Une réforme électorale peut être évaluée selon les trois critères fondamentaux suivants :
- Premièrement, un système électoral réformé doit avoir des mérites techniques, c.-à-d. que la loi doit définir les moyens pratiques et cohérents pour atteindre les objectifs que la réforme tente d'atteindre. Ces objectifs peuvent viser à améliorer l'égalité de représentativité ou rendre le système de partis plus facile à gérer, mais les résultats de l'élection doivent être objectifs, efficaces et connus rapidement peu importe les circonstances. Le manque de précision, les inconsistances et le manque d'esprit pratique sapent les mérites techniques d'une réforme électorale, souvent de façon surprenante.
- Deuxièmement, une réforme électorale doit avoir comme objectif de rompre une fois pour toute avec le passé, si c'est là le désir du peuple. La plupart du temps, surtout dans les démocraties établies, le peuple ne demande pas une telle rupture; de fait, la légitimité d'un système électoral dépend souvent des traditions institutionalisées par les pratiques du passé. Toutefois, dans des circonstances inhabituelles où le peuple demande une réforme, le processus doit réussir à rompre avec le passé.
- Finalement, la légitimité des résultats globaux d'un processus de réforme doit être apparente au plus grand nombre de citoyens possible. La résolution du débat sur le droit de gouverner et la durée du système électoral sont en rapport avec le degré de légitimité de la réforme. Un système électoral légitime est nécessaire dans un régime démocratique institutionalisé.
Le processus qui produit la réforme électorale dépend en grande partie de la façon dont la réforme électorale respecte ces trois critères. Il existe quatre types fondamentaux de processus de réforme électorale :
- la réforme au sein d'un régime de représentativité démocratique;
- la réforme au sein d'un régime démocratique sans représentativité;
- la réforme au sein d'un régime autoritaire stable;
- la réforme au cours d'une transition d'un régime autoritaire à une démocratie.
Si la réforme s'effectue dans un régime démocratique où les institutions représentent bien la société, on peut alors s'attendre à ce que les institutions démocratiques produisent des résultats légitimes avec peu d'erreurs de calcul. Certaines démocraties, par contre, ont instauré des institutions qui ne représentent pas comme il se doit certains des intérêts de la société ou certaines identités. Certaines règles électorales, des partis, des législatures ou certaines branches exécutives excluent ou sous-représentent certains groupes ethniques, régions, intérêts économiques, religions, convictions idéologiques ou les femmes. Les réformes électorales qui se font sous l'égide de tels régimes sont moins aptes à produire une réforme légitime, soit parce que les intérêts qui sont surreprésentés peuvent perpétuer leur pouvoir ou parce que les réformistes bien intentionnés ne possèdent pas assez d'information pour anticiper correctement les besoins, les forces ou les préférences des groupes exclus. Dans bien des cas, les réformes électorales ont été imposées pendant des périodes de régime autoritaire, et les partis et la société civile y ont peu participé. De telles réformes visent généralement à éviter les conséquences électorales des périodes démocratiques antérieures. Elles peuvent également viser à protéger les idées et les intérêts associés au régime autoritaire; il s'agit alors du plus grand processus d'exclusion. Les réformes qui se font sous un régime de transition débutent dans des conditions autoritaires, mais vont vers des conditions démocratiques au fur et à mesure que la transition progresse. Toutefois, les intérêts des partis qui négocient changent tout au long du processus et, parce que leurs forces ne sont pas mises à l'épreuve par l'entremise d'une élection avant que la transition se fasse, ce type de processus est marqué par l'incertitude.
