Les projets non gouvernementaux de surveillance des médias utilisent différentes méthodes pour s'organiser, pour publier leurs constatations et pour déterminer ce qui doit être surveillé ou non. Dans bien des cas les projets de surveillance des médias ont été mis sur pied dans les démocraties en voie de transition pour déterminer le rendement des médias financés par l'État relativement au respect de leurs obligations de faire des reportages justes et de fournir des programmes d'accès direct équitables. Dans un tel cas, les normes utilisées par les surveillants pour juger les médias sont dictées par la loi nationale électorale ou contenues dans des lignes directrices internationales. De plus en plus, les surveillants des médias examinent les médias publics et privés. Les obligations des médias privés peuvent en partie être contenues dans une loi, mais elles sont fondées principalement sur l'éthique journalistique.
Pour atteindre une certaine crédibilité, la surveillance des médias doit être minutieuse et exhaustive. En pratique cela veut dire que toutes les nouvelles, les affaires courantes et les autres programmes sur les élections doivent avoir une couverture, ainsi que le matériel équivalent dans la presse, s'ils font aussi l'objet d'une surveillance. L'équipe qui assure la surveillance doit connaître toutes les langues utilisées lors des émissions, ainsi qu'avoir une compréhension des politiques du pays - y compris les nuances politiques ce qui échappe à la plupart des étrangers. En pratique, cela veut dire que les surveillants doivent être des nationaux. Mais en même temps ils doivent etre impartiaux - et être perçus comme étant impartiaux. Cela présente plus de difficultés dans une démocratie en voie de transition. Les jeunes surveillants sont hautement motivés - et ils doivent l'être à cause du processus long et fastidieux - et peuvent être sympathiques à un parti politique plutôt qu'à un autre. (Lors d'un projet de surveillance des médias dans une démocratie en voie de transition, de jeunes surveillants mettaient en marche leur enregistreuse et se hâtaient d'assister à des ralliements et des manifestations.) Ce type d'activisme politique doit être abandonné pour la durée du projet.
La surveillance de la presse écrite est relativement simple étant donné que les journaux peuvent être lus en tout temps. La surveillance des émissions pose de sérieux problèmes de logistique parce qu'elles doivent être visionnées au moment où elles passent. Cette surveillance se fait généralement en personne, bien que les surveillants peuvent toujours prendre note de tous les articles qui ont été examinés et conserver les rubans magnétiques pour la durée du projet, ce qui leur permet de vérifier les constatations plus tard. Il s'agit là d'une façon de surveiller les émissions qui passent à des temps moins commode du jour et de la nuit.
Chaque article surveillé - un bulletin de nouvelles ou une nouvelle idée dans le journal - est inscrit sur un formulaire. De plus en plus les renseignements ainsi inscrits sur ces formulaires sont ensuite emmagasinés dans une base de données informatique. Le processus de générer des graphiques et des tableaux statistiques est ainsi plus rapide. Cela permet également de faire de la recherche, par exemple, l'importance que chaque média a accordé à un parti ou à des questions. Ou encore on peut l'utiliser pour identifier les sources qu'utilisent les médias (et leur nombre).
Les surveillants examinent trois domaines principaux :
L'analyse quantitative : ce qui signifie tout simplement mesurer le nombre d'articles consacrés à chaque parti et candidat, et leur durée en temps (ou la largeur des colonnes). Cela peut également vouloir dire compter et identifier les sources des événements. Cette fonction est importante puisqu'elle permet de mesurer l'équilibre avec objectivité. Les surveillants peuvent également compter le nombre d'articles sur différentes questions : l'économie, la réforme constitutionnelle, le crime, la violence politique, ou toute question connexe du jour. Dans le cas de programmes d'accès direct, les surveillants n'examineront pas seulement si les partis reçoivent le temps auquel ils ont droit, mais l'heure de l'émission. La date et l'heure de parution de la nouvelle est également important - le grand ralliement du chef de l'opposition a-t-il été relégué à une grille de nuit ou aux petites heures du matin?
L'analyse qualitative : la quantité n'est pas à elle seule une indication des forces et des faiblesses de la couverture médiatique. Il ne suffit pas de se plaindre que le parti au pouvoir reçoit plus de couverture médiatique que l'opposition - il peut y avoir de bonnes raisons, comme par exemple l'appui populaire dont il jouit. Dans le même ordre d'idée, tout simplement compter le nombre d'articles peut cacher le fait que le quotient de couverture de certains partis peut comprendre des articles qui les font paraître sous leur mauvais jour. Par exemple, en Afrique du Sud avant les élections de 1994, les réseaux de l'État ont tenu à compiler des statistiques sur la couverture des partis, ce qui a démontré que le Congrès national d'Afrique (African National Congress) à ce moment-là dans l'opposition, recevait une couverture intense. Pourtant, cette proportion comprenait une couverture très négative, comme le reportage sur le procès de Winnie Mandela pour enlèvement. Les statistiques à leur état naturel ne disent donc pas tout.
Les statistiques sur les sources peuvent en dire long relativemennt à l'équilibre, mais pas nécessairement relativement aux préjugés. Une histoire qui provient d'une seule source n'est pas équilibrée, mais elle n'est pas nécessairement biaisée. Si le gouverneur de la Banque centrale annonce une hausse des taux d'intérêts, il s'agit là d'une nouvelle pure et simple; elle n'a pas besoin d'être corroborée. (Les bonnes pratiques de journalisme laissent entendre qu'un commentaire fait par des partis politiques et des experts indépendants à la fois peuvent être utiles.) D'un autre côté, un reportage sur la violence politique qui ne serait cité que par un seul parti serait probablement un préjugé.
