De
nombreux pays ont institué un ensemble de règles formelles (ou critères) que
les administrateurs électoraux doivent suivre lorsqu’ils révisent les limites
des circonscriptions. Ces critères stipulent souvent que les circonscriptions
doivent avoir des populations sensiblement égales, tout en tenant compte de
divers autres facteurs. Les limites administratives ou les frontières
naturelles sont des facteurs récurrents, ainsi des traits géographiques comme
les territoires isolés ou faiblement peuplés. Le respect des communautés d’intérêts
est un autre facteur qui est souvent imposé. Dans certains pays,
particulièrement les pays en voie de développement, les administrateurs
électoraux doivent également tenir compte des moyens de transport et de
communication. Tous ces critères influent sur le processus de création des
circonscriptions.
D’autres
critères de délimitation sont reliés au résultat du processus en tant que tel.
Par exemple, il faut que les plans de délimitation assurent une représentation
équitable des partis politiques. Il faut aussi que les minorités (raciales,
ethniques, religieuses ou linguistiques) aient une possibilité équitable d’être
représentées. Les pays qui délimitent des circonscriptions n’adoptent toutefois
pas souvent des critères reliés à l’impartialité des résultats. Cela s’explique
par le fait que les pays ayant des circonscriptions uninominales peuvent rarement
satisfaire à de tels critères, si l’impartialité du résultat est définie comme
étant la représentation proportionnelle des partis politiques et des groupes
minoritaires.
Peu
importe que les critères visent le processus ou son résultat probable, les SIG permettent
souvent de mesurer la conformité aux critères.
Populations
égales
La règle
de délimitation la plus courante veut que les circonscriptions devraient avoir
des populations sensiblement égales. L’égalité de la représentation selon le
nombre d’habitants est un des tenants de la démocratie et, dans les pays ayant
des circonscriptions uninominales, cette règle se traduit par le principe de
populations de même taille pour toutes les circonscriptions. Des circonscriptions
ayant le même nombre d’habitants sont nécessaires si tous les électeurs doivent
avoir la même influence lors des élections législatives. Par exemple, si une
circonscription compte deux fois plus d’habitants qu’une autre, ses électeurs n’ayant
quand même droit qu’à un seul élu, ils auront proportionnellement deux fois
moins d’influence que ceux de l’autre.
Le degré auquel
les pays exigent des populations de même taille varie. Les États-Unis d’Amérique
sont un cas unique dans leur adhésion à ce principe. Nul autre pays n’a une
tolérance aussi faible aux écarts que celle imposée par les tribunaux
américains au début des années 1960. La Nouvelle-Zélande est le pays qui s’en approche
le plus : des déviations maximales de 5 % par rapport au quota électoral
sont permises.
D’autres
pays, tout en reconnaissant l’importance de la parité de population, ont choisi
d’équilibrer ce facteur par d’autres critères perçus comme étant tout aussi
valides. Au Royaume-Uni par exemple, le respect des limites administratives
locales a préséance sur l’égalité du nombre d’habitants. Dans plusieurs pays
africains, le besoin de reconnaître les tribus peut l’emporter sur la parité
des populations. Chaque pays doit déterminer quelle déviation sera tolérée pour
accommoder d’autres objectifs de la délimitation des circonscriptions.
Des
rapports indiquant la population totale de chaque circonscription prévue sont
nécessaires pour déterminer si un plan de délimitation respecte le critère de
parité de population, quel que soit le niveau d’adhésion requis. Si un SIG a
servi à créer ce plan, des statistiques sur les populations des
circonscriptions (ainsi que leurs déviations par rapport au quota) sont faciles
à obtenir. Un simple clic de souris produira les données souhaitées.
Considérations
géographiques
Dans de
nombreux pays, les lois électorales prévoient que la géographie (ou certains
facteurs géographiques) doit être prise en considération dans la délimitation
des circonscriptions. Les critères géographiques peuvent être divisés en deux
catégories : ceux relatifs aux limites géographiques et ceux relatifs à la
taille ou la forme géographique. L’autorité responsable de la délimitation peut
devoir prendre en compte des facteurs d’une ou l’autre de ces catégories, ou
des deux.
Pour les
critères relatifs aux limites géographiques par exemple, l’autorité de la
délimitation peut avoir à respecter les limites administratives des comtés et
des municipalités, ou des limites naturelles dues au relief, comme les chaînes
de montagnes, les cours d’eau ou les îles. Des facteurs comme l’isolation d’un
territoire, l’étalement de la population ou l’accessibilité géographique sont
des exemples communs de critères relatifs à la taille géographique. Ils sont
particulièrement importants dans les pays vastes aux populations clairsemées
comme le Canada, l’Australie ou la Russie. Ils comptent aussi pour des pays
formés d’îles ou autres régions isolées qui sont difficiles d’accès. Certains
pays exigent même de prendre en compte un facteur comme la compacité
géographique des circonscriptions.
Les
systèmes d’information géographique aident les responsables du découpage à
produire rapidement des cartes des nouvelles circonscriptions. Ces cartes
permettent de visualiser les configurations des nouvelles circonscriptions et
de superposer les limites administratives, politiques et naturelles afin d’estimer
à quel point elles coïncident avec les nouvelles limites des circonscriptions.
