est ni un droit, ni une norme internationale reconnue» [vii] un grand nombre d’activités de la sorte ont eu lieu et ont toujours lieu de nos jours. Dans les années 1980 et 1990, diverses entités internationales ont mené des opérations d’observation électorale complexes en Afrique (Ouganda, Mozambique, Angola, Afrique du Sud) et en Amérique latine (Salvador, Nicaragua) en tant que forme de coopération dans le processus de transition politique. Cependant, depuis 1986, comme solution de rechange aux opérations onéreuses d’observation électorale internationale, les ONG nationales ou internationales jouent le même rôle.
Les observateurs électoraux internationaux travaillent par invitation ou par entente avec un État souverain afin d’aller observer des élections de manière officielle. Par contre, « comme citoyens, les observateurs nationaux ont le droit de participer aux affaires publiques de leur pays.» [viii] Par conséquent, « un cadre juridique électoral devrait prévoir des garanties pour le droit de travailler des groupes d’observateurs nationaux non partisans. »[ix]
Le phénomène d’observation électorale nationale mérite d’être analysé attentivement. D’un côté, il est évident que cette méthode offre plusieurs avantages, notamment, parce qu’elle est significativement moins chère que les opérations internationales et qu’elle contribue à la sensibilisation à la démocratie au niveau national. Cette façon de faire représente également un élément essentiel dans les pays où les missions d’observation électorale sont interdites par la loi et qu’elles ne peuvent être palliées de manière satisfaisante par le recours aux visiteurs internationaux. On devrait admettre le fait que certains pays ne sont pas favorables à l’observation électorale internationale, ce qui explique pourquoi certaines opérations sont parfois « observées » elles-mêmes avec suspicion puisque les autorités électorales nationales et les partis politiques considèrent que des intérêts étrangers sont poursuivis de nos jours par l’intermédiaire de ces ONG.
L’observation électorale nationale est un phénomène ambigu. D’une part, elle est très positive lorsqu’on la considère comme une solution de rechange au déplacement de milliers d’observateurs internationaux qui, pour la majorité, ne sont pas familiarisés avec le pays ni même avec le processus électoral lui-même. D’autre part, elle est discutable lorsqu’elle contribue à renforcer l’administration électorale et les partis politiques. En somme, la meilleure solution n’est pas de devoir choisir entre les deux types, mais plutôt de combiner l’observation électorale nationale et internationale. Chacune des approches a ses propres limites, mais peut également apporter de grands avantages.
Finalement, l’observation électorale et la surveillance effectuées par des observateurs électoraux internationaux et nationaux peuvent contribuer grandement à l’amélioration de la transparence, de l’imputabilité et de la confiance dans les élections. La tendance à la hausse vers les missions d’observation internationale de longue durée et en faveur du rôle des observateurs nationaux est de bon augure et devrait être considérée comme obligatoire:
Un adage populaire dans l’arène politique veut, d’un côté, qu’il soit possible de tenir des élections crédibles dans un cadre juridique faible, voire carrément mauvais, si les personnes qui disposent du pouvoir gouvernemental ont la volonté de le faire. Ce même adage veut, de l’autre côté, qu’il soit extrêmement difficile d’organiser des élections crédibles, même dans un cadre juridique électoral solide, si ceux qui disposent du pouvoir gouvernemental ne désirent pas le faire. C’est donc pourquoi la société civile a la responsabilité de surveiller la mise en œuvre des cadres juridiques afin d’assurer que des élections crédibles aient lieu et pour mettre les faits au grand jour lorsque les élections manquent de crédibilité. La connaissance des cadres juridiques est essentielle pour être en mesure de faire cette distinction correctement. [x]
[i] Commission européenne, Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, p. 181.
[ii] SADC et EISA, Principes de Gestion, de Surveillance et d’Observation des Elections dans les Pays de la SADC, p. 30.
[iii] OSCE, Guidelines for Reviewing a Legal
Framework for Elections, p. 23.
[iv] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, p. 8.
[v] OSCE, Guidelines for Reviewing a Legal
Framework for Elections, p. 24.
[vi] International IDEA, International Electoral Standards, p. 17.
[viii] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, p. 45.
[ix] Commission européenne, Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, p. 73.
[x] Patrick Merloe, Promoting Legal Frameworks for Democratic
Elections, p. 6.
Jurisprudence