Le coût des élections est un sujet de préoccupation aussi bien pour les gouvernements que pour les organismes de gestion électorale, quel que soit le niveau de développement du pays. Un coût d’organisation prohibitif et difficile à supporter par le pays risque de compromettre l’ensemble du processus démocratique.
Pour minimiser les coûts de l’élection, les procédures choisies devraient si possible favoriser le recours à l’infrastructure existante (réseaux de transport et de communication, etc.) en tenant compte du niveau d’alphabétisation, des problèmes d’infrastructure et des sources de recrutement des agents. Aujourd’hui, les OGE sont bien conscients que l’introduction des nouvelles technologies permet d’annoncer les résultats plus rapidement, mais ils s’aperçoivent aussi qu’en fonction de la solution informatique choisie, les coûts peuvent augmenter considérablement. La durabilité d’un tel investissement sur plusieurs cycles électoraux est parfois devenue un critère essentiel dans la décision de mettre à niveau le système, au même titre que les critères de transparence, de rapidité et de réduction des risques de fraude au cours des opérations de dépouillement et de centralisation.
Chaque pays juge en fonction de ses moyens ce qui est abordable, réalisable ou trop coûteux. Voici quelques grands principes en matière de coûts :
- plus le système est simple, moins les coûts de dépouillement sont élevés;
- plus on a recours à l’infrastructure existante, moins les coûts sont élevés;
- plus les systèmes peuvent être utilisés longtemps, plus on réalise d’économies en matériel et en coûts de formation;
- plus l’instabilité politique est grande, plus le coût des mesures de sécurité supplémentaires est élevé et plus il faut de transparence au niveau des opérations et de l’OGE;
- plus il y a de risques de fraude et d’irrégularités, plus l’OGE doit déployer d’efforts pour dissuader, détecter et limiter efficacement ces exactions. Cela peut exiger à la fois des moyens financiers supplémentaires et du temps.
Voici quelques questions à se poser concernant le recours à la technologie:
- Est-il difficile de recruter des agents qualifiés pour travailler au bureau de vote ou au dépouillement?
- Est-il difficile de recruter du personnel qualifié pour l’assistance informatique, notamment dans les zones rurales et isolées où des solutions électroniques seront déployées?
- Y a-t-il déjà eu des irrégularités dans le dépouillement des votes?
- Existe-t-il un climat de confiance à l’égard de la technologie utilisée par l’OGE et l’extension de son utilisation au vote électronique aura-t-elle un impact sur cette confiance?
- Est-il nécessaire de réduire le nombre des agents électoraux?
- La réduction du nombre d’agents électoraux sera-t-elle contrebalancée par les coûts supplémentaires engendrés par le recrutement et le déploiement d’agents hautement qualifiés dans les TIC, ou par l’externalisation si ces fonctions sont exécutées par un sous-traitant?
- Le scrutin devient-il de plus en plus complexe?
- La sensibilisation des électeurs permettra-t-elle à ceux-ci de s’adapter et d’utiliser correctement la technologie envisagée?
- Le dépouillement est-il trop lent?
- L’infrastructure des télécommunications est-elle adaptée?
- Les électeurs doivent-il attendre trop longtemps pour déposer leur bulletin dans l’urne?
- La technologie proposée permettra-t-elle d’accélérer les flux aux bureaux de vote?
Coûts cachés souvent négligés ou sous-estimés lors de l’achat de matériel technologique
- Technologie obsolète (sans possibilité d’incorporer des mises à jour mineures, l’ensemble du système risque de devenir inutilisable).
- Recours excessif aux produits de marque au lieu d’une approche modulaire et standardisée. Il s’agit ici du matériel, la question des logiciels open source (code) étant un autre sujet.
- Dépréciation (plus rapide dans les environnements difficiles).
- Pertes de stocks en raison d’un taux élevé de vols ou de pillage.
- La durabilité ne s’improvise pas : elle doit être établie comme un prérequis de la solution achetée. Tout comme pour les économies d’énergie, il faudra d’abord dépenser de l’argent pour pouvoir en économiser par la suite. Choisissez un matériel de qualité, qui durera longtemps.
- Coûts liés à l’intégrité du processus d’achat : frais supplémentaires lorsque les donateurs exigent que les marchés soient passés par des organisations internationales (ou autres), afin de remédier aux carences réelles ou perçues des systèmes nationaux de passation de marchés.
- Imprévus (obligation de recourir au transport aérien plutôt que maritime en raison de délais de passation de marchés trop courts).
- L’insuffisance de tests représente un risque. Mais la réalisation de tests efficaces entraînera inévitablement des modifications de matériel, de logiciel et de procédures. Cela implique des coûts qui sont souvent négligés.
- La certification tierce partie des logiciels ou des systèmes, parfois nécessaire pour créer, maintenir ou rétablir la confiance des parties prenantes dans la technologie, est coûteuse et longue.
