Introduction
L’incertitude entourant les résultats électoraux est assurément l’une des causes majeures des doutes qui planent sur l’intégrité des élections en Afghanistan.
Afin de tenter de surmonter ces difficultés, les OGE successifs du pays ont modifié le système de gestion des résultats au cours des dix années ayant suivi l’introduction d’élections pluralistes en 2004.[1] Compte tenu de la diversité des systèmes utilisés, l’Afghanistan constitue un cas d’étude intéressant car il a activement tenté de s’attaquer aux problèmes soulevés par la gestion des résultats.
L’objectif global du système de gestion des résultats électoraux afghan a toujours été la mise en place d’un dispositif placé sous le triple signe de l’exactitude, de la transparence et du respect des délais. Certaines variables et certains problèmes qui le caractérisent se retrouvent dans d’autres sociétés en transition, tandis que d’autres lui sont propres. Les facteurs communs sont l’état rudimentaire des infrastructures, les insuffisances du système de télécommunications et le faible niveau d’éducation de la population. En revanche, le climat de forte insécurité dans laquelle les élections sont organisées est plus inhabituel. En outre, les obstacles culturels à la participation des femmes en tant qu’agents électoraux, représentantes des partis, observatrices nationales ou même électrices complique davantage encore la mise en place d’un système de gestion des résultats couvrant les bureaux de vote réservés aux hommes et aux femmes sur l’ensemble du territoire.
À noter également qu’un problème de fraude généralisée a encore accru la méfiance des parties prenantes afghanes à l’égard de la Commission électorale indépendante (CEI) en général, dont le professionnalisme et l’indépendance sont mis en doute, ainsi qu’à l’égard du système de gestion des résultats en particulier, plus de 20 % des bulletins ayant été jugés frauduleux lors des élections de 2009 et 2010.[2]
Description du système de gestion des résultats existant
Le dépouillement commence dès la clôture des bureaux de vote et du scrutin, dans les bureaux où les bulletins ont été déposés. Ces procédures sont expliquées dans un manuel à l’intention des agents électoraux à la fois exhaustif et convivial, qui décrit chaque étape du dépouillement[3] ainsi que les motifs d’acceptation ou de rejet des bulletins. Plusieurs exemples facilitent l’application du principe de clarté des intentions de l’électeur qui régit ce processus.
Conformément aux bonnes pratiques internationales, les observateurs et les agents des partis peuvent accéder sans entraves à l’intégralité du processus, notamment lorsque les présidents des bureaux de vote statuent sur la validité des bulletins. Ils doivent également signer le procès-verbal de dépouillement et sont invités à prendre note du numéro des scellés de l’urne ainsi que du numéro de série figurant sur le sac inviolable qui sert à transporter les matériels électoraux sensibles, notamment les bulletins de vote et le formulaire de résultats.
Avant de déposer les procès-verbaux de dépouillement dans le sac inviolable, le responsable du bureau de vote est censé les relire afin de vérifier qu’ils sont correctement et intégralement remplis. Les matériels sensibles sont ensuite enlevés par les coordinateurs de circonscription. Ces agents temporaires de la CEI employés pendant l’année électorale aident à planifier et à mettre en œuvre toutes les activités en rapport avec les élections dans la circonscription dont ils ont la charge. Dans certains cas, les matériels sensibles ne sont enlevés que le jour suivant, du fait que le dépouillement ne commence que le lendemain de l’élection. Dans les circonscriptions où un transport de nuit est jugé trop risqué, les urnes et les sacs inviolables ne partent en convoi pour le centre provincial que le lendemain, souvent escortés par des forces de sécurité importantes. Compte tenu du mauvais état des infrastructures et des grandes distances à parcourir, le plan de collecte des matériels prévoit dans certains cas un délai de plusieurs jours avant leur arrivée à la capitale provinciale.
Dans les centres provinciaux, la CEI et son programme d’assistance du PNUD ont élaboré et mis en place un système de gestion de la collecte sur Internet. Ce nouveau système renforce et facilite la capacité du siège de la CEI à suivre la collecte des urnes et des procès-verbaux de dépouillement dans les bureaux de vote. Dès qu’un convoi arrive avec les matériels des bureaux de vote relevant de la responsabilité d’un coordinateur de circonscription, l’équipe de réception de la province saisit dans le système les identifiants des bureaux et le nombre de procès-verbaux de dépouillement qui y ont été collectés[4]. En revanche, les agents de la CEI au niveau provincial n’ouvrent pas le sac inviolable contenant les procès-verbaux eux-mêmes. Ce sac est transporté au centre de dépouillement national de Kaboul, tandis que l’urne et les autres matériels sensibles demeurent au centre provincial.
