Comme d'autres anciennes colonies britanniques, le Sri Lanka a hérité d'un modèle de gouvernement parlementaire semblable à celui de Westminster avec l'instauration du suffrage universel en 1931 et des élections présidentielles en 1947. Cependant, avec le temps, on s'est rendu compte que les élections au scrutin majoritaire uninominal (SMU) ne représentaient pas adéquatement les intérêts des minorités (voir Scrutin majoritaire uninominal (SMU)). En 1978, on a pris la décision de transformer le système parlementaire cinghalais en un système présidentiel semblable à celui de la France et on a mis sur pied une commission parlementaire pour examiner les vastes changements constitutionnels qui s'imposaient.
Le Sri Lanka est une nation marquée d'une longue histoire de conflits ethniques acharnés entre la majorité cinghalaise et les communautés minoritaires tamoul. C'est pourquoi les réviseurs constitutionnels ont voulu s'assurer que le nouveau poste de président serait comblé par une figure nationale apte à représenter tous les groupes de la société et à encourager une politique consensuelle. Le nouveau président aurait à représenter tous les groupes cinghalais et à concilier des intérêts divergents. Pour atteindre de tels objectifs, la formule d'élection et, en particulier, les moyens d'inclure les minorités ethniques dans le processus de sélection ont retenu l'attention.
Le mode d'élection à la présidence d'une telle personne devenait crucial pour l'avenir du poste et il allait requérir l'appui d'au moins une majorité de l'électorat. Cependant, un parti politique cinghalais n'avait obtenu une majorité de voix à des élections nationales qu'une fois seulement en cinquante ans. En fait, la plupart des gouvernements avaient été élus avec une marge beaucoup moindre. Le régime de partis au Sri Lanka était divisé entre deux puissants partis cinghalais et un certain nombre de petits partis minoritaires.
Vu qu'une large part de la Constitution de 1978 trouve ses origines philosophiques dans le modèle de la Ve République, une présidence forte associée à une assemblée élue, les premières ébauches proposaient des élections présidentielles à scrutin majoritaire à deux tours (SDT). Cependant, les dépenses accrues et les enjeux de sécurité relatifs à la tenue de deux élections séparées en deux semaines sont apparues comme des failles majeures, surtout que le Sri Lanka était alors aux prises avec une violente guerre civile.
De telles considérations ont été à l'origine d'une solution innovatrice : on combinerait en une seule élection les deux tours de scrutin en exprimant des préférences. Dans ce système, que l'on utilise toujours d'ailleurs, si aucun candidat n'obtient une majorité de premiers choix, tous les candidats sauf les deux meneurs sont éliminés et les seconds choix vont à l'un ou l'autre des candidats en tête, afin d'assurer l'élection majoritaire du gagnant. Les électeurs peuvent exprimer jusqu'à trois choix qui seront par la suite répartis entre l'un ou l'autre des deux candidats en tête, si la majorité absolue n'est pas obtenue. Ce système accomplit en une seule élection ce que le scrutin majoritaire à deux tours accomplissait en deux.
En plus d'assurer l'élection du président, soit au premier tour de scrutin ou à travers les préférences exprimées, le système encourage les candidats à aller au-delà de leur propre parti ou groupe ethnique chercher l'appui d'autres groupes afin d'obtenir des «seconds choix». Le Sri Lanka a depuis lors tenu trois élections présidentielles nationales sous le système de vote supplémentaire en 1982, 1988 et 1994. Contre toute attente, à chacune de ces élections, le candidat élu a obtenu une majorité absolue au premier tour de scrutin; les préférences n'ont alors pas été prises en compte. Cependant, la possibilité que les préférences puissent un jour décider du résultat semble avoir influencé les stratégies de campagne des partis cinghalais. On prête plus d'attention aux groupes minoritaires lors des campagnes électorales présidentielles qu'on ne le faisait déjà.