Les médias jouent un rôle clé dans les élections, non seulement parce qu'ils examinent minutieusement les actions du gouvernement, mais parce qu'ils s'assurent que les électeurs ont toute l'information nécessaire pour faire un choix éclairé et démocratique. Les gouvernements ont une obligation importante de ne pas entraver ces devoirs des médias. De plus, et d'une grande importance, les gouvernements ont l'obligation de faciliter le pluralisme des médias afin de présenter au public une grande variété de sources d'information. De fait, cette obligation, contenue dans l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, garantit la liberté d'expression et la liberté d'information, mais ne s'applique qu'aux gouvernements et certainement pas aux organisations médiatiques individuelles.
Dans ses «Commentaires généraux»sur l'article 19 du Pacte, le Comité sur les droits généraux de l'homme a déclaré qu'à cause de l'évolution des médias de masse modernes, il est devenu nécessaire d'établir des mesures efficaces pour prévenir le contrôle des médias qui aurait pour résultat d'entraver le droit de tous à la liberté d'expression. 5
C'est dans cette même veine que la Cour suprême du Zimbabwe a conclu que, sur la base de la liberté d'expression, le monopole dont jouit la Corporation para-État des Postes et des Communications est inconstitutionnel. La Cour a démontré que la protection de la liberté d'expression s'applique, non seulement au contenu de l'information, mais aussi au moyen de transmission et de réception de l'information. Une restriction imposée à l'égard des moyens de transmission et de réception entrave nécessairement le droit de recevoir et de transmettre l'information. Tout monopole a l'effet, quelque soit son objectif, d'entraver le droit de recevoir et de communiquer des idées et de l'information, et viole conséquemment la protection de ce droit. 6
Une certaine jurisprudence venant de pays aussi diversifiés que le Ghana, le Sri Lanka, le Bélize, l'Inde, Trinidad et Tobago et la Zambie souligne les points jumeaux que les monopoles médiatiques constituent une forme inacceptable d'interférence dans la liberté d'expression et que les médias financés à même les deniers publics ont l'obligation de transmettre des points de vue autres que ceux du gouvernement du jour. Un nombre de jugements (Zambie, Bélize et Trinidad et Tobago) se réfèrent aux droits des adversaires du gouvernement à se faire entendre dans les médias publics. Ce droit s'étend également à d'autres types de minorités. La recommandation qui suit est tirée d'un rapport des Nations-Unies sur les droits des minorités.
«Les membres de divers groupes devraient jouir en paix du droit de participer, conformément à leur propre culture et langue, dans les affaires culturelles de la communauté, de produire de d'apprécier les arts et les sciences, de protéger leur héritage culturel et leurs traditions, de posséder leurs propre médias et autres moyens de communication et d'avoir accès, sur une base d'égalité aux médias de l'État ou à ceux financés par les médias publics. 7»
Il importe de souligner que le rôle des médias n'est pas simplement un véhicule d'expression du sens strict. Les médias sont surtout importants comme moyen de permettre au public d'exercer ses droits de liberté à l'information. Les médias jouent un rôle de chien de garde dans toutes les activités du gouvernement et autres institutions puissantes. Il est évident qu'ils ne peuvent jouer ce rôle s'ils doivent être loyaux au gouvernement ou au parti au pouvoir. Les lignes directrices détaillées émises par les Nations Unies et reflétant les meilleures pratiques internationales sur le pluralisme et l'accès aux médias sont celles produites par l'Autorité de transition des Nations-Unies au Cambodge. (voir Cambodia: Guidelines of UN Transitional Authority on Media and Elections) Ces lignes stipulaient que «l'appartenance des médias indépendants et libres doit être diversifiée et doit promouvoir et protéger la démocratie tout en offrant des possibilités et des moyens pour le développement économique, social et culturel.» 8
Dans une déclaration de référence d'une autorité des Nations Unies, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Abid Hussein, a conclu dans son rapport annuel de 1999 : «Le respect et la promotion de certains principes fondamentaux favorisent l'exercice du droit de rechercher, recevoir et répandre des informations. Ces principes sont : les situations de monopole en matière de médias doivent être évitées dans l'intérêt de la pluralité des choix et des points de vue; la responsabilité qui incombe aux médias contrôlés par l'État ne doivent pas servir d'organes de promotion ou de propagande au profit d'un seul parti politique ou du gouvernement en place, au détriment de tous les autres partis ou groupements.» 9
Le Rapporteur spécial a également dressé une liste de séries d'obligations de l'État puis que «dans le souci de garantir le maximum d'informations aux électeurs, l'État doit accorder le plus de latitude possible aux médias» :
- les couvertures médiatiques ne doivent pas être préjugées ni discriminatoires;
- aucune censure des programmes électoraux n'est tolérée;
- les déclarations provocantes n'engagent pas la responsabilité des médias; le droit de réponse est assuré;
- la distinction est nettement établie entre les bulletins d'information et les conférences de presse dans le cadre des fonctions ou activités des membres du gouvernement, en particulier s'il s'agit de membres candidats à des élections;
- le temps d'antenne en direct doit être réparti selon des critères d'équité et de parité;
- les programmes doivent prévoir une chance égale à tous les candidats de débattre leur programme respectif et aux journalistes de les interroger;
- les médias contribuent à l'éducation des électeurs;
- les programmes doivent cibler les groupes traditionnellement défavorisés; ces groupes peuvent comprendre les femmes et les minorités ethniques et religieuses.
Pour consulter le texte intégral des recommandations du Rapporteur spécial, voir UN Rapporteur on Freedom of Expression: Report 1999.