Dans les démocraties représentatives, les partis politiques sont tellement importants que les États démocratiques sont parfois appelés « party states » en anglais. Voici quelques-unes des plus importantes fonctions des partis politiques:
- Ils constituent les véhicules élémentaires du développement, du rassemblement et de la représentation des opinions politiques au sein des processus électoraux;
- Ils contribuent au choix des élites politiques et des dirigeants;
- Ils mettent de l’avant des programmes et des idéologies qui s’affrontent sur l’arène politique et ils associent les champs d’intérêt et les préférences idéologiques;
- Ils peuvent servir de contrepoids aux décisions gouvernementales.
Étant donné le rôle fondamental des partis politiques dans les systèmes électoraux pluralistes, «le cadre juridique devrait garantir que tous les partis politiques et les candidats soient en mesure de prendre part aux élections et de recevoir un traitement équitable en vertu de la loi.» [i]
Pour les besoins de ce chapitre, l’attention est portée sur les éléments fondamentaux du cadre juridique règlementant les partis politiques, ceux qui sont reliés à la participation des partis au processus électoral. Le degré de participation des partis politiques dans le processus électoral varie selon le système électoral et le niveau de l’élection. Dans le cas des élections parlementaires, les partis politiques ont souvent un quasi-monopole en ce qui concerne la nomination des candidats et, dans la plupart des cas, le fait qu’une liste soit appuyée par un parti politique est crucial. Dans les élections présidentielles, l’accent est évidemment placé sur les candidats, mais leur affiliation à un parti joue un rôle important.
On peut aussi définir les partis politiques comme un groupe formé volontairement et composé de citoyens dans le but de contribuer à l’élaboration des politiques de l’État (ou de l’entité du niveau pertinent) par le façonnement de la pensée politique des citoyens, le choix et le soutien de candidats, l’élaboration de programmes politiques et toute autre activité visant l’atteinte de ces objectifs.
Le droit international (Article 22 du PIRDCP) «garantit le droit à la liberté d’association, ce qui inclut le droit d’établir et d’administrer des partis politiques.» [ii] L’établissement et l’administration des partis politiques dans un État démocratique devraient être libres, mais cela peut être soumis à certaines exigences courantes telles que la nécessité d’élaborer des statuts de partis et de les soumettre à un registre public ou à l’autorité électorale, ou encore à des exigences fondamentales, comme l’obligation de se conformer aux principes démocratiques en respect de la Constitution, des lois et du système démocratique.
Des exigences particulières peuvent aussi être imposées aux partis politiques lorsque certaines de leurs activités sont financées ou subventionnées par l’État. Certains systèmes juridiques ont aussi instauré des mécanismes pour s’assurer que la structure comme la gestion des partis politiques sont démocratiques. Cependant, «toute limitation appliquée aux droits à la liberté d’association, d’expression et de réunion doit être définie par la loi et jugée essentielle au bon fonctionnement de la société démocratique.» [iii]
Ainsi, il en revient au cadre juridique de protéger la société contre les limitations indues et de mettre en œuvre l’application régulière de la loi afin de s’assurer que les limitations ne sont pas appliquées de manière arbitraire. [iv]
Les partis politiques peuvent avoir des structures bien différentes les uns des autres. Dans les systèmes démocratiques contemporains, il existe deux principaux types de partis politiques : d’abord, les petits partis marqués par les idées libérales issues des révolutions françaises et américaines et, ensuite, les gros partis de travailleurs qui apparaissent depuis la seconde moitié du 19e siècle.
La participation aux élections démocratiques devrait être ouverte à tous les partis politiques qui partagent les valeurs démocratiques et qui appliquent des règles démocratiques aussi bien pour leur fonctionnement interne et leurs objectifs que pour leur fonctionnement externe. Le concept de loyauté envers le système démocratique ne devrait cependant pas être perçu comme l’acceptation absolue des lois et politiques en place. Rien n’empêche les partis politiques de militer en faveur de réformes juridiques ou constitutionnelles, pourvu qu’ils respectent les procédures prescrites par la loi sur l’accès aux réformes gouvernementales ou juridiques et constitutionnelles.
La plupart des systèmes imposent des exigences minimales auxquelles les partis politiques doivent satisfaire pour être reconnus comme tels. En général, ces exigences visent d’abord à établir une norme minimale régissant la consignation de la création d’un parti politique, que cela se fasse par l’enregistrement de l’événement dans un registre public ou par sa publication dans un document similaire, selon le pays, et ensuite à spécifier le caractère démocratique de leur fonctionnement interne et externe.
Les partis politiques sont habituellement inscrits dans un registre public tenu par les autorités administratives ou électorales. Dans un système pluraliste, cela devrait constituer une exigence formelle afin de prévenir une situation où le nom ou le visuel d’un nouveau parti politique pourrait être confondu avec ceux d’un parti politique déjà enregistré. En outre, les partis politiques devraient avoir à soumettre leurs statuts, lesquels devraient démontrer que le parti poursuit des objectifs respectueux des lois, par des moyens et des procédures internes démocratiques.
