Le droit international reconnaît le droit fondamental de voter lors d’élections en bonne et due forme, mais le « droit international ne fournit pas beaucoup d’informations quant aux rapports qui unissent le processus de compte des votes et les droits fondamentaux. »[i] C’est donc du ressort du cadre juridique national de s’assurer que tous les votes sont comptés avec précision, équité et transparence. (Note: Le texte contenu dans ce chapitre se fonde sur plusieurs sources, mais il est largement basé sur l’article traitant du compte des votes dans la publication de l’International IDEA intitulée « International Electoral Standards: Guidelines for Reviewing the Legal Framework of Elections »).
Un processus de compte des votes juste, honnête et transparent représente une composante essentielle d’élections démocratiques. Cela implique que les votes soient comptés, tabulés et regroupés en présence des représentants des partis politiques, des candidats et des observateurs électoraux, et que l’ensemble du processus selon lequel les vainqueurs sont déterminés soit complètement ouvert à l’examen du public. Cela étant, le cadre juridique lui-même doit garantir le droit pour ces représentants d’être présents lors du compte, de la tabulation et du regroupement des votes.[ii] En fait, le Conseil des droits de l’homme (CDH) «spécifie que les bulletins de vote devraient être comptés en présence des candidats et de leurs agents.»[iii]
Les votes sont habituellement comptés immédiatement après la fermeture de chacun des bureaux de vote. Cependant, il n’est pas rare que des centres de dépouillement soient établis afin d’assurer un environnement de travail sécuritaire, contrôlé et supervisé. L’un des autres avantages qu’offrent les centres de dépouillement dans certains cas est qu’« en mélangeant les bulletins de vote provenant de différents bureaux de vote, ils [les centres de dépouillement] peuvent apaiser les craintes que des représailles soient exercées contre certains électeurs là où les résultats de chacun des bureaux de vote sont connus. »[iv]
Que les votes soient comptés au bureau de vote ou dans un centre de dépouillement, les représentants des partis politiques et des candidats comme les observateurs électoraux doivent pouvoir être présents durant ce processus. Cela s’avère particulièrement important là où les centres dédiés au dépouillement sont établis parce que « le transport des bulletins de vote entre les bureaux de vote et les centres de dépouillement constitue une source potentielle de suspicion et de fraude. »[v]
En plus de garantir à ces acteurs le droit d’être présent lors du compte des votes, le cadre juridique doit prévoir des garanties lorsque des instruments technologiques sont utilisés pour le dépouillement. Le cadre juridique peut prévoir la possibilité d’une vérification indépendante de la fiabilité et de la précision de l’équipement et des logiciels utilisés pour effectuer le compte des votes. Que le dépouillement se fasse de manière manuelle, mécanique ou électronique, des processus de révision sont nécessaires afin d’assurer la fiabilité et la précision des résultats. La loi doit également établir des moyens de contester les procédures de compte des votes, y inclus la possibilité de formuler des objections en ce qui concerne les critères utilisés pour déterminer la validité des bulletins de vote.
Le cadre juridique doit aussi préciser clairement la formule qui sera utilisée pour convertir les votes en sièges. Les seuils, les quotas ou les autres détails de la formule électorale devraient être spécifiés clairement et toute autre éventualité, comme une égalité des votes de part et d’autre ou encore le retrait ou le décès d’un candidat, devrait être considérée.
Des critères clairs devraient être établis afin de déterminer la validité ou l’invalidité des bulletins de vote. Les règles selon lesquelles on détermine la validité des bulletins de vote ne devraient pas être strictes au point de mener à l’exclusion déraisonnable d’électeurs. Le principe directeur devrait être le suivant : si l’intention de l’électeur est claire, le bulletin de vote doit être compté. Par exemple, « l’adoption de règles ouvertement strictes pour déterminer la validité des bulletins de vote, comme le rejet d’un bulletin de vote portant une coche au lieu d’une croix à côté du candidat choisi, peut se révéler défavorable pour les électeurs analphabètes ou peu éduqués. »[vi] Il en va de même pour les électeurs négligents ou pressés. Il est particulièrement important que la loi stipule clairement ce qu’est et n’est pas un bulletin de vote valide, surtout puisqu’on sait que dans de nombreux cas, le compte effectué par le personnel du bureau de vote est décisif, voire définitif, et peut uniquement être contesté par la voie des tribunaux. Cela étant, la formation des scrutateurs d’élections est également cruciale.
Le cadre juridique devrait aussi spécifier que, dans la mesure du possible, des copies certifiées des résultats doivent être remises aux représentants des partis et des candidats et aux observateurs électoraux. La loi devrait aussi stipuler quelles autorités sont habilitées, le cas échéant, à recevoir ces informations avant que l’organisme électoral publie les résultats certifiés.
Le cadre juridique doit définir, en langage clair et objectif, les procédures à suivre pour transmettre ou expédier les copies certifiées des résultats, les bulletins de vote et le matériel électoral, des bureaux de vote vers les différents bureaux de l’autorité électorale aux fins de regroupement et de conservation. Il est important que la loi exige que la tabulation ou le regroupement de chaque compte des votes soit disponible dans un format qui permet aux représentants des partis et des candidats et aux observateurs électoraux d’enregistrer et de suivre l’évolution du compte des votes dans les différents bureaux de vote avant que les résultats finaux soient regroupés aux différents niveaux de l’organisation électorale.
