Le système électoral est une composante essentielle de tout cadre juridique étant donné qu’il définit l’intégration des fonctions d’élu ainsi que la relation entre les partis politiques dans un pays, un État ou dans un groupe de pays. Parmi d’autres missions, le cadre juridique devrait établir clairement le type de système électoral et la planification régulière d’élections. [i]
De manière générale, un système électoral peut se définir comme la règlementation de l’élection de représentants. Sous un angle plus étroit, on peut voir le système électoral comme la règlementation de la relation entre le vote et les élus. Par conséquent, le système électoral représente la manière de traduire les votes en sièges; leur contenu politique est donc plutôt clair. Ces règles mènent à la promulgation de décisions législatives très importantes.
La conception d’un système électoral, vue sous un angle restreint, réfère non seulement aux pratiques des systèmes parlementaires, mais également aux pratiques des systèmes présidentiels et des monarchies constitutionnelles. Comme il permet d’élire des candidats, le choix du système électoral revêt une grande importance. Si le système électoral s’appuie sur le principe de la majorité, les candidats qui obtiennent le plus de votes gagnent. À l’inverse, si le vainqueur est élu lors d’un deuxième tour où le gagnant du premier tour et son plus proche adversaire s’affrontent, ou si le vainqueur est élu de manière indirecte, comme cela est le cas aux États-Unis, les résultats peuvent varier considérablement.
En outre, les systèmes électoraux ne touchent pas uniquement la manière dont les votes sont transformés en sièges, mais ils concernent d’autres composantes du système politique comme le développement d’un système de partis politiques, la séparation des idéologies politiques, la représentation des divers intérêts sociaux, les principales caractéristiques des campagnes électorales, la capacité des régimes politiques de donner aux individus des institutions politiques fonctionnelles et la légitimité du système politique. Les systèmes électoraux peuvent également se révéler importants pour lier les citoyens à leurs dirigeants par l’intermédiaire de mécanismes comme l’imputabilité, la représentation et la responsabilité politique. En fait, les systèmes électoraux génèrent d’importantes conséquences pour la gouvernance démocratique sur le long terme. Des mesures incitatives doivent être mises de l’avant pour aider les candidats à rejoindre les électeurs de diverses manières et selon les réalités sociopolitiques. Dans les sociétés profondément séparées sur le plan de la langue, des croyances religieuses, de la race et de l’ethnie, un système électoral créé sur mesure peut participer à promouvoir la collaboration et la conciliation entre candidats et partis politiques, tout en punissant les comportements qui ne sont ni collaboratifs ni conciliants.
Les systèmes électoraux doivent se fonder sur le droit constitutionnel et sur d’autres ensembles de droit. Comme nous l’avons affirmé précédemment, le modèle du système électoral détermine la manière dont les votes sont convertis en sièges. Autrement dit, le modèle détermine l’effet du vote sur la représentation politique. C’est pourquoi la règlementation d’un système électoral commence au niveau constitutionnel et se poursuit au niveau législatif.
Un certain nombre de caractéristiques distinguent les composantes fondamentales d’un système électoral. D’une part, ils influent sur la façon dont les votes se traduisent en représentation politique. On peut les distinguer les uns des autres selon les décisions politiques qui les définissent. Ainsi, les composantes fondamentales du système électoral qui doivent être incluses dans la législation électorale vont comme suit:
- La division régionale aux fins électorales, ce qui se réfère au territoire géographique utilisé pour transformer les votes en sièges.
- Le système électoral, lequel fonctionne soit selon le principe de la majorité, qu’elle soit simple, absolue ou qualifiée, soit selon celui de la représentation proportionnelle.
- Les procédures mathématiques qui doivent être appliquées pour convertir les votes en sièges.
- Les seuils électoraux qui représentent le pourcentage des votes minimal qu’un candidat doit obtenir afin d’avoir sa place dans la répartition des sièges.
- La manière dont les élections sont conduites (directement ou indirectement), ce qui réfère à la capacité de l’électeur comme à celle des partis politiques de déterminer qui occupera les postes d’élus.
Le choix d’un système électoral doit se faire en accord avec le cadre juridique qui règlemente les structures sociales et les différences politiques de manière adéquate. Cette règlementation doit jeter les bases d’un système de représentation politique qui se chargera de régler les conflits sociaux par la conciliation. On peut alors affirmer que le choix d’un système électoral peut s’effectuer plus facilement si des objectifs précis sont définis dès le départ. On pense par exemple à une légitimité accrue, à la proportionnalité des résultats, à une forte représentation des groupes politiques au niveau régional, etc. C’est en se basant sur ces objectifs et en prenant en considération les caractéristiques sociales, politiques, géographiques et historiques de chaque pays que l’on choisit les systèmes électoraux.
