Le droit d'accès aux médias de l'État par les partis de l'opposition apporte une nouvelle dimension aux décisions des tribunaux nationaux. Il existe une tendance claire à reconnaître l'obligation des gouvernements d'assurer un tel accès. C'est l'approche qu'a adoptée le Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression des Nations-Unies dans son rapport de 1999. (voir Le pluralisme, une obligation)
En l'an 2000, la Cour Suprême du Zimbabwe a rendu deux décisions sur cette question. En janvier, la Cour a ordonné à la Zimbabwe Broadcasting Corporation de diffuser les annonces et le matériel de la campagne du NON lors du référendum dans ce pays sur un projet de nouvelle constitution. Le matériel de la campagne du OUI, option préférée par le gouvernement, avait déjà été diffusé à grande échelle. 14
Le 13 juin, soit quelques jours avant les élections parlementaires, la Cour Suprême, qui entendait une demande du Mouvement pour le changement démocratique, a ordonné à la même corporation de cesser toute diffusion politique biaisée et d'accomplir ses tâches avec impartialité, tel que le prévoit la loi sur la diffusion, sans discrimination sur la base des opinions politiques et sans compromettre le droit des personnes à émettre et à recevoir des idées et de l'information.15
Quelques années plus tôt, la Haute Cour de Zambie, pays situé au nord du Zimbabwe, a dû décider d'un cas semblable. Le point en litige était une directive émise par le président Kenneth Kauda dans les semaines qui précédaient les premières élections multipartites du pays tenues en 1991. Cette directive ordonnait aux journaux contrôlés par le gouvernement de ne pas faire rapport sur les déclarations des chefs des partis principaux de l'opposition ou d'accepter leurs annonces. La Haute Cour a maintenu que la directive violait la garantie constitutionnelle de liberté d'expression : «Étant donné que les pétitionnaires ne pouvaient pas publier leurs vues sur les questions politiques dans les journaux de l'État, et par ricochet à la radio ou à la télévision, on leur avait refusé de jouir de leur liberté d'expression» 16
La cour a ensuite apporté un commentaire plus général sur le vrai rôle des médias qui sont la propriété de l'État : «Les journaux sont sensés opérer sur les principes de journalisme et d'éthique, libres de toute interférence externe. Ces principes dictent une couverture de tous les événements dignes de faire la nouvelle sans égard à la source des nouvelles. On ne peut accepter moins des médias qui sont la propriété de l'État, qu'il s'agisse de la presse écrite ou autre, et le public peut facilement évaluer si un journal en particulier fonctionne selon des principes de journalisme et d'éthique sains» 17
La Cour Supérieure de Trinité et de Tobago avait auparavant pris une décision semblable relativement à la télévision. Le réseau de l'État avait refusé de diffuser le discours préenregistré d'un député de l'opposition. La Cour a décidé que les actions violaient le droit à la liberté d'expression : «Étant donné que la télévision est le médium de communication le plus puissant du monde moderne, il m'apparaît futile de postuler que la liberté d'exprimer des vues politiques signifie, que l'esprit de la constitution veut que cela comprenne exprimer ses idées à la télévision. Les jours des discours de boîte à savon et des brochures politiques sont passés» 18
Au cours des dernières années, les missions d'observation internationales, les groupes de surveillance et les groupes aviseurs ont adopté la même approche. La mission d'observation des Nations-Unies aux élections du Nicaragua en 1989, par exemple, a déclaré qu'il était nécessaire que «tous les partis politiques aient accès à la télévision et à la radio de l'État en terme de créneau et de durée de l'émission.» 19 L'équipe technique des Nations Unies au référendum du Malawi en 1993 a fait une recommandation semblable : «Dans le cas des médias qui sont la propriété de l'État, il est coutumier que les créneaux et la durée de temps d'antenne soient accordés à tous les partis qui se font la lutte pour faire connaître leurs positions.»20
(À noter que dans ce cas, la recommandation visait un accès «égal» plutôt "qu'équitable", puisqu'il s'agissait d'un référendum qui présentait deux propositions plutôt qu'un nombre de partis politiques. (voir Accès direct pendant les référendums)
De même, lors des élections surveillées par les Nations Unies au Cambodge en 1993, l'Autorité de transition des Nations Unies en 1993 veillait à assurer un accès juste aux médias, tel que cité dans les directives sur les élections (voir Cambodia: Guidelines of UN Transitional Authority on Media and Elections) : «Dans l'exercice de ses responsabilités en vertu de l'entente, cette Autorité assurera un accès juste aux médias, y compris la presse, la télévision et la radio, pour tous les partis qui se font la lutte à l'élection».21
voir Dispositions relatives aux médias public