Les enseignements du processus de gestion des résultats de l’élection de 2009 ont conduit la CEI à apporter des changements draconiens à la centralisation et à l’agrégation des résultats à Kaboul avant l’élection de 2010.
Après leur arrivée au centre de dépouillement national, ils étaient traités comme suit:
- Réception – Le personnel de la CEI comparait le numéro de série et les scellés du sac figurant sur le formulaire de transmission à ceux saisis en ligne au niveau provincial.
- Saisie des données par lot – Le personnel vérifiait que les sacs n’avaient pas subi de manipulations frauduleuses, puis s’assurait que les procès-verbaux de dépouillement étaient complets et correctement remplis.
- Saisie des résultats – Des opérateurs de saisie entraient les résultats figurant dans les procès-verbaux dans un logiciel doté d’une fonction de validation mathématique fondamentale des chiffres tapés. En cas d’incohérence mathématique, le logiciel refusait les chiffres saisis par l’opérateur, ce qui a réduit le pourcentage d’erreurs humaines. De plus, afin d’éviter toute manipulation de la part des opérateurs, les procès-verbaux de dépouillement étaient saisis en double par deux personnes différentes, ce qui a fortement réduit le risque de fraude à cette étape du processus.
- Après validation et approbation par le Conseil des commissaires de la CEI, les procès-verbaux étaient numérisés et publiés sur le site Internet de la Commission afin que les observateurs et les agents des partis puissent comparer les résultats obtenus dans les bureaux de vote aux résultats définitifs officiels.
- Pendant tout le processus, des résultats intermédiaires étaient publiés sur la base des procès-verbaux de dépouillement acceptés et non sur celle des résultats intermédiaires rapportés par les bureaux de vote par le biais d’un canal de communication secondaire, comme c’est souvent le cas dans de nombreux pays.
Utilisation des TIC
La CEI a introduit des solutions TIC dans des domaines où les OGE pensent rarement à en appliquer, tels que la distribution et la collecte des matériels électoraux sensibles ainsi que la traçabilité des procès-verbaux de dépouillement des bureaux de vote. Elle a également mis en œuvre un système visant à faciliter le transfert des données à son siège le jour de l’élection afin de pouvoir les utiliser dans ses conférences de presse. En revanche, elle n’a pas mis en place de système de résultats intermédiaires. De ce fait, et compte tenu de la forte centralisation du processus de compilation et d’agrégation des résultats au centre de dépouillement national de Kaboul, on s’attendait à ce que le système prenne beaucoup de temps à produire des résultats. Au final, il a fallu plus d’un mois à la CEI pour publier la plupart des résultats.[5]
Utilisation de moyens technologiques pour assurer la traçabilité des matériels électoraux sensibles
En 2010, la CEI a apposé un code-barres nécessitant l’utilisation d’un lecteur sur les paquets de bulletins et sur les sacs inviolables. L’enregistrement de ces informations dans une base de données lui a permis de suivre ces matériels depuis son siège jusqu’aux bureaux de vote et d’identifier ainsi les bulletins en surnombre par rapport aux quantités allouées à l’origine.
Outre les matériels sensibles, elle a utilisé un système de traçabilité pour un grand nombre des convois chargés de distribuer les matériels et déployé des téléphones portables et du matériel satellite pour communiquer avec les centres situés dans les provinces. Cependant, sa couverture était beaucoup plus limitée en dehors des capitales provinciales, lorsque les matériels étaient livrés aux coordinateurs de circonscriptions aux fins de distribution aux bureaux de vote.
Système de transmission des résultats et de traçabilité
À leur arrivée dans les centres provinciaux, les sacs inviolables contenant les procès-verbaux de dépouillement des bureaux de vote étaient consignés dans un système en ligne, connecté au centre de dépouillement national de Kaboul. Cette base de données contenait le numéro de série des sacs, le code des centres de vote et le numéro des bureaux de vote. Comme les sacs n’avaient pas encore été ouverts, aucun résultat n’en était tiré. La base de données avait pour principales finalités le suivi de la collecte des procès-verbaux de dépouillement des bureaux de vote et l’atténuation du risque de manipulation des résultats pendant le transport grâce au suivi du numéro de série des sacs inviolables contenant les procès-verbaux. Cependant, en dépit du nouveau système, plus de cinq semaines après le jour de l’élection la CEI n’avait toujours pas remarqué que 511 bureaux de vote n’avaient pas été pris en compte.[6]
Le système de liaison avec les bureaux de vote mis en place pour le jour de l’élection ne concernait pas la transmission des résultats mais celle du nombre de bureaux de vote ouverts, des incidents et de la participation à la mi-journée et à la clôture du scrutin. Les bureaux de vote n’ayant transmis aucun résultat à un échelon administratif supérieur de la Commission à l’issue du dépouillement, l’Afghanistan n’a pas utilisé de système de communication des résultats intermédiaires lors des élections de 2010. Les résultats publiés s’appuyaient sur les procès-verbaux de dépouillement légaux, contrôlés et validés par le Conseil des commissaires de la CEI.