Mérite technique
Certains mérites techniques peuvent être menacés peu importe le type de processus de réforme. Les conséquences des dispositions de plusieurs lois électorales sont bien comprises; les réformistes peuvent alors éviter certains problèmes en se familiarisant avec ces dispositions ou en s'adjoignant des conseillers pour appliquer les connaissances générales à un pays donné. Toutefois, les conséquences des dispositions de certaines lois électorales sont toujours chaudement débattues par les experts et probablement mal comprises; les risques d'obtenir de mauvais conseils sont donc présents, peu importe le type de processus en marche. De plus, les politiciens et les partis partout au monde ont démontré une habilité remarquable pour s'adapter aux réformes de façon non anticipée par les réformistes. Ces adaptations peuvent contribuer à conserver le statu quo ou à transformer le système de façon surprenante. Il faut donc que ceux qui entreprennent une réforme aient les compétences nécessaires, planifient de manière créative pour être prêts à toute éventualité, et soient prêts en tout temps à faire face à des imprévus.
Moins d'erreurs techniques sont commises si la réforme électorale est faite par un groupe d'experts sans les pressions conflictuelles imposées par un régime autoritaire et qui n'ont pas à faire des compromis irrationnels ni à prendre des décisions à la pièce. Ça ne se passe cependant pas de cette façon : certains dirigeants autoritaires tentent d'obtenir le meilleur avis technique, alors que d'autres délèguent cette tâche à un comité d'amateurs. Toutefois, dans un cas comme dans l'autre, les réformistes autoritaires n'ont pas les renseignements fiables au sujet des nombreuses préférences des citoyens dans les régimes démocratiques et, par conséquent, produiront une réforme qui aura des conséquences imprévues. Les réformes adoptées dans des démocraties de représentativité établies éviteront probablement de telles surprises. De plus, si les dirigeants du régime autoritaire attendent le début du régime de transition avant de tenter de concevoir une nouvelle loi électorale, la dynamique de transition va bientôt prendre le dessus. Plus la transition se fait rapidement, plus l'incertitude s'infiltre et plus il y a de chances de faire des erreurs de toute sorte.
Les chances de rupture avec le passé
Une réforme radicale du système électoral n'est pas toujours souhaitable ni voulue, surtout lorsque le système est perçu comme fonctionnant bien (les régimes démocratiques avec représentation), comme ayant bien fonctionné antérieurement (sous un régime autoritaire ou pendant la transition). Toutefois, dans les démocraties qui n'ont pas de représentation, la réforme du système est presque toujours voulue, soit parce que les lois électorales sont blâmées pour les inéquités au sein de la représentation ou parce que l'on croit que la réforme électorale apportera les correctifs appropriés aux problèmes causés par d'autres facteurs. Dans certains pays, le système électoral a porté le blâme pour les problèmes qui contribuent à la rupture du régime démocratique. Dans de tels cas, la réforme électorale se retrouve au haut de la liste de l'ordre du jour des dirigeants autoritaires subséquents et peut devenir une préoccupation au cours du retour à la démocratie. Il faut d'abord que les gens sentent que cette réforme est nécessaire pour rompre avec le passé. Quelles sont donc les autres conditions qui peuvent avoir une incidence sur l'adoption d'une réforme qui répond aux attentes?
Les résultats globaux dépendent du pouvoir relatif que détiennent les adeptes et les adversaires de la réforme. Sous un régime autoritaire stable, les dirigeants sont nécessairement beaucoup plus puissants que tout autre acteur politique; ils sont ainsi en position de dicter toutes les modifications à la loi électorale, selon leur bon désir. Le régime Pinochet de 1973 à 1990, au Chili, est un exemple classique. En 1973, le général Pinochet a nommé une commission pour étudier la nouvelle constitution politique, a émis des lignes directrices détaillées en 1977, a soumis l'ébauche préparée par la commission au Council of State, nommé par le régime en 1978, accepté certaines des révisions suggérées par ce conseil et finalement obtenu la ratification de la constitution révisée lors d'un référendum truqué en 1980. Cette nouvelle constitution apportait plusieurs changements radicaux au système électoral, y compris l'adoption de circonscriptions plurinominales (deux représentants). En 1988, Pinochet demanda au peuple, par voie de référendum, s'il devait demeurer président, et perdit; la transition vers la démocratie débuta. Les chefs des partis en faveur de la démocratie ont jugé bon de respecter les règles de la loi électorale plutôt que de compromettre tout le processus de transition. Un autre exemple est celui de la révision radicale de la loi électorale par Alberto Fujimori à la suite du coup d'État présidentiel en 1992. Il a créé des règles pour élire une assemblée constituante (Democratic Constituent Congress), aboli la chambre haute, le vote préférentiel et même l'attribution de sièges par département. Il a alors décrété l'établissement d'une seule chambre et d'une seule circonscription nationale et que 80 représentants seraient élus pour représenter une seule chambre à partir de listes bloquées.
