Les personnes qui ont le droit de participer aux élections en tant que candidats, en autant qu’ils satisfont aux critères d’éligibilité et à d’autres exigences, doivent informer formellement l’autorité électorale de leur désir. C’est alors à l’autorité électorale de décider d’inscrire ou non une personne comme candidat et d’annoncer les noms des candidats des élections.
L’inscription auprès de l’autorité électorale et l’annonce des candidats officiellement nommés vise plusieurs objectifs:
- Permettre à l’autorité électorale de vérifier si les candidats satisfont à tous les critères d’éligibilité;
- Faire connaître de manière formelle les noms des candidats qui se présentent à une élection;
- Reconnaître les droits complémentaires des candidats, selon le cas, par exemple, le financement public pour la campagne, la couverture médiatique, l’utilisation d’équipements locaux ou publics, etc.;
- Permettre l’amorce des préparatifs de différentes natures afin d’assurer le bon déroulement des élections;
- Permettre aux électeurs de connaître avec certitude les noms des candidats pour lesquels ils peuvent voter.
En règle générale, les personnes qui désirent se présenter aux élections doivent satisfaire à certains critères, en plus du critère d’éligibilité. L’objectif de ces exigences est, d’une part, de s’assurer que les candidatures sont sérieuses et, d’autre part, d’empêcher le dépôt d’un nombre déraisonnable de demandes qui ne satisfont pas aux critères minimaux, ce qui ne ferait qu’engendrer de la confusion et entraîner des ressources publiques additionnelles.
a. Présentation des candidats
Bien qu’il existe diverses possibilités selon les différents cadres juridiques, habituellement, les candidats sont habituellement présentés et appuyés par des partis politiques. Cette prévalence du modèle où l’on associe des candidats à des partis politiques s’explique par des raisons inhérentes à la démocratie représentative, cette dernière ne visant pas uniquement à assurer la juste représentation des citoyens, mais également à favoriser la formation de majorités jouissant d’appuis électoraux assez forts pour permettre l’accès au pouvoir de gouvernements suffisamment stables. Les partis politiques répondent à ce besoin en permettant l’intégration des candidats, parce qu’ils ont les moyens de soutenir l’effort politique au-delà du niveau de la circonscription.
Le rôle dominant des partis politiques mérite certaines critiques, surtout dans les systèmes démocratiques établis. Voici quelques-uns des problèmes connus reliés aux partis politiques: influence ou pouvoir excessif des structures ou mécanismes internes; professionnalisation des personnes participant à des activités politiques, entravant ainsi l’émergence d’autres options; le fait que, parfois, les partis politiques favorisent la bête défense de leurs intérêts partisans; l’écart grandissant entre les politiciens et le citoyen lambda, etc. Ces critiques ne devraient cependant pas obscurcir le rôle irremplaçable que jouent les partis politiques. Les problèmes des partis politiques devraient plutôt être réglés en ayant en tête le bien-être du système démocratique. Dans une société démocratique et ouverte, un parti politique qui rencontre l’un ou l’autre de ces problèmes se retrouve devant la situation suivante: s’il n’arrive pas à évoluer et à résoudre ces problèmes, la critique publique minera graduellement la crédibilité et peut-être même la légitimité du parti. En outre, les partis d’opposition deviendraient plus puissants ou, en l’absence d’autres options satisfaisantes, le taux d’abstention augmenterait jusqu’à ce qu’apparaissent de nouveaux partis politiques ou groupes politiques pour remplacer ceux qui résistent au changement.
En plus des partis politiques, il peut être possible pour un candidat d’être nommé par des coalitions ou des groupes de partis d’après diverses formalités et exigences, selon le pays. Contrairement à ce qui se passe dans le cas des alliances postélectorales, les coalitions et les alliances formées avant les élections ont des effets juridiques. Citons par exemple la capacité d’empêcher les partis qui constituent l’alliance de présenter leurs propres listes de candidats dans les mêmes circonscriptions électorales.
L’inscription de candidats qui sont indépendants des partis politiques ou des coalitions constitue une troisième voie. Cependant, le degré de difficulté de cette option augmente proportionnellement selon le niveau des élections et la taille de la circonscription en raison de la plus grande complexité des activités préparatoires et des ressources financières nécessaires à la conduite de telles campagnes. À cet égard, l’inscription de candidats indépendants est plus facile dans les petites circonscriptions ou aux élections régionales, par exemple, de niveau municipal.
