Cette section aborde les conséquences du choix du mode de scrutin et du type de bulletin sur les procédures de dépouillement.
Qu’est-ce que le dépouillement ?
Une distinction doit être faite entre le dépouillement des votes et la désignation du vainqueur des élections (voir Conversion des suffrages en sièges).
Le dépouillement consiste à ouvrir les urnes, trier leur contenu, déterminer la validité des bulletins de vote et les compter. À l’exception des pays où l’on utilise des machines à voter, le dépouillement est une opération concrète, basée sur des objets réels (les bulletins de vote et, s’il y a lieu, les enveloppes) et souvent effectuée à la main. C’est une opération qui nécessite une main-d’œuvre abondante. Dans certains pays, on utilise des appareils mécaniques ou électroniques pour faciliter le comptage.
Le dépouillement requiert des procédures claires, de la concentration, de l’honnêteté et la maîtrise de la lecture et de l’écriture. La rémunération de ceux qui effectuent le dépouillement est peu élevée et dans certains pays le prérequis de savoir lire et écrire élimine de nombreux candidats. Compte tenu du rôle primordial de cette opération, la direction de l’OGE doit y porter une attention particulière. Il est important de prévoir un ensemble de mécanismes régulateurs afin de réduire les risques d’irrégularités ou de fraude.
Le dépouillement comprend la vérification préalable de la validité des bulletins de vote. La législation électorale définit habituellement des critères précis pour le rejet d’un bulletin. Les agents électoraux doivent parfaitement connaître ces dispositions.
Cette opération requiert un niveau de compétences plus élevé que le simple décompte des voix. Les décisions sur la validité des bulletins peuvent être prises collectivement (par exemple, par une décision de la majorité des agents présents) ou hiérarchiquement (par le président du bureau). Elles peuvent également être renvoyées devant des agents de rang supérieur. Les décisions de cette nature doivent être soumises à un contrôle juridictionnel afin d’éviter les pratiques abusives.
Le dépouillement permet généralement d’obtenir les informations suivantes pour chaque unité de dépouillement :
- nombre d’électeurs ayant voté ;
- nombre de bulletins inutilisables ;
- nombre de bulletins rejetés ;
- nombre de bulletins valides ;
- nombre de suffrages obtenus par chacun des partis ou des candidats et, en cas de référendum, nombre de suffrages pour chaque option proposée.
Le dépouillement peut être effectué par les agents en charge du dépouillement, généralement au bureau de vote, mais aussi au niveau de la circonscription ou au niveau national.
La dernière étape du dépouillement est la centralisation des résultats au niveau des circonscriptions électorales. Dans un système uninominal majoritaire à un tour, c’est au niveau de la circonscription électorale que les représentants sont élus et que les suffrages sont centralisés avant de leur appliquer la « formule électorale » permettant de désigner le vainqueur de l’élection. S’il y a plus d’un centre de dépouillement dans la circonscription, les chiffres repris dans les procès-verbaux de dépouillement de chacune des unités de dépouillement de la circonscription doivent être totalisés. Il est fondamental que ce processus soit accessible aux observateurs, aux représentants des partis et aux journalistes accrédités et que la centralisation des résultats soit transparente afin que les parties prenantes puissent identifier le résultat de chaque bureau de vote dans le résultat global.
Cette opération consiste à recueillir les résultats de chaque unité de dépouillement, à s’assurer que tous les procès-verbaux ont été reçus et à totaliser les chiffres de chacune des unités. Le dépouillement n’est terminé que lorsque tous les totaux sont disponibles pour la circonscription. L’étape suivante consiste à appliquer la formule électorale permettant de déterminer qui sera élu.
Les systèmes électoraux
Le système électoral détermine la façon dont les partis et les candidats peuvent être élus en tant que représentants des citoyens. En fonction du système en place, la formule mathématique permettant de transformer les suffrages en sièges peut différer.
Pour les élections législatives, le mode de scrutin définit la règle selon laquelle les membres de l’assemblée sont élus et les suffrages convertis en sièges. Pour les élections présidentielles, le système électoral détermine le seuil qu’un candidat devra atteindre pour être déclaré élu : par exemple, une majorité absolue ou relative des suffrages exprimés.
Les modes de scrutin et la formule de calcul sont décrits dans Conversion des suffrages en sièges. Le mode de scrutin retenu influe sur de nombreuses autres variables, notamment sur le type de bulletin et la procédure de dépouillement.
Influence du mode de scrutin sur le type de bulletin
Les différents types de bulletin sont décrits de façon plus approfondie dans le document
Influence du type de bulletin sur le dépouillement
Bulletins de vote ordinaux ou catégoriques : la principale conséquence du mode de scrutin retenu sera le fait pour l’électeur d’avoir à effectuer un choix catégorique ou ordinal.
Le bulletin de vote catégorique oblige l’électeur à choisir un seul candidat ou une seule liste, ou encore un candidat et un parti en même temps. Avec le bulletin ordinal, l’électeur classe les différents candidats ou partis par ordre de préférence en leur attribuant un numéro (1, 2, 3) ou en cumulant les suffrages sur certains candidats. Avec ce type de bulletin, l’électeur peut modifier son choix entre le premier et le second tour de l’élection.