Un régime démocratique à haute représentativité est moins sujet à une rupture radicale parce que la haute qualité de sa représentation indique généralement que la réforme n'est pas une priorité pour la plupart des citoyens, et en partie parce que la réforme électorale protège les intérêts des représentants qui ont été élus sous les règles existantes et qui sont bien placés pour gêner les efforts en vue de la réforme. Ces conditions sont responsables dans le manque de réforme électorale fondamentale aux États-Unis, mis à part les droits associés au vote et au découpage électoral. Il existe cependant une situation dans laquelle les représentants peuvent conclure qu'une réforme pourrait mieux servir leurs intérêts personnels si la tendance change au détriment des partis traditionnels. Dans de tels cas, les représentants des partis traditionnels peuvent être motivés à changer le système électoral pour tenter d'empêcher ou de ralentir leur déclin : une réforme pour éviter une réforme. C'est la raison qui a d'ailleurs incité l'adoption de la représentation proportionnelle dans presque toute l'Europe de l'Ouest à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Cette réforme n'a pas été faite dans le but d'être équitable envers les partis émergeant de la classe ouvrière, mais pour permettre au parti libéral et aux autres partis au pouvoir en voie de déclin de conserver certains de leurs pouvoirs antérieurs.
Il est plus difficile de prédire les chances d'une réforme en profondeur dans les cas où les démocraties n'ont pas de représentation parce que les promoteurs de la réforme rencontrent une forte résistance. Les pressions sont engendrées par le fait que les groupes qui sont sous-représentés, tôt ou tard, demandent un système électoral plus équitable et qu'ils tendent à demander des changements radicaux. Ces groupes ont également l'avantage de pouvoir invoquer les libertés civiles fondamentales et les droits politiques, ce qui leur permet d'organiser un puissant mouvement de réforme. Toutefois, ils doivent tenir compte des politiciens et des partis bénéficiant du système électoral en place et qui se sentent menacés par les changements proposés. Ceux-ci occupent des postes qui leur donnent le pouvoir de faire échouer toute tentative de réforme législative. Les résultats de la réforme, qu'il s'agisse d'une rupture radicale avec le passé, ou du maintien du statu quo, varient selon la puissance relative des forces pour et contre le changement à tout moment donné. En de telles circonstances, la réforme est souvent bloquée ou retardée pendant des années. Si la réforme est adoptée, il y a de fortes chances qu'elle soit tellement diluée que les mouvements de réforme ne soient pas satisfaits. À l'occasion, les mouvements de réforme gagnent assez d'influence pour écraser les adversaires aux intérêts bien établis.
La Colombie nous sert le meilleur exemple d'un processus de réforme dans une démocratie sans représentativité. La dictature a cédé la place aux gouvernements élus en 1958. Cependant, les gouvernements qui ont dirigé le pays au cours des 16 années suivantes ont été élus selon les conditions du pacte du National Front ce qui a rendu la concurrence des partis à peu près nulle de plus d'une façon. Premièrement, seul les libéraux et conservateurs traditionnels pouvaient se porter candidats. Deuxièmement, ces deux partis ont soutenu à tour de rôle les candidats de chacun à la présidence, assurant ainsi une alternance de pouvoir sans donner le choix aux électeurs. Troisièmement, la loi électorale attribuait 50 % des sièges à l'assemblée législative à chaque parti sans égard à la proportion des votes obtenus par chaque parti; les électeurs pouvaient donc avoir une influence sur le choix des candidats ou factions, mais non sur les partis. On a permis un certain degré de représentativité du fait que la direction nationale des partis a perdu le contrôle sur l'étiquette des partis, ce qui a permis à divers groupes de présenter des candidats sous la bannière libérale ou conservatrice; ces candidatures devaient pouvoir compter sur les appuis provenant de groupes qui leur étaient hautement favorables, et certains groupes, surtout ceux de la gauche, ont préféré ne pas adopter l'étiquette d'un parti traditionnel. La participation a été étonnamment élevée et a continué à augmenter au cours de la période du National Front. Les groupes gauchistes ont abandonné la concurrence électorale en faveur des rebelles armés même après l'expiration de leur pacte en 1974, en partie parce que des centaines d'anciens guérillos ou gauchistes qui avaient osé participer aux élections ont été assassinés par des escadrons de la mort.
