La Nouvelle-Zélande a récemment changé de système électoral. En 1993, le pays est allé aux urnes pour se défaire du scrutin majoritaire uninominal (SMU) qu'il avait utilisé depuis plus d'un siècle et le remplacer par la représentation proportionnelle. Deux éléments importants ressortent de ce changement.
Le premier, c'est que 20 ans plus tôt nul n'aurait prédit que la Nouvelle-Zélande, de tous les pays, allait changer de système électoral. Le second, c'est que le changement semble avoir représenté la bonne façon de passer d'un système électoral à un autre. Ce n'est qu'à la suite de longues recherches, discussions et consultations auprès du public que cette décision fut prise. La plupart des experts en réforme électorale s'entendent sur l'importance d'agir avec prudence en matière de réformes électorales majeures. On peut affirmer, preuves à l'appui, que le passage de la Nouvelle-Zélande à la RP ne s'est pas fait à la légère.
La Nouvelle-Zélande a joui pendant longtemps d'une sorte de statut spécial parmi les démocraties du monde, celui d'un des plus purs exemples de gouvernement du modèle de Westminster, doté d'un pouvoir exécutif presque illimité enchâssé dans un système électoral qui, sous plusieurs aspects, semblait « plus britannique que la Grande-Bretagne elle-même ». Pendant de nombreuses années, ce système a produit des parlements essentiellement à la Westminster avec des gouvernements formés d'un seul parti au pouvoir ainsi qu'un régime de partis relativement stable. Toutefois, l'agitation du public relative aux effets du SMU a commencé à se manifester aux élections parlementaires de 1978 et 1981. À ces deux occasions, le Parti travailliste qui formait l'opposition a obtenu plus de voix dans l'ensemble du pays que le Parti national. Cependant, ce dernier a remporté la majorité des sièges au Parlement et formé le gouvernement. De plus, en 1978 et 1981, le Crédit social, le troisième parti politique néo-zélandais d'alors a obtenu à son tour une bonne partie des suffrages exprimés, soit 16 % en 1978 et plus de 20 % en 1981, mais - ce qui n'est pas rare dans les SMU - n'a remporté que très peu de sièges au parlement, respectivement un et deux, dans une chambre des représentants de plus de 90 députés.
Lorsqu'il a accédé au pouvoir en 1984, le Parti travailliste a établi une Commission royale sur le système électoral pour examiner si tous les députés du parlement, un certain nombre ou une proportion d'entre eux devaient être élus sous un autre système tels le scrutin préférentiel ou la représentation proportionnelle.
La Commission royale sur le système électoral a siégé pendant la majeure partie de 1985 et 1986 avant de faire un rapport long et détaillé sur 10 critères bien définis pour l'évaluation du SMU et autres systèmes électoraux : l'équité entre les partis politiques, la représentation efficace des minorités et des groupements d'intérêt particulier ainsi que celle des Maoris (minorité ethnique autochtone de la Nouvelle-Zélande), l'intégration politique, la représentation adéquate des électeurs, la participation active aux élections, l'efficacité sur le plan du gouvernement, du Parlement et des partis ainsi que la légitimité.
À cette occasion, la Commission royale a indiqué clairement que « nul système électoral ne pourrait complètement atteindre les conditions idéales qu'elle avait fixées » et a rappelé que tous les critères n'avaient pas le même poids.
La Commission royale a proposé que la Nouvelle-Zélande adopte un système à représentation proportionnelle semblable à celui qui est utilisé en Allemagne (voir Allemagne : le premier système mixte avec compensation) : le système mixte avec compensation (SMAC) (voir Système mixte avec compensation (SMAC)). Les électeurs y disposent de deux voix, l'une pour un parti politique, l'autre pour un candidat local élu par SMU dans des circonscriptions uninominales. Comme en Allemagne, mais contrairement à ce qui se passe au Japon (voir La réforme électorale au Japon) et en Russie (voir Russie : un système mixte sans compensation en évolution), le vote de parti est d'importance capitale dans le système néo-zélandais, parce que c'est lui qui détermine le nombre total de sièges auxquels les partis ont droit au parlement. Par exemple, si un parti politique obtient 25 % des suffrages de parti aux élections, il aura droit à 30 (25 %) des 120 sièges au parlement. Si le parti détient déjà 23 sièges de circonscriptions, on lui accordera sept autres sièges à la chambre des représentants. Ces sept sièges seront attribués aux sept premières personnes qui sont admissibles d'après le classement des candidats mis en nomination sur la liste de parti. De même, on accordera à un parti ayant obtenu 25 % des votes de parti mais ne comptant que deux députés, 28 sièges additionnels à partir de la liste du parti afin de lui assurer un total de 30 sièges au parlement.