Ce choix est d’une importance primordiale du point de vue institutionnel. Cette très importante décision influera sur la performance de toute démocratie. Les systèmes électoraux peuvent aider non seulement à obtenir des résultats sur mesure, mais aussi à promouvoir la collaboration et la conciliation au sein de sociétés divisées.
Le processus de sélection d’un système électoral appuie le cadre juridique. L’application d’un système électoral sur mesure dans chaque pays peut avoir un effet important sur les performances électorales des candidats. L’évaluation du système électoral d’un pays peut s’appuyer sur les résultats obtenus lors des élections précédentes. Procéder ainsi permet de mettre en relief des questions importantes, par exemple, sur les bénéfices, s’il y en a, dont le parti politique au pouvoir jouit en comparaison aux autres partis. On peut également étudier les composantes du système qui peuvent sembler enfreindre les principes internationaux ou engendrer des distorsions dans le résultat des élections.
Aucun système électoral ne peut être appliqué systématiquement à toutes les situations. De même, une norme universelle ne peut être appliquée à tous les cas. La sélection d’un système électoral doit viser des objectifs précis et doit être perçue comme une solution faite sur mesure, selon les circonstances. Les effets que produisent les systèmes électoraux sont contextuels et résultent des particularités politiques et territoriales, ainsi que des différentes réalités sociales et des conflits spécifiques qui diffèrent selon les pays. Les conséquences générales de chaque système électoral varient selon les conditions contextuelles, ce qui signifie que chaque cas est unique. Democracy Reporting International et le Carter Center, dans Strengthening
International Law to Support Genuine Elections and Democratic Governance, concluent que « le droit international reconnaît la nécessité du système électoral, mais ne recommande ni ne proscrit aucun système en particulier. Plutôt, tous les systèmes électoraux sont pertinents tant et aussi longtemps qu’ils maintiennent les droits fondamentaux et respectent les obligations internationales. »[ii]
Les systèmes électoraux sont généralement catégorisés selon la manière dont les votes sont convertis en sièges. Sur ce spectre, il y a au moins trois classes principales de systèmes électoraux. Notons toutefois qu’il existe d’autres manières de classer les systèmes électoraux avec plus de précision ce qui se traduit par un plus grand nombre de classes. Le Manuel d’observation électorale de l’Union européenne distingue:
- Les systèmes à scrutins majoritaires sont généralement utilisés dans le cas d’élections où il est prévu d’élire un candidat pour un siège dans une circonscription électorale. Pour gagner, le candidat doit recueillir le plus grand nombre de votes (majorité simple) ou doit recueillir plus de la moitié des votes (majorité absolue).
- Les systèmes proportionnels sont généralement utilisés pour des élections où plus d’un siège est à pourvoir dans la circonscription électorale. Les mandats parlementaires sont attribués en utilisant des formules qui répartissent les sièges de manière à ce qu’ils représentent la proportion des voix gagnées par les candidats ou les partis politiques.
- Les systèmes mixtes combinent les systèmes majoritaires et proportionnels. [iii]
Bien que le système à majorité simple puisse mener à une élection sans une majorité des votes, le système est reconnu comme ancrant l’imputabilité de l’élu dans sa communauté; à l’inverse, bien que les systèmes de représentation proportionnelle tendent à mieux refléter le vote des électeurs, ils diminuent par le fait même l’imputabilité de l’élu envers la communauté au profit du parti politique; finalement, par définition, le système mixte présente certains des meilleurs comme des pires aspects de chaque système, et ainsi de suite. [iv]
La révision d’un système électoral doit tenir compte de l’éventuelle division du pays sur le plan politique, géographique, religieux et ethnique. On doit aussi prendre en compte la question de la juste représentation politique des minorités au sein du système politique. La révision d’un système électoral qui vise à améliorer le régime électoral d’un pays doit considérer les recommandations émanant des expériences menées par d’autres pays en ce qui concerne la manière dont les iniquités peuvent être résolues.
[i] SADC et EISA, Principes de Gestion, de Surveillance et d’Observation des Elections dans les Pays de la SADC, p. 8.
[ii] DRI et The Carter Center, Strengthening International Law, 8.
[iii] Commission européenne, Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, p. 50.
[iv] SADC et EISA, Principes de Gestion, de Surveillance et d’Observation des Elections dans les Pays de la SADC, p. 10.