Le scrutin majoritaire uninominal (SMU) classique, tenu dans des circonscriptions électorales uninominales, qui est le système électoral associé à la Grande-Bretagne n'a pas en fait été adopté avant les élections de 1884-1885 à Westminster - 50 ans après la Loi sur la première réforme de 1832, qui marquait le début de la représentation démocratique au R.-U (voir Scrutin majoritaire uninominal (SMU)). Jusqu'en 1867, la plupart des députés de la Chambre des communes britannique étaient élus dans des circonscriptions électorales à deux députés, par un scrutin majoritaire plurinominal qui avait tendance à octroyer un plus grand nombre de sièges aux plus grands partis (voir Scrutin majoritaire plurinominal). La Loi sur la deuxième réforme de 1867 a introduit le vote limité (qui donnait aux électeurs une voix de moins que le nombre total de sièges à pourvoir) pour l'élection de 43 députés des Communes, choisis dans 13 circonscriptions électorales à trois députés et une circonscription à quatre sièges (voir Scrutin limité).
La Loi sur la troisième réforme de 1884-1885 a aboli les sièges à vote limité et le SMU s'est alors établi comme le système dominant. Même aujourd'hui, et en dépit du fait que Westminster est considéré le berceau du SMU, le système n'est toujours pas utilisé universellement à travers le Royaume-Uni. Après un intervalle de 50 ans, le Vote Unique Transférable, une forme de représentation proportionnelle, a été rétablie en Irlande du Nord pour les élections des gouvernements locaux, en 1973, dans l'espoir de forger des liens entre les représentants politiques des groupes nationalistes (Nationalist) et syndicalistes (Unionist), d'avantager les représentants modérés et non sectaires du centre et d'assurer une représentation adéquate de la minorité catholique (voir Scrutin unique transférable). Au cours de la même année, le VUT a servi à élire l'infortunée assemblée de Stormont - que l'on avait créée afin de donner aux habitants de l'Ulster un certain pouvoir d'auto-administration. Presque un quart de siècle plus tard, en mai 1996, un nouvel organisme chargé de trouver des solutions aux problèmes de cette province, le Forum pour la paix en Irlande du Nord, a été élu par RP afin de former l'institution la plus représentative possible. On y comptait 90 députés élus à partir de 18 listes de partis dans des circonscriptions électorales de cinq députés, alors que les 10 partis qui avaient reçu le plus grand nombre de voix dans l'Ulster avaient droit à deux sièges additionnels à l'Assemblée. Depuis 1979, les trois représentants de l'Irlande du Nord au parlement européen sont élus par VUT, alors qu'en même temps, la Grande-Bretagne sélectionne ses 84 députés anglais, écossais et gallois au Parlement européen par SMU.
La prolifération des différents systèmes électoraux au R.-U. signifie que la réforme électorale, à tous les paliers du gouvernement britannique, est devenue une question de plus en plus débattue. En juillet 1997, le nouveau gouvernement travailliste, sous la direction du Premier ministre Tony Blair, annonçait qu'il introduirait un projet de loi visant à changer le système électoral pour les délégués britanniques au parlement européen pour une forme de RP à listes régionales en Angleterre, en Écosse et au pays de Galles, mais qu'il ne toucherait pas au système RP avec VUT en Irlande du Nord. Dans le même ordre d'idées, les Assemblées proposées en Écosse et au pays de Galles, auxquelles le Parlement de Westminster dévoluera un certain degré d'autonomie pour décider de leurs lois, seront élues par des méthodes RP si les citoyens d'Écosse et de Galles les approuvent lors des référendums de septembre 1997. Les deux Assemblées seraient élues sous un système mixte avec compensation (SMAC) qui maintiendrait les sièges SMU des circonscriptions uninominales de Westminster, mais qui comprendrait des circonscriptions électorales où la représentation proportionnelle à scrutin de liste compenserait, jusqu'à un certain point, les disproportionnalités globales (voir Système mixte avec compensation (SMAC)). L'Assemblée galloise proposée aura 40 sièges uninominaux élus par SMU et 20 sièges RP élus à partir de listes, alors que l'Assemblée écossaise comptera 73 sièges SMU et 56 sièges RP élus à partir de listes. Aucun seuil de représentation officiel n'a encore été fixé, mais l'Assemblée galloise aura un seuil de facto juste au-dessous de 5 %, pour qu'un parti remporte un siège à partir d'une liste, alors qu'en Écosse, les partis devront recueillir beaucoup moins de voix afin de mériter un siège - probablement autour de 1,5 % du suffrage exprimé total. Finalement, les Fabiens (un institut politique influent, associé au Parti travailliste) ont proposé le VUT pour l'élection des gouvernements locaux. Il est toutefois peu probable que le présent Parlement puisse sérieusement envisager la réforme du système électoral pour l'élection des gouvernements locaux au cours de son mandat - en raison du grand nombre de questions de réforme constitutionnelle qui figurent déjà à l'ordre du jour.
