Le cadre juridique électoral est constitué d’éléments de plusieurs sources et chacun d’entre eux peut présenter plus ou moins de flexibilité en ce qui a trait à leur amendement. La publication de International IDEA intitulée International
Electoral Standards: Guidelines for Reviewing the Legal Framework of Elections,contient un graphique très utile qui présente la source, le pouvoir officiel et la flexibilité à l’amendement: [i]
Type de texte législatif régissant les élections (Source) |
Autorité officielle |
Flexibilité |
Constitution |
Assemblée Constituante ou Assemblée Législative dans l'exercice de ses pouvoirs constituants. |
Sa modification est plus difficile, exigeant des débats et des décisions adoptées à la majorité qualifiée ou conformément à une p rocédure spéciale. |
Accord international de paix |
Les parties contractantes à l'accord de paix. |
Ne peut normalement être modifié que par une décision unanime entre toutes les parties contractantes à l'accord de paix. |
Loi électorale |
Le pouvoir législatif. |
Sa modification requiert normallement une majorité simple. C’est plus facile à modifier que la Constitution. |
Autres textes législatifs portant sur d'autres aspects des élections |
Le pouvoir législatif. |
Sa modification requiert normallement une majorité simple. C’est plus facile à modifier que la Constitution. |
Règlements et décrets |
Le pouvoir exécutif (ministères). |
Ces règlements peuvent être modifiés par le ministère concerné, sous réserve d’approbation ou de l'exercice du droit de veto par le législateur. |
Instructions et directives |
L'organe chargé de l'administration des élections. |
Fléxible: peuvent être modifiées par l'organe chargé de l'administration des élections, afin d’ atteindre l'objectif visé. |
Codes de conduite des partis politiques, des fonctionnaires électoraux et des observateurs électoraux |
Organismes régulatoires tels que l'organe chargé de l'administration des élections, les partis politiques ou les organisations non gouvernementales. |
Normalement ces codes ne font pas parti du cadre juridique officiel et peuvent être modifiés par consensus entre les partis politiques, l’organisme régulatoire ou les organisations non gouvernementales, en dehors des compétences du pouvoir législatif ou exécutif. |
Le graphique ci-dessus montre qu’afin d’établir des aspects fondamentaux d’élections véritables et régulières, les Constitutions et les accords internationaux sont avantageux puisqu’ils sont difficiles à amender, ce qui protège mieux les principes clés. D’un autre côté, cette fonction de conservation que possèdent les instruments qui sont difficiles à amender peut causer des problèmes très concrets comme des questions sur la façon de suivre le rythme des changements à apporter et des meilleures pratiques à employer, le tout, de manière rapide et systématique et comme d’autres questions sur la façon de s’assurer que, lors d’élections, l’on peut prendre des décisions rapidement sur des enjeux qui n’existent peut-être que dans les circonstances du moment. Le degré auquel les divers instruments peuvent être amendés constitue une question importante dans le cadre juridique en général.
Idéalement, « les processus réglementaires et juridiques des démocraties offrent l’occasion aux citoyens de revoir les cadres juridiques existants et d’émettre des commentaires au sujet des changements proposés ainsi que de suggérer des modifications. » [ii]
De même, pour ceux qui se trouvent dans l’arène politique, « connaître les règles ne suffit cependant pas. Les adversaires électoraux doivent analyser le cadre juridique afin de déterminer si les règles leur garantissent véritablement une chance de concourir équitablement.» [iii] Les universitaires, les médias et les groupes de citoyens ont eux aussi un intérêt important dans la manière dont le cadre juridique électoral est créé et amendé. Comprendre ces processus s’avère très important pour la santé du système électoral dans son ensemble. Chacune des sources qui composent le cadre juridique possède son processus, ses occasions et ses défis.
Habituellement, les lois électorales dans les systèmes démocratiques établis possèdent deux volets qui peuvent les faire apparaître incohérentes. D’abord, elles évoluent dans le cadre de débats sociaux et politiques, ce qui fait que l’on s’occupe davantage de leurs faiblesses que de leurs forces. Souvent, ce genre de situation génère une contradiction qui se résume ainsi : comment peut-on critiquer un système proportionnel lorsqu’on promeut une séparation claire entre les électeurs et les candidats? Ensuite, l’étude des systèmes électoraux établis mène à une conclusion importante: ces systèmes sont soutenus par un important degré de continuité. On peut établir un genre de règle universelle de la manière suivante : les systèmes électoraux tendent à consolider leurs bases; ils peuvent cependant être modifiés lorsque les systèmes politiques sont en crise.
Cette réalité est cohérente avec les changements permanents, techniques, mineurs et procéduraux qui touchent les lois électorales. Voici quelques-unes des raisons en faveur la continuité de base des systèmes électoraux:
- Premièrement, personne ne souhaite passer du connu à l’inconnu. Les acteurs de tout système électoral connaissent très bien le fonctionnement du système, mais cette parfaite connaissance n’empêche toutefois pas les citoyens ni même les partis politiques d’exprimer des opinions différentes au sujet du système électoral.
- Deuxièmement, ceux qui ont le pouvoir de modifier les lois électorales sont ceux qui remportent les élections. Ceux qui ont profité du système en place sont ceux qui doivent promouvoir le changement.
- Troisièment, certaines réalités historiques rendent les modifications de plus en plus difficiles. Les citoyens témoignent habituellement une forme d’empathie envers le système électoral traditionnel qui représente selon eux la meilleure forme de démocratie. Plus le système électoral vieillit, plus l’empathie citoyenne augmente. La tradition force donc les législateurs à tenir compte des clauses traditionnelles, clauses qui sont souvent vues ailleurs comme des vestiges législatifs.
- Quatrièmement, la réforme des lois électorales entraîne beaucoup de contestations judiciaires. Les règles électorales les plus importantes se trouvent dans la Constitution et elles jouissent donc d’une protection spéciale. Les lois électorales ne peuvent être modifiées que par les majorités, ce qui oblige les partis politiques à en arriver à une entente claire et large.
Les réformes mineures aux lois électorales sont néanmoins fréquentes. Les lois électorales, autant dans les nouvelles démocraties que dans les démocraties établies, sont en constante évolution.
[ii] Patrick Merloe, Promoting Legal Frameworks for Democratic Elections,
5.