Souvent, non seulement les nouvelles cartes sont immédiatement disponibles,
mais les statistiques reliées à la taille (voire la forme) des circonscriptions
peuvent être produites sur-le-champ. Par exemple, certains SIG peuvent afficher
la longueur ou le périmètre d’une circonscription (en milles ou en kilomètres)
et fournir des mesures mathématiques de sa compacité géographique.
Communautés
d’intérêts
Comme les
circonscriptions doivent habituellement avoir des populations sensiblement
égales, celles qui sont représentées par un seul élu ne reflètent pas souvent
les communautés géographiques distinctes telles que municipalités, comtés ou
autres entités administratives. Cela ne signifie pas toutefois que la
représentation politique exclut la notion de « communauté ».
Plusieurs pays qui délimitent des circonscriptions uninominales insistent sur l’importance
de créer des circonscriptions qui correspondent le plus possible aux
communautés préexistantes définies comme étant des divisions administratives ou
des « communautés d’intérêts ».
La
reconnaissance des communautés lors du redécoupage se justifie par le fait que
les circonscriptions devraient être plus que des amas de groupes d’individus
formés arbitrairement. Les circonscriptions devraient, autant que possible,
être des unités cohésives partageant des intérêts politiques communs. Ces
intérêts communs peuvent être d’ordre historique ou culturel, provenir d’un
héritage ancestral commun ou être dus à d’autres liens qui créent des
communautés d’électeurs ayant leurs propres intérêts.
Les SIG
permettent de s’assurer que des communautés d’intérêts identifiées d’avance sont
respectées, et ce, en numérisant les limites de ces communautés et en les
ajoutant à la base de données du redécoupage électoral. Ce travail est facile
si ces communautés sont par exemple des subdivisions administratives ou d’autres
communautés (locales ou régionales) clairement délimitées. Sinon, la tâche est
plus ardue.
Impartialité
envers les partis politiques et les groupes minoritaires
Les critères
d’impartialité envers les partis politiques et les groupes minoritaires au sein
d’un pays concernent le résultat (du point de vue électoral) du redécoupage des
circonscriptions, non pas le processus en tant que tel. Les systèmes électoraux
à circonscriptions uninominales ne peuvent cependant pas garantir la
représentation proportionnelle ni même un pourcentage minimal de sièges aux petits
partis ou aux groupes minoritaires formés sur des bases ethniques, raciales,
linguistiques ou religieuses. La raison en est que ce type de système accorde inévitablement
moins de sièges aux minorités, sauf si celles-ci sont concentrées géographiquement
de telle façon que les responsables du redécoupage peuvent créer un nombre
proportionnel de circonscriptions dans lesquelles ces groupes prédominent. Des dispositions
peuvent par ailleurs être intégrées à la loi électorale pour assurer la représentation
de certaines minorités.
Une autre
manière de corriger la disproportionnalité inhérente aux systèmes de circonscriptions
uninominales est d’adopter des mesures visant à assurer un redécoupage
impartial des circonscriptions. Des mesures comme la mise en place de
commissions indépendantes et de critères impartiaux de redécoupage ne peuvent
toutefois guère parer à des résultats électoraux disproportionnels. Le fait de
dépolitiser le redécoupage des circonscriptions ne signifie pas qu’un plan de
délimitation n’aura aucune répercussion politique. Il garantit simplement que
tout effet politique sera fortuit.
Une
manière supplémentaire d’atténuer les impacts politiques d’un redécoupage des
circonscriptions est de tenter de déterminer les implications probables d’un
plan de délimitation avant de l’adopter. C’est peut-être l’approche la plus
pragmatique. Si des données politiques (résultats d’élections antérieures) ont
été incluses dans la base de données du redécoupage, un SIG peut les utiliser
pour prévoir l’impact possible du plan de délimitation proposé. Cela se fait en
redistribuant les résultats d’élections antérieures en fonction des nouvelles limites
des circonscriptions.
Bien sûr,
la capacité de prédire l’impact politique d’un plan de redécoupage ne garantit
pas que le plan adopté soit aussi juste que possible envers tous les groupes
politiques. Cette méthode ne peut réussir que si les responsables du
redécoupage électoral sont véritablement impartiaux ou si toutes les parties intéressées
sont bien informées et peuvent ainsi réclamer des comptes aux responsables du
redécoupage.
Si les responsables
du redécoupage des circonscriptions ont des visées politiques, sont seuls à
disposer de l’information ou décident seuls de l’adoption du plan de
redécoupage, alors l’impartialité du processus n’est pas assurée. C’est
peut-être pourquoi il leur est souvent interdit de tenir compte des données
politiques lorsqu’ils établissent les limites des circonscriptions. Cependant,
il faut noter que les partis politiques ont souvent accès à ce genre d’information
(même si les responsables du redécoupage ne l’ont pas) et peuvent s’en servir
pour influencer les responsables du redécoupage durant les audiences publiques.
C’est là une raison pour laquelle il faut considérer le contexte dans lequel le
plan de redécoupage sera promulgué, avant de décider si un SIG sera utilisé ou
pas.