Durant presque tout le vingtième siècle, la Namibie fut la colonie oubliée du sud de l'Afrique, d'abord occupée par les Allemands en 1884, ensuite libérée par l'Afrique du Sud et les forces alliées en 1915 pour se retrouver effectivement recolonisée par l'Afrique du Sud elle-même à qui la Ligue des nations en avait confié la curatelle en 1920. Dans les années d'après-guerre et jusqu'à son indépendance en 1990, la Namibie, jusqu'alors connue sous le nom d'Afrique du Sud-Ouest, s'est vue imposer l'infrastructure légale de division et d'ethnicité du système d'apartheid de l'Afrique du Sud. Pendant 70 ans, le pays a été victime de combats internes et de l'ambivalence de la communauté internationale. L'Afrique du Sud, qui en 1978 avait accepté un plan des Nations Unies prévoyant le retrait militaire de la Namibie et sa transition vers l'indépendance, en a retardé l'avènement jusqu'en 1989, une année au cours de laquelle les changements se sont succédé à un rythme accéléré.
Pour ses élections de transition de novembre 1989 tout comme pour l'élection parlementaire de décembre 1994, la Namibie a adopté le modèle le plus élémentaire de représentation proportionnelle avec une liste nationale (voir RP à scrutin de liste (RPSL)). Une seule circonscription englobait tout le pays pour élire 72 députés. L'attribution des sièges fut effectuée selon la méthode Hare, mais en appliquant un principe de quotient quelque peu différent du quotient Droop et qui, en moyenne, offre un résultat plus proportionnel. Aucun seuil ne fut imposé pour obtenir une représentation, ce qui établit le quotient à 1,39 % des bulletins valides au niveau national. Cependant, avec la méthode de transfert du plus grand nombre de votes obtenus au-delà du quotient, le Namibia National Front (NNF) a obtenu un siège avec 0,8 % en 1989 alors qu'en 1994, le Democratic Coalition of Namibia (DCN) et le Monitor Action Group (MAG) obtenaient des sièges avec
0,82 % et 0,83 % des votes, respectivement.
La proportionnelle de listes fut adoptée à la suite de pressions des Nations Unies qui, dès 1982, ont insisté pour que des élections sans caractère racial assurent une représentation équitable aux partis qui obtiendraient un appui substantiel. Dans les faits, les namibiens se sont vu imposer leur nouvelle Constitution. L'idée de se défaire du système majoritaire (le système réservé aux Blancs de ce qui était la colonie de l'Afrique du Sud-Ouest), et d'adopter une représentation proportionnelle stricte fut d'abord suggérée par Pik Botha, alors ministre des Affaires étrangères de l'Afrique du Sud. Les Sud-Africains avaient d'abord, mais sans succès, tenté d'imposer des listes d'électeurs distinctes pour les Blancs et les Noirs (comme au Zimbabwe en 1980 et 1985), qui auraient assuré la représentation des blancs au nouveau parlement. La suggestion de Botha d'adopter une proportionnelle fut acceptée en principe par le Secrétaire général des Nations Unies qui chargea l'Administrateur général de l'Afrique du Sud et l'envoyé spécial des Nations Unies d'en préciser les détails. Ce système de proportionnelle rejoignait très bien les aspirations des Nations Unies visant une représentation aussi exhaustive que possible au sein de l'Assemblée constituante namibienne.
Pour les premières élections en 1989, la South West African People's Organization (SWAPO) avait exprimé une préférence en faveur d'un système de circonscriptions uninominales, croyant sans doute qu'à titre de principal parti, elle serait avantagée par ce système majoritaire. Cependant, quand l'Assemblée constituante se réunit pour la première fois en novembre 1989, et que chaque parti politique a présenté son projet de Constitution, la SWAPO céda immédiatement en faveur de la représentation proportionnelle espérant ainsi obtenir des partis minoritaires des concessions concernant des politiques plus importantes.
Les résultats de l'élection de 1989
En 1989, les premières élections multipartites de Namibie furent un précurseur des élections générales de l'Afrique du Sud qui allaient avoir lieu en 1994. Plusieurs observateurs internationaux y ont reconnu la réalisation d'un rêve, car en 1989, la SWAPO a obtenu un franc succès avec 57 % des votes mais seulement 48 sièges, nettement insuffisant pour lui permettre de rédiger seul la nouvelle Constitution. Le parti DTA à la tête de l'opposition ne fut pas le vainqueur vraisemblablement à cause de son passé raciste. L'opposition obtint cependant suffisamment de votes et de sièges pour empêcher les excès possibles de la SWAPO au parlement. Cette configuration constructive du pouvoir à l'Assemblée constituante a ouvert la porte à de vrais compromis et a permis qu'en mars 1990, une nouvelle constitution soit adoptée qui fut reconnue comme étant l'une des plus démocratiques au monde.
