Quelle devrait-être la taille de l'assemblée représentative d'un pays? Cette question est très significative. La taille de l'assemblée a des répercussions mesurables sur la représentation des partis politiques. Dans les pays qui ont de plus petits systèmes (comme les circonscriptions uninominales mais aussi les petites circonscriptions multinominales), un nombre de sièges élevé signifie un plus grand nombre de circonscriptions et les petits partis qui jouissent d'un appui local ont plus de chance d'être représentés. Une assemblée trop petite pour répondre aux besoins du pays ferme la porte à d'importants intérêts. Sans égard à la taille de la circonscription, une petite assemblée peut créer des sentiments d'« éloignement » entre les représentants et les électeurs, même avec les électeurs qui favorisent les grands partis. Inversement, une assemblée trop grande peut créer un processus législatif compliqué et engendrer la nécessité de former des comités internes complexes ou encourager le pouvoir législatif à déléguer plus de pouvoirs à la branche exécutive. Il faut donc se questionner sur la taille idéale d'une assemblée pour un pays donné qui comprend une population donnée.
Parmi les activités les plus importantes d'un législateur se trouve la communication. Il doit communiquer avec ses commettants et les autres législateurs. Évidemment, il doit également communiquer avec d'autres personnes et ses fonctions vont au-delà de la communication. Néanmoins, une caractéristique cruciale du travail d'un législateur est de représenter ses commettants (communiquer avec eux) et de légiférer; les travaux associés à la légifération exigent que le législateur communique avec d'autres législateurs. Les communications entre les législateurs sont moins compliquées lorsque la taille de l'assemblée est petite. Les fonctions du législateur sont ainsi plus rationnelles mais les communications avec les commettants sont multipliées. Inversement, lorsque la taille de l'assemblée est grande les réseaux de communication avec les commettants sont diminués; à toute chose égale la représentation en est améliorée. Le processus de légifération est cependant moins efficace à cause de la multiplication des communications avec d'autres législateurs. Il faut donc viser à atteindre un juste milieu.
Tailles des assemblées actuelles et les populations des pays
Le raisonnement ci-haut suggère qu'il existe un rapport systématique entre la taille de l'assemblée et la population. Une étude de la taille des assemblées actuelles dans les démocraties existantes dans les pays industrialisés révèle le rapport de la racine cubique entre la population et la taille de l'assemblée :
S représentant le nombre de sièges à la chambre basse ou à la chambre unique de l'assemblée, et P représentant le total de la population du pays.
Toutefois, dans les pays en voie de développement, cette formule simple et invitante a résulté en une surprojection de la taille des assemblées. Il semble que la pertinence ne soit pas la population totale mais la population « active » (Pa). On peut calculer la population active, celle que l'on peut supposer être sur le marché du travail et, par conséquent, désirer une représentation politique de la façon suivante :
L représentant le niveau d'alphabétisation et W représentant la moyenne de la population qui travaille. Par conséquent, si la population d'un pays est de 10 millions, que son taux d'alphabétisation est de 90 % et que 55 % de sa population est en âge de travailler, sa population active se calculerait comme suit : Pa = 10 000 000 x .90 x .55 = 4 950 000. Si la population d'un pays est de 10 millions, 55 % sont en âge de travailler, mais que son taux d'alphabétisation n'est que de 75 %, la population active se calculerait donc comme suit : Pa = 10 000,000 x .75 x .55 = 4 125 000. Dans les pays industrialisés, il y a peu de différence entre la population active et la population totale. L'examen de tous les pays qui ont des assemblées a démontré le rapport suivant entre la population active et le nombre de sièges
Selon les deux exemples cités ci-dessus, le pays dont la population active est de 4 950 000 serait sensé avoir 215 représentants, alors que le pays dont la population active est de 4 125 000 serait sensé en avoir 202.
La taille des assemblées de bien peu de pays est plus grande que deux fois la taille projetée par cette équation et la taille des assemblées de quelques pays seulement est plus petite que la moitié de la valeur projetée. On peut donc considérer l'équation comme un indice pratique pour calculer la taille appropriée de l'assemblée d'un pays, lorsque la population active du pays peut être établie.
Un modèle théorique
Il reste à établir si ce rapport est purement empirique ou s'il est fondé sur une base. L'équation est évidemment basée sur une théorie : le modèle de « réseau de communication » mentionné plus haut nous permet d'établir un rapport.
Si S représente le nombre de sièges à l'assemblée et Pa la population active totale : l'assemblée moyenne devrait être constituée de Pa/S citoyens actifs. Le représentant à l'assemblée reçoit et transmet des informations, la circonscription moyenne pour un représentant devrait comprendre le nombre total de réseaux de communication obtenu par l'équation suivante : cc, est 2Pa/S.
Au sein de l'assemblée, chaque représentant communique avec S-1 représentants, encore une fois dans sa capacité de recevoir et de transmettre de l'information. Il surveille également les réseaux entre les autres représentants S-1. Le nombre total de réseaux au sein de l'assemblée, cs, devrait être :
- cs = 2(S-1) + (S-1)(S-2)/2 = S2/2 + S/2 - 1
Cette équation peut être simplifiée en accordant S2/2 à toute valeur de S assez grande pour être une assemblée nationale d'une taille raisonnable. Le nombre total de réseaux qui imposent des demandes sur l'assemblée est :
- c = cs + cc = S2/2 + 2Pa/S
La taille idéale d'une assemblée est celle qui minimise le nombre total de réseaux de communication pour une population active donnée. On peut déterminer ce nombre en calculant le dérivatif dc/dS pour en arriver à 0 :
Le résultat est 2Pa = S3, qui nous donne le modèle :
Évidemment, comme c'est le cas avec tout modèle théorique, les détails ont été laissés de côté. Pourtant le rapport empirique est assez bon, et le modèle démontre que l'on peut s'attendre à subir des pressions pour faire changer la taille de l'assemblée dans un pays donné ou elle est beaucoup moins grande que projetée. Le pays, qui déterminerait la taille de son assemblée d'après ce modèle et qui ajusterait la taille de l'assemblée périodiquement au fur et à mesure que la population augmente, subira moins de pression pour changer la taille de son assemblée que si d'autres méthodes sont utilisées, ou si aucun ajustement périodique n'est permis.