La campagne électorale de 2000 au Zimbabwe a connu des événements assez violents. Au dire des observateurs de ces événements, il y en aurait eu au-delà de 3 000, le parti au pouvoir ayant été responsable pour plus de 90 pour cent d'entre eux. 116 The Herald, quotidien sous le contrôle du gouvernement, n'a toutefois fait mention que de 36 dont 33 qu'il attribuait à l'opposition et les trois autres au parti au pouvoir. Les chaînes de radio et de télévision publiques sur lesquelles le gouvernement exerçait un contrôle ont agi de la même façon. Devant ces chiffres, on peut légitimement se demander si des faux reportages avaient pour but d'inciter à la violence.
Par exemple, le 17 mai, la chaîne de télévision Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC) a publié le rapport suivant d'un incident qui se serait produit dans une banlieue de Harare :
Une personne a été tuée et une propriété évaluée à des dizaines de milliers de dollars a été détruite par des présumés partisans du Mouvement pour le changement démocratique (MCD), des anciens combattants ayant découvert des armes à feu appartenant supposément au MCD.
La ZBCa cité les propos de trois anciens combattants (partisans du parti au pouvoir) et d'un policier. Les propos du MCD n'ont toutefois pas été cités. Un des anciens combattants a déclaré :
Un groupe de 700 partisans du MCD sont venus et ont attaqué tous ces gens que vous voyez ici. Nous sommes ici pour protéger les lieux. Des personnes ont été attaquées à certaines reprises par des partisans du MCD et notre but est de protéger les blessés de même que la place où nous nous trouvons présentement. »117
Trois points importants n'ont pourtant pas été mentionnés dans le rapport de la ZBC :
- la personne qui a été tuée était un partisan du MCD;
- selon un policier cité dans un journal indépendant, les armes à feu mentionnées servaient légalement pour la chasse; et
- les locaux où la confrontation s'est produite avaient été utilisés par les anciens combattants pour incarcérer et torturer des partisans de l'opposition et certains de ces anciens combattants ont par la suite fait face à des accusations pour ces actes criminels.
Le rapport télévisé a réussi à transmettre effectivement le contraire de ce qui s'était produit, même si la vérité était ouvertement connue. S'agit-il d'un rapport non professionnel ou d'une incitation à la violence envers l'opposition?
Un tel cas aurait évidemment être porté à l'attention d'un organisme de réglementation, mais il n'en existait aucun, pas plus qu'il n'existait d'organisme indépendant d'observation des médias. Les pouvoirs de la commission chargée de la surveillance de l'élection, d'autre part, avaient été subi par des modifications législatives de dernière heure juste avant l'élection. Il n'existait donc aucun recours permettant de tirer les choses au clair et les organismes de réglementation, les processus de plaintes et le droit de réplique sont perçus comme étant tous des mesures encombrantes et agaçantes pour les médias. Cet exemple du Zimbabwe démontre cependant les conséquences que l'absence de tels processus peut avoir.