Bien que la SWAPO fut le seul parti capable d'obtenir une majorité absolue lors des élections de 1989, la distribution irrationnelle des votes qu'elle a obtenus a mené certains politicologues à conclure qu'elle avait lamentablement échoué la concrétisation de sa promesse de devenir le seul représentant authentique. Elle a obtenu plus de 90 % des votes de la vaste circonscription nordique de Ovamboland, représentant près de 60 % de tous les votes obtenus au niveau national. De plus, bien qu'à l'échelle du pays elle ait obtenu plus de votes que l'ensemble des autres partis, la SWAPO n'a obtenu la majorité des votes que dans sept des 23 circonscriptions, alors que le DTA a obtenu la majorité dans 15 circonscriptions. L'appui d'autres partis minoritaires était également très concentré dans certaines régions. En plus de la DTA, qui obtint la majorité de ses votes dans le sud du pays et dans les régions agricoles de Koakoland et d'Hereroland, l'UDF et l'ACN, les seuls autres partis qui ont obtenu plus d'un siège ont également tiré leur appui de régions géographiques très précises et des groupes ethniques. Le parti UDF, fortement identifié au groupe ethnique Damara a effectivement obtenu une majorité absolue au Damaraland. Pour sa part l'ACN, un groupe sympathique à la population blanche, a obtenu près de la moitié de ses votes dans la circonscription de Karasburg au sud du pays et dans celle de Windhoek où la participation électorale des Blancs fut élevée.
Les résultats de l'élection de 1994
Lors des élections de 1994, on a vu une consolidation de l'appui à la SWAPO et une sérieuse érosion du vote de l'opposition. Bien que la SWAPO ait obtenu 23 000 votes de moins qu'en 1989, une réduction de la participation électorale (de 682 000 en 1982 à 497 000) a fait que sa part du vote a augmenté de près de 20 %, lui valant 12 nouveaux sièges, soit plus que la majorité requise (les deux tiers) pour pouvoir changer unilatéralement la Constitution. La faible participation des électeurs a surtout affecté la DTA. Les 101 000 votes qu'il a obtenus étaient à peine la moitié des 191 000 obtenus en 1989 et il a perdu six sièges. De la même façon, l'UDF a perdu deux de ses quatre sièges, ne conservant que 35 % du vote qu'elle avait obtenu en 1989 alors que la Democratic Coalition of Namibia (DCN) (anciennement le NPF) a pu à peine conserver son unique siège.
La victoire écrasante de la SWAPO a porté Mushake Muyongo, chef du DTA et candidat à la présidence, à prétendre que l'élection avait démontré que le pays était divisé sur une base raciale et qu'il était devenu une démocratie ethnique. En prévision des élections de 1994, la Commission de délimitation des circonscriptions électorales a remplacé les anciennes circonscriptions inégales de l'Afrique du Sud-Ouest par 13 nouvelles circonscriptions régionales divisées en 95 petites régions de dépouillement. La SWAPO a réussi à obtenir plus d'appui dans les communautés en dehors du Ovamboland qu'elle ne l'avait fait en 1989. Le DTA n'a obtenu la majorité absolue que dans deux régions (Hardap et Omaheke) et une majorité simple dans seulement trois autres (Caprivi, Otjozondjupa et Kunene), comparativement à ses résultats dans 15 des 23 circonscriptions en 1989. La part du vote de la SWAPO a augmenté considérablement dans Karas (de 30 à 45 %), dans Okavango (de 50 à 80 %) et dans Khomas (de 45 à 60 %). L'UDF n'a pas réussi à conserver la circonscription Damara de Kunene, mais a obtenu deux de ses trois victoires dans les régions de dépouillement de Sesfontein et Khorikas. Malgré l'augmentation du pourcentage des votes obtenus par la SWAPO et l'échec des partis minoritaires de 1989, il semblerait que les résultats de l'élection de 1994 soient dus plus à l'absentéisme des partisans du DTA qu'à l'obtention du vote des partis minoritaires par la SWAPO.