Les surveillants vont aussi analyser le contenu du matériel pour éduquer les électeurs pour s'assurer qu'ils ne contiennent aucun message politique. Ils voudront souvent comparer le traitement que réserve les services de langue différente à une même histoire. En Afrique, plus particulièrement, il existe souvent une différence remarquable dans le contenu des émissions dans les langues colonisatrices - l'anglais, le français ou le portugais - et dans les langues indigènes. La première est utilisée jusqu'à un certain point pour consommation externe. Les réseaux et les politiciens prennent souvent pour acquis que les surveillants indépendants n'écoutent pas ce qui se dit dans leur langue. D'où un autre avantage de la surveillance des médias.
Toutes les analyses de préjugés sont subjectives jusqu'à un certain point. Toutefois, on peut utiliser diverses méthodes pour obtenir une évaluation aussi objective que possible. Les surveillants des médias vont mesurer les préjugés en comparant les reportages médiatiques à leur compréhension personnelle des événements à partir de sources variées. Ils peuvent donc «surveiller les sources» : les surveillants des médias peuvent eux-mêmes assister à un événement important digne de faire la nouvelle, comme un ralliement politique ou une conférence de presse, afin de constater par eux-mêmes si la couverture médiatique se compare avec leur perception personnelle. L'Internet facilite la comparaison de la couverture nationale avec les reportages internationaux. Les deux ont parfois très peu en commun.
Analyse de discours : l'évaluation des messages implicites contenus dans les couvertures médiatiques peut être à la fois importante, difficile et hautement litigieuse. Sous ce titre on retrouve toutes les subtilités de la langue et de l'image que transmet un message qui est compris par les spectateurs, mais parfois de façon inconsciente. Ceci peut être démontré par l'utilisation des mots diffusés ou imprimés. Par exemple, les médias qui favorisent le gouvernement peuvent rapporter que le Président a fait une «déclaration» alors que son adversaire dira qu'il a «fait des allégations». Même les reportages inexacts peuvent influencer les perceptions de l'auditoire de manière inappropriée. Avant l'élection de 1994 en Afrique du Sud, les surveillants ont noté que les reportages sur les manifestations du Congrès national africain mentionnait toujours le montant d'ordures laissées derrière par les participants. Le message était à l'effet que ce Congrès était perturbateur et irresponsable. Les nouvelles étrangères peuvent être utilisées pour encourager une interprétation particulière d'une nouvelle domestique. Au Malawi, en 1994, l'émission sur les partis de l'opposition sur le réseau de l'État a paru à peu près en même temps que les nouvelles sur le génocide au Rwanda. Le message subliminal laissait entendre que mettre fin à la «stabilité» que peut apporter un parti unique pouvait mener à une effusion de sang.
Le vocabulaire utilisé à la télévision est visuel et complexe. Les personnalités reconnues comme étant en autorité - comme les politiciens sortants - peuvent être présentés sous leur meilleur jour, alors que d'autres seront présentés sous un angle qui ne les avantage pas. Les personnalités représentant l'autorité vont surtout s'adresser directement à la caméra plutôt qu'aux téléspectateurs. Les personnes ordinaires qui sont interviewées - les membres de l'opposition, les syndicalistes, le public - le sont habituellement dans une aire ouverte. Les membres du gouvernement le seront à partir de leur bureau, souvent en train de remuer des papiers et visiblement occupés à des activités urgentes et importantes. La toile de fond, un bureau, tend à souligner l'autorité et l'expertise de la personne interviewée. Et ainsi de suite.
Même les graphiques et les logos qui accompagnent un bulletin de nouvelles peuvent transmettre un message. En Afrique du Sud, en 1993, le graphique utilisé lors d'une émission télévisée sur l'histoire des négotiations politiques montrait deux hommes blancs et un homme noir. Ce logo a été changé plus tard pour montrer un homme blanc, une femme blanche et un homme noir. Aucun ne reflétait la composition actuelle des négotiations. Encore plus flagrant, aux élections de l'an 2000 au Zimbabwe, un programme télévisé spécial sur les affaires courantes au cours de la campagne utilisait comme logo la tour des ruines du Grand Zimbabwe - exactement le même symbole que le parti au pouvoir.
La manière de faire rapport des constations demeure une partie essentielle de la méthodologie de surveillance des médias. La pratique varie selon le projet. Un modèle populaire est de faire rapport après que l'élection est finie, comme le font plusieurs projets de surveillance des élections ordinaires. Le plus grand désavantage de cette approche est que bien qu'il puisse fournir des raisons pour questionner l'équité de l'élection, il n'aura aucune influence sur la couverture réelle. Les projets de surveillance qui font rapport alors que la campage se déroule espéreront influencer positivement la qualité du journalisme. Les intervalles réguliers entre les reportages varient. Les rapports sont généralement fait une fois la semaine mais un projet de surveillance au Kenya en 1997 a commencé à faire rapport sur une base mensuelle bien avant l'élection et a ensuite fait rapport sur une base hebdomadaire au fur et à mesure que la campagne s'intensifiait. En l'an 2000 au Zimbabwe, les reportages initiaux étaient d'abord faits sur une base hebdomadaire et sur une base quotidienne lors des deux dernières semaines de la campagne. Dans tous les cas, es projets de surveillance doivent cependant produire un rapport final lorsque l'élection est terminée; ce rapport doit contenir l'ensemble de leurs constatations.
Pour plus de détails sur la méthodologie de surveillance des médias, voir ARTICLE 19: Media Monitoring Manual, Observation des médias - Malawi , Russia: EIM Report 2000 et Tanzania: Media Monitoring Report, 2000 sur les différentes approches à la surveillance des médias et Zimbabwe: Media Monitoring Report, 2000 pour différents modèles de reportages de surveillance des médias.