Il est certainement plus facile pour les candidats indépendants de se présenter à des élections locales ou dans des petites circonscriptions et c’est ce qui explique que c’est là qu’ils se retrouvent le plus souvent. Les exceptions à cette règle démontrent habituellement que seules des ressources économiques exceptionnelles, comme dans le cas de Ross Perot qui se présentait comme candidat indépendant à la présidence des Etats-Unis, ou une expertise reconnue de longue date, comme dans le cas de Vargas Llosa au Pérou, permettent aux candidats indépendants de franchir le cap et d’obtenir la préférence des électeurs aux dépens des candidats des listes de partis.
b. Choix des candidats
La manière par laquelle sont choisis les candidats dans les partis politiques est une question fondamentale dans un système représentatif. Le rôle constitutionnel des partis les force à respecter des règles démocratiques internes plus strictes que celles qui gouvernent d’autres types d’associations. Cela vise à assurer que les partis politiques sont encadrés par des procédures internes démocratiques, sans toutefois nuire aux éléments de leadership, comme le charisme, qui font partie intégrante des organisations politiques. Ces exigences peuvent être établies par différentes entités, selon les circonstances historiques et politiques de chacun des pays. Cela étant dit, dans certains contextes, on observe que « le choix des candidats au niveau des partis n’est pas toujours démocratique. » [i]
L’une des méthodes visant à limiter l’influence indue des mécanismes internes des partis est la sélection des candidats pour les divers postes de représentants élus par le moyen d’élections internes, soit en se limitant aux membres de la section locale de chacun des partis, soit en ouvrant le processus aux citoyens librement inscrits à titre de sympathisants du parti en question. Ces deux procédures pour les élections internes sont toutefois complètement différentes. L’élection démocratique des candidats par les membres du parti contribue à assurer un certain degré de transparence et à favoriser l’ouverture des discussions sur la question du choix des candidats. Cependant, en réalité, cela garantit uniquement que le processus interne est démocratique tout en étant seulement ouvert aux membres des partis, ce qui laisse le choix des candidats aux partis. La deuxième procédure permet une participation plus grande et plus large étant donné qu’elle inclut les citoyens qui soutiennent un parti politique et qui s’inscrivent formellement comme tels.
La sélection ouverte des candidats par les sympathisants est habituellement accueillie favorablement par les citoyens des pays où le choix des candidats est toujours le monopole des structures de parti, même s’il s’avère que les dirigeants des partis sont rarement favorables à cette manière de procéder.
Dans la plupart des cas, le rôle des partis politiques est absolument critique puisqu’ils « contrôlent souvent les décisions au sujet du choix des candidats, des positions qu’occuperont les candidats sur les listes de partis, et de quels candidats bénéficieront du soutien durant la campagne et après l’élection. » [ii]
c. Formalisation des demandes
La formalisation des demandes de candidature doit s’effectuer objectivement et le but est de vérifier si les candidats satisfont aux critères d’éligibilité. Une fois que cela est confirmé, les noms des candidats devraient être rendus publics formellement le plus rapidement possible. Tout agissement frauduleux visant à réduire le nombre de candidats ou de nuire à tout candidat éligible doit être empêché. Il est essentiel, pour assurer l’équité et la confiance, que le processus d’inscription soit accessible et transparent et que le calendrier prévoie un délai raisonnable afin que les candidats disposent du temps nécessaire pour remplir les exigences.[iii]
La demande d’inscription doit comprendre le nom de la personne, une preuve d’identité, sa nationalité, son âge. Cette personne doit en outre être inscrite à la liste électorale. L’absence d’éléments disqualificatifs, comme ne pas avoir été privé du droit de vote et ne pas être concerné par aucune cause de disqualification, peut être démontrée à l’aide d’un certificat délivré par les autorités publiques compétentes, par exemple, une attestation d’absence d’antécédents criminels ou même un document formel et une déclaration du candidat.
Les éléments disqualificatifs mentionnés précédemment doivent respecter le cadre juridique de chaque pays. Ainsi, afin de démontrer la satisfaction aux exigences en matière d’âge ou de nationalité, une carte d’identité, un passeport, un document de l’état civil ou toute autre preuve d’identité devrait suffire.
En l’absence de ces documents, le cadre législatif devrait permettre de prouver son identité par d’autres moyens fiables. On doit privilégier les documents officiels délivrés dans le pays (permis de conduire, registres de recensement ou municipaux, etc.) qui constituent une preuve suffisante à la création de nouveaux systèmes de documentation ou de vérification qui peuvent ralentir le processus électoral et augmenter les coûts.
Il est fréquent que le cadre juridique puisse exiger la récolte de signatures ou le versement d’un cautionnement pour l’inscription des candidats. Il est important que ce genre de critères soient établis avec des limites raisonnables afin de ne pas créer de barrières au droit à l’éligibilité. Il est également crucial que toutes les exigences soient appliquées équitablement à tous les candidats et sans discrimination. [iv]
Le cadre juridique doit également permettre la correction d’omissions ou d’erreurs formelles avant les échéances courtes, mais raisonnables, qui caractérisent la phase préparatoire du processus électoral.