Cependant, pour ce qui est des réformes électorales, la préoccupation principale demeure la Chambre des communes; au moment de la rédaction du présent manuel, la Grande-Bretagne semblait plus favorable à changer son SMU qu'à tout autre moment depuis 1917. À cette époque, une proposition d'introduction du vote alternatif (VA) pour deux tiers des sièges au parlement et du vote unique transférable pour l'autre tiers des sièges avait été rejetée de justesse après une impasse entre la Chambre des lords et la Chambre des communes. En 1931, le parlement a à nouveau rejeté une tentative de faire accepter le VA et ce n'est qu'au cours des années 1970 que la réforme électorale a suscité de l'attention sur la scène politique britannique. En 1976, la Commission Hansard sur la réforme électorale, présidée par l'ancien député conservateur Lord Blake, a recommandé que le système mixte avec compensation soit utilisé pour les élections parlementaires, les trois quarts des députés étant élus par SMU et un quart à partir de listes RP régionales. Le calcul en vue de l'attribution des sièges se ferait au niveau national afin de compenser toute disproportionnalité des résultats globaux dans les circonscriptions électorales uninominales.
Après quatre défaites consécutives du Parti travailliste (1979, 1983, 1987 et 1992), l'appui antérieurement solide parmi les Travaillistes pour le SMU a commencé à se désagréger et, en 1990, la direction du parti a établi une commission, présidée par le professeur Raymond Plant, chargée d'étudier des possibilités de réforme du système électoral. Le rapport Plant (1993) a recommandé que l'on adopte un système apparenté au Vote Alternatif, appelé vote supplémentaire - le même système qu'utilise le Sri Lanka pour élire son président (voir Sri Lanka : des changements tenant compte de la diversité). Même si cette proposition n'a jamais été officiellement adoptée par le Parti travailliste alors qu'il formait l'opposition, il a tout de même adopté une politique selon laquelle, à son retour au pouvoir, il organiserait un référendum national sur le changement du système électoral. Cette politique s'est concrétisée sous la forme d'une entente commune sur la réforme constitutionnelle entre les Travaillistes et les Démocrates libéraux (qui avaient jusqu'alors toujours revendiqué un système RP), qu'ils ont annoncée à la veille des élections générales de 1997.
La première étape du processus référendaire sera la création d'une commission indépendante ayant comme mandat de recommander le système que l'on opposera au SMU sur le bulletin de vote. Le nouveau gouvernement a déjà dit que l'alternative référendaire au présent système serait un système RP, mais il reste à voir si cette affirmation exclut automatiquement les autres possibilités comme le vote alternatif et le vote supplémentaire (en dépit du consensus académique voulant qu'ils ne soient pas des systèmes RP (voir Vote préférentiel)). On envisage que le référendum aura lieu d'ici 1999, afin de permettre la mise en place d'un nouveau système électoral, s'il est choisi, avant les élections générales qui auront lieu en l'an 2001 ou 2002.
Il est probable que la discussion portant sur la revue du système qui sert à élire les députés à la Chambre des communes opposera à nouveau le Scrutin Majoritaire Uninominal à la Représentation Proportionnelle et qu'elle reprendra le débat du présent siècle en ce qui concerne la pratique constitutionnelle britannique. Les critiques du présent système électoral reviendront à la charge en faisant valoir, premièrement, que le SMU au R.-U. a donné des résultats extrêmement disproportionnels dans le cas des petits partis minoritaires qui se sont vu attribuer beaucoup moins de sièges par rapport au pourcentage des suffrages qu'ils avaient reçus et que, à l'occasion, le parti perdant du point de vue du nombre de voix, s'est même retrouvé vainqueur au chapitre des sièges attribués et qu'il a ainsi réussi à former le gouvernement.
C'est le Parti libéral, également connu sous le nom d'Alliance libérale-socio-démocrate, puis des Démocrates libéraux, qui a le plus souffert - quoiqu'aux quatre dernières élections, l'écart entre le nombre de voix accordées au troisième parti et la part de sièges obtenus semble diminuer. En 1983, l'Alliance Libéraux-SDP a remporté 25,4 % des voix mais seulement 3,5 % des sièges. En 1987, l'Alliance a remporté 22,6 % des suffrages et 3,4 % des sièges. En 1992, les tout nouveaux Démocrates libéraux ont reçu 17,8 % des voix et 3,1 % des sièges, mais en 1997, à l'aide de mesures sophistiquées de ciblage et grâce à une vague de sentiments anti-conservateurs, les Démocrates libéraux ont réussi à obtenir 6,5 % des sièges avec 16,7 % du vote national. La bataille à contre-courant à laquelle les nouveaux partis doivent se livrer sous un SMU a été clairement illustrée aux élections de 1989 en vue de la formation du Parlement européen, alors que le Parti vert du R.-U. a recueilli 15 % des suffrages sans toutefois mériter un seul siège. La deuxième anomalie, celle d'un parti qui reçoit le plus grand nombre de voix mais qui se retrouve dans l'opposition, s'est produite à deux occasions depuis la dernière guerre. En 1951, le Parti travailliste a eu plus de voix, mais ce sont les conservateurs qui ont gagné le plus de sièges et formé le gouvernement, alors qu'en février 1974, le contraire s'est produit lorsque les travaillistes ont été portés au pouvoir alors que les conservateurs avaient cumulé plus de voix.