Étant donné que la Nouvelle-Zélande avait déjà utilisé le SMU pendant plus d'un siècle, la Commission royale sur le système électoral a rejeté le vote unique transférable (VUT), un scrutin proportionnel, parce que le SMAC « retenait des conscriptions uninominales » et que les résultats d'élections au SMAC seraient « vraisemblablement plus proportionnels » que ceux du VUT (voir Scrutin unique transférable). La Commission a recommandé également qu'un référendum sur l'adoption du SMAC soit organisé. En dépit du fait qu'une commission parlementaire s'est opposée aux recommandations de la Commission, les pressions politiques ont été telles que deux référendums sur la réforme électorale ont été tenus. Les électeurs ne se sont pas sentis liés par un premier référendum tenu en septembre 1992; il s'agissait d'un plébiscite consultatif. Toutefois, ils ont exprimé si clairement leur volonté de changer le système électoral et le SMAC, qu'un second sondage - où ils se sentiraient liés par les résultats - a été tenu 14 mois plus tard. Ce second référendum invitait à un choix précis entre le SMU et le SMAC; le SMAC a été retenu avec l'appui de 59,3 % du vote référendaire.
Pour bien s'assurer que les campagnes officielles de publicité relatives aux référendums sur la réforme électorale seraient conduites avec « impartialité politique... équilibre et neutralité », le Ministre de la Justice est allé jusqu'à mettre sur pied, en 1992 et 1993, un Panel de la réforme électorale qui prendrait ses distances face aux politiciens et aux fonctionnaires. En ces deux occasions, on a confié la direction du panel à l'ombudsman en chef du pays et on lui a alloué un budget considérable pour bien informer les électeurs du processus - aussi bien que des avantages et désavantages - des différentes options qui s'offraient à eux.
Les dernières élections tenues sous le SMU en Nouvelle-Zélande ont eu lieu le 6 novembre 1993, le jour même où les électeurs ont adopté le SMAC comme nouveau système électoral. Un peu moins de trois ans plus tard, le 12 octobre 1996, la Nouvelle-Zélande a tenu ses premières élections par SMAC, les résultats indiquant que ce système avait, dans son ensemble, répondu à l'attente des membres de la Commission royale qui en avait proposé l'adoption.
Six partis sont représentés au parlement, chacun selon la part des suffrages obtenus dans l'ensemble du pays; le système est véritablement proportionnel. Quinze Maoris occupent un siège à la Chambre des députés; les Maoris sont représentés à l'assemblée législative néo-zélandaise en fonction de leur nombre dans le pays. Grâce aux premières élections RP, il en est de même pour les habitants des îles du Pacifique et pour les Asiatiques qui ont élu leur premier député à la chambre des représentants. De plus, la proportion globale de femmes au parlement est passée de 21 % en 1993 à 29 % en 1996.
Il est manifeste que les électeurs avaient compris la façon d'utiliser le nouveau système électoral afin d'en retirer un avantage appréciable. Un sondage préélectoral a révélé que 38 % des électeurs avaient l'intention de faire la différence entre leur vote pour un parti et leur vote pour une circonscription locale ou régionale. Par comparaison, seulement 15 % des électeurs allemands se prévalent habituellement du panachage électoral. De plus, la participation aux élections de 1996 en Nouvelle-Zélande a été plus élevée qu'à celles de 1990 et 1993.
En 1986, le rapport de la Commission royale sur le système électoral avait souligné « qu'un système électoral devrait permettre aux gouvernements ... de s'acquitter de leurs responsabilités et de prendre les décisions qui s'imposent, dans un climat de continuité et de stabilité raisonnables tant pour la durée de leur mandat que pour la période entre deux mandats. » On saura avec le temps si le nouveau système électoral de la Nouvelle-Zélande satisfait à ces critères. Un délai de deux mois entre la tenue des élections générales de 1996 et l'assermentation du nouveau gouvernement a suscité certaines critiques. Le nouveau gouvernement est formé d'une coalition de deux partis - National et New Zealand First - qui jouit d'une faible majorité de sièges (61 sur 120) à la Chambre des représentants. Néanmoins, les électeurs néo-zélandais n'ont pas dû être étonnés de cet état de choses. En effet, le Panel du référendum électoral de 1992 avait souligné que, sous le SMAC, « des partis minoritaires seraient vraisemblablement représentés au Parlement » et que, par la suite, « des coalitions et des ententes entre les partis seraient peut-être nécessaires à la formation de gouvernements ». L'année suivante, le Panel du référendum électoral réitéra que « le SMAC mènerait probablement à des gouvernements de coalition, vu que ce système résulterait en un Parlement qui refléterait la portion du suffrage national obtenue par chaque parti. La présence au parlement d'un certain nombre de partis accroîtrait la possibilité qu'aucun parti n'obtienne la majorité des sièges au parlement ». C'est précisément ce qui s'est produit en Nouvelle-Zélande en 1996.