Les élections de juin 1989 en Pologne ont joué un rôle central dans l'écrasement des régimes communistes dans toute l'Europe centrale et l'Europe de l'Est. Ces élections étaient le résultat de négociations entre les communistes polonais et l'opposition menée par le mouvement Solidarité, négociations qui ont abouti à l'accord de la table ronde d'avril 1989. Cet accord a créé un système électoral ad hoc de compartimentation qui accordait d'avance aux communistes et à leurs alliés 65 % des 460 sièges du Sejm (la chambre basse), les autres 35 % devant être comblés par élection libre. De plus, la chambre haute du parlement, le Sénat, était réinstituée avec 100 sièges à combler également par élection libre et équitable, la première à être tenue en Europe de l'Est en plus de 40 ans. Lors de l'élection qui eut lieu les 4 et 8 juin 1989, le parti Solidarité a gagné tous les sièges qu'il a contestés, sauf un. Les communistes se sont retrouvés avec tous les sièges qui leur étaient réservés au Sejm, mais sans aucun des sièges au Sénat. Ces résultats étaient le reflet du haut degré de polarisation politique de la Pologne durant les années 80.
Le Sejm
Le parlement élu en 1989 était déjà désuet en 1990. Encore dominé par les membres du vieux régime qui avaient peu de chances d'être réélus, c'est après beaucoup d'hésitation qu'ils déclenchèrent des élections pour le 27 octobre 1991. Après un long débat, la nouvelle loi électorale pour le Sejm fut promulguée le 28 juin 1991. Les participants à ce débat avaient des objectifs ouverts et cachés qui les ont poussés à changer souvent de position. En général, le parti majoritaire post-communiste, et certains groupes de l'ancien mouvement Solidarité favorisaient la représentation proportionnelle alors que d'autres, dont le président Walesa et la majorité des groupes issus du mouvement Solidarité, préféraient un système mixte. Plus un parti était puissant et plus son chef était populaire, moins il favorisait un système pur de représentation proportionnelle. Éventuellement, les députés, incapables de prédire les résultats de l'élection, ont adopté le système de la représentation proportionnelle pour les élections au Sejm.
En vertu du système adopté en 1991, le pays était divisé en 37 circonscriptions électorales comptant chacune entre 7 et 17 sièges, selon sa population. Pour présenter sa liste de candidats dans une circonscription, un parti devait recueillir au moins 5 000 signatures d'électeurs résidant dans cette circonscription. Les sièges étaient attribués aux partis selon la méthode Hare-Niemeyer, sans seuil. Des 460 sièges au Sejm, 69 étaient accordés à l'échelle du pays (selon une modification de la méthode Sainte-Laguë) à chaque parti :
- qui inscrirait une liste nationale de candidats dans au moins cinq circonscriptions avec le minimum requis de 5 000 signatures dans chacune; et
- qui dépasserait le seuil de 5 % à l'échelle nationale ou qui réussirait à faire élire des candidats dans au moins cinq circonscriptions.
Ces seuils ne s'appliquaient pas dans les cas des minorités ethniques. Les électeurs de chaque circonscription devaient indiquer leur choix en choisissant une liste de partis et en apposant une marque en regard du nom du candidat choisi.
La division politique de 1989 entre le camp Solidarité et celui de l'ancien régime fut remplacée par une multitude de plus de 100 partis et groupes qui se sont affrontés aux élections de 1991 pour le Sénat et pour le Sejm. Ces élections ont donné un parlement fragmenté où le plus fort des partis au Sejm ne disposait que de 13,5 % des sièges, et où aucune coalition majoritaire de moins de cinq partis n'était possible. Parmi ces partis et groupes politiques, 18 ont obtenu au moins deux sièges, alors que 11 autres en ont obtenu un chacun. Le vrai nombre d'intervenants au Sejm était effectivement réduit à cause des nombreuses coalitions. En deux ans, le parlement a connu trois premiers ministres, deux gouvernements et sa propre dissolution à la suite d'un vote de retrait de confiance en mai 1993. Le président Walesa, ayant à choisir entre remplacer le gouvernement et dissoudre le parlement, a opté pour la dissolution. Avant sa dissolution, le parlement avait promulgué des modifications à la loi électorale qui visaient à limiter la fragmentation en excluant du Sejm les partis les plus faibles.
