À la suite de l'utilisation du scrutin à deux tours (SDT) (voir Scrutin à deux tours) à majorité absolue sous l'Empire allemand et du système de représentation proportionnelle pure sous la République de Weimar, un nouveau système électoral a été établi par le Conseil parlementaire en 1949. Créé par la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne (c.-à-d. la Constitution de l'Allemagne de l'Ouest), ce système fut le résultat de négociations entre différents partis des forces démocratiques de l'Allemagne de l'Ouest. Comme la Loi fondamentale, le système en question devait être provisoire; en pratique, il n'a connu aucun changement depuis 1949.
Le système électoral allemand est classé comme un système personnalisé (Personalisierte Verhältniswahl) ou, selon la catégorisation utilisée en Nouvelle-Zélande et dans le présent manuel, comme un système mixte avec compensation (SMAC) (voir Scrutin unique transférable). Ce qui le caractérise, c'est sa façon d'allier un vote personnel dans des circonscriptions uninominales au principe de représentation proportionnelle.
Actuellement, le parlement allemand (Bundestag) compte 656 sièges auxquels peuvent s'ajouter des sièges de compensation (voir ci-dessous). Chaque électeur détient deux voix. La première (Erststimme) constitue un vote personnel pour un candidat particulier (d'un parti) dans l'une des 328 circonscriptions uninominales. La seconde (Zweitstimme) est un vote pour un parti d'après une liste de parti à l'échelle de l'état fédéral (Landesliste). Les candidats peuvent se présenter dans les circonscriptions uninominales aussi bien que pour la liste de parti. Les candidats qui obtiennent la majorité dans les circonscriptions uninominales sont élus (Direktmandate). Toutefois, le second vote détermine combien de représentants seront envoyés par chaque parti au Bundestag.
À l'échelon national, toutes les deuxièmes (Zweitstimme) voix accordées aux partis sont additionnées. Seuls les partis ayant obtenu plus de 5 % des suffrages au plan national, ou bien ayant trois députés élus par les circonscriptions uninominales, sont retenus pour l'attribution nationale des sièges du scrutin de liste (RPSL). Le nombre de représentants de chaque parti qui a franchi le seuil légal est calculé selon la formule de Hare. Les sièges sont alors distribués au sein de 16 États fédéraux (Länder).
Le nombre de sièges remportés directement par un parti dans des circonscriptions uninominales d'un état fédéral particulier est ensuite soustrait du nombre total des sièges alloués à la liste de ce parti. Les sièges restants sont attribués à une liste de parti bloquée. Si un parti devait gagner plus de sièges Direktmandate dans un État fédéral donné que le nombre de sièges qui lui sont accordés en fonction des deuxièmes voix, ce surplus de sièges (Überhangmandate) irait à ce parti. Dans pareil cas, le nombre total de sièges au Bundestag serait temporairement accru.
Le système allemand n'est pas, à ce que l'on suppose parfois, un système semi-proportionnel ou semi-RP mais bien un système RP. Il diffère de la pure représentation proportionnelle en ce que le seuil de 5 % établi au niveau national a pour effet d'écarter de très petits partis de la représentation parlementaire. Grâce à la représentation proportionnelle, un éventail assez vaste de forces sociales et politiques sont représentées au parlement. De plus, le système électoral est, dans une certaine mesure, ouvert aux changements sociaux et politiques. En dépit du seuil, de nouveaux partis politiques appuyés par un nombre considérable d'électeurs ont accès au Parlement. En plus de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et de l'Union chrétienne-sociale de Bavière (CSU), du Parti social-démocrate (SPD) et du Parti libéral-démocrate (FDP) qui sont au Bundestag depuis 1949, le nouveau Parti des verts (GRÜNE) a remporté des sièges en 1983 et 1987. Après avoir glissé sous le seuil en 1990, les Verts ont formé une coalition avec Alliance 90 et ont pu revenir au parlement en 1994. Après la réunification de l'Allemagne, même des petits partis de l'Allemagne de l'Est ont obtenu des sièges au parlement. Aux élections de toute l'Allemagne de 1990, l'Alliance 90-Verts d'Allemagne de l'Est et le Parti du socialisme démocratique (PDS) ont franchi le seuil de 5 % qui avait été imposé, dans les circonstances, séparément sur les territoires de l'ancienne Allemagne de l'Est et de l'ancienne Allemagne de l'Ouest. Quatre ans plus tard, le PDS a profité de la « clause alternative » pour remporter quatre sièges alors que seulement trois sièges Direktmandate étaient requis.