La communication des heures d’ouverture et de fermeture des bureaux de vote ainsi que des chiffres de participation à midi et à la clôture du scrutin permet à l’autorité électorale de contrôler le flux des informations le jour des élections. Plusieurs autres OGE ont adopté la même stratégie, jugée adaptée et donc souvent conseillée par les prestataires de services d’assistance technique.
La mise en place d’un système de liaison avec les bureaux de vote a permis au siège de la CEI de superviser de manière adéquate le nombre de centres et de bureaux de vote ouverts le matin (et de connaître les motifs de leur non-ouverture éventuelle)[7]. Comme indiqué plus haut, ce système était également conçu pour rendre compte de la participation à midi et à la clôture du scrutin.
Les responsables des centres de vote communiquaient par téléphone les données requises aux coordinateurs de circonscription, qui les transmettaient à leur tour à leur bureau provincial de rattachement aux fins de saisie des données dans le logiciel en ligne. Malheureusement, le système s’est avéré défaillant. Sur la base de ses données, la CEI a annoncé initialement une participation de 4 265 354 personnes. Un mois plus tard, lors de la publication des résultats intermédiaires, la participation était passée à 5,6 millions de votants, soit un écart de plus de 30 %[8]. De multiples raisons peuvent expliquer cette différence car le logiciel lui-même présentait des défauts qui augmentaient le risque d’erreurs.
Points forts du système de gestion des résultats
La préparation et la tenue d’élections en Afghanistan se sont avérées difficiles pour plusieurs raisons: extrême insécurité, situation socioéconomique et obstacles culturels ayant empêché les femmes de participer pleinement au processus, que ce soit en tant qu’électrices, agents électoraux, candidates ou observatrices. Consciente de ces difficultés exceptionnelles, la CEI a élaboré et mis en œuvre plusieurs améliorations visant à renforcer l’intégrité de son système de gestion des résultats électoraux.
Les responsables de la gestion et de l’élaboration des systèmes de gestion des résultats négligent souvent la capacité des personnes à appliquer les procédures. En d’autres termes, il faut allouer un temps et des ressources suffisants à la conduite d’un programme de formation efficace. Consciente de cette nécessité, la CEI a donc tout particulièrement veillé à ce que les manuels destinés aux agents électoraux aient amplement recours à des images et des exemples afin qu’ils soient adaptés à des personnes au niveau d’éducation insuffisant par rapport aux tâches à mener. Beaucoup plus longue que dans la plupart des pays, la formation a duré quatre jours (deux jours consacrés au vote et les deux autres au dépouillement et à la communication des résultats).
La CEI sait également que la crédibilité du processus de résultats dépend largement de l’existence de mesures de lutte contre la fraude. Elle consacre donc des ressources importantes à l’impression des bulletins sur un papier sécurisé de qualité, doté de plusieurs caractéristiques uniques afin d’atténuer le risque d’entrée dans le processus électoral de bulletins falsifiés non détectés lors du dépouillement.
Cependant, aux yeux de l’opinion publique, la principale menace qui pèse sur le système de gestion des résultats n’est pas la centralisation des suffrages exprimés, mais le vote multiple de détenteurs de plusieurs cartes d’électeur. En effet, le système d’inscription sur les listes électorales n’a jamais fonctionné en Afghanistan. En fait, après quatre élections et plusieurs centaines de millions engloutis dans divers processus, les listes électorales demeurent absentes des bureaux de vote le jour du scrutin. La méthode défaillante d’inscription sur les listes électorales en vigueur remonte à l’époque de l’Organisme conjoint de gestion électorale (JEMB).[9]
Indubitablement, l’image d’honnêteté douteuse des cartes d’électeurs fait peser une menace notable et très réelle sur l’intégrité des élections afghanes. L’absence de listes électorales dans les bureaux de vote facilite la fraude par les détenteurs de plusieurs cartes d’électeur. De ce fait, la vulnérabilité à la fraude due au dysfonctionnement du système d’inscription sur les listes électorales est très élevée en Afghanistan. Il convient de noter cependant qu’une forte vulnérabilité à la fraude ne signifie pas automatiquement une fraude effective. En revanche, il faut savoir dans quelle mesure un nombre significatif d’individus est en mesure de voter plusieurs fois le jour du scrutin et donc de profiter des failles du dispositif d’inscription sur les listes électorales pour influer sur les résultats de l’élection.