Une deuxième critique importante que l'on adresse au SMU britannique a trait à son incapacité de représenter adéquatement la nation du point de vue des sexes et de l'ethnicité. Jusqu'en 1997, moins de 10 % des députés britanniques étaient des femmes, quoique la présence d'un grand nombre de femmes comme candidates travaillistes, et leur écrasante victoire subséquente, a presque fait doubler le nombre de femmes, celui-ci atteignant 18,1 % au Parlement de 1997. Les minorités ethniques en Grande-Bretagne sont également sous-représentées. Jusqu'en 1987, la plupart des Parlements étaient entièrement blancs et les quatre députés noirs et indiens qui ont été élus cette année-là ne représentaient même pas 0,5 % du total. Même si le nombre de noirs et d'asiatiques a augmenté au cours des trois dernières élections, leur représentation au parlement demeure très faible en proportion de leur part de la population au Royaume-Uni.
Les opposants du SMU ont également lié les politiques économiques déstabilisatrices à l'alternance des gouvernements conservateurs et travaillistes entre 1945 et 1979, quoique cet argument soit affaibli par les 18 années consécutives au pouvoir des conservateurs (1979-1997) et le retour des travaillistes à une politique fiscale modérée et centriste. Finalement, certains partisans de la RP contestent le fait que le SMU crée un lien géographique entre l'électeur et son représentant en faisant valoir qu'au R.-U., plusieurs sièges sûrs des Conservateurs et des travaillistes sont en fait des « bourgs pourris » où les députés n'ont aucune raison de se rendre accessibles et que les centres urbains du R.-U. sont maintenant sous la domination si complète des députés travaillistes que les partisans des autres partis sont à toutes fins pratiques dépouillés de leur droit de vote.
Par contre, les partisans du SMU en Grande-Bretagne invoquent tous les avantages cités au paragraphe 49 du présent manuel, mais ils font l'éloge plus particulièrement des circonscriptions uninominales et du « système bipartite dominant » qui y sont rattachés. Les partisans du statu quo considèrent que le député d'une circonscription uninominale est intouchable et ils maintiennent que la relation d'imputabilité qui se crée entre un électeur et son député est la pierre angulaire de la démocratie britannique. Ces opposants de la RP font également remarquer que, sans exception, tous les gouvernements d'après-guerre au R.-U. ont été des gouvernements à parti unique et ils prédisent que les gouvernements de coalition, qui découleront tout probablement d'un système RP, auront un effet déstabilisateur sur le pays tout entier. On rattache à ce dernier point l'argument selon lequel le SMU évite la fragmentation du régime de partis qui pourrait détruire les partis principaux (par exemple, la division du Parti conservateur en deux groupes représentant l'opinion opposée vis-à-vis la Communauté européenne). Finalement, le SMU est apprécié parce qu'il ne donne pas de plate-forme aux partis extrémistes tels que le Front national et le Parti britannique national.
La possibilité de réforme du SMU pour les élections parlementaires de la Grande-Bretagne demeure incertaine. Quoiqu'il semble maintenant davantage probable qu'un référendum ait lieu, il n'est pas du tout clair que l'électorat britannique soit prêt à appuyer un changement pour la RP. Les sondages d'opinion entre 1992 et 1997 sont inconsistants. À certains moments, ils ont témoigné d'un appui très fort pour le changement, alors qu'à d'autres moments, la majorité des électeurs s'est exprimée en faveur du maintien du SMU. Si un référendum a lieu, l'attitude du gouvernement travailliste en sera la clé. Une campagne énergique contre tout changement (avec l'appui des Conservateurs) vouera l'alternative RP à la défaite, alors qu'une campagne des travaillistes en faveur du changement (appuyée des Démocrates libéraux) pourrait résulter en une réforme électorale. Si elle change son système électoral et qu'elle va de l'avant avec la création des assemblées écossaises et galloises avant la fin du siècle, la Grande-Bretagne utilisera six systèmes électoraux différents pour élire ses représentants nationaux, locaux et au parlement européen.