Cela étant dit, le but de l’enregistrement ne doit pas être de limiter ou d’ériger des barrières à l’inscription des partis politiques; « une élection authentique requiert une procédure d’enregistrement ouverte et universelle pour les partis politiques et les candidats d’un bout à l’autre du spectre politique, étant donné que cela contribue à offrir un véritable choix à l’électorat. » [v] Par exemple, l’inscription est souvent conditionnelle au versement d’un dépôt et à la récolte de signatures appuyant la candidature. Si l’on exige un dépôt, il doit être justifié et raisonnable; il devrait également être remis lorsque les conditions clairement établies, par exemple, l’obtention d’un certain pourcentage des votes, sont remplies. En ce qui a trait aux signatures, on ne devrait pas rejeter une demande en raison d’un certain nombre de signatures invalides; on devrait plutôt permettre au parti de soumettre des signatures valides additionnelles. [vi]
Le retrait de l’enregistrement ne devrait pas non plus être pris à la légère. Afin de respecter les droits fondamentaux d’association, d’expression et de réunion et dans le but d’éviter la spéculation et les abus, la révision de l’enregistrement des partis devrait se limiter aux seuls cas d’importantes violations de la loi et devrait s’effectuer selon des processus clairement définis. [vii]
Un éternel débat fait rage sur la question des restrictions qu’un système démocratique devrait imposer au fonctionnement des associations et des partis politiques qui militent contre le système démocratique. Il existe évidemment différentes solutions qui doivent tenir compte des pouvoirs et des fondements de chaque système. Quoi qu’il en soit, il est essentiel de s’assurer de l’application du principe de primauté du droit et des principes démocratiques. Cela ne peut évidemment pas se réaliser en imposant des restrictions à la liberté d’expression, mais plutôt en règlementant les pratiques entourant les activités politiques organisées dans le cadre de la campagne électorale. Dans certains pays comme le Mexique, les dispositions relatives aux partis politiques sont incluses non seulement dans la législation, mais également dans la Constitution étant donné l’importance du rôle qu’elles jouent au sein de la vie politique.
Lorsque les systèmes « à partis » et les démocraties atteignent un certain degré de maturité, on resserre les exigences en matière de fonctionnement interne des groupes politiques visant la formation du gouvernement ou l’accès à d’autres charges électives. Ainsi, on exige habituellement que le fonctionnement interne des partis politiques soit régi par des règles transparentes et publiques. L’exigence la plus fréquente est que les décisions concernant le choix des dirigeants ainsi que l’élaboration du programme du parti politique soient prises en suivant des procédures démocratiques et ouvertes à tous les membres. Cette situation se produit le plus souvent dans les systèmes matures où existent des partis politiques solidement établis qui sont en mesure de mettre ces principes en application. Bien sûr, le choix des chefs de parti dépend largement de la popularité et des compétences en leadership des candidats. Toutefois, sans tenir compte des facteurs qui déterminent la décision des membres du parti, ces derniers devraient avoir l’occasion d’agir en vertu des valeurs démocratiques, ce qui inclut la possibilité de demander réparation par la voie judiciaire ou par l’entremise d’autres entités de surveillance indépendantes, dans l’éventualité où leurs droits n’auraient pas été respectés. En ce qui concerne les activités externes des partis politiques, deux aspects devraient faire l’objet de règlementation : les dispositifs employés pour leur action politique générale et les exigences et règles de conduite qui encadrent leur participation aux divers processus électoraux.
Quant aux partis majoritaires, leurs activités devraient être régies par les règles utilisées pour protéger les droits constitutionnels et les activités des autres partis. Les mesures violentes, coercitives ou intimidantes doivent être rejetées tout comme celles qui vont à l’encontre des règles de saine compétition des idées des partis politiques, comme l’achat de vote, la violation des règles sur le financement des partis politiques et à l’emploi de formes interdites de propagande.
De plus en plus, les partis politiques se dotent volontairement de codes de conduite établissant des règles resserrées, particulièrement avant la tenue d’élections. Ces codes de conduite indiquent les formes admissibles de propagande électorale et celles qui doivent être évitées, par exemple, la révélation d’informations sur la vie privée ou sur le statut personnel des candidats, les règles de base de la dissidence politique au sein des partis ou parmi les candidats dans le but d’éviter les excès ou les tensions excessives. Dans certains cas, ces questions ne devraient pas faire l’objet de débats électoraux en raison de leur nature particulièrement sensible ou parce qu’il existe un large consensus sur le fait que l’on ne devrait pas traiter de certains sujets comme les questions de structure gouvernementale ou territoriale, ou encore les questions religieuses.
Le cadre juridique doit aussi tenir compte du financement des partis politiques étant donné que ceux-ci sont presque devenus les seuls véhicules par lesquels les électeurs élisent leurs dirigeants. Par conséquent, les partis politiques sont considérés comme un élément essentiel des démocraties actuelles en ce qui a trait à l’exercice des droits politiques, de la participation citoyenne et du pluralisme.
Le financement des partis politiques consiste en les ressources financières dont dispose un parti pour la poursuite de sa mission en vertu des lois. Dans certains pays, par exemple dans la majorité des pays d’Amérique latine, la règlementation du financement des partis politiques jouit d’un statut constitutionnel. Les codes ou les lois qui régissent spécifiquement le financement des partis politiques forment un cadre juridique complémentaire qui prévoit les activités de surveillance et les mesures d’interdiction. Le financement des partis politiques peut se diviser en deux catégories : d’une part, le financement servant au fonctionnement normal des partis, à savoir celui qui sert à couvrir leurs dépenses courantes et, d’autre part, le financement relié au processus électoral, c’est-à-dire celui qui sert à couvrir leurs dépenses de campagne électorale. Le financement des partis politiques est l’objet d’une étude plus poussée dans une section ultérieure.
[i] OSCE, Guidelines for Reviewing a Legal
Framework for Elections, p. 15.
[ii] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, p. 22.
[iii] OSCE, Election Observation Handbook, p. 56.
[iv] Patrick Merloe, Promoting Legal Frameworks for Democratic
Elections, p. 66.
[v] Commission européenne, Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, p. 47.
[vi] OSCE, Guidelines for Reviewing a Legal
Framework for Elections, p. 16.
[vii] Ibid., p. 18.