Le vote personnel pour un candidat dans des circonscriptions uninominales a pour but d'assurer une relation étroite entre les électeurs et leurs représentants. En pratique, cependant, l'importance des circonscriptions ne devrait pas être surestimée. En Allemagne, les élections dans des circonscriptions uninominales sont surtout basées sur des préférences de parti plutôt que sur la personnalité des candidats. Les espoirs d'une étroite relation entre électeurs et représentants ne se sont jamais tout à fait concrétisés sous le SMU, en dépit d'efforts répétés de la part des représentants pour établir des liens étroits avec leurs électeurs. Toutefois, le vote de circonscription au sein du système RP aide au moins à combler l'écart entre l'électorat et les élus, alors qu'habituellement, les systèmes RP à liste bloquée accroissent la distance qui les sépare.
De plus, le système de scrutin à deux votes permet aux électeurs de les répartir de façon stratégique entre les partenaires actuels ou potentiels d'une coalition. En fait, les partisans des petits partis divisent souvent leurs voix. Puisque les candidats des petits partis ont rarement la chance de gagner une seule circonscription uninominale, leurs partisans votent souvent en premier pour un candidat d'un parti de coalition important. De même, les partisans des partis principaux peuvent « prêter » leur seconde voix à un parti de coalition de moindre importance, afin de lui permettre de franchir le seuil légal. Ainsi, les électeurs font une répartition stratégique de leurs voix pour appuyer un partenaire de coalition de « leur » parti ou, du moins, pour indiquer leurs préférences de coalition.
Grâce à des résultats extrêmement proportionnels, le système électoral rend presque impossible la « fabrication » de majorités, où un parti obtiendrait une majorité absolue de sièges au Parlement après l'obtention d'une minorité du suffrage populaire. En fait, au cours des cinq dernières décennies, l'Allemagne n'a jamais connu de majorités « fabriquées ». Les gouvernements majoritaires ont été d'ordinaire des gouvernements de coalition et tout changement de gouvernement a été le résultat de transformations dans la configuration de la coalition. Les gouvernements de coalition allemands sont généralement stables et perçus comme légitimes par l'électorat.
Parce que les partis de coalition sont habituellement portés à coopérer, plusieurs Allemands préfèrent un gouvernement de coalition à celui d'un seul parti. La fonction indispensable de contrôle est exercée par l'opposition qui est adéquatement représentée. Il est important de souligner que la relation entre le gouvernement et l'opposition dans la politique allemande est faite de consensus et de coopération plutôt que de conflit et d'hostilité. L'histoire et la culture politique plutôt que le système électoral en tant que tel en sont les grandes responsables.
Le système SMAC ne semble pas comporter de grands inconvénients pour l'Allemagne. Grâce à sa longévité, il jouit d'un haut degré de légitimité institutionnelle; les principes fondamentaux de circonscriptions uninominales et de scrutin proportionnel de liste sont en place depuis 1949. Seuls quelques petits changements mineurs ont été apportés au système électoral, dont celui du scrutin à deux voix séparées adopté en 1953. Jusque-là, l'électeur se servait d'une seule et même voix pour la circonscription et le scrutin RP national.
Néanmoins, il y a eu, depuis 1949, quelques essais en vue de réformer le système électoral de façon importante, surtout dans les années 1960, lorsque les adversaires du système RP ont exigé l'adoption du SMU. Il s'agissait à la fois de manigances politiques afin d'améliorer la position des partis plus puissants et d'un courant de pensée qui favorisait le modèle britannique; mais tous ces efforts ont été vains. Plus récemment, le système électoral a donné prise à la critique parce qu'il produit un trop grand surplus de sièges sans compenser les partis moins favorisés du Parlement.