La tabulation effectuée dans tout bureau de vote doit fournir des informations détaillées sur le nombre de bulletins de vote utilisés, vierges, endommagés ou nuls, et le nombre de votes obtenus par chacun des partis ou candidats. Cette information peut être subdivisée selon les différentes méthodes de vote utilisées, par exemple, le vote postal ou par appareil mobile, là où cela peut se faire sans compromettre le secret des bulletins de vote. Des informations aussi détaillées sont nécessaires pour permettre aux représentants des partis et des candidats et aux observateurs électoraux de suivre et de contrôler les résultats et de déterminer précisément, en cas de fraudes ou d’irrégularités, les chiffres qui ont été modifiés illégalement lors du processus de regroupement des résultats.
Dans plusieurs cas, le moment où l’on publie les résultats peut jouer un rôle clé dans leur acceptation par tous les candidats. Par conséquent, le cadre juridique doit prévoir la publication rapide des résultats et indiquer si les autorités électorales peuvent annoncer des résultats partiels et préliminaires avant la certification définitive. Si les résultats peuvent être annoncés avant la certification définitive, le cadre juridique devrait réglementer clairement la manière de faire ces annonces. À l’exception des restrictions justifiées par les différents fuseaux horaires, les médias et les représentants des partis et des candidats devraient être libres de publier les résultats des élections. C’est normalement le directeur du bureau de vote, si le compte s’effectue à ce niveau, ou le chef de l’organisme de gestion électorale qui annonce les résultats du compte des votes. Il est fréquent que les pays qui s’étendent sur plusieurs fuseaux horaires imposent certaines restrictions sur la diffusion des résultats avant que tous les bureaux de vote aient fermé.
Il est souhaitable que le cadre juridique exige que tous documents relatifs au compte des votes, comme la tabulation et les feuilles de comptage et, habituellement, les documents qui contiennent des décisions qui influent sur le résultat des élections, soient accessibles au public. Ces documents peuvent être affichés dans des lieux publics à tous les niveaux de l’administration électorale, du bureau de vote aux divers niveaux de l’autorité électorale. Des tableaux détaillés de résultats globaux, incluant des résultats par bureau de vote, peuvent être affichés dans chaque bureau de vote. Ils peuvent aussi être publiés dans des médias écrits contrôlés par l’État ou lui appartenant et, si possible, sur le site web de l’autorité de gestion électorale, aussitôt que les résultats définitifs sont certifiés.
Afin d’empêcher toute forme de fraude, il est également recommandé que le cadre juridique exige l’affichage dans les lieux publics de documents contenant le compte et le calcul des votes pour chacun des niveaux où ces opérations ont été menées. Le risque de fraude est davantage présent si les autorités électorales ne sont pas tenues d’afficher publiquement les résultats des calculs et des tabulations.
Le cadre juridique doit spécifier clairement la période durant laquelle la certification définitive des résultats électoraux et le processus de certification y correspondant doivent avoir lieu, ce qui inclut les annonces ou les avis faits aux candidats au sujet de leur élection et de la durée de leur mandat. En outre, la loi devrait stipuler clairement quelles conditions justifient un nouveau dépouillement ou une nouvelle élection dans un bureau de vote, voire dans tous les bureaux de vote. La législation devrait aussi définir qui peut faire une demande de nouveau dépouillement ou de nouvelle élection, le délai et la procédure pour le faire, le délai pour juger la demande et le délai et la procédure qui, le cas échéant, doivent guider le nouveau dépouillement ou la nouvelle élection. Lorsqu’on utilise un moyen technologique pour compter ou tabuler les votes, la loi doit indiquer précisément ce qu’implique un nouveau dépouillement, par exemple, si toutes les données doivent être réutilisées, si un compte manuel doit être effectué en parallèle, etc.
Le cadre juridique doit aussi prévoir l’entreposage sécuritaire de tous les bulletins de vote et du matériel électoral jusqu’à ce que la date butoir pour contester les résultats certifiés soit passée, ou en cas de contestation, jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue.
Dans des circonstances extrêmes, la publication des résultats électoraux au niveau des bureaux de vote pourrait mettre en péril la sécurité des électeurs ou du personnel de scrutin. Ce risque est présent dans les cas où l’élection a lieu après une guerre civile ou dans des sociétés touchées par des conflits aigus où les tensions sont vives. Dans des circonstances extrêmes, la loi peut prévoir des mesures exceptionnelles en ce qui concerne la publication locale des résultats afin de ne pas compromettre les électeurs.
[i] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, p. 43.
[ii] International IDEA, International Electoral Standards, p. 77.
[iii] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, p. 46.
[iv] Commission européenne, Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, p. 82.
[v] SADC et EISA, Principes de Gestion, de Surveillance et d’Observation des Elections dans les Pays de la SADC, p. 26.
[vi] ONU, Women & Elections, p. 72.