Inutile de réinventer la roue
Les systèmes de gestion des résultats ne peuvent raisonnablement être considérés comme des produits commerciaux standards, mais les composants matériels et logiciels de ces systèmes sont généralement bien connus, matures et bon marché. Les ordinateurs portables, leurs successeurs plus petits et plus mobiles, les systèmes d’exploitation, les systèmes de gestion de bases de données, les logiciels de saisie de données, les services tels que les communications de données mobiles, tout cela est largement disponible, même dans les pays en développement. Toutefois, l’expertise nécessaire pour intégrer ces composants courants dans un système efficace de gestion des résultats est loin d’être répandue et coûte très cher. Il en va de même des compétences nécessaires pour analyser le processus de vote et de dépouillement de l’OGE et le transformer en cahier des charges suffisamment détaillé.
Besoins spécifiques en matière de dépouillement et de centralisation des résultats
Le contexte local et la situation politique peuvent engendrer des besoins spécifiques en matière de dépouillement dans les bureaux de vote ou les centres de dépouillement.
Il peut s’agir de mesures de sécurité supplémentaires durant le dépouillement, de besoins spécifiques en matière de transport ou de moyens de communications non immédiatement disponibles.
Un taux de participation plus élevé que prévu peut allonger la durée du dépouillement et exiger du personnel supplémentaire pour traiter l’afflux de bulletins. S’ils n’ont pas été envisagés, de tels imprévus peuvent grever le budget. Lors de la planification budgétaire, il est conseillé d’envisager les pires scénarios (ou les meilleurs), par exemple la participation de 100 % des électeurs inscrits, de façon à s’assurer des moyens suffisants.
Le choix de la technologie destinée au dépouillement, à la centralisation et à la communication des résultats peut également avoir un impact sur les coûts. Toutefois, si cela n’est pas correctement planifié dès le départ et si l’on ignore des considérations telles que la durabilité et l’adhésion au projet au niveau local, l’argument de réduction des coûts utilisé pour justifier le passage à un système électronique pourrait s’avérer non valide. Avant que le nouveau système ne soit parfaitement testé, il est recommandé de garder l’ancien système manuel en solution de secours, ce qui augmente encore les coûts.
La transmission des résultats par téléphone peut se révéler peu coûteuse en fonction de la distance et de la disponibilité du service, mais cela peut aussi augmenter les risques d’erreur. C’est pourquoi les OGE commencent à introduire différentes techniques, comme les SMS, pour transmettre les résultats des bureaux de vote. La communication par SMS est relativement peu onéreuse, tant en termes de développement de logiciels que de configuration matérielle. Cela dit, étant donné l’extrême importance de sa fonction (transmettre les résultats provisoires), il convient de prévoir des composantes additionnelles qui augmentent encore les coûts (évaluation complète du système, formation ciblée des utilisateurs et capacités de commande et de contrôle proactives).
En l’absence de téléphones fixes ou de télécopieurs, il est possible d’avoir recours aux téléphones portables ou à la transmission radio. Les résultats peuvent aussi être envoyés par courrier électronique lorsqu’il existe un accès Internet. Si aucun moyen de transmission électronique n’est disponible, il peut être nécessaire de transmettre les résultats par un service de coursiers.
Ressources humaines et coûts technologiques
Dans certains cas, l’utilisation de la technologie pour le dépouillement peut réduire le coût total de l’élection et accroître l’efficacité.
Cependant, en fonction du contexte local, le dépouillement manuel coûte parfois moins cher. Ainsi, la rentabilité d’une solution technologique dépend de divers facteurs, notamment :
- le degré de complexité du système électoral ;
- le nombre de bulletins à dépouiller ;
- le coût de la technologie comparé au coût de la main-d’œuvre ;
- le niveau de centralisation du dépouillement ;
- la disponibilité et le coût des experts en informatique pour les prestations de développement et d’assistance ;
- les différents profils de recrutement : des personnes qualifiées sont-elles disponibles à l’embauche et à la formation pour faire fonctionner les systèmes ?
En général, une méthode de dépouillement mécanique ou informatisée (par opposition aux systèmes où les votes sont exprimés par voie électronique ou mécanique) peut être plus rentable si le dépouillement d’un grand nombre de bulletins est centralisé, si le système électoral se prête à ce type de dépouillement et si le coût de la main-d’œuvre locale est relativement élevé.
Toutes considérations financières mises à part, l’organisme électoral doit être conscient du fait que les méthodes de dépouillement mécaniques ou informatisées peuvent être plus rapides et plus précises que les méthodes manuelles. Cependant, certains systèmes ont révélé un manque de transparence car, en l’absence de trace écrite, certaines machines à voter ne permettent pas de vérifier les résultats réels si un recomptage s’avère nécessaire.
Bien que la technologie puisse sembler coûteuse, l’investissement peut être justifié s’il est possible d’amortir les coûts d’acquisition sur plusieurs élections. L’expérience montre toutefois que de nombreux systèmes n’ont pas la durée de vie espérée et n’assurent donc pas la rentabilité de l’investissement initial.
Les progrès technologiques rapides risquent de rendre les systèmes vite obsolètes (parfois même d’une élection à l’autre). Il est important également de tenir compte des coûts liés à l’assistance technique durant la période électorale.
Avant de décider l’adoption d’une méthode de dépouillement mécanique ou informatisé, il peut être utile de réaliser une analyse détaillée coûts-avantages, accompagnée d’une étude sur les impacts juridiques et les risques de gestion liés à l’adoption d’une solution technologique particulière.