- Au niveau national, des seuils de 5 % pour les partis et de 8 % pour les coalitions furent imposés et le seuil pour la liste nationale de partis passa également de 5 à 7 %.
- Le nombre de circonscriptions fut augmenté de 37 à 52 et le nombre de sièges par circonscription était fixé entre 3 et 17.
- On adopta la formule d'Hondt, avantageuse pour les principaux partis, pour l'attribution de tous les sièges.
L'appui pour ces modifications à la loi électorale, parmi les partis siégant, fut en fonction de leur nombre de sièges à la législature à ce moment-là. Pour certains d'entre eux, leur appui contribua à leur défaite, car une seule des coalitions et seulement cinq des partis ont réussi à dépasser les seuils lors de l'élection subséquente.
La réforme électorale a donc donné les résultats espérés. Les partis les plus forts ont obtenu des sièges additionnels et les plus faibles furent complètement éliminés du Sejm. On a réglé le problème de fragmentation, mais il en est résulté une distorsion sévère de la proportionnalité. La coalition de gauche, qui a gagné les élections, a obtenu 66 % des sièges avec seulement 36 % des votes. Avec 34 % des votes ayant été accordés aux partis éliminés, (surtout les partis de la droite politique), le parlement élu en 1993 fut perçu comme n'étant pas tout à fait légitime. Avec une participation de seulement 52,1 % des électeurs, le parlement ne représentait que 34 % de l'électorat. Donc, une forme de déséquilibre politique, soit l'instabilité du gouvernement due à la fragmentation du parlement, fut remplacée par une autre, à savoir, un gouvernement stable mais pas suffisamment légitime.
Cette déficience a toutefois disparu avec les élections du 21 septembre 1997, tenues selon les mêmes règles qu'en 1993. Bien que seulement cinq partis et coalitions aient réussi à franchir les seuils, ils ont obtenu 87,8 % de tous les votes valides, avec une participation de 47,93 % des électeurs. De plus grande importance, l'équilibre politique au Sejm a été rétabli car, lors de l'élection, plusieurs partis de la droite auparavant fragmentée se sont unis sous la bannière de Electoral Action Solidarity (AWS) pour obtenir une pluralité des votes et ont formé un gouvernement à la droite du centre avec les libéraux-démocrates du Freedom Union. Cependant, la concurrence entre les deux principales coalitions, la SLD post-communiste de la gauche, et l'AWS de la droite, a affaibli l'appui des partis centristes, et réinstauré la polarisation de la politique et des courants idéologiques.
Le Sénat
Depuis 1989, les 49 provinces servent de circonscriptions pour l'élection du Sénat, 47 d'entre elles ayant chacune deux sénateurs et les deux provinces les plus populeuses, une additionnelle. Les sénateurs sont élus par la méthode de listes bloquées de candidats (voir Scrutin majoritaire plurinominal). En 1989, une majorité absolue était requise pour obtenir un siège avec, si nécessaire, un second tour de scrutin deux semaines plus tard. Pour les élections de 1991, 1993 et 1997, on eut recours à la majorité simple sans deuxième tour. Il est intéressant de noter que depuis 1991, le niveau de fragmentation et, sauf quelques déviations, la composition politique du Sénat ont été parallèles à la composition du Sejm.
Élections présidentielles et locales
Depuis 1990, le président est élu au vote populaire. Si personne n'obtient une majorité absolue au premier tour de scrutin, un second tour a lieu entre les deux premiers candidats deux semaines plus tard. L'élection présidentielle de 1995 a été une course serrée entre le président sortant Lech Walesa et le nouveau président élu Aleksander Kwaniewski, et a contribué au retour de la polarisation politique.
Pour les élections locales, deux systèmes sont utilisés en parallèle. Le système majoritaire est utilisé dans les communautés rurales et dans les villes de moins de 40 000 habitants, alors que la représentation proportionnelle avec listes de partis est utilisée dans les autres villes.
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