Le principe de l’équité est une composante essentielle d’une élection intègre. Le traitement de tous les participants doit être équitable et les mesures pour protéger l’intégrité doivent s’appliquer à tous les participants et à l’ensemble du processus. Pour y arriver, il faut respecter trois normes de base :
- un cadre législatif acceptable;
- une administration neutre;
- un traitement équitable.
Cadre législatif acceptable
Le système électoral repose sur un cadre législatif. Pour protéger l’intégrité électorale, ce cadre doit assurer les principes d’une élection libre, juste et compétitive. Il doit être non partisan et définir les droits et les pouvoirs de tous les participants au processus électoral de façon juste et impartiale; il doit aussi prévoir des mesures institutionnelles (la surveillance, l’application de la loi et un système de freins et de contrepoids) susceptibles de garantir l’intégrité. Ce cadre législatif, avec ses lois et ses règlements, doit garantir le traitement équitable de tous les participants au processus électoral.
Un cadre législatif qui est rédigé clairement et avec précision fait en sorte que ces dispositions ne soient pas ambiguës et qu’elles soient interprétées selon l’esprit de la loi. Un cadre législatif à jour qui reflète la situation actuelle du pays, par exemple en prescrivant la délimitation des circonscriptions selon le principe de l’égalité des suffrages, peut éviter beaucoup des problèmes d’intégrité.
Administration neutre
Le cadre législatif et institutionnel n’est intègre que dans la mesure où sa mise en œuvre est adéquate. Les autorités électorales sont responsables de la mise en œuvre du processus électoral tel qu’il est prescrit par la loi. Elles doivent accomplir leurs tâches de manière impartiale et objective, sans ingérence politique.
Une administration neutre traite tous les partis politiques et tous les candidats équitablement, sans discrimination ou traitement de faveur. La perception d’une administration partisane peut anéantir la confiance du public dans le système.
Les systèmes électoraux peuvent adopter une variété de mesures pour assurer la neutralité de l’administration. Dans les pays où les citoyens ont confiance dans l’impartialité du gouvernement, c’est souvent lui qui administre les élections. C’est le cas par exemple pour la France, la Norvège ou la Suède, où l’administration électorale est confiée à des responsables gouvernementaux aux échelons national ou local [1] . Dans les pays qui ont connu une histoire de manipulation du processus, il peut être opportun d’adopter un système qui prévoit une commission électorale indépendante et qui isole l’administration électorale de l’influence du parti au pouvoir. Plusieurs pays d’Europe de l’Est ont institué des commissions indépendantes au moment de leur transition démocratique dans la période 1989-1990 [2] . Un tel système permet d’instaurer un climat de confiance et d’impartialité des élections.
Toutefois, même si plusieurs spécialistes de l’observation électorale considèrent que les commissions électorales indépendantes garantissent une responsabilisation accrue de l’administration, cette indépendance ne peut être réalisée sans l’isolation de toute ingérence politique [3] .
Faute de pouvoir trouver des personnes reconnues comme impartiales, il existe une solution qui consiste à assurer un équilibre politique en intégrant des représentants des différents partis au sein de l’administration électorale. Cette représentation sert à contrôler et à équilibrer l’administration. Plusieurs systèmes adoptent une combinaison de ces deux mesures, soit une commission indépendante et un équilibre politique.
Certains systèmes tentent d’assurer la neutralité des principaux administrateurs électoraux en les retirant du milieu politique. Ils peuvent être nommés pour un nombre fixe d’années, sans que le gouvernement puisse les relever de leurs fonctions sauf par des moyens extraordinaires, comme une instance judiciaire. En Inde par exemple, la commission électorale est un organisme permanent de l’organisme constitutionnel. Le commissaire électoral principal et les commissionnaires électoraux sont nommés par le président pour six ans ou jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 65 ans. Le commissaire électoral principal ne peut être relevé de ses fonctions que sur destitution par le Parlement.
D’autres systèmes défendent aux principaux administrateurs électoraux de prendre part à la politique. Au Canada, le directeur général des élections et le directeur général adjoint des élections n’ont pas le droit de vote à une élection fédérale. On peut aussi demander aux administrateurs électoraux d’abandonner leur poste au sein d’un parti politique pendant qu’ils sont en fonction au sein d’un organisme électoral.
Traitement équitable
Le traitement équitable, y compris le fait d’assurer à tous des chances égales et un accès égal, fait aussi partie d’une élection juste. Cela signifie que les administrateurs et les fonctionnaires électoraux traitent tous les participants équitablement et leur offrent les mêmes occasions de participer. Tous doivent avoir un accès égal à l’information, aux médias, aux électeurs, à une véritable procédure d’inscription, aux moyens de vote ainsi qu’aux mécanismes pour porter plainte.
Une exigence fondamentale de l’égalité est que toutes les parties doivent rivaliser dans des conditions égales. Dans la plupart des pays, il existe des partis dominants et les plus petits partis doivent redoubler d’efforts pour s’établir et transmettre leurs messages aux électeurs. Le niveau de leurs ressources humaines et financières est inégal, tout autant que le degré de leur évolution organisationnelle et leurs forces pour atteindre les électeurs. Même si les chances sont égales, l’inégalité des ressources peut créer un sentiment d’injustice.
NOTES
[1] Guy S. Goodwin-Gill. Élections libres et régulières. Droit international et pratique, Union interparlemantaire, 1994.
[2] Ibid.
[3]
Au sujet de l’importance de l’administration électorale indépendante voir
Elklit, Jorgen et Andrew Reynolds, « The Impact of Election Administration on the Legitimacy of Emerging Democracies »,
Commonwealth and Comparative Politics, 40(2), (2002), p. 86-119; López-Pintor, Rafael,
Electoral Management Bodies as Institutions of Governance, 2000, New York : Programme des Nations Unies pour le développement; Mozaffar, Shaheen et Andreas Schedler, « The Comparative Study of Electoral Governance – Introduction »,
International Political Science Review, 23 (1),2002, p. 5-27; Pastor, Robert A., « The Role of Electoral Administration in Democratic Transitions : Implications for Policy and Research »,
Democratization, 6(4), 1999, p. 1-27.