L’important ici n’est pas qu’un nombre substantiel de personnes ayant le droit de vote détiennent plusieurs cartes d’électeur, mais qu’elles aient la possibilité de voter plusieurs fois. La CEI a donc utilisé des perforatrices réservées aux élections pour marquer les cartes utilisées. Malheureusement, en 2009 et en 2010, ces outils se sont avérés de qualité inégale et ont cessé de fonctionner après un usage limité le jour du scrutin dans divers bureaux de vote du pays. Néanmoins, même si les perforatrices avaient fonctionné toute la journée, les électeurs auraient quand même pu voter dans plusieurs bureaux de vote en utilisant tout simplement une autre carte d’électeur.
L’encre indélébile est devenue de facto l’unique protection contre le vote multiple en Afghanistan, puisque les bureaux de vote ne possèdent pas de liste de leurs électeurs. Malheureusement, en dépit de la très grande qualité de l’encre et de la conformité de ses spécifications aux bonnes pratiques internationales, la CEI continue à avoir du mal à convaincre les parties prenantes de faire confiance à l’efficacité de cette approche en raison des erreurs effectuées par le secrétariat du JEMB lors de l’élection présidentielle de 2004, où les agents électoraux ont parfois confondu des feutres ordinaires avec des feutres à encre indélébile, ce qui a permis à des électeurs d’effacer l’encre.[10]
À noter que lorsque l’encre indélébile de qualité est convenablement stockée, appliquée et laissée sécher sur le doigt de l’électeur, elle assure en général une protection suffisante contre le vote multiple. Bien qu’en aucun cas infaillible, elle joue incontestablement un rôle important dans la lutte contre la fraude électorale dans de nombreux pays.
En dépit des critiques à l’égard du système d’inscription sur les listes électorales et du risque important de fraude par vote multiple, le plus important groupe d’observateurs nationaux en a trouvé très peu de cas avérés lors des élections de 2010[11]. Les raisons potentielles sont nombreuses. Par exemple, dans les régions rurales, le déplacement d’un village à l’autre est coûteux et, compte tenu de l’état rudimentaire des infrastructures, prend beaucoup de temps. Le temps d’attente aux bureaux de vote et la durée de transport pour s’y rendre réduisent également le nombre d’heures dont disposent les personnes pour voter plusieurs fois. En outre, du fait de la cohésion sociale des communautés locales, il est parfois difficile pour des étrangers de venir voter sans susciter de la suspicion et des questions.
Afin de surmonter le risque important de fraude lors de la centralisation des résultats, la CEI a apporté deux changements stratégiquement importants aux formulaires de résultats. Les agents électoraux devaient inscrire le nombre de suffrages exprimés en faveur des partis politiques et des candidats en chiffres et en lettres, afin que 290 voix ne se transforment en 1 290 sur le procès-verbal lors de l’agrégation des résultats. La seconde amélioration importante a consisté à demander aux responsables des centres de dépouillement de coller du ruban adhésif sur la section réservée aux résultats afin de prévenir toute tentative de modification des chiffres et donc des résultats transmis. En outre, les tentatives de retrait de ce ruban déchireraient le document et seraient contre-productives puisque le bulletin serait mis de côté aux fins d’enquête ultérieure. La CEI a également beaucoup utilisé les sacs inviolables à numéro de série et les formulaires de transmission pour superviser le transport des procès-verbaux de dépouillement des bureaux de vote jusqu’au centre de dépouillement national de Kaboul.
Points faibles du système de gestion des résultats
En dépit des nombreux garde-fous mis en place et de l’évaluation des risques de fraude du système de gestion des résultats effectuée par ses dirigeants, la CEI a rejeté 1 300 000 bulletins lors des élections de 2010, ce qui a modifié l’attribution de nombreux sièges au Parlement.
