Les citoyens doivent satisfaire à une autre exigence pour pouvoir voter: ils doivent être inscrits sur la liste électorale. Cette exigence est fondamentale. La liste électorale contient les noms des citoyens habilités à voter. Pour faire partie de cette liste, les citoyens doivent satisfaire à d’autres exigences et être résidents d’un territoire électoral donné.
Empêcher un électeur admissible au vote de faire partie de la liste électorale revient à nier son droit fondamental au vote; par conséquent, « la norme internationale pour l’inscription électorale est que la liste doit avoir un caractère inclusif et exhaustif, qu’elle doit être exacte et à jour et que le processus d’inscription doit être complètement transparent. » [i] Les lois électorales doivent établir des mécanismes simples et adéquats visant à promouvoir l’inclusion d’électeurs dans la liste électorale. Comme nous l’avons mentionné, les listes électorales jouent un rôle essentiel dans le renforcement de la confiance de la population. De même, la liste électorale doit servir de protection contre l’inclusion indue de personnes qui ne sont pas habiles à voter ou la multiple inclusion de certains électeurs. Cela étant dit, l’établissement et l’entretien d’une liste électorale n’est pas une mince tâche puisqu’« établir et entretenir des listes électorales exemptes d’erreurs au niveau national, régional ou local peut se révéler l’un des éléments les plus difficiles et parfois même l’un des éléments les plus controversés d’un processus électoral. »[ii]
Il existe fondamentalement deux types de listes électorales: « les systèmes d’inscription actifs ou affirmatifs requièrent que les personnes soumettent une demande afin d’être inscrites comme électeurs. Dans les systèmes passifs, la liste électorale est compilée automatiquement en se fondant sur les registres de résidence, de citoyenneté ou autres. »[iii] Parfois, les listes électorales sont constituées en combinant ces sources de données. L’inscription dite «active» met l’accent sur l’électeur; conséquemment, informer et motiver les électeurs à s’inscrire représente une pratique nécessaire. En général, «elles sont plus susceptibles d’exclure les personnes inhabiles à voter comme les personnes décédées ou celles qui ont quitté le pays de manière permanente.» [iv] Les systèmes dits «passifs» ou dont l’initiative d’inscription est l’affaire de l’État peuvent se traduire par la création d’une liste électorale à partir d’autres formes de répertoires gouvernementaux comme un registre national ou peuvent être élaborés exclusivement pour une élection par un recensement porte-à-porte, ou encore par une combinaison des deux approches. Le succès de cette manière de procéder repose directement sur la fiabilité et sur l’actualité des répertoires nationaux, lorsque la liste électorale est constituée à partir de ces répertoires. En général, les systèmes actifs et exhaustifs «sont plus susceptibles de garantir que tous les électeurs admissibles au vote sont inscrits, mais ne peuvent toutefois garantir qu’un plus grand nombre de ces électeurs se rendront effectivement aux urnes.» [v]
Dans un cas comme dans l’autre, la liste électorale qui résulte du processus devrait être rendue publique afin que les électeurs comme les politiciens puissent la réviser pour s’assurer que les électeurs admissibles au vote sont inclus, et inclus seulement une fois, et que les personnes inhabiles à voter ne sont pas incluses. La transparence de la liste électorale est fondamentale, au même titre que l’est sa précision. Conséquemment, le cadre juridique doit établir clairement les processus par lesquels la liste électorale peut être révisée de même que le fait que ces processus doivent également demeurer transparents. Ainsi, le cadre juridique doit prévoir «une période suffisante pour que les électeurs admissibles au vote s’inscrivent, pour que l’on révise publiquement la liste électorale, pour recevoir des contestations et pour juger les appels.» [vi]
Certains pays permettent l’inscription des électeurs dans les premiers jours d’une période électorale, voire même le jour de l’élection. Les ajouts à la liste électorale faits sur les lieux de vote requièrent que l’on établisse l’admissibilité de l’électeur au vote ainsi que dans la circonscription électorale en question. Ces ajouts doivent être surveillés étroitement afin d’empêcher la possibilité de voter à plusieurs reprises.
Dans un cas comme celui d’une situation d’après-conflit où les registres ne sont tout simplement pas disponibles, il peut même ne pas y avoir de liste électorale. Plutôt, les électeurs peuvent simplement établir leur identité et leur admissibilité au vote en se présentant directement au bureau de vote. Dans ce genre de cas, bien évidemment, le risque du vote multiple augmente et, par conséquent, on peut implanter des dispositifs de sécurité comme celui selon lequel l’électeur doit tremper son doigt dans de l’encre indélébile.
Quelle que soit la manière dont on collecte de l’information pour créer la liste électorale, cette information doit se limiter au minimum nécessaire pour établir l’admissibilité au vote. Le cadre juridique devrait spécifier que, mis à part pour l’atteinte d’objectifs reliés à la conduite des élections, les informations ne doivent pas être utilisées à des fins non autorisées. Le cadre juridique devrait préciser s’il existe d’autres objectifs valides pour lesquels la liste électorale peut être utilisée, par exemple pour la campagne électorale des candidats ou pour que les élus communiquent avec leurs commettants. Souvent, les listes électorales sont centralisées au niveau national; toutefois, dans les États fédéraux, il est fréquent que les autorités régionales et locales gèrent leurs propres listes pour leurs besoins ou parfois pour contribuer à la liste nationale.
Quelle que soit la nature de la liste électorale et des relations qui existent entre les différentes autorités qui y sont impliquées, la responsabilité des listes électorales revient à une autorité locale ou centrale, ou encore à un organisme de gestion électorale qui «doivent donc s’assurer que les listes électorales sont entretenues avec précision et transparence.» [vii] Les enjeux sont majeurs puisque «les listes électorales qui comportent des erreurs peuvent contribuer au désengagement des électeurs, miner la confiance du public dans les résultats électoraux et créer des occasions pour la manipulation et la fraude.»[viii]
[i] International IDEA, International Electoral Standards, p. 45.
[ii] OSCE, Election Observation Handbook, p. 58.
[iii] Ibid., p. 59.
[iv] ONU, Women & Elections, p. 49.
[v] Ibid., p. 50.
[vi] SADC et EISA, Principes de Gestion, de Surveillance et d’Observation des Elections dans les Pays de la SADC, p. 16.
[vii] International IDEA, International Electoral Standards, p. 47.
[viii] ONU, Women & Elections, p. 54.