Bien que la réforme institutionnelle n'a pas réussi à elle seule à amener une démocratie participative paisible en Colombie, plusieurs étudiants universitaires et les membres des ONG ont décidé qu'une réforme constitutionnelle, y compris une réforme électorale, pourrait en partie résoudre les problèmes. Le congrès, cependant, refusait de réformer la constitution; aucune des réformes souhaitables n'a par conséquent été adoptée pour des décennies. En 1990, les étudiants et les membres des ONG ont distribué aux électeurs un bulletin de vote officieux sur lequel ils pouvaient exprimer leur choix sur l'établissement d'une assemblée constituante. Les électeurs pouvaient déposer ce bulletin en même temps que leur bulletin officiel à l'élection présidentielle de mai 1990. Les résultats de ce référendum, amené par un mouvement populaire, ont été extraordinairement positifs; le nouveau président César Gaviria a déclenché un référendum en décembre 1990 et une élection des délégués à l'assemblée nationale constituante, bien que la constitution prévoyait que seul le congrès pouvait modifier la constitution. Dans l'année qui a suivi, l'assemblée a changé les fondations de l'élection au Sénat et adopté une circonscription nationale unique, introduit, pour la première fois, un bulletin qui permettait le vote divisé pour les sièges législatifs, temporairement éliminé l'élection des suplentes (remplaçants) qui avait été jusque-là une source principale de patronage, et séparé l'élection des représentants locaux et nationaux. L'assemblée a également été responsable de l'élection directe des gouverneurs et des maires et de l'augmentation des opportunités pour tenir des référendums populaires (Taylor 1996). De cette façon, un congrès sans représentativité pouvait retarder la réforme pour très longtemps; le prix politique a été très élevé. Avec le temps, les sociétés civiles ont trouvé une solution efficace bien qu'inconstitutionnelle.
La transition d'un régime à un autre ne requiert pas nécessairement une réforme de la loi électorale. Les lois électorales ne sont pas toujours responsables des faiblesses d'un régime démocratique antérieur. Mais lorsque les lois électorales actuelles ou antérieures sont perçues comme la source des problèmes, un régime de transition fournit un environnement favorable pour une rupture avec le passé. La direction que prend cette rupture dépend fondamentalement du moment où elle se fait parce que la caractéristique qui définit une transition est la passation des pouvoirs des dirigeants autoritaires aux forces démocratiques (O'Donnell et Schmiter 1986). Au début d'une transition, les dirigeants autoritaires ont beau jeu pour initier et définir le contenu de la réforme électorale, alors que dans les derniers stages, les politiciens et les partis ont une plus grande influence. Une réforme rapide a plus de chance de rompre avec tout passé démocratique et une réforme qui prend du temps a plus de chance de rompre avec un régime autoritaire.
On peut citer le Mexique comme ayant connu un régime de transition lent et contrôlé depuis la fin des années 1970. Depuis 1977, le Mexique a adopté des réformes à environ tous les trois ans; pour des décennies, l'objectif de ces réformes a été de préserver la dominance du parti au pouvoir (Institutional Revolutionary Party(PRI). Au début, la réforme a libéralisé les opportunités pour les partis de l'opposition, mais les a divisés; ensuite elle a accordé ses faveurs aux plus petits adversaires tout en discriminant contre les plus grands; puis, elle a augmenté les opportunités pour les concurrents tout en ajoutant des garanties pour la majorité du PRI. Depuis 1994 seulement, la loi électorale a été réformée suffisamment pour assurer une prise du vote et un dépouillement justes. Dans ce cas, plusieurs réformes ont eu lieu au début de la transition, mais les dirigeants ont réussi à empêcher une rupture importante avec le régime autoritaire.
