Les institutions politiques déterminent les règles du jeu dans l'exercice de la démocratie et l'on entend souvent dire que, parmi celles-ci, les systèmes électoraux sont les plus faciles à manipuler, pour le meilleur ou pour le pire. En effet, lorsque les suffrages se traduisent en sièges à l'Assemblée législative, le système électoral peut en réalité déterminer qui est élu et quel parti obtient le pouvoir. Advenant le cas où deux partis obtiendraient le même appui, un système permettrait à un parti de former un gouvernement de coalition, tandis qu'un autre autoriserait un des deux partis à assumer le pouvoir. Les deux exemples présentés à l'Annexe D illustrent bien comment, à partir de suffrages à peu près semblables, deux systèmes d'élections différents peuvent en arriver à des résultats fort variés.
Les systèmes électoraux engendrent aussi d'autres conséquences. Ils influencent la nature même du régime de partis et, en particulier, le nombre et la taille relative des partis politiques à l'Assemblée législative. Ils influent aussi sur la cohésion interne et la discipline des partis, soit en encourageant diverses factions à s'affronter constamment, soit en exigeant des partis qu'ils fassent front commun et évitent toute dissension. Les systèmes électoraux peuvent également influer sur la conduite des campagnes électorales et le comportement des élus, et contribuer ainsi à façonner le climat politique dans son ensemble. Ils favorisent ou ralentissent la création d'alliances; ils fournissent aussi aux partis et aux groupes de bonnes raisons soit d'établir une base large et ouverte aux compromis, soit d'être repliés sur eux-mêmes et sensibles aux intérêts ethniques et aux liens de parenté. En outre, un système électoral qui n'est pas considéré « juste » et qui ne permet pas à l'opposition d'espérer remporter les prochaines élections peut encourager les perdants à travailler hors du système et à se servir de tactiques antidémocratiques menant à la confrontation et même à la violence. En tout dernier lieu, le choix du système électoral détermine le degré de facilité ou de complexité de l'exercice du droit de vote, un élément très important, surtout dans des sociétés où abondent les électeurs inexpérimentés ou analphabètes.
Il importe de noter qu'un système électoral donné ne fonctionne pas de la même façon dans des pays différents. Bien qu'il existe des expériences communes dans diverses régions du monde, les effets d'un certain type de système électoral dépendent dans une large mesure du contexte sociopolitique dans lequel le système est utilisé. Les conséquences d'un système électoral dépendent de certains facteurs : la structure d'une société sous ses aspects idéologique, religieux, ethnique, racial, régional, linguistique ou de lutte des classes; la nature de la démocratie qui règne dans le pays, à savoir si elle est établie de longue date, en transition ou nouvelle; le régime de partis, à savoir s'il est stable, à l'état embryonnaire, tout simplement inexistant ou sérieux; et, enfin, la répartition de l'appui des membres, c'est-à-dire s'il est géographiquement concentré ou dispersé.
Il est toutefois important de noter qu'un système électoral donné n'aboutira pas nécessairement aux mêmes résultats selon le pays où il est appliqué. Malgré les expériences communes, les effets d'un système électoral dépendent, dans une largen mesure, du contexte sociopolitique dans lequel il s'applique. Divers facteurs entrent en ligne de compte : la structure de la société sur les plans idéologique, religieux, ethnique, racial, régional, linguistique ou social; le type de démocratie (établie, transitoire ou nouvelle); l'existgence d'un systèm de partis à l'état embryonnaire et en formation; le nombre de partis « sérieux », la concentration géographique ou le dispersement des électeurs d'un parti donné.
Répercussion d'un système électoral sur la transformation de votes en sièges
Prenons une élection hypothétique de 25 000 voix qui oppose deux partis politiques et qui est régie par deux systèmes électoraux différents, soit un scrutin majoritaire uninominal à cinq circonscriptions et une représentation proportionnelle à scrutin de liste dans une circonscription très vaste.
Circonscriptions |
Sièges gagnés |
|
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
Total |
% |
MP |
RP |
Parti A |
3000 |
2600 |
2551 |
2551 |
100 |
10802 |
43 |
4 |
2 |
Parti B |
2000 |
2400 |
2449 |
2449 |
4900 |
14198 |
57 |
1 |
3 |
|
5000 |
5000 |
5000 |
5000 |
5000 |
25000 |
100 |
|
|
Légende : MP = système majoritaire uninominal, RP = représentation proportionnelle
Dans le premier exemple, le parti A remporte 43% des voix, soit beaucoup moins que le parti B (qui reçoit 57 % des suffrages). Sous un système majoritaire, le parti A remporte tout de mPeme quatre des cinq sièges disponibles. Pr contre, sous l'égide d'une représentation proportionnelle, c'est le parti B qui gagne plus de sièges (trois) que le parti A (deux sièges). Cet exemple peut sembler quelque peu extrPeme, mais ce genre de résultat est très fréquent dans un système majoritaire.
Dans le deuxième exemple, la distribution des suffrages est modifiée et cinq partis se disputent l'élection; cependant, les deux mêmes systèmes électoraux hypothétiques demeurent en vitgueur.
Circonscriptions |
Sièges remportés |
|
1 |
2 |
3 |
4 |
5 |
Total |
% |
MP |
RP |
Parti A |
3000 |
2000 |
2000 |
200 |
50 |
7250 |
29 |
3 |
1 |
Parti B |
500 |
500 |
500 |
3750 |
500 |
5750 |
23 |
1 |
1 |
Parti C |
500 |
250 |
750 |
1000 |
3000 |
5500 |
22 |
1 |
1 |
Parti D |
750 |
500 |
1700 |
25 |
1025 |
4000 |
16 |
0 |
1 |
Parti E |
250 |
1750 |
50 |
25 |
425 |
2500 |
10 |
0 |
1 |
|
5000 |
5000 |
5000 |
5000 |
5000 |
25000 |
100 |
5 |
5 |
Légende : MP = système majoritaire uninominal, RP = représentation proportionnelle (utilisant la méthode du « plus fort reste » de concert avec la formule de Hare pour l'attribution des sièges).
Dans le deuxième exemple, cinq partis se présentent. Sous un système RP, chacun des partis reçoit un siège, malgré le fait que le parti A ait recueilli presque trois fois plus de suffrages ue le parti E. Pour sa part, le scrutin majoritaire uninominal aurait pour effet d'attribuer trois des cinq sièges au parti le plus populaire (A), alors que les partis en deuxième et troisième place (du point de vue du pourcentage des voix, soit les partis B et C) auraient chacun mérité un siège. On peut donc voir que le choix du sustème électora la un effet prononcé sur la composition du Parlement et, par extension, sur le gouvernement éventuel.