Un court délai pour le dépôt de la demande et pour la démonstration de la conformité de la demande ne devrait pas être considéré comme injuste pourvu que ce délai n’entraîne aucune forme de discrimination. Les processus électoraux exigent souvent que de nombreuses procédures soient effectuées dans de courts délais afin que les périodes électorales ne se prolongent pas indûment.
Les noms et les symboles utilisés dans une liste de candidats (initiales, emblèmes ou signes représentatifs) sont très importants pour l’identification des candidats et pour leur reconnaissance par des électeurs potentiels. L’emploi indu du nom d’un autre groupe politique qui participe aux élections ou encore l’utilisation d’un nom similaire à un autre qu’il peut induire le public en erreur doivent cependant être empêchés.
En règle générale, une liste de candidats présentée par un parti politique devrait porter le nom du parti, à moins que le parti soit membre d’une coalition connue sous un autre nom. L’emploi de noms ambigus ne devrait pas être interdit pour des raisons idéologiques, mais plutôt pour des raisons d’identification, c’est-à-dire que l’autorité électorale ne devrait pas évaluer la potentielle confusion idéologique qui pourrait apparaître entre deux candidats, mais devrait plutôt s’assurer que chaque candidat peut être clairement identifié par son nom et son symbole sans qu’existe la possibilité d’une confusion de nature graphique, phonétique ou autre.
d. Contrôle et objections
Le contrôle du respect des exigences procédurales et formelles doit être conféré aux autorités électorales. Ce contrôle doit être effectué en respectant des critères qui n’entravent pas la participation au processus électoral et qui facilitent la correction des erreurs matérielles. Cette procédure préélectorale permet de réduire le nombre d’erreurs qui ne peuvent être corrigées ultérieurement, et ce, dans le but de faciliter la participation et prévenir l’annulation de résultats électoraux en raison de dispositions ou de formalités juridiques rigides ou excessives. La loi doit établir des dates butoirs claires en ce qui concerne l’inscription des candidats, le contrôle de l’éligibilité et l’annonce des candidats inscrits par les autorités électorales, en prévoyant de courtes périodes, si nécessaire, pour corriger les erreurs factuelles. Les candidats devraient avoir véritablement l’occasion et le temps de corriger les erreurs puisque seuls les motifs les plus sérieux devraient mener à la disqualification d’un candidat. [v] Une fois ces délais expirés, les autorités électorales devraient annoncer publiquement les noms des candidats qui satisfont à toutes les exigences nécessaires pour prendre part au processus électoral. La liste définitive des candidats est habituellement publiée dans le journal officiel, mais d’autres modes de diffusion peuvent également être utilisés, par exemple, le recours aux organes de presse ou à l’affichage public.
Les candidats et toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité d’en appeler d’une décision de l’administration électorale en ce qui a trait au rejet ou à l’inscription d’une candidature, et ce, non seulement devant l’autorité électorale elle-même, mais également devant l’autorité judiciaire compétente, qu’elle soit ordinaire ou spécialisée, ou encore qu’elle constitue une entité indépendante comme un tribunal constitutionnel.
e. Annonce et publication
On devrait émettre un avis public et officiel contenant les noms des candidats prenant part aux élections. La liste énumérant les noms des candidats est habituellement publiée dans un journal officiel ou sur le site web de l’autorité électorale. Une fois tous les possibles appels concernant la validité des candidatures résolus ou la date butoir pour interjeter appel passée, l’annonce des candidats a les effets suivants:
- Déterminer quels candidats prennent part aux élections;
- Déterminer quels candidats sont admissibles au financement public servant à couvrir les dépenses de leurs campagnes électorales: l’utilisation de l’espace public ou des immeubles, les allocations directes, le temps d’antenne dans les médias publics et les autres formes de soutien public;
- Mener aux phases suivantes des procédures électorales préparatoires : la conduite de la campagne électorale et les opérations logistiques et préparatoires de l’autorité électorale, par exemple, l’impression de bulletins de vote.
[i] SADC et EISA, Principes de Gestion, de Surveillance et d’Observation des Elections dans les Pays de la SADC, p. 17.
[ii] ONU, Women & Elections, p. 13.
[iii] SADC et EISA, Principes de Gestion, de Surveillance et d’Observation des Elections dans les Pays de la SADC, p. 17.
[iv] Commission européenne, Manuel d’observation électorale de l’Union européenne, p. 49.