Une réforme qui arrive à une étape tardive dans le processus de transition reflétera mieux les intérêts des politiciens démocratiques. On retrouve un bon exemple de ce processus au Brésil, où la transition a été presque complétée par l'accession à la présidence, en mars 1985, d'un candidat qui avait l'appui de l'opposition. À ce moment-là, la plupart des partis brésiliens étaient déjà établis en groupes nationaux et régionaux, centrés autour des candidats, et qui prenaient la forme d'une machine électorale imprécise. Deux mois plus tard, le congrès approuvait une modification constitutionnelle, le Constitutional Amendment no. 25, dont les résultats ont été les suivants :
- la diminution des seuils nationaux et de l'État pour remporter un siège au congrès;
- l'interdiction de changer de parti établi sous le régime militaire a été abolie;
- les peines contre les législateurs qui ne se conformaient pas aux lignes de partis au congrès ont été abolies.
En décembre de cette même année, le Brésil adoptait des lois qui permettaient la coalition aux élections législatives et permettaient aux électeurs de diviser leur vote aux élections exécutives et législatives. Les trois réformes ont permis aux plus petits partis et aux partis régionaux de remporter plus facilement des sièges et de renforcer la position des candidats par rapport aux partis (Mainwaring 1991 et 1997). La loi électorale antérieure contenait déjà des mesures incitatives qui favorisaient ces résultats en ce que la loi prévoyait la représentation proportionnelle dans les vastes circonscriptions où la liste était ouverte, ce qui signifiait que le vote préférentiel pour les candidats déterminait entièrement l'allocation des sièges au sein des partis. Les nouvelles lois intensifiaient l'indépendance des candidats en permettant aux candidats élus de conserver leur siège même si leur parti ou alliance n'atteignait pas le seuil, pourvu qu'ils changent de parti dans un délai de 60 jours. L'assemblée constituante de 1987-1988 maintenait toutes ces dispositions.
Légitimité et survie d'une réforme
À court terme, la légitimité d'une loi électorale est le résultat direct de la qualité de représentation des réformistes auprès des citoyens qui doivent vivre avec cette loi. Une réforme a plus de chance d'être légitime lorsqu'elle est adoptée dans une démocratie avec représentativité; inversement, elle risque d'être moins légitime si elle est adoptée sous un régime autoritaire. Les démocraties sans représentativité devraient connaître des résultats immédiats. La légitimité d'une réforme pendant le processus de transition dépend en partie du moment où elle se fait, ce qui détermine si la réforme est plus démocratique qu'autoritaire. Elle dépend également du degré d'incertitude par rapport à la force relative des partis lors des négociations : plus il y a d'incertitude, plus le processus est voilé d'incertitude, le processus de réforme met en doute la condition avancée par John Rawls qu'« un voile d'ignorance » peut contribuer à l'adoption d'un système de représentation porportionnelle (Schiermann et Benoit 1997).
