Primes électorales pour inciter les compromis inter-ethniques
La Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG), pays du Pacifique Sud, a utilisé deux différents systèmes électoraux : le vote alternatif (VA) ou préférentiel de 1964 à 1975 (voir Vote préférentiel), alors qu'elle était un territoire australien, et le scrutin majoritaire uninominal (SMU) (voir Scrutin majoritaire uninominal (SMU)) depuis qu'elle a obtenu son indépendance en 1975. Son expérience est intéressante pour un certain nombre de raisons : Premièrement, la Papouasie-Nouvelle-Guinée est un des rares pays en voie de développement qui affiche une succession ininterrompue d'élections concurrentielles et de nombreux changements de gouvernement sans violence. Deuxièmement, le changement de système électoral a occasionné une série d'événements imprévus qui illustrent les différentes conséquences que peuvent engendrer des systèmes électoraux apparemment semblables.
La Papouasie-Nouvelle-Guinée a hérité du système VA de l'Australie; elle l'a utilisé à trois reprises, soit aux élections de 1964, 1968 et 1972. Cependant, contrairement à l'Australie, la PNG est un État très fragmenté du point de vue ethnique, mais l'expérience accumulée au cours de trois élections sous les règles du VA atteste que ce système favorise les compromis inter-ethniques et la modération dans les sociétés fortement divisées. Ce phénomène s'explique par la nature préférentielle du système, qui permet aux électeurs d'exprimer non seulement leur premier choix de candidat, mais également leur deuxième et tous leurs choix subséquents. Parce que la société de la PNG est structurée autour de clans, sous le système VA, la plupart des électeurs ont accordé invariablement leur premier choix au candidat de leur propre clan ou de leur village. Cependant, dans plusieurs circonscriptions, cet appui n'a pas donné la majorité des voix à un seul candidat; les candidats ont donc dû compter sur les deuxièmes choix des autres groupes également. Afin d'attirer cet appui, les candidats devaient se faire valoir comme un deuxième choix acceptable auprès des autres clans - ce qui signifiait, en général, quelqu'un qui serait attentif aux intérêts de tous les groupes, pas seulement du sien. Cela signifiait également que les candidats qui formaient des alliances et qui collaboraient entre eux auraient plus de succès que les candidats qui essayaient de se faire élire uniquement par les électeurs de leur propre base électorale. Cette tendance a amené plusieurs candidats à agir de façon plus diplomatique envers les autres clans. Parce que ce système vise également à obtenir un vainqueur jouissant d'une majorité absolue, dans un grand nombre de cas, le candidat gagnant n'était pas celui qui avait le plus gros « bloc » de partisans, mais plutôt celui qui avait mérité l'appui de plusieurs groupes.
Au moment de son indépendance en 1975, croyant que le scrutin majoritaire uninominal serait un système plus simple et qu'il donnerait essentiellement les mêmes résultats que le VA, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a changé son système électoral pour le SMU. Cependant, les différentes caractéristiques du SMU ont engendré des résultats très différents de ce que l'on avait prévu. Parce que les candidats n'avaient plus besoin d'une majorité absolue des suffrages exprimés pour être élus, une voix de plus que le rival le plus rapproché étant suffisante, le candidat du plus gros clan a souvent remporté la victoire. Il n'y a avait pas de prime rattachée à la collaboration. La violence électorale a augmenté, parce que certains candidats avaient intérêt à empêcher les partisans de leurs rivaux de voter, plutôt que de se faire valoir comme deuxième choix, comme c'était le cas sous le VA. En outre, parce que plusieurs clans se disputaient le même siège, les candidats ont appris qu'ils pouvaient connaître le succès avec un appui relativement limité. Aux élections de 1992, presque la moitié des députés au Parlement de la PNG ont été élus avec moins de 20 % des suffrages. Dans un cas, l'heureux candidat a reçu seulement 6,3 % des suffrages. On encourage maintenant fréquemment les candidats à se présenter uniquement dans le but de « diviser » le vote au sein d'un clan dominant. Ces pratiques ont amené un certain nombre d'observateurs et de politiciens à promouvoir le retour au VA.
Le cas de la Papouasie-Nouvelle-Guinée illustre l'interdépendance des systèmes électoraux et de la structure de la société concernée. Même si elle utilise le SMU, la PNG présente un régime de partis très fluide, basé sur les individus plutôt que les idéologies et, jusqu'ici, tous les gouvernements ont été des coalitions faibles, qui se transforment tant au Parlement qu'au moment des élections. Le système de représentation uninominale a entraîné un taux de roulement élevé des politiciens d'une élection à l'autre en même temps que la responsabilisation des députés locaux face à leur électorat. Cependant, sous le VA, cette imputabilité avait tendance à s'étendre à plusieurs groupes, alors que sous le SMU, le député semble se préoccuper davantage de son clan.