Les motifs d’un aussi grand nombre de rejets sont nombreux, mais certains ressortent néanmoins. Par exemple, bien que la CEI ait modifié sa politique de recrutement et même créé une liste noire d’agents ad hoc à ne plus embaucher en raison de comportements et d’actes répréhensibles, le recrutement et la formation des agents électoraux et des coordinateurs de circonscriptions continuent à poser problème. La Commission peine à trouver des personnes possédant un niveau suffisant en lecture/écriture et en arithmétique pour remplir leurs fonctions, notamment dans les bureaux de vote réservés aux femmes. En outre, le manque d’efficacité de la supervision de ces catégories d’employés par les fonctionnaires permanents de la CEI a exercé un impact direct sur la formation des agents électoraux, bon nombre des sessions ayant été fortement écourtées et les matériels pédagogiques n’ayant pas été utilisés comme prévu.
Comme si cela ne suffisait pas, l’intimidation, la violence, la subornation et l’allégeance politique des agents électoraux et des coordinateurs de circonscriptions ont entraîné la production d’un très grand nombre de procès-verbaux de dépouillement incorrects, faisant planer sur le processus de centralisation et d’agrégation un doute qui a rejailli sur le système de gestion des résultats tout entier.
Forte de l’expérience des élections de 2009, la CEI a considérablement amélioré les aspects de ce système relatifs à la réception des matériels électoraux et aux enquêtes au niveau du centre de dépouillement national. Le processus décisionnel a également été rationalisé et clarifié afin d’éviter les incohérences, et le Conseil des commissaires de la CEI a suivi une approche plus formalisée pour décider de l’inclusion ou de l’exclusion des résultats des bureaux de vote.
Cependant, les équipes d’enquêteurs (examinateurs et contrôleurs des procès-verbaux de dépouillement) du centre de dépouillement national de Kaboul se sont heurtées à une difficulté majeure : elles n’avaient accès qu’aux procès-verbaux et pas aux bulletins eux-mêmes, du fait que les urnes étaient entreposées dans les provinces. Par la suite, le siège de la CEI et ses bureaux provinciaux ont dû contrôler ou recompter 3 345 bureaux de vote, soit près de 18 % des bureaux de vote du pays.[12] S’attendant à ce que la centralisation des résultats suscite des difficultés, la Commission lui avait alloué des ressources supplémentaires mais n’avait pas prévu un problème d’une telle ampleur. Afin de ne pas faire dérailler le processus d’agrégation des résultats, les balises d’alerte à la fraude mises en place pour déclencher une enquête et le recueil de preuves ont été considérées à tort comme justifiant l’annulation des bulletins.[13] Par conséquent, la CEI a jugé frauduleux tous les bulletins nuls, sapant du même coup sa crédibilité. Il convient donc d’apporter au système de gestion des résultats électoraux afghan les améliorations qui permettront à la Commission de publier des résultats fiables dans les délais prévus.
[1] Les élections de 2004 et 2005 ont été organisées par l’Organisme conjoint de gestion électorale (JEMB), initiative commune de l’ONU et de l’Afghanistan qui regroupait des commissaires électoraux nationaux et internationaux. Depuis 2009, la Commission électorale indépendante (CEI) est entièrement responsable de la préparation et de l’organisation des élections dans le pays.
[3] Voir le manuel de la CEI à l’intention des agents électoraux.
[4] National Tally Center Operations and Procedures. Independent Election Commission (IEC) Afghanistan. Élections 2010 à la Wolesi Jirga. Pages 1-2.
[5]
Voir http://www.iec.org.af/pdf/wolesi-pressr/press_release_on_wj_election_priliminary_result_english_final.pdf
[6] Voir
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/11/07/AR2010110701381.html
[7] Pour en savoir plus, voir E Day Reporting Web User Guide. Service informatique de la CEI. 21 août 2010. Kaboul.
[8] Pour en savoir plus, voir The 2010 Wolesi Jirga Elections in Afghanistan. National Democratic Institute. Page 38.
[9] Le JEMB était l’institution conjointe ONU-Afghanistan créée pour planifier et organiser les premières élections de 2004 et 2005 dans le pays.
[10] Rapport du panel d’experts internationaux (2005).
[11] Free and Fair Election Foundation of Afghanistan (FEFA), Afghanistan Parliamentary Election
Observation Mission 2010.
[12] The 2010 Wolesi Jirga Elections in
Afghanistan. National Democratic Institute. Washington DC. Pages 32; 38.
[13] Plusieurs balises d’alerte ont été mises en place. Par exemple, chaque bureau de vote recevait 600 bulletins. Si le procès-verbal de résultats arrivait à un total égal ou supérieur à 600, l’urne était rejetée. Autres exemples de balises : plus de 90 % des bulletins valides et nuls concernaient un candidat (par rapport au nombre total de bulletins valides et nuls) et l’écart entre le nombre total de bulletins retirés de l’urne et le nombre total de bulletins valides et nuls consigné dépassait 4 %.