Dans une grande majorité des pays où l’on délimite les circonscriptions, on a recours à un organisme dédié exclusivement à cette tâche ou à l'organisme responsable de l’administration des élections. Dans d’autres pays, le corps législatif fait office d'organisme responsable de la délimitation des circonscriptions et dans quelques autres pays, on confie cette tâche à des agences gouvernementales.
La Grande-Bretagne est l’une des pionnières en matière de mise sur pied de commissions indépendantes responsables de la délimitation des circonscriptions [1]. Plusieurs démocraties bien établies qui étaient autrefois gouvernées par le Royaume-Uni leur ont emboîté le pas et ont elles aussi instauré des organismes responsables de la délimitation des circonscriptions, par exemple, l'Australie et le Canada, plusieurs pays des Caraïbes comme les Bahamas, la Barbade, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines et des pays anglophones d'Afrique, c’est-à-dire, le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe.
La composition des organismes responsables de la délimitation des circonscriptions
Les organismes responsables de la délimitation des circonscriptions sont en général de petite taille, leur composition variant entre trois et neuf membres. Par exemple, au Canada, les organismes comptent trois membres, au Royaume-Uni elles en comptent quatre et dans plusieurs pays des Caraïbes, elles en comptent cinq, comme aux Bahamas et à la Barbade. En Allemagne et en Nouvelle-Zélande, les organismes comptent sept membres (il y en a en fait huit en Nouvelle-Zélande, mais l’un d’entre eux, le président de la Local Government Commission, n’a pas droit de vote). En Albanie, l’organisme responsable compte neuf membres.
Les organismes comptent souvent dans leurs rangs des fonctionnaires non partisans et politiquement neutres qui possèdent de l’expérience en administration d'élections, en géographie et en statistiques. Par exemple, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, les commissions sont composées de fonctionnaires électoraux ou de registraires généraux, ainsi que du Director of Ordnance Survey (Royaume-Uni) et du Surveyor-General (Australie et Nouvelle-Zélande). Les statisticiens jouent un rôle important dans les commissions en Australie puisqu’on y utilise les projections démographiques pour délimiter les circonscriptions. Au Canada, on peut faire appel à des spécialistes en matière d'élections ou de géographie afin qu’ils siègent à la commission.
Dans de nombreux pays, la magistrature est également bien représentée aux commissions. Les juges président souvent les commissions, comme au Canada et en Nouvelle-Zélande. Au Royaume-Uni, les juges doyens agissent à titre de vice-présidents aux quatre commissions en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord. En Inde, deux des trois membres de la commission doivent être juges.
Dans de nombreux pays, on exclut de la commission toute personne ayant des liens politiques. À l’inverse, dans certains pays, on choisit justement des représentants des partis politiques importants pour siéger à la commission. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, deux politiciens désignés, un représentant le parti au pouvoir et l’autre les partis d’opposition, siègent à la Commission qui compte sept membres. L’argument qui soutient leur présence à la Commission est que cela contribue à assurer que tout biais politique dans une proposition de délimitation soit relevé et rectifié. Toutefois, puisqu'ils constituent une minorité, les deux politiciens désignés ne peuvent annuler les décisions des commissaires politiquement neutres. D’autres pays font également une place aux représentants des partis politiques à la commission, par exemple, l’Albanie, les Bahamas, la Barbade, Fiji, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
Le Botswana est l’un des pays qui excluent formellement de la commission toute personne ayant des liens politiques. L’Australie, le Canada, l’Inde et Maurice constituent d’autres exemples.
Les organismes de gestion des élections
Une autre approche aussi populaire en ce qui concerne la délimitation des circonscriptions consiste à avoir recours à l’organisme de gestion des élections. Dans certains pays, l’organisme de gestion des élections est plutôt indépendant du pouvoir exécutif et législatif (en Lituanie, au Mexique et en Pologne, par exemple), mais cela est moins vrai ailleurs (au Kenya, au Nigeria et en Tanzanie).
Le corps législatif
Alors que plusieurs pays ont délégué la tâche de délimiter les circonscriptions à une entité autre que le corps législatif qui se trouve bien sûr en conflit d’intérêts, dans d’autres pays, le pouvoir législatif a conservé cette responsabilité.
Cependant, de nombreux pays où le corps législatif est responsable de la délimitation des circonscriptions utilisent un mode de représentation proportionnelle à scrutin de liste. Le corps législatif de ces pays (Belgique, Bulgarie, Croatie, Finlande, Islande et Suède) a dès le départ défini une carte des circonscriptions, souvent composée de circonscriptions plurinominales, dans la Constitution ou dans la législation électorale et cette carte est demeurée en place lors des élections subséquentes, même si le nombre de sièges alloués à chacune des circonscriptions plurinominales varie avec le temps pour s’adapter aux changements démographiques.
Dans un deuxième groupe de pays où le corps législatif joue un rôle dans le processus de délimitation, par exemple, dans des pays comme l’Italie, la Corée du Sud, le Kirghizistan et le Panama, on utilise un système électoral mixte. Les limites des circonscriptions dans ces pays n’ont pas la même importance politique que dans les pays où l’on a recours au scrutin majoritaire uninominal puisqu’un deuxième groupe de sièges à l'assemblée législative est assuré par la représentation proportionnelle. Les élections basées sur les systèmes mixtes génèrent des résultats de loin plus proportionnels que celles basées sur un mode de scrutin majoritaire uninominal.
Les États-Unis sont l’un des rares pays qui permettent au pouvoir législatif de jouer un rôle central dans le processus de délimitation compte tenu du fait que l’élection des représentants est fondée uniquement sur des circonscriptions uninominales. La conséquence de cette approche, du moins aux États-Unis, est que la politique partisane joue un grand rôle, souvent sans équivoque, dans le processus de redécoupage. Par exemple, à plusieurs occasions, lorsqu'une carte électorale est contestée devant les tribunaux au motif qu’elle divise certaines communautés ethniques, la partie défenderesse soutient que des questions politiques, et non des questions ethniques, justifient le redécoupage et donc que la carte électorale n’est ni illégale ni inconstitutionnelle.
Notes :
[1] La Nouvelle-Zélande a mis sur pied une commission indépendante responsable de la délimitation des circonscriptions en 1887 dont font partie des membres nommés par le gouvernement, cependant, le nombre de ces membres nommés par le gouvernement n’a jamais dépassé le nombre de fonctionnaires politiquement neutres qui siègent à la commission.