Les sociétés changent; certaines plus vite que d'autres. Les citoyens changent aussi leur attentes par rapport à leur loi électorale. À long terme, la légitimité d'une réforme électorale peut diminuer au fur et à mesure que les intérêts, les partis, les préoccupations et les priorités se présentent, même dans les démocraties qui ont le plus de représentativité. L'Uruguay est un bon exemple. Ce pays a longtemps utilisé le vote double simultané pour ses élections présidentielles; le candidat qui remporte la victoire est celui qui obtient le plus de votes comme candidat pour le parti qui obtient le plus de votes. Les factions (sublemas) du même parti (lema) présentaient des candidats différents à la présidence; la loi électorale en vigueur prévoyait la tenue d'une élection directe primaire en même temps que l'élection générale. Ce système garantissait une représentation proportionnelle du lemas et sublemas au congrès. Pour des décennies, cette loi électorale renforçait un équilibre intéressant entre la capacité de gouverner par un système bipartite et la flexibilité permise par des tailles variées des factions au sein des partis et le mouvement entre eux. À la fin des années 1960, l'hégémonie du système bipartite a commencé à s'éroder alors qu'un troisième lema, le Broad Front, a réussi à remporter un pourcentage grandissant du vote, une tendance qui a continué après le retour de la démocratie en 1984. Le changement du système de parti a connu deux effets négatifs secondaires : à deux reprises, le candidat à la présidence qui a reçu le plus de votes n'a pas gagné l'élection parce qu'il n'était pas le candidat du parti qui a obtenu le plus grand nombre de votes. En réponse aux questions sur la légitimité des résultats globaux de l'élection, le congrès a réformé le système électoral en 1996 pour défendre aux partis de présenter plus d'un candidat à la présidence et instituer une élection populaire directe pour élire le président; il a également prévu un deuxième tour majoritaire si nécessaire.
À la longue, la légitimité et la survie d'une réforme électorale dépendent des mérites techniques et de son degré d'efficacité à solutionner les problèmes survenus dans le passé. Chaque processus de réforme doit trouver un équilibre entre ses forces et ses faiblesses. Une réforme préventive sous un régime autoritaire est favorable à une rupture réelle avec les lois électorales du passé démocratique; les nouvelles lois devraient jouir d'une légitimité populaire, et les mérites techniques ne sont pas garantis. La réforme dans une démocratie sans représentativité a plus de chance d'assurer le mérite technique, mais a moins de chance de rompre avec le passé et ne jouira probablement pas de l'appui populaire. La réforme qui se produit tôt dans une transition vers la démocratie est semblable à celle qui se produit sous un régime autoritaire; les possibilités d'erreurs techniques sont cependant plus grandes à cause de l'incertitude et de la pression qui existent pour faire adopter la réforme rapidement. Une réforme qui prend plus de temps a plus de chance d'être légitime, surtout si le niveau d'incertitude est élevé quant elle rompt avec l'héritage autoritaire, elle est sujette à rencontrer les mêmes types de problèmes techniques. Il se peut que la réforme dans une démocratie avec représentativité soit optimale; elle a plus de difficulté à rompre avec le passé, mais elle nécessite moins de changements. La réforme minimise les chances que les nouvelles lois aient trop d'imperfections techniques et maximise les chances de légitimité auprès du peuple.
Un exemple chilien d'une adaptation à la réforme
Avant de rétablir la démocratie au Chili, le général Pinochet a procédé à une réforme de la loi électorale pour créer des circonscriptions plurinominales de deux représentants partout au pays. Il croyait que ce système favoriserait les deux plus grands partis - le parti Conservateur qui lui accordait sa sympathie et le parti Christian Democratic- et éliminerait tous les partis de la gauche. Par contre, lors des trois premières élections du nouveau régime démocratique (1989, 1993 et 1997), le parti Christian Democrats et les partis de la gauche, se sont alliés contre les partis conservateurs, se sont entendus pour qu'un seul de leur parti présente des candidats dans chaque circonscription. Cette stratégie protégeait les petits partis et permettait à la gauche de survivre.
Un exemple vénézuélien d'une adaptation à la réforme
En 1989, le Venezuela à changé son système de représentation proportionnelle avec scrutin de listes bloquées pour un système de représentation proportionnelle sans compensation; la moitié des sièges ont été comblés dans des circonscriptions uninominales. Cette réforme devait rendre les représentants nationaux plus redevables à leur commettants locaux et moins redevables aux dirigeants des partis nationaux qui avaient établi l'ordre des candidats sur les listes de parti. Mais en 1993, les dirigeants des partis nationaux ont fait échouer la réforme en conservant le contrôle des mises en candidature pour les circonscriptions uninominales et en expulsant les représentants qui ne se conformaient pas à la discipline du parti.