La plupart des systèmes exigent de l’électeur qu’il fasse un choix unique. Le type de bulletin le plus couramment utilisé est donc le bulletin catégorique. Le bulletin ordinal ne représente qu’un quart des bulletins utilisés dans le monde ; il est compatible avec quatre modes de scrutin différents :
- le scrutin alternatif ;
- le scrutin à vote unique transférable ;
- le scrutin majoritaire plurinominal ;
- le scrutin à deux tours.
Forme du bulletin : le bulletin australien, le système « bulletin-enveloppe » et le bulletin français
La forme du bulletin de vote est un autre aspect important. Il existe deux grandes options : le « bulletin australien » (du nom de son pays d’origine) et le système « bulletin-enveloppe ». Le bulletin australien regroupe sur un seul papier les noms des différents candidats et partis politiques en lice. L’électeur doit cocher le ou les noms de son choix.
Le système « bulletin-enveloppe » requiert l’impression d’un bulletin différent pour chaque parti ou candidat en lice. Les électeurs doivent introduire un seul bulletin dans une enveloppe qui est ensuite déposée dans l’urne.
Entre ces deux types de bulletins, il existe une solution intermédiaire : le bulletin français contient la liste des candidats à cocher par l’électeur. Il est utilisé dans certains pays où la représentation proportionnelle est associée à la possibilité, pour l’électeur, d’exprimer des préférences pour des candidats individuels au sein d’une liste de parti. La plupart des modes de scrutin sont tout à fait compatibles avec l’un ou l’autre de ces types de bulletins (voir « groupe 1 » en annexe). Cependant, certains modes de scrutin (scrutin uninominal majoritaire à un tour, scrutin à deux tours ou représentation proportionnelle) dans des circonscriptions plurinominales avec panachage ou vote préférentiel au sein d’une liste sont compatibles avec les deux.
Le bulletin australien est parfois l’option préférée en raison de sa structure plus simple et d’un coût de fabrication moins élevé (moins de bulletins à imprimer), surtout si le nombre de candidats est élevé (voir « groupe 2 » en annexe). Enfin, certains systèmes ne sont compatibles qu’avec le bulletin australien et ne peuvent pas fonctionner avec un système d’enveloppes. C’est le cas du scrutin à vote alternatif et du scrutin à vote unique transférable (voir « groupe 3 » en annexe) car ces deux scrutins nécessitent de faire un choix ordinal qui ne pourrait pas être exprimé avec suffisamment de clarté avec le système « bulletin-enveloppe ».
Influence du mode de scrutin sur le dépouillement
La principale fonction de la formule électorale consiste à définir ce qui doit être compté. Certains modes de scrutin exigent simplement de compter les suffrages obtenus par les partis ou les candidats. D’autres systèmes exigent de compter les suffrages obtenus par les partis, mais aussi ceux obtenus par les candidats au sein de chaque liste.
Si le système impose aux électeurs d’exprimer un choix ordinal, le dépouillement s’effectue alors de façon différente.
Le mode de scrutin détermine également le niveau territorial auquel le dépouillement et la centralisation doivent être effectués (bureau de vote, circonscription ou pays).
Annexe
Compatibilité entre les différents modes de scrutin et les types de bulletin.
Groupe 1 – Les modes de scrutin suivants sont compatibles à la fois avec le bulletin australien et avec le système « bulletin-enveloppe ».
- scrutin uninominal majoritaire à un tour dans les circonscriptions uninominales ;
- scrutin majoritaire à un tour dans les circonscriptions plurinominales, sans panachage (semblable au scrutin majoritaire plurinominal de liste) ;
- scrutin majoritaire à un tour dans les circonscriptions plurinominales, avec panachage autorisé et compétitions individuelles distinctes pour chaque siège (scrutin majoritaire plurinominal) ;
- scrutin à vote unique non transférable ;
- scrutin à deux tours dans une circonscription uninominale ;
- scrutin à deux tours dans une circonscription plurinominale, avec listes bloquées, sans panachage ;
- scrutin à deux tours dans les circonscriptions plurinominales, avec panachage autorisé et compétitions individuelles distinctes pour chaque siège ;
- représentation proportionnelle avec listes bloquées.
Groupe 2 – Les systèmes suivants sont théoriquement compatibles avec le bulletin australien et le système « bulletin-enveloppe », mais, en pratique, il est conseillé d’utiliser le bulletin australien, surtout si le nombre de suffrages à exprimer dans la circonscription est élevé.
- scrutin majoritaire plurinominal ;
- scrutin à deux tours dans les circonscriptions plurinominales, avec panachage autorisé mais sans compétitions distinctes pour chaque siège ;
- scrutin de liste à la représentation proportionnelle avec panachage autorisé.
Groupe 3 – Les modes de scrutin suivants ne sont compatibles qu’avec le bulletin australien.
- scrutin à vote alternatif dans les circonscriptions uninominales ;
- scrutin à vote alternatif dans les circonscriptions plurinominales